École des Mines de Douai — FI1A Mathématiques Année 2009-2010
Corrigé du DM pour le 26 avril 2010
Problème
Ce problème consiste en la définition et l’étude de la notion d’espérance condition-
nelle. On se limite dans ce problème aux variables aléatoires discrètes, sachant que la
notion d’espérance conditionnelle s’étend aux variables aléatoires non discrètes (y com-
pris continues) au prix de quelques complications.
Soit Xune variable aléatoire discrète dont les valeurs possibles sont notées xn(nN)
et Aun événement de probabilité non nulle. On définit l’espérance conditionnelle de
Xrelativement à Apar
E[X|A] =
X
n=0
xnP({X=xn}|A)
ceci n’ayant bien évidemment un sens qu’en cas de convergence de la série. Si Xne peut
prendre qu’un nombre fini de valeurs, on adapte évidemment cette notion en remplaçant
la série par une somme ordinaire.
1. Existence.
1.1 On suppose que tous les xnsont positifs ou nuls et que la variable aléatoire X
admet une espérance. Cela signifie que la série numérique Pun, où un=xnP(X=xn),
est convergente.
Soit Aun événement de probabilité non nulle. L’espérance conditionnelle E[X|A]est
par définition la somme de la série Pvnvn=xnP({X=xn}|A). Il s’agit donc de
prouver que cette nouvelle série est encore convergente.
On a :
06vn=1
P(A)xnP({X=xn} ∩ A)
avec P({X=xn} ∩ A)6P(X=xn)puisque {X=xn} ∩ A⊂ {X=xn}. Ainsi,
06vn61
P(A)xnP(X=xn) = 1
P(A)
| {z }
cste
un.
Puisque la série Punest convergente et qu’il s’agit de séries à termes positifs, cette
majoration entraîne la convergence de la série Pvn, c’est-à-dire l’existence de l’espérance
conditionnelle E[X|A].
1.2 Soit Xune variable aléatoire telle que
X(Ω) = {(1)nn, n N}et nN, P (X= (1)nn) = C
n2
Cest une constante réelle.
Pour que cette loi de probabilité soit bien définie, il est nécessaire et suffisant que
nN, P (X= (1)nn)>0et
X
n=1
P(X= (1)nn) = 1
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c’est-à-dire que
nN,C
n2>0et
X
n=1
C
n2= 1.
On doit donc avoir C>0et Cζ(2) = 1 (on remarque que la convergence de la série ne
pose pas de problème puisque c’est, à une constante près, la série de Riemann d’exposant
2), c’est-à-dire C=1
ζ(2) =6
π2.
Montrons maintenant que Xadmet une espérance, c’est-à-dire que la série numérique
X
n>1
un, où un= (1)nn P (X= (1)nn), converge. Explicitons :
un= (1)nn6
π2
1
n2=6
π2
(1)n
n.
La série Punest une série alternée vérifiant les hypothèses du critère des séries alternées,
à savoir que (1)nun>0et que la suite (|un|)décroît vers 0.
Par conséquent, Punconverge, c’est-à-dire que E[X]existe.
() Remarque
Ce point est en fait discutable. La plupart des auteurs requièrent l’intégrabilité au sens
de Lebesgue de la variable aléatoire X. Dans ce contexte, cela signifierait la convergence
absolue de la série Pun, qui n’est évidemment pas vérifiée ici.
L’inconvénient de la semi-convergence employée ici est qu’elle est liée à l’ordre dans
lequel la sommation des termes est effectuée. Si ϕest une bijection de Ndans lui-
même (servant à «mélanger» les indices), la convergence de la série Punn’entraîne pas
nécessairement celle de la série Puϕ(n), sauf si la série Punest absolument convergente.
On dit qu’une telle série est commutativement convergente.
De ce point de vue, il peut effectivement paraître étrange, intuitivement parlant,
que l’existence de la moyenne est conditionnée par l’ordre qu’on a choisi pour énumérer
les valeurs possibles de X!
Calculons maintenant l’espérance de X:
E[X] =
X
n=1
un=6
π2
X
n=1
(1)n
n.
On se souvient que la série entière X
n>1
(1)n1
nxna pour rayon de convergence 1et que
sa somme Sest donnée par
x]1,1[, S(x) =
X
n=1
(1)n1
nxn= ln(1 + x).
Montrons que cette formule reste encore valable pour x= 1, grâce à la proposition 18 du
chapitre 9 consacrée à l’étude d’un problème sur le cercle d’incertitude.
On sait, d’après ce qui précède, que la série entière précédente est convergente au
point z0= 1 ; la fonction somme Sde la série entière est donc bien définie sur ]1,1].
D’après cette proposition 18 du chapitre 9, la fonction Sest continue sur cet intervalle,
et en particulier à gauche en 1:
X
n=1
(1)n1
n=S(1) = lim
x1
S(x) = lim
x1
ln(1 + x) = ln 2.
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Ainsi,
E[X] = 6
π2
X
n=1
(1)n1
n=6
π2ln 2.
1.3 Soit Al’événement A={X > 0}. On peut écrire la partition suivante
A=
[
n=1
({X > 0}∩{X= (1)nn})
avec
{X > 0}∩{X= (1)nn}=
si nest impair
{X=n}si nest pair.
La partition précédente s’écrit donc encore, si l’on omet les termes obtenus pour nimpair
et en posant n= 2kpour les autres :
A=
[
k=1
{X= 2k}.
Puisque c’est une partition de A, on a donc
P(A) =
X
k=1
P(X= 2k) = 6
π2
X
k=1
1
(2k)2=3
2π2
X
k=1
1
k2=3
2π2
π2
6
=1
4.
Si elle existe, l’espérance conditionnnelle E[X|A]est la somme de la série Pun
nN,un= (1)nn P (X= (1)nn|A).
Explicitons unpour déterminer in fine la nature de cette série :
un=1
P(A)(1)nnP ({X= (1)nn}∩{X > 0})
avec {X= (1)nn}∩{X > 0}=
si nest impair
{X=n}si nest pair
un=
0si nest impair
1
P(A)n6
π2
1
n2si nest pair .
Ainsi, un= 0 si nest impair et sinon, en posant n= 2k(en tenant compte de 1
P(A)= 4) :
u2k=4×6
π2
1
2k=12
π2
1
k.
À constante près, on retrouve donc le terme général de la série harmonique, qui est
divergente. Ainsi, E[X|A]n’existe pas.
1.4 Supposons que |X|admette une espérance. D’après un théorème de cours (chapitre
13 théorème 8), cela signifie que la série Xun
un=|xn|P(X=xn)
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est convergente.
Soit Aun événement de probabilité non nulle ; montrons que l’espérance conditionnelle
E[X|A]existe. Il s’agit donc de prouver que la série de terme général
vn=xnP({X=xn}|A)
est convergente. Montrons qu’elle est absolument convergente, en écrivant
06|vn|=|xn|P({X=xn} ∩ A)
P(A)=1
P(A)|xn|P({X=xn} ∩ A)61
P(A)|xn|P(X=xn)
puisque {X=xn} ∩ A⊂ {X=xn}. Ainsi
06|vn|61
P(A)
| {z }
cste
un.
Puisque la série Punest convergente, il en est de même de P|vn|. Ainsi, la série Pvnest
absolument convergente donc convergente, et E[X|A]existe.
2. Couple de variables. On considère cette fois deux variables aléatoires Xet Y.
2.1 Supposons que Xet Ysont indépendantes et que E[X]existe ; et soit yY(Ω)
tel que P(Y=y)6= 0. Par définition, E[X|{Y=y}]existe si et seulement si la série Pun
converge, lorsqu’on a posé
un=xnP({X=xn}|{Y=y}).
Puisque Xet Ysont indépendantes, les événements {X=xn}et {Y=y}sont eux-mêmes
indépendants, et on a clairement
un=xnP(X=xn)
qui est le terme général d’une série convergente dont la somme n’est autre que E[X].
Ainsi, E[X|{Y=y}]existe et vaut simplement E[X].
2.2 Pour yY(Ω), l’espérance conditionnelle E[X|{Y=y}]a été définie à la ques-
tion 1. Cette quantité, si elle existe, dépend de y, c’est-à-dire de la valeur prise par la
variable aléatoire Y, c’est donc une fonction de y.
Si la valeur de Yn’est plus fixée, on peut alors définir Z=E[X|Y]comme la variable
aléatoire dont les valeurs possibles sont les espérances conditionnelles E[X|{Y=y}]pour
chaque yY(Ω). Cette nouvelle variable aléatoire apparaît donc comme une fonction de
Y. Sa loi de probabilité est décrite par
Z(Ω) = {E[X|{Y=y}], y Y(Ω)}
et, pour chaque zZ(Ω),
P(Z=z) = X
yY(Ω)
E[X|{Y=y}]=z
P(Y=y).
Autrement dit, on ajoute les probabilités d’apparition de chaque valeur yde Ytelle que
Z=zpour cette valeur y. Dit encore autrement, Zest une fonction de Y: elle s’écrit
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Z=g(Y). On ajoute alors les probabilités d’apparition de chacun des antécédents de z
par la fonction g.
3. Quelques propriétés
3.1 Théorème de l’espérance itérée. On suppose que E[|X|]existe, c’est-à-dire que la
série Pun, où un=xnP(X=xn), est absolument convergente, comme on l’a vu à la
question 1.4. Écrivons
Y(Ω) = {yk, k N}.
D’après cette même question 1.4, on sait que pour tout kNl’espérance conditionnelle
E[X|{Y=yk}]existe (la série qui la définit est absolument convergente).
Sous réserve d’existence et d’après la définition même de la variable aléatoire E[X|Y]
ainsi que le théorème relatif à l’espérance d’une fonction d’une variable aléatoire (chapitre
13, théorème 8),
E[E[X|Y]] =
X
k=0
E[X|{Y=yk}]P(Y=yk)
| {z }
vk
.
Il s’agit donc, pour prouver l’existence de cette espérance, de prouver la convergence de
la série Pvk. Explicitons le terme général :
vk=E[X|{Y=yk}]P(Y=yk) =
X
n=0
xnP({X=xn}|{Y=yk})!P(Y=yk)
=
X
n=0
xnP({X=xn}|{Y=yk})P(Y=yk)
=
X
n=0
xnP({X=xn}∩{Y=yk})
| {z }
un,k
.
Pour kNfixé, on a, grâce à l’inclusion {X=xn}∩{Y=yk}⊂{X=xn},
|un,k|6|xn|P(X=xn).
Puisque E[|X|]existe, ce majorant est le terme général d’une série convergente. Ainsi, la
série (à kfixé, toujours) X
n>0
un,k est absolument convergente.
De la même façon, si on fixe cette fois nN, on a
|un,k|=|xn|P({X=xn}∩{Y=yk})6|xn|P(Y=yk).
Comme |xn|est constant (vis-à-vis de k) et que la série PP(Y=yk)est convergente
(sa somme vaut 1), on en déduit que la série numérique X
k>0
un,k est elle aussi absolument
convergente.
Alors, d’après le théorème donné dans l’énoncé, la série Pvkest (absolument) conver-
gente, c’est-à-dire que E[E[X|Y]] existe. De plus, on peut permuter les deux symboles de
sommation :
E[E[X|Y]] =
X
k=0
X
n=0
un,k =
X
n=0
X
k=0
un,k
=
X
n=0
xn
X
k=0
P({X=xn}|{Y=yk})P(Y=yk).
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