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AUTOUR DE L’IMMUNOTHERAPIE SPECIFIQUE
N° 23 - Juin 2005
Mécanismes d'action
de l'ITSL
Interview du Pr T. Bieber,
Université de Bonn (Allemagne).
DOSSIER CLINIQUE
Coût des rhinites et
de l’asthme allergiques.
CAS CLINIQUE
Une double ITS sublinguale ?
Vos demandes documentaires sur l'allergologie en 72h
par téléphone : 01 55 59 23 00 (10h-12h / 14h-16h)
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www.stallergenes.fr
Bienvenue dans le numéro d’été d’Expressions. En complément des rubriques habituelles, ce numéro comprend deux
dossiers principaux qui traitent de l’aspect pharmaco-économique de l’immunothérapie spécifique et des dernières
découvertes sur ses mécanismes d’action. Dans la transition
de l’activité cellulaire Th2 vers l’activité Th1, les deux points
principaux sont la présentation de l’allergène aux cellules
naïves Th0 et le milieu des cytokines dans lequel elle a lieu.
Le dossier scientifique présente une revue des récents articles décrivant les mécanismes d’action possibles de la voie
sublinguale. Il met en avant d’importantes différences, non
seulement entre l’immunothérapie sublinguale (ITSL) et les
autres formes de médication sublinguale mais également
entre l’ITSL et l’immunothérapie sous-cutanée (ITSC). Deux
éléments particulièrement importants sont la nature des cellules dendritiques de la muqueuse buccale et le rôle régulateur des lymphocytes T. Les lymphocytes T Reg stimulent la
production des IgG4 et des IgA et sécrètent des cytokines qui
concourent à la production de cellules Th1 plutôt que Th2.
Le rapport coût-efficacité devient une priorité dans la délivrance de soins tandis qu’une institution comme NICE
(National Institute of Clinical Excellence) au Royaume-Uni,
émet des recommandations fondées non seulement sur l’efficacité et l’innocuité mais également sur les conséquences
financières du traitement. Il est rassurant de noter qu’un faisceau d’arguments atteste de la rentabilité de la mise en œuvre
d’un programme d’immunothérapie spécifique. Les principales
économies proviennent d’une diminution du traitement médicamenteux de la rhinite. Il a également été démontré que l’immunothérapie réduisait le développement d’allergies multiples
(polysensibilisation) et d’asthme, ce qui a des conséquences
financières bénéfiques non seulement pour l’offre de soin mais
également pour les patients et leurs familles. Étant donné la prévalence actuelle des pathologies allergiques, même les économies modestes représentent des sommes importantes à
l’échelle du pays. Comme l’immunothérapie devient plus
simple et plus largement utilisée, des progrès supplémentaires peuvent être attendus.
Sommaire
FAITS MARQUANTS
4
DOSSIER CLINIQUE
Coût des rhinites et de l’asthme allergiques.
Interview d’A. Chicoye, Aremis consultants
6
(France).
DOSSIER SCIENTIFIQUE
Mécanismes d’action de l’ITSL.
Interview du Pr T. Bieber, Université de Bonn
(Allemagne).
CAS CLINIQUE
Une double ITS sublinguale ?
8
12
PAROLE À
• Interview du Pr C.H. Katelaris, Département
d’Immunologie, Sydney (Australie).
• Résumé des temps forts de l’AAAAI
San Antonio (États-Unis) 8-22 mars 2005.
13
REVUE DE PRESSE
14
Professeur Johannes Ring
Expressions Stallergènes Département Communication
Directeur de la publication : Inès Hammer. Rédacteur en chef : Maryline Poyo. Membres du
comité éditorial : Claude André, Riad Fadel, Franco Frati, Inès Hammer, Sébastien Iva, Lionel Julliand,
Stephan Kerkojus, Philippe Moingeon, Maryline Poyo, Paola Puccinelli, François Saint-Martin, Adnan
Tanovic, Thao Tran Xuan. Réalisation : Zebra Santé. Responsable de la rédaction : Hélène Cattoire.
Secrétaire de rédaction : Caroline Pelicot. Conception graphique : Michel Molinari. Photos :
Banana stock (p 6), Bsip (p 1), Corbis stock Market (p 4, 10, 12), Getty-images (p 4, 5, 6, 13).
FAITS MARQUANTS
« L’aliment peut (ou non) contenir des traces d’arachide»
L’industrie alimentaire est, plutôt à juste titre, sous la surveillance constante du grand public et des institutions.
L’Union européenne subventionne actuellement un projet
appelé «InformAll», qui attache une attention particulière
à la valeur de l’étiquetage alimentaire. Un étiquetage
insuffisant pénalise ceux qui souffrent d’allergie. Même
si les allergiques connaissent les aliments à éviter pour
prévenir des réactions potentiellement fatales, les étiquettes qui leur sont proposées peuvent ne pas être tout
à fait exactes. Que les fabricants ne puissent éviter la
contamination de leurs produits ou bien qu’ils désirent
éviter des recours légaux coûteux, la tendance s’oriente
vers un étiquetage de précaution. En ajoutant des mentions comme « pourrait contenir de l’arachide », les fabricants peuvent priver inutilement les allergiques de sources nutritionnelles qui ne présentent aucun risque.
«InformAll» préconise une augmentation de l’effort international pour définir les niveaux seuils d’allergènes qui
peuvent provoquer des réactions et une amélioration des
méthodes de détection des contaminants potentiellement dangereux afin que les étiquettes alimentaires
fournissent aux consommateurs des informations précises et utiles.
Mills E et al. Allergy 2004 ; 59 (12) : 1262-8.
Pourquoi l’allergie au cyprès augmente-t-elle ?
La première mention d’allergie au cyprès remonte
seulement à 1945. L’allergie au cyprès n’a pas été
signalée en France avant 1962 et pourtant, les cyprès
comme le Cupressus sempervirens, font probablement partie du paysage méditerranéen depuis au
moins aussi longtemps que la civilisation elle-même.
Pourquoi l’incidence des rhinites allergiques saisonnières dues au cyprès a-t-elle présenté une augmentation régulière au cours des soixante dernières
années ? Le Pr Charpin et ses collaborateurs accusent
les changements opérés en horticulture. Les cyprès
sont maintenant largement employés comme plantes
d’ornement, comme coupe-vent ou comme éléments
4
de haies dans des zones à haute densité de population. C’est pourquoi, s’ils reconnaissent l’intérêt de
l’immunothérapie spécifique pour réduire l’allergie
due au pollen de cyprès, les auteurs recommandent
que des mesures environnementales soient prises.
Ils conseillent d’éviter de planter ces arbres en ville
et suggèrent que l’élagage des arbres ou la taille des
haies ne soient pas entrepris pendant la saison pollinique. Ils suggèrent également la mise au point d’arbres hypoallergéniques qui pourrait offrir un compromis acceptable entre les amoureux des arbres et
ceux pour qui le pollen est un ennemi.
Charpin D et al. Allergy 2005 ; 60 (3) : 293-301.
Quel est le point commun entre les escargots et les acariens ?
La consommation d’escargots peut parfois entraîner des crises d’asthme ou des anaphylaxies. Habituellement, il
existe chez les mêmes personnes une allergie aux acariens de la poussière de maison. Martins et ses collaborateurs ont donc entrepris de déterminer la réactivité croisée des allergènes d’escargot, Helix aspersa (Hel a2),
Theba pisana (The p) et Otala lactea (Ota l) avec l'acarien Dermatophagoides pteronyssinus (Der p6). Ils ont découvert que deux allergènes principaux, Hel a2 et Der p6
étaient fortement inhibés par leurs extraits homologues. Chez l’animal, une
légère réactivité croisée a été détectée. La sensibilisation des personnes
allergiques à la consommation d’escargots apparaît généralement à l’occasion de l’émergence d’une allergie aux acariens. Cependant, chez quelques
patients, la sensibilisation peut être induite par la seule consommation
d’escargots. Chez 2 des 60 patients atopiques étudiés, une IgE spécifique au Hel a2 a été détectée mais pas d’IgE spécifique au Der p6.
Martins L et al. Int Arch Allergy Immunol 2005 ; 136 (1) : 7-15.
Protéine de fusion :
deux allergènes en un
Les acariens tropicaux ont des
allergènes de haut poids moléculaire
Kussebi et ses collaborateurs ont tiré avantage
du fait que si les IgE reconnaissent la configuration tridimensionnelle des allergènes, les
lymphocytes T, eux, reconnaissent la séquence
linéaire des acides aminés. Ils ont réussi à isoler deux allergènes principaux présents dans le
venin d’abeille et les ont combinés de manière
à laisser intactes leurs séquences linéaires
mais à modifier leur conformation physique
afin qu’elle ne soit plus reconnaissable par les
IgE spécifiques. Les deux allergènes Api m 1 et
Api m 2 ont été synthétisés en un peptide
unique par génie génétique. Il a été montré
qu’un pré-traitement des souris par la protéine
de fusion Api m (1/2) supprimait l'apparition
d’immunoglobuline IgE spécifique en réponse à
une exposition à l’allergène d’origine. Il a été
montré que la protéine de fusion déclenchait la
prolifération de lymphocyte T et une réponse
par des cytokines de type Th1 et Th2. Cependant, la réactivité de l’IgE était supprimée et la
dégranulation basophile comme la réactivité
des tests cutanés de type 1 étaient significativement réduites. Les auteurs ont conclu que
leur nouvelle protéine de fusion évitait la liaison
avec l’IgE, empêchant l’établissement de liaisons croisées entre l’IgE et les récepteurs
FcεεRI des mastocytes ou basophiles, bloquant
ainsi la production d’IgE par les lymphocytes B.
Dans les pays tropicaux, comme dans les pays plus tempérés,
le Dermatophagoides pteronyssinus est une cause courante
de rhinites et d’asthme allergiques perannuels. Cependant un
autre acarien, le Blomia tropicalis est la cause de problèmes
plus importants chez les personnes souffrant de troubles
respiratoires atopiques et vivant dans les pays tropicaux. Ceci
vient d’être démontré par Pereira et ses collaborateurs, qui ont
étudié les réponses anticorps des
patients atopiques pour chacune
de ces espèces d’acariens au
Brésil. Parmi 110 patients allergiques et 33 contrôles, les tests
cutanés ont montré que 56 %
présentaient une réponse positive à l’extrait de B. tropicalis,
51% étaient réactifs à la fois au
B. tropicalis et au D. pteronyssinus et 6 % étaient uniquement
sensible au B. tropicalis. Chez les patients sensibilisés, ils ont
trouvé des taux élevés d’IgE, d’IgG1 et d’IgG4 spécifiques au
B. tropicalis. Au Brésil, une forte proportion des allergies est
due au B. tropicalis et les patients qui en souffrent sont plus
souvent réactifs aux peptides de haut poids moléculaire du
B. tropicalis qu’aux principaux allergènes de bas poids moléculaire plus couramment employés. Les auteurs suggèrent
que ces peptides à haut poids moléculaire fassent prioritairement l’objet d’une recherche plus approfondie.
Kussebi F. et al. J Allergy Clin Immunol 2005 ; 115 (2) : 323-9.
Pereira E et al. Allergy 2005 ; 60 (3) : 401-6.
5
DOSSIER CLINIQUE
Coût des rhinites et de
l’asthme allergiques
L'allergie trop souvent sous diagnostiquée, incorrectement traitée et mal surveillée, est en constante progression. Parmi ses différentes formes d’expression, les
rhinites et l’asthme allergiques sont au premier plan.
PRÉVALENCE DE LA
RHINITE ALLERGIQUE
EN EUROPE : 23 % DE
LA POPULATION (1)
• France : 24,5%
• Belgique : 28,5%
• Allemagne : 20,6%
• Italie : 16,9%
• Espagne : 21,5%
• Royaume-Uni : 26%
Les répercussions des rhinites
et de l’asthme
allergiques sur la
qualité de vie des
patients et l’absentéisme professionnel ou scolaire sont souvent
sous-estimées (5,6).
La maladie allergique, un problème
de santé publique
n Europe, c’est environ 1 personne sur 5
qui souffre de rhinite allergique et ce chiffre
augmente régulièrement (1) : une étude
menée sur une cohorte d’étudiants a montré
que le pourcentage de sujets souffrant de rhinites
allergiques a été multiplié par 7 en un quart de siècle,
passant de 3,8 % en 1968 à 10,2 % en 1982 et à
28,5 % en 1995 (2).
Il est actuellement reconnu que les mécanismes
physiopathologiques de la rhinite allergique prédisposent et contribuent au développement d’un asthme,
raison pour laquelle leur approche thérapeutique est
en partie commune. Les patients atteints de rhinite ont
un risque 3 fois plus élevé que des sujets d’une population générale de développer un asthme (10,5% versus 3,6 %), la rhinite allergique constituant alors le
premier stade de l’histoire de la maladie allergique (3).
L’asthme est une maladie grave qui touche les
enfants et les jeunes adultes en particulier. On estime
que plus de 3,5 millions de français souffrent d’asthme dont 700 000 enfants (4). Il semble que sa prévalence augmente tous les ans de 3% chez l’adulte et
de 10% chez l’enfant ainsi que le nombre de cas graves dont environ 2 000 décès par an (4). Les répercussions des rhinites et de l’asthme allergiques sur la
qualité de vie des patients et l’absentéisme professionnel ou scolaire sont souvent sous-estimées (5,6) :
83,5% des patients souffrant de rhinites allergiques
se plaignent de fatigue, 87% d’entre eux présentent
des difficultés de concentration.
E
LA DÉFINITION DES COÛTS DE LA PATHOLOGIE
L’analyse des coûts d’une pathologie donnée est constituée par une évaluation
des coûts médicaux directs et indirects.
Les coûts directs sont les coûts qui se rapportent au domaine médical : honoraires médicaux, dépenses pharmaceutiques et explorations complémentaires.
Les coûts indirects sont constitués par l’ensemble des coûts liés aux répercussions professionnelles et pertes de productivité dus à la pathologie, aux conséquences sociales qu’elles engendrent, à l’altération de la qualité de vie (troubles
du sommeil et de l’alimentation) qu’elle provoque.
6
L’estimation des coûts de la
rhinite, de l’asthme allergiques et
l’association des deux pathologies :
encore peu de données
De nombreuses approches ont été adoptées pour évaluer l’impact économique de la rhinite et de l’asthme
allergiques avec des méthodologies très variables. Malgré le grand nombre d’études cliniques comparatives
menées dans cette direction, il existe aujourd’hui peu
d’études de coût-efficacité ; ces évaluations restent
difficiles à réaliser car il s’agit d’études prospectives.
Les études existantes sont des études rétrospectives
dont le recul n’est pas toujours important, ce qui rend
difficile l’évaluation du ratio coût-efficacité de l’ITS, car
l’efficacité doit être analysée après plusieurs années de
traitement (7).
Le poids économique de la rhinite allergique est élevé du
fait de sa forte prévalence et de son retentissement sur
la vie quotidienne des patients ; les résultats d’une étude
américaine indiquaient, pour une prévalence de 16%, un
coût représentant 0,2% des dépenses de santé (8).
Une étude du Boston Consulting Group, datant de 1991,
estimait le coût global annuel de l’asthme en France à
1,1 milliard d’euros, chiffre réestimé à 1,5 milliard d’euros en 2001 (9). Il est démontré que la consommation
médicale totale est plus élevée chez les patients asthmatiques que chez les patients non asthmatiques, phénomène lié à une augmentation des comorbidités chez
les patients asthmatiques. Les principaux facteurs du
coût de l’asthme qui ont été identifiés sont la sévérité et
l’ancienneté de l’asthme (9).
L’étude de Yawn (10) indiquait, en cas d’association des
deux pathologies, une augmentation des coûts de plus
de 46% par rapport à ceux évalués pour des patients
présentant un asthme isolé.
Intérêt de l’ITS dans la prise en
charge des maladies allergiques
La prise en charge thérapeutique de la rhinite et de
l’asthme allergiques est constituée par trois types de
mesures et traitements : l’éviction allergénique, les traitements pharmacologiques indispensables en phase
symptomatique pour agir efficacement sur les symptômes et réduire l’inflammation bronchique, et l’ITS seul
traitement «étiologique» de la maladie allergique (11). Les
résultats de la méta-analyse menée par Wilson (11)
ont confirmé les bénéfices observés au cours des
différentes études menées avec l’ITSL : efficacité
sur la symptomatologie allergique et réduction de la
consommation de médicaments anti-allergiques. Des
INTERVIEW…
Expressions. Pourquoi
mener des études pharmaco-économiques ?
Annie Chicoye. L’objectif des études pharmacoéconomiques est de mettre en relation le coût de
stratégies diagnostiques et thérapeutiques avec
leurs effets médicaux. Les résultats de ces études
sont intéressants à prendre en compte pour éclairer
une décision face à différentes alternatives thérapeutiques. Cette discipline a été initiée au départ en
Europe dans les années 1980 par une équipe anglosaxonne de York ; les premières études ont d’abord
concerné les médicaments dont les dossiers d’enregistrement contiennent de nombreuses informations
de qualité ; ce type d’évaluation peut constituer un
outil très utile pour les industriels. En Angleterre, le
NICE (National Institute for Clinical Excellence) créé
en 2000 a été chargé par le ministère anglais de la
santé (DOH) d’émettre des recommandations en
matière de stratégies thérapeutiques auprès des
acteurs du système national de santé (NHS). Parmi
les critères retenus pour ces recommandations, des
données pharmaco-économiques sont requises
(coût/année de vie sauvée ajustée par la qualité
notamment). Ce type d’approche a été adopté en
Suède, en Australie, dans différentes provinces canadiennes et par certains systèmes américains d’assurance. Actuellement, les évaluations du NICE ont une
influence notable dans certains pays européens.
E. Pharmaco-économie et immunothérapie spécifique (ITS) : où en est-on ?
A. C. L’ITS est particulièrement concernée par
cette question de la pharmaco-économie dans la
études de plus en plus nombreuses démontrent que
l’ITS constitue un véritable traitement étiologique des
pathologies allergiques en modifiant l’histoire naturelle
de la maladie (12,13,14,15) ; l’ITS permet de prévenir
l’apparition de nouvelles sensibilisations et réduit le
risque de développement, à long terme, d’un asthme.
(1) Bauchau et al. Eur Respir J 2004; 24: 758-764.
(2) Neukirch F. Resp Med 1995; 89: 689-92.
(3) Rachelefsky GS. Ann Allergy Asthma Immunol 1999; 82 (3): 296-305.
(4) Toully V et al. Droit et Pharmacie Actualités, 2001; 17: 903-1151.
(5) Bousquet J et al. J Allergy Clin Immunol 1994; 94(2 Pt 1): 182-8.
(6) Marshall PS et al. Ann Allergy 1993; 71(3): 251-8.
(7) Reed SD et al. 2004; 22 (6): 345- 61.
(8) Malone DC. et al. J Allergy Clin Immunol 1997 Jan; 99 (1 Pt 1): 22-7.
(9) Com-Ruelle L et al. CREDES report, Nov. 2002: n° 1397.
(10) Yawn LP et al. J Allergy Clin Immunol 1999; 103 (1 Pt 1): 54-9.
(11) Wilson DR. et al. Allergy 2005; 60(1): 4-12.
(12) Des Roches A et al. J Allergy Clin Immunol 1997; 99(4): 450-3.
(13. Pajno GB et al. Clin Exp Allergy, 2001; 31(9): 1392-7.
(14) Moller C et al. J Allergy Clin Immunol 2002; 109 (2): 251-6.
(15) Novembre E et al. J Allergy Clin Immunol 2004; 114(4): 851-7.
d’Annie Chicoye, Aremis consultants (France).
mesure où il s’agit d’un traitement a priori perçu
comme coûteux dont l’impact n’est véritablement
ressenti que sur le long terme. L’ITS est aujourd’hui
le seul traitement de l’allergie capable de modifier
le cours de la maladie. Il est donc intéressant de
rechercher si un traitement long et coûteux comme
l’ITS, qui ne va pas se substituer immédiatement et
totalement aux traitements symptomatiques, pourrait permettre de réduire les coûts à long terme
d’une rhinite persistante et de la survenue d’un
asthme. C’est la raison pour laquelle nous avons
initié depuis 2001, un travail extrêmement important en partenariat avec Stallergènes sur le coûtefficacité de l’ITS. Il s’agit d’un travail de modélisation articulé à partir des nombreuses données existantes autour de la rhinite allergique et de son lien
avec l’apparition ou la présence d’un asthme :
données épidémiologiques, preuves d’efficacité
clinique de l’ITS (impact sur les symptômes et
réduction de l’utilisation de traitements symptomatiques et de l’incidence de l’asthme).
E. Quels sont les résultats de l’étude
sur le coût-efficacité de l’ITS que vous
avez menée en France ?
A. C. L’analyse pharmaco-économique que nous
avons menée en France a concerné l’ITS sublinguale et deux populations de patients : les enfants
et les adultes. Il s’agit d’un travail de modélisation
avec un horizon de temps de 6 ans pour l’adulte et
de 7 ans pour l’enfant. Nous avons comparé l’impact d’un traitement ITS de 3 à 4 ans (versus pas
d’ITS) sur les deux types d’allergènes principalement en cause dans les manifestations respiratoires : les pollens et les acariens. Des résultats très
intéressants ont été obtenus en faveur de l’ITS versus pas de traitement chez l’enfant comme chez
l’adulte et avec les deux types d’allergènes considérés. Voici, par exemple, les résultats de l’analyse menée chez les adultes souffrant de rhinite
allergique liée aux pollens : les résultats ont montré à 6 ans, après l’initiation du traitement (trois
ans au plus chez l’adulte), un coût global (coûts
directs + coûts indirects c’est-à-dire intégrant les
arrêts de travail) de l’ITS de 1 546 € versus 1 769 €
en l’absence de traitement par ITS. L’efficacité de
l’ITS à long terme (6 ans après l’initiation du
traitement) qui est obtenue dans cette modélisation est également frappante avec + 350 /1000
patients améliorés sur le plan symptomatique et +
202/1000 nouveaux patients asthmatiques évités.
Du point de vue de l’assurance maladie, le surcoût
par asthme évité est de 0,78 € par jour. Ce ratio
est raisonnable et comparable au ratio coût/efficacité déjà communément accepté pour d’autres
traitements symptomatiques indiqués et utilisés
dans cette même pathologie. Il est aussi intéressant d’observer l’évolution des résultats dans le
temps : toujours chez l’adulte, on observe que l’ITS
reste plus coûteuse que l’absence d’ITS jusqu’à 3
ans et demie et qu’ensuite la courbe des coûts
s’inverse au profit de l’ITS. En conclusion, ces
résultats montrent que l’ITS peut constituer une
véritable stratégie d’investissement à moyen terme
pour la prise en charge des rhinites allergiques.
Des travaux cliniques sont actuellement en cours
pour confirmer ces données, permettre la réalisation d’études pharmaco-économiques complémentaires et l’obtention d’un niveau de preuves
plus élevé que celui observé dans ce travail de
modélisation.
7
DOSSIER SCIENTIFIQUE
Mécanismes d’action
de l’ITSL
L’évolution de l’ITSL
L’innocuité et l’efficacité de l’immunothérapie spécifique à un allergène (ITS) sont
largement reconnues. De nouvelles découvertes se dessinent à propos de ses mécanismes d'action, en particulier concernant
l’immunothérapie sublinguale (ITSL).
algré la faible connaissance de la complexité du système immunitaire, l’idée
de l’administration orale d’extraits allergéniques a été proposée dès 1900 (1).
La première tentative d’immunothérapie souscutanée (ITSC) est rapportée dans le Lancet en
1911, mais il faudra attendre les années 80 pour
que la voie orale soit de nouveau explorée. Aujourd’hui, les mécanismes biologiques qui sous-tendent l’immunothérapie s’éclairent peu à peu.
M
L’immunothérapie, quelle soit ITSC ou ITSL, est
connue pour réduire à la fois les symptômes
immédiats induits par l’allergène (liés à la libération de médiateurs inflammatoires comme l’histamine ou la prostaglandine D2) et les réponses
plus tardives (liées à l’activation des mastocytes
et des éosinophiles dans les organes cibles).
L’immunothérapie a montré sa capacité à agir à
la fois sur les facteurs immunitaires solubles et
cellulaires (Tableau 1, Figure1).
Tab.1 MODIFICATIONS DES PARAMÈTRES IMMUNOLOGIQUES
AU COURS DE L’IMMUNOTHÉRAPIE SPÉCIFIQUE
8
Paramètres impliqués
Allergènes utilisés
Commentaires
Anticorps spécifiques (IgEs, IgGs)
Venins, pneumallergènes
Augmentation initiale puis diminution des IgEs spécifiques.
Augmentation de l’activité inhibitrice des IgG1 et de
l’IgG4.
Cellules pro- inflammatoires
(basophiles, mastocytes, éosinophiles)
Pollens, acariens,
Alternaria
Diminution du recrutement de ces cellules dans la
muqueuse des organes cibles et inhibition de l’activation et de la libération de facteurs pro-inflammatoires.
Médiateurs solubles (histamine,
protéases, kinines, PGD2)
Pollens, acariens
Diminution de la libération d’histamine (par les basophiles et les mastocytes) et de la production de protéases
et de PGD2 (par les mastocytes).
Réponses des lymphocytes T
Pollens, venins, acariens
Inhibition des cellules Th2 spécifiques et stimulation
des lymphocytes Th1 et T Reg (CD4+, CD25+).
Réduction de la production de cytokines Th2
(IL-4, IL-5, IL-13), augmentation de la production
de cytokines Th1 (IFN-γ, IL-12) et de cytokines T Reg
(IL-10, TGF-ß).
Fig.1 MÉCANISMES HUMORAUX ET CELLULAIRES DE LA
RÉPONSE IMMUNITAIRE IMPLIQUÉS DANS LES ALLERGIES DE
TYPE I : UNE VISION INTÉGRÉE
Lymphocyte B
IgE
IgE
Mastocyte
Histamine
Tryptase
PGD2 Cytokines
Leucotriènes
Protéine basique
Leucotriènes
Cytokines
IL-4/IL-13
IL-5/IL-13
Allergène
Eosinophile
Th2
IL-13/IL-4
Histamine
Leucotriènes
Cytokines
Inhibition
APC
T Reg
Th0
Basophile
Inhibition
Th1
IL-10
TGF-β
IgG4
IgA
Cellule présentatrice
d’antigène
(Cellule dendritique)
La vision globale du système immunitaire qui se
dessine met l’accent sur le rôle primordial des
lymphocytes T CD4 dans la détermination du type
de réponse immunitaire. Chez les sujets non-allergiques ou en cas de succès de l’ITS, les cellules
régulatrices spécifiques à l’allergène sont stimulées de préférence après l’exposition à l'allergène.
Par contre, chez les sujets allergiques la réponse
allergique est plutôt de type Th2.
Bien que les mécanismes déclenchés par l’immunothérapie soient plus clairement décrits pour
l’ITSC que pour l’ITSL, il n’existe pas de différence qualitative évidente entre les résultats des deux
techniques. Il est par conséquent raisonnable
d’envisager que les mécanismes sont fondamentalement les mêmes.
Mécanismes spécifiques à l’ITSL
La muqueuse buccale semble conçue idéalement
pour induire une tolérance aux allergènes (Figure 2).
En effet, elle contient :
• de nombreuses cellules dendritiques de Langerhans,
riches en FcεRI (2) et parfaitement adaptées à la
capture de l’allergène, à son assimilation et à sa
présentation aux lymphocytes T,
• apparemment très peu de mastocytes, un nombre réduit de lymphocytes B et pas d’éosinophiles.
Polarisation de
la réponse
des cellules T CD4+
Lymphocyte B
Mécanismes
de l’immunité
Fig.2 LA MUQUEUSE BUCCALE COMME SITE
IMMUNOCOMPÉTENT
CELLULES
RÉPARTITION AU SEIN DE LA MUQUEUSE BUCCALE
CELLULES
DENDRITIQUES DE TYPE
DE LANGERHANS
• Présentes dans la muqueuse buccale.
• Production en grandes quantités de MCH l-ll, CD40,
CD80, CD86.
• Présence des récepteurs Fcγ Rlll/ CD16 et Fcγ RI/ CD64.
• Expression du FcεRI chez les patients atopiques et non
atopiques.
• Forte activité de simulation allogénique des lymphocytes T.
LYMPHOCYTES T ET B
• Présence des lymphocytes T au sein de l’épithélium de la
muqueuse buccale.
• Ratio CD4/ CD8 de 1 au sein de la muqueuse buccale
(1/4 au niveau de la peau).
• Faible nombre de cellules B au sein de l’épithélium de la
muqueuse buccale.
EOSINOPHILES
MASTOCYTES
ET BASOPHILES
• Non retrouvés chez les patients allergiques ni chez les
patients traités par ITSL à fortes doses.
• ECP non détectés à la surface de la muqueuse buccale
au cours du traitement par ITSL à fortes doses.
• Cellules en faible nombre ; pas d’augmentation sous
traitement d’entretien par ITSL.
• Au cours du traitement par ITSL, pas d’activité tryptase
détectée à la surface de la muqueuse buccale.
9
DOSSIER SCIENTIFIQUE
Fig.3 LE RÔLE DES CELLULES BUCCALES
DE LANGERHANS DANS L’ITSL SELON BIEBER (3)
Th2
oLC
Th1
IFN-γ
IL-10
TGF-β
IDO
Tr
IgE
IL-4
(Th2)
B
prolifération des lymphocytes T. Somme toute, ces
cellules dendritiques spécialisées de la bouche
semblent avoir tendance à susciter des lymphocytes T régulateurs provoquant des modifications
des cytokines qui favorisent le développement de
réponses de type IgG ou IgA par rapport aux
réponses allergiques IgE.
IgG
CONCLUSION
(Th1)
Une meilleure compréhension des mécanismes
d’action aidera à optimiser l’efficacité de l’ITS de
seconde génération (allergène recombinant). Elle
permettra également de mettre au point des
adjuvants et des formulations qui cibleront mieux
les cellules de Langerhans buccales et amélioreront ainsi, la stimulation de lymphocyte T Reg.
IL-10
IgG4
(Th2 modifié)
Lors de la capture d’un allergène par les cellules
dendritiques buccales (Figure 3), il y a une
augmentation de la production de cytokines, d’interleukine 10 (IL-10), du facteur de croissance
tumorale bêta (TGF-ß) ainsi que de l’enzyme, indole amine, 2 dioxygénase (IDO) qui métabolise le
tryptophane, ce qui entraîne une réduction de la
(1) Canonica GW and Passalacqua G. Noninjection routes
immunotherapy. J Allergy Clin Immunol 2003; 111: 437-448.
(2) Allam JP, Novak N, Fuchs C. Characterization of dendritic
cells from human oral mucosa: a new Langerhans cell type
with high constitutive FcεRI expression. J Allergy Clin Immunol,
2003; 112: 141-148.
(3) Bieber T. (abstracts 2005).
Cytométrie en flux et allergie
Travaux du Docteur Maria L. Sanz, Département d’allergologie, Université de Navarre, Pampelonne (Espagne).
À côté de ses travaux sur les mécanismes
d’action sublinguaux de l’allergie, le Docteur
Sanz et ses collaborateurs ont été les pionniers dans la mise au point d’un test d’activation des basophiles (BAT), connu sous le
nom de FAST (test de stimulation allergénique par cytométrie en flux) et dans la
détection de diverses allergies.
En 2001, ils ont publié une étude montrant
l’activation basophile avec expression du
marqueur CD63 chez les patients allergiques
aux acariens de la poussière de maison (Dermatophagoides pteronyssinus) et à
l’Ivraie (Lolium perenne) (1).
En 2003, ils ont publié une analyse sur la fiabilité diagnostique du test de stimulation allergénique par cytométrie en flux, en comparant
leurs résultats avec ceux de tests cutanés
chez des patients allergiques au latex (2). Dans
le test FAST, les basophiles du patient sont
exposés in vitro à l’allergène, puis l’investigateur détermine le pourcentage de basophiles
exprimant le marqueur d’activation CD63.
Dans leur étude sur l’allergie au latex, le test
FAST a montré une sensibilité de 93 % et
une spécificité de 100 %. La valeur prédictive
10
positive du FAST dans l’allergie au latex était
de 100% et sa valeur prédictive négative
était de 99,9%.
détecter 50 % des patients et en combinaison avec le CAP, le taux de détection est de
65,5%. Plus récemment, l’équipe a étudié
les marqueurs CD63 chez des patients souffrant d’allergie à l’omeprazole (4) et des réactions d’hypersensibilité à des médicaments
anti-inflammatoires non-stéroïdiens comme
l’aspirine, le naproxene et le diclofenac (5).
Dans cette étude, la sensibilité de FAST pour
l’aspirine était de 43,3% et sa spécificité de
100%. Sa valeur prédictive positive était de
100% et sa valeur prédictive négative était
de 99,4%.
Un avantage majeur de ce type de test est de
pouvoir supprimer le recours aux tests de
provocation allergénique qui présentent une
menace potentielle pour les patients. En complément de son exploration du test FAST pour
la détection d’allergie à des allergènes naturellement présents dans l’environnement,
l’équipe espagnole a publié plusieurs articles
concernant ses travaux sur des patients allergiques à des médicaments courants.
Les patients souffrant d’hypersensibilité aux
AINS représentent environ le quart de toutes
les réactions d’hypersensibilité médicamenteuse. Un grand nombre de ces patients
présentent des réactions positives pour plus
d’un type d’AINS. Jusqu’aux travaux de l’équipe de Pampelonne, l’absence de disponibilité d’un test de diagnostic in vitro impliquait le recours à un test de provocation pour
confirmer le diagnostic.
Par exemple en 2002, ils ont étudié l’activation basophile chez les patients allergiques à
la famille antibiotique des bêtalactamines (3).
Dans cet exemple, le test a été capable de
(1) Sanz ML. et al. Clin Exp Allergy 2001; 31: 1007-1013.
(2) Sanz ML. et al. Int Arch Allergy Immunol 2003; 130(1): 33-9.
(3) Sanz ML. et al. Clin Exp Allergy 2002; 32(2): 277-86.
(4) Gamboa PM et al. Allergy 2003; 58(6): 538-9.
(5) Gamboa PM et al. Clin Exp Allergy 2004; 34(9): 1448-57.
INTERVIEW…
du Professeur Thomas Bieber,
Département de dermatologie, Université de Bonn (Allemagne).
Expressions. En quoi les mécanismes allergiques cutanés diffèrent-ils de ceux d’autres
tissus ?
Professeur Thomas Bieber. Comme de nombreux organes, la peau peut être la cible de mécanismes immunologiques et la source de nombreux
signaux pro et anti-inflammatoires. Néanmoins, en
tant qu’interface avec l’environnement, la peau a un
système immunitaire grandement différencié qui
peut réagir à divers stimuli externes. Les symptômes cliniques sont la conséquence d’un réseau
complexe et subtil de médiateurs spécifiques au
type d’attaque interne ou externe. La plupart des
mécanismes sont réglés finement au niveau génétique avec des polymorphismes qui expliquent les
réactions différentes des individus.
E. Le mécanisme de fonctionnement de
l’ITSL est-il parfaitement compris ?
Pr T. B. Sûrement pas ! Nous commençons juste à
comprendre les événements initiaux qui se produisent
lorsque la muqueuse buccale est défiée par des allergènes. Les cellules dendritiques hautement spécialisées et qui présentent l’antigène (appelées les cellules
de Langerhans buccales) peuvent capturer efficacement des structures de haut poids moléculaire, les traiter et les présenter de manière à induire la tolérance.
Nous sommes loin de comprendre parfaitement la voie
amorcée par ces cellules buccales au cours de l’ITSL.
E. L’ITS peut-elle être utile dans des pathologies cutanées comme la dermatite atopique ?
Pr T.B. Pendant des années, l’immunothérapie
sous-cutanée a été essayée dans la dermatite atopique car cette maladie était supposée découler
d’une allergie à des allergènes alimentaires ou environnementaux courants comme les acariens. Cependant, la plupart des études ne montraient pas de
bénéfice clinique évident. Nous avons beaucoup
appris sur la physiopathologie, l’histoire naturelle et
l’hétérogénéité de la maladie ; nous pouvons maintenant définir précisément un phénotype clinique et
nous pouvons envisager à nouveau l’option thérapeutique de l’immunothérapie, en particulier l’ITSL, dans
le traitement de la dermatite atopique.
E. Quelles pathologies allergiques présentent un intérêt particulier pour les dermatologues ?
Pr T.B. La dermatologie est une facette passionnante de la médecine et les pathologies allergiques
sont des plus intéressantes depuis que les fabuleux
progrès de la génétique et de l’immunologie ont
permis de découvrir les mécanismes sous-jacents.
Nous pouvons maintenant maîtriser des pathologies
allergiques comme la dermatite atopique et l’allergie aux piqûres d’insectes. Cependant, il n’est pas
impossible que nous puissions regarder bientôt d’un
jour nouveau de nombreuses pathologies cutanées
allergiques tant la ligne de partage entre les troubles allergiques et auto-immuns est floue et l’est de
plus en plus. Par exemple dans la dermatite atopique, les patients semblent sensibilisés à leurs propres protéines, produisant des IgE spécifiques aux
protéines structurelles épidermiques. La pertinence
physiopathologique de ces IgE n’est pas clairement
établie mais cet exemple illustre l’ampleur des
découvertes à venir dans ce domaine.
Les cellules dendritiques hautement
spécialisées et
qui présentent
l’antigène peuvent
capturer efficacement des structures
de haut poids
moléculaire, les
traiter et les présenter de manière à
induire la tolérance.
11
Cas clInique
Une double ITS sublinguale ?
Juliette, 12 ans, sans antécédent pathologique notable, habitant en
Champagne (France), présente depuis quatre ans une rhinite persistante. Le
tableau clinique associant éternuements en salve, rhinorrhée séreuse et
obstruction nasale bilatérale, évolue sur un mode perannuel et s’accentue
nettement entre les mois de mai et de juillet. Il se complète alors d’un prurit
oculaire et ne s’atténue que partiellement sous traitement antihistaminique.
Un bilan ORL s’est avéré normal et des tests cutanés pratiqués l’année
dernière étaient positifs pour Dermatophagoides pteronyssinus, Dermatophagoides farinae, les pollens de bétulacées et les pollens de graminées ;
ils étaient négatifs pour tous les autres pneumallergènes courants. Les
mesures d’éviction allergéniques habituelles avec usage de housses
anti-acariens sont suivies au domicile.
Se pose la question d’une éventuelle immunothérapie spécifique.
Question n°1 : Parmi les assertions
suivantes, laquelle ou lesquelles vous
paraît(ssent) exacte(s) ?
1) La voie injectable s’impose pour le suivi d’une
immunothérapie spécifique dès lors qu’elle concerne plusieurs extraits allergéniques.
2) Une immunothérapie spécifique par voie sublinguale aux pollens de bétulacées et de graminées est
indiquée pour réduire l’accentuation saisonnière du
tableau clinique.
3) L’existence d’une polysensibilisation est une
contre-indication à la mise en route d’une immunothérapie spécifique.
4) Aucune de ces propositions n’est exacte.
Réponse : 4
S’il est reconnu que l’existence d’une polyallergie rend
l’efficacité d’une immunothérapie spécifique incertaine,
elle n’en constitue pas pour autant une contre-indication formelle. Par ailleurs, il faut distinguer polysensibilisation et polyallergie : Juliette, sensibilisée aux pollens
de bétulacées, ne constate aucune accentuation de sa
rhino-conjonctivite en période de pollinisation des arbres et on ne peut exclure que le test cutané positif correspondant témoigne simplement d’une sensibilisation
croisée sans expression clinique entre pollens, faisant
par exemple intervenir la profiline du bouleau (Betv2).
Dès lors, une double immunothérapie spécifique aux
acariens domestiques et aux pollens de graminées
peut être envisagée et, en l’absence d’études relatives
à l’efficacité d’une double immunothérapie spécifique,
il n’existe ni plus ni moins d’arguments pour le choix de
la voie sublinguale ou de la voie injectable.
12
Question n°2 : Parmi les suivantes, quelle
modalité de traitement vous paraît la plus
adaptée à la mise en route et au suivi
d’une double ITS sublinguale portant sur
les acariens et les pollens de graminées ?
1) Prescription d’un extrait allergénique associant
Dermatophagoides pteronyssinus, Dermatophagoides
farinae et un mélange de 3 graminées, avec schéma
de progression des doses habituelles ?
2) Prescription de deux extraits allergéniques, l’un
associant Dermatophagoides pteronyssinus et
Dermatophagoides farinae, l’autre composé de trois
pollens de graminées, en deux prises matinales
espacées de 10 mn ?
3) Prescription de deux extraits allergéniques, l’un
associant Dermatophagoides pteronyssinus et
Dermatophagoides farinae dont la prise est matinale,
l’autre associant trois pollens de graminées avec
prise vespérale ?
4) Prescription de deux extraits allergéniques,
l’un associant Dermatophagoides pteronyssinus et
Dermatophagoides farinae, l’autre de pollen de phléole,
avec prises matinales alternées un jour sur deux ?
Réponse : 4
Le mélange, dans un même extrait, de deux allergènes
non apparentés comme les acariens et les pollens,
n’est pas recommandé par l’OMS. Par ailleurs, s’il
n’existe pas encore de règles sur ce point, il apparaît
préférable de ne pas cumuler la prise matinale de
deux extraits allergéniques pour limiter le risque d’effets indésirables, et de déconseiller les prises vespérales pour éviter leur éventuelle survenue nocturne. Le
protocole le plus adapté à une double immunothérapie
spécifique sublinguale semble donc d’avoir recours à
une prise matinale alternée, un jour sur deux, de chacun des deux extraits tout en conservant le schéma
habituel de progression et d’entretien des doses.
parole a
INTERVIEW…
du Professeur Constance H. Katelaris, Département d’immunologie,
Westmead Hospital, Sydney, New South Wales (Australie).
Expressions. L’utilisation de l’immunothérapie spécifique (ITS) est-elle largement répandue en Australie ou restet-elle l’apanage de quelques centres
spécialisés ?
les allergènes constituent le facteur déclenchant
principal et que l’asthme du patient est bien
maîtrisé. Bien sûr, l’ITS joue aussi un rôle particulier dans la prise en charge de l’anaphylaxie
due aux venins d’insectes piqueurs.
Professeur C. H. Katelaris. L’ITS est utilisée
E. Quels sont les allergènes les plus
depuis longtemps en Australie et elle connaît un
renouveau ces dernières années. Les spécialistes prescrivent environ 70% des traitements,
même si les généralistes réalisent le plus grand
nombre d’injections. Les 30% restant sont
prescrits par des généralistes qui exercent généralement en milieu rural loin des centres urbains,
là où les spécialistes ont tendance à s’installer.
E. Pour quels patients et quelles indi-
courants ?
Pr C. H. K. Les allergènes les plus couramment employés pour l’ITS en Australie sont les
acariens de la poussière de maison (D. pteronyssinus) et le pollen d’Ivraie (de manière isolée ou en mélange de pollens). En pratique, les
acariens de la poussière de maison et le pollen
de graminées constituent 90% de tous les
allergènes utilisés pour l’ITS en Australie.
cations pratiquez-vous l’ITS ?
Pr C. H. K. L’ITS est plus couramment employée
chez des patients dont la pathologie est mal maîtrisée malgré des mesures d'éviction environnementale et un traitement pharmacologique ;
néanmoins, certains patients réclament l'ITS
comme traitement alternatif aux médicaments.
L’allergie respiratoire, en particulier la rhinoconjonctivite allergique, est l’indication la plus fréquente. En Australie, l’ITS n’est pas employée
en traitement exclusif de l’asthme mais en complément du traitement médicamenteux lorsque
E. Existe-il des allergènes inhabituels
qui soient spécifiques à l’Australie ?
Pr C. H. K. Le plus célèbre et le plus connu,
est celui de la fourmi Myrmecia pilosula, originaire d’Australie, qui est responsable de réactions anaphylactiques chez 3 à 4 % de la
population des états du sud. Quelques cas
sporadiques de sensibilisation à des pollens de
certaines espèces indigènes sont signalés,
mais la grande majorité des sensibilisations
sont dues aux pollens d’espèces importées.
E. Comment échangez-vous vos
connaissances ?
Pr C. H. K. Par le biais de notre association
professionnelle, l’ASCIA (Australasian Society
of Clinical and Immunology Allergy), les membres se retrouvent de manière formelle à la
conférence annuelle, différents aspects de
l’immunothérapie y sont toujours abordés. Un
grand nombre participe également aux rencontres internationales afin de se tenir au
courant des attitudes et des tendances cliniques à l’étranger.
E. Quelles associations de patients
trouve-t-on en Australie ?
Pr C. H. K. Il existe une association de consommateurs pour les personnes qui souffrent de
réactions anaphylactiques, elle s’occupe plus
particulièrement des allergies alimentaires, une
autre association est dédiée aux asthmatiques
mais il n’existe pas de groupe spécifique en relation avec l’immunothérapie. Néanmoins, notre
organisation professionnelle, l’ASCIA entreprend
des activités éducatives de grande valeur fournissant aux patients potentiels des informations
actuelles et qui font autorité.
Le site Web peut être visité à l’adresse :
www.allergy.org.au
RÉSUMÉ DES TEMPS FORTS de l’AAAAI
San Antonio (Etats-Unis) 8-22 mars 2005.
Cette année, plusieurs résultats, parfois contradictoires, concernant
les traitements adjuvants pour l’ITS ont été présentés, à la conférence
de l’American Academy of Allergy, Asthma and Immunology (Académie
américaine d’allergie, d'asthme et d'immunologie).
• L’omalizumab (un anticorps anti-IgE) pourrait permettre l’administration de dose plus importantes d’ITS avec une innocuité plus grande (259) et le composé pourrait (303, 306) (ou non (304)) réduire le recours aux
médicaments anti-asthmatiques.
• Il a été suggéré que des antigènes bactériens pourraient améliorer
l’efficacité de l’ITS mais cela ne semble pas vrai avec le vaccin du BCG (300).
Parmi les études concernant l’ITS elle-même :
• Des études de coût- efficacité menées dans la rhinite sont en faveur
de l’ITS, les économies sont principalement dues à la prévention de
l’apparition de l’asthme (302).
• Dans l’allergie au cafard, il a été montré que des allergènes de bas
poids moléculaire ne sensibilisaient pas les personnes sensibles à
des allergènes de plus haut poids moléculaire (395).
• Deux études montrent que les patients préfèrent le protocole de
montée rapide des doses par rapport aux protocoles conventionnels,
car il est moins cher et, bien sûr, plus rapide d’action (644,645).
• Au cours de l’immunothérapie spécifique par voie sous-cutanée, la
fréquence des réactions potentiellement fatales a été estimée à 5,4
par million d’injections. La sévérité moins importante de l’asthme
ainsi qu’une bonne prise en charge de l’anaphylaxie sont deux facteurs qui permettent de sauver des vies (829).
• Il a été démontré que l’ITS par voie sublinguale entraînait l’apparition d’IgA chez les souris (825), qu’elle avait une efficacité durable chez
l’homme (1057) et qu’elle était adaptée aux enfants (1056,1058).
• Les piqûres de fourmis rouges importées sont la cause la plus
fréquente d’anaphylaxie au sud-est des Etats-Unis (397). L’ITS ultrarush a prouvé son efficacité sur cette allergie chez deux enfants de
moins de 3 ans (398).
J Allergy Clin Immunol 2005 ; 115 (2) : S65-S265 (S265 (Numéro des résumés cités dans le texte)
13
revue de presse
Canadian trial of sublingual swallow immunotherapy for ragweed rhinoconjunctivitis. Bowen T,
Greenbaum J, Charbonneau Y, et al. Ann Allergy Asthma Immunol 2004; 93: 425-430.
Commencer une ITSL
juste avant la saison de l’ambroisie
’ambroisie (Ambrosia) est une cause bien connue
de rhinoconjonctivite allergique sévère en Europe et
en Amérique du Nord. Au Canada, la saison débute dans
les deux premières semaines d’août et dure jusqu’en
octobre. En 2001, les concentrations maximales de pollen d’ambroisie variaient entre 100 et 200 grains/m3
dans des villes comme Toronto, Montréal, Hamilton et
London (Ontario). Néanmoins, pour la première fois cette
saison, des patients souffrant d’allergie à l’ambroisie ont
été traités par immunothérapie sublinguale (ITSL).
À son démarrage, cette étude était la première à
employer une formulation contenant l’allergène de l’ambroisie pour ITSL. Un autre aspect particulier de cette
étude réside dans le fait que les investigateurs, au lieu
d’administrer une cure de traitement de longue durée
avant la saison, ont commencé la montée des doses pour
atteindre le maximum en deux semaines avant le début
prévue de la saison.
Dans cet essai, randomisé et contrôlé versus placebo, 39
patients ont reçu l’ITSL et 37 un placebo. Onze patients
du groupe placebo ont abandonné pour manque d’efficacité et neuf du groupe ITSL ont abandonné à cause
L
d’effets secondaires bien qu’aucun n’ait été considéré
comme grave, aucun n’était systémique et aucun n’a
nécessité l’administration d’adrénaline.
Malheureusement pour l’étude, la saison de l’ambroisie a
été pratiquement inexistante à Québec (un des centres
participants). En conséquence, les patients de Québec
ont dû être exclus pour permettre d’obtenir des variables
d’efficacité significative. Néanmoins, un bénéfice significatif a été constaté dans les centres où la concentration
de pollen était élevée, les groupes traités souffrant moins
d’éternuements et de prurit nasal. Et une augmentation
du taux d’IgG4 spécifique à l’ambroisie a été également
constatée dans le groupe traité.
La conclusion de l'étude a montré que l'immunothérapie sublinguale aux extraits d’ambroisie est efficace
même lorsque le traitement est mis en œuvre peu de
temps avant le début de la saison. Les auteurs ont
ainsi suggéré que les patients qui se préoccupaient
tardivement de suivre une immunothérapie pouvaient
encore bénéficier d’un soulagement des symptômes
même si le traitement était mis en œuvre uniquement
quelques semaines avant la saison.
Randomized controlled open study of sublingual immunotherapy for respiratory allergy in real-life: clinical
efficacy and more. Marogna M, Spadolini I, Massolo A et al. Allergy 2004; 59: 1205-1210.
Plus de 500 patients pour une étude d’ITSL
d’une durée de trois ans
’immunothérapie sublinguale (ITSL) est disponible
en Italie et dans les autres pays européens depuis
plus de 10 ans. Elle a été validée par des recommandations et son efficacité a été reconfirmée dans une récente méta-analyse. Néanmoins, se pose le problème du faible nombre de patients dans les études contrôlées.
L
14
Une équipe composée de membres des principaux
centres médicaux d’Italie vient de publier les résultats
d’une étude de trois ans sur plus de 500 patients randomisés (dans une proportion de trois pour deux) entre
un traitement ITSL et un traitement médicamenteux
seul. Les auteurs insistent sur le fait que cette étude
n’est pas simplement établie de manière adéquate
pour évaluer l’efficacité et l’innocuité de l’ITSL mais
qu’elle est assez importante pour faire la lumière sur
d’autres aspects controversés de l’ITSL, comme l’observance du traitement.
Des données sur trois ans furent obtenues à partir de 271
patients recevant une ITSL et 170 contrôles. Tous souffraient d’allergie respiratoire, due aux acariens de la poussière de maison ou aux pollens, dans des proportions à
peu près égales. Le groupe recevant l’ITSL vit une amélioration de plus de 50 % des valeurs cliniques de base
(chiffre trop élevé pour être qualifié «d’effet placebo»). De
plus, l’ITSL a réduit de manière significative les nouvelles
sensibilisations et la réactivité bronchique à la métacholi-
ne. Chez 72 % des patients, l’observance à l’ITSL était
supérieure à 80%. Le taux d’abandon était comparable
pour le groupe ITSL et pour le groupe contrôle, mais la
principale cause d’abandon du groupe contrôle était une
aggravation intolérable des symptômes. L’ITSL était généralement bien tolérée avec un abandon de seulement cinq
patients pour cause de prurit buccal (trois cas), d’asthme
et de douleurs abdominales (un cas chacun).
Cette étude a également mis en évidence une légère
mais significative, amélioration de l’état des patients
âgés de moins de dix-huit ans traités par ITSL, par rapport aux patients plus âgés. L’étude « sur le terrain »
ajoute une confirmation supplémentaire de l’efficacité de
l’ITSL en pratique.
Sublingual immunotherapy for allergic rhinitis: systematic review and meta-analysis. Wilson DR,
Torres Lima M, Durham SR. Allergy 2005; 60: 4-12.
ITSL déclarée «attractive»
par les spécialistes anglais
es pneumologues britanniques qui avaient présenté récemment leur analyse des études sur
l’ITSL dans la revue Cochrane, viennent de publier leurs
résultats dans la revue Allergy. Ils ont examiné quatre
bases de données à la recherche d’essais cliniques
contrôlés randomisés et ont identifié vingt-deux essais
comportant 979 patients répondant à leurs critères d’inclusion. Le type d’allergène, l’âge des participants et la
durée de traitement ont fait l’objet d’une analyse en
sous-groupes.
Les résultats combinés ont montré une réduction significative des symptômes avec l’ITSL. Dix-sept études
répondaient aux critères pour l’évaluation de l’usage des
médicaments et ont montré une réduction très significative de la médication chez les patients recevant l’ITSL.
Dans six études comportant 381 patients recevant une
ITSL ou un placebo, le taux d’IgG4 sérique spécifique à
l’allergène était augmenté significativement chez les
patients qui avaient reçu l’ITSL. Dans toutes les études, il
n’y avait aucun effet secondaire systémique et les réactions locales étaient rarement significatives.
Un tiers des 33 études initialement identifiées a dû être
L
exclu à cause de critères d’application stricts. Néanmoins, les données restantes ont été suffisantes pour
que les auteurs concluent que l’analyse «confirme la
réduction significative, due à l’ITSL, des symptômes de
rhinites et du recours à une médication anti-allergique.»
Les données étaient insuffisantes pour détecter une
différence d’effet selon le type d’allergène. De même,
l’effet de la dose totale n’a pu être analysé à cause de
la grande variation des préparations utilisées. Néanmoins, deux études ont montré que l’ITSL n’était pas
seulement plus efficace que le placebo mais qu’elle
était également aussi efficace que l’immunothérapie
sous-cutanée (ITSC).
Les auteurs ont insisté sur l’importance de leurs recherches concernant l’innocuité de l’ITSL comparée à l’ITSC
employée auparavant et ont conclu «qu’un certain nombre de voies alternatives avaient été explorées et que
l’administration sublinguale était apparue comme la
plus susceptible d’être à la fois acceptable et efficace.
La possibilité de traitement à domicile et l’absence de
choc anaphylactique signalé à ce jour, rendent cette
forme de traitement extrêmement attractive».
15
7298 - 06/05 - Stallergènes Département Communication
6, rue Alexis de Tocqueville - 92 183 ANTONY CEDEX - FRANCE - Tel. : 01 55 59 21 00
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