Toucans
des gros becs particuliers
Toucans, calaos, même combat ? Rien à voir, mais pourtant que de
mélanges ! Clarifions un peu les ressemblances, mais aussi les différences
fondamentales entre ces deux familles dont le caractéristique bec énorme,
aussi grand que le corps, amène parfois à les confondre.
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Q
uand on les connaît, impossible de se trom-
per. Pourtant, à vouloir les décrire, la chose
n’apparaît pas si simple car ils présentent
effectivement bon nombre de points com-
muns : les toucans, comme les calaos, sem-
blent faits de trois morceaux à peu près iden-
tiques en longueur : la tête et le bec, le corps,
la queue ; dans leur plumage, le noir et le
blanc dominent souvent ; ils poussent des cris
puissants et adoptent un régime alimentaire
frugivore, avec un instinct de prédation, en
particulier des couvées, bien établi. Cepen-
dant, les grands toucans, de la taille d’une
pie, sont à peu près aussi volumineux que les
petits calaos. Leur bec, toujours simple (sans
corne ou relief), leur plumage lisse (ni crête,
ni aspect ébouriffé) et brillant (alors qu’il est
souvent terne chez les calaos) constituent les
premières approches visuelles. Nous ne par-
lerons pas couleurs car, si les toucans sont
généralement beaucoup plus colorés que les
calaos, certains de ces derniers peuvent s’e-
norgueillir de teintes remarquables. Malgré
leur port horizontal (vertical chez les
calaos), les toucans sont proches des pics
(alors que les calao suivent guêpiers et rol-
liers), mais surtout ils sont tous latino-amé-
ricains et forestiers tandis que beaucoup de
calaos habitent les savanes, et tous se rencon-
trent en Afrique, Asie, voire Australasie.
Calaos et toucans occupent donc toujours des
continents différents !
CALAO TOUCAN
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Ramphastos vitellinus
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En Savane, les Indiens les chassaient à la course d’un groupe d’arbre à l’autre, jusqu’à ce que, épuisés, ils
tombent au sol. Un type de battue encore plus facile à accomplir à cheval. Dans les frondaisons, ils se
montrent en revanche fort agiles, bondissant de branche en branche, vers le bas mais aussi vers le
haut. Ils semblent alors montés sur ressort, rebondissant dans toutes les directions fort rapi-
dement. Avant de s’arrêter brusquement pour observer qui un fruit, qui une proie acces-
sible. Ils peuvent aussi s’accrocher à de simples brindilles pour atteindre le fruit
suspendu ou aux longues tresses des nids en boules de certains ictéridés (Orioles)
dont ils dégustent volontiers les poussins. Ils chassent, parfois en groupes, lézards
ou insectes. Et les ornithologues apprécient fort peu la propension de certains à
consommer les passereaux pris dans les filets de baguage!
Leur grand bec, certains diront énorme en pensant au Toucan toco, possède
parfois une pointe tendue, mais toujours des serrations (dentelures) vers l’a-
vant. Elles jouent en quelque sorte le rôle de dents et comme elles sont par
ailleurs surtout connues chez les oiseaux de mer, il fut supposé par les pre-
miers scientifiques européens recevant les spécimens que ces oiseaux
étaient de gigantesques “martins-pêcheurs ! Malgré sa taille, l’appendice
demeure fort léger, avec un nombre limité de fines superstructures osseu-
ses et beaucoup de vide. Heureusement pour le vol et le port de la tête !
Ce bec, outil de préhension des fruits et arme de destruction des nids, qui
peut plonger au fond d’une cavité pour capturer des poussins, est aussi
une arme d’intimidation, en particulier pour les espèces qui constituent
les proies régulières de certains prédateurs, ou lorsqu’ils entrent en compé-
tition avec des congénères pour des fruits. Comme pour beaucoup de
maraudeurs, le toucan fait l’objet d’agression de la part des petits oiseaux,
et des tyrans (gobe-mouches) les harassent en se posant en vol sur leur dos
pour les griffer ou leur donner des coups de bec !
O
n distingue 34 espèces de toucans, de taille, formes et coloris pour le moins ver-
satiles, mais invariablement jolis. Leur centre de distribution serait la grande
forêt amazonienne où ils ont évolué dans la canopée. Mais leur vol ondulant,
assez lourd, leur permet tout juste, sur de longues distances, de limiter une
chute inexorable! Aussi, les grandes rivières, larges de plusieurs kilomètres, sem-
blent constituer des barrières infranchissables, et induisent une spéciation importante. Au
même titre que certaines chaînes de montagne. Et c’est ce qui explique leur absence remar-
quée d’un grand nombre d’îles, même proche des côtes.
TEXTE ET PHOTOGRAPHIES DE ROLAND SEITRE
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Ramphastos toco
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Aulacorhynchus prasinus
Si la forêt humide est leur domaine, même en
montagne jusqu’à la limite des arbres vers 3500
mètres, quelques espèces s’aventurent en forêt
sèche et une, le géant Toucan toco, a gagné les
îlots forestiers et forêts riveraines en savane. Ils
fréquentent aussi les forêts secondaires,
même jeunes, et généralement riches en
fruits, mais ne peuvent s’y établir pour un
simple problème de nidification. Car tous
nichent dans des cavités, variables selon
leur taille (souvent les plus petits y dor-
ment), généralement creusées par des pics.
Eux-mêmes ne peuvent tailler le bois.
Impossible donc de s’établir pleinement
dans une forêt aux arbres jeunes et sains.
Sauf s’ils peuvent profiter de quelques
vieux arbres creusés et sans valeur mar-
chande, parfois préservés! Pour la majo-
rité des espèces, la déforestation constitue
ainsi le handicap principal à leur présence.
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S’ils vivent en couples, beaucoup, grégaires, se ras-
semblent en groupes qui atteignent une vingtaine d’in-
dividus, capables de faire le tour des fruitiers de leur
territoire, attrapant de façon opportuniste insectes ou
petits oiseaux. On ne connaît pas à proprement parler
de migration de toucans, essentiellement faute de
recherches, mais on sait, et cela semble localement
régulier, que des milliers d’oiseaux passent par certai-
nes zones de la grande forêt amazonienne, suivant pro-
bablement le cycle des fructifications. Comme la diges-
tion d’un gros fruit bloque toute la capacité du tube
digestif durant une vingtaine de minutes, l’oiseau n’a
d’autre choix que d’attendre, s’occupant de son plu-
mage ou de celui de son voisin. Avec leur grand bec,
pas facile d’atteindre tous les points de son corps!
Merci donc au fidèle conjoint… On se retrouve aussi
au bain, plus souvent pris en l’air, dans la vasque d’une
branche, qu’au sol. Malgré son alimentation frugivore,
le toucan boit régulièrement et l’entre-feuille des gran-
des broméliacées représente à cet égard un libre-service
parfait. Compte tenu de leur rôle de consommateur de
fruits, ils jouent un rôle dominant dans la dispersion
des graines à travers les forêts sud-américaines.
Socialement, les sons s’avèrent essentiels. Ils asso-
cient claquements de bec, grognements, cris ou siffle-
ments parfois très puissants. Des vocalises qui sont
bien sûr aussi associées aux parades, au cours desquel-
les les toucans essaient différentes postures mettant en
valeur taches de couleur ou zones de plumes partielle-
ment érigées. Leur reproduction a lieu dès l’âge de
deux ans pour les femelles, et trois pour les mâles chez
les grandes espèces du moins. S’ils sont associés par
force aux cavités des pics, ils trouveront l’indispensa-
ble nid là où ils peuvent, y compris s’il le faut en chas-
sant le malheureux ouvrier. Mais les Toco peuvent
aussi aller jusque dans les termitières du sol, où les
Colaptes (genre de pics verts terrestres) ont précédem-
ment creusé. S’ils ne peuvent creuser le bois, ils s’ap-
pliquent cependant à nettoyer le nid des zones pour-
ries et donc meubles. Ils vont défendre le foyer contre
des prédateurs potentiels et un couple de Toucans
tocards a été observé chassant à coup de bec un kinka-
jou, carnivore pourtant redoutable. Nombre d’aigles
capturent cependant des adultes et ces oiseaux plus
grands qu’eux demeurent probablement leurs seuls
véritables prédateurs. En revanche, les singes capucins
qui parviennent au nid mangent les couvées et il est
probable que les boas fassent de même, ainsi que cer-
oiseaux exotiques, Décembre 2005
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UN PEU D’ANATOMIE
Rail de guidage
Crénelures
Rhamphothèque (enveloppe cornée qui s’em-
boite sur l’os) d’un toucan
Rhamphastos tuca-
nus
. En haut : vue latérale (noter le schéma de
coloration et les crénelures des bords du bec) ;
au centre : vue de l’intérieur de l’enveloppe de la
mâchoire supérieure montrant les crénelures
latérales et le rail de guidage central ; en bas :
vue du maxillaire (os sans la rhamphothèque).
D’après Léonid P. KORZUN, Christian ÉRARD,
Jean-Pierre GASC & Félix J. DZERZHINSKY in
Alauda, 72 (4), 2004 : 259-280.
© Photo Roland Seitre© Photos Léonid P. Korzun
et al.
Ramphastos sulfuratus
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