AUTOUR DE LIMMUNOTHERAPIE SPECIFIQUE N° 23 - Juin 2005 Mécanismes d'action de l'ITSL Interview du Pr T. Bieber, Université de Bonn (Allemagne). DOSSIER CLINIQUE Coût des rhinites et de l’asthme allergiques. CAS CLINIQUE Une double ITS sublinguale ? Vos demandes documentaires sur l'allergologie en 72h par téléphone : 01 55 59 23 00 (10h-12h / 14h-16h) par fax : 01 55 59 03 66 par email : [email protected] www.stallergenes.fr Bienvenue dans le numéro d’été d’Expressions. En complément des rubriques habituelles, ce numéro comprend deux dossiers principaux qui traitent de l’aspect pharmaco-économique de l’immunothérapie spécifique et des dernières découvertes sur ses mécanismes d’action. Dans la transition de l’activité cellulaire Th2 vers l’activité Th1, les deux points principaux sont la présentation de l’allergène aux cellules naïves Th0 et le milieu des cytokines dans lequel elle a lieu. Le dossier scientifique présente une revue des récents articles décrivant les mécanismes d’action possibles de la voie sublinguale. Il met en avant d’importantes différences, non seulement entre l’immunothérapie sublinguale (ITSL) et les autres formes de médication sublinguale mais également entre l’ITSL et l’immunothérapie sous-cutanée (ITSC). Deux éléments particulièrement importants sont la nature des cellules dendritiques de la muqueuse buccale et le rôle régulateur des lymphocytes T. Les lymphocytes T Reg stimulent la production des IgG4 et des IgA et sécrètent des cytokines qui concourent à la production de cellules Th1 plutôt que Th2. Le rapport coût-efficacité devient une priorité dans la délivrance de soins tandis qu’une institution comme NICE (National Institute of Clinical Excellence) au Royaume-Uni, émet des recommandations fondées non seulement sur l’efficacité et l’innocuité mais également sur les conséquences financières du traitement. Il est rassurant de noter qu’un faisceau d’arguments atteste de la rentabilité de la mise en œuvre d’un programme d’immunothérapie spécifique. Les principales économies proviennent d’une diminution du traitement médicamenteux de la rhinite. Il a également été démontré que l’immunothérapie réduisait le développement d’allergies multiples (polysensibilisation) et d’asthme, ce qui a des conséquences financières bénéfiques non seulement pour l’offre de soin mais également pour les patients et leurs familles. Étant donné la prévalence actuelle des pathologies allergiques, même les économies modestes représentent des sommes importantes à l’échelle du pays. Comme l’immunothérapie devient plus simple et plus largement utilisée, des progrès supplémentaires peuvent être attendus. Sommaire FAITS MARQUANTS 4 DOSSIER CLINIQUE Coût des rhinites et de l’asthme allergiques. Interview d’A. Chicoye, Aremis consultants 6 (France). DOSSIER SCIENTIFIQUE Mécanismes d’action de l’ITSL. Interview du Pr T. Bieber, Université de Bonn (Allemagne). CAS CLINIQUE Une double ITS sublinguale ? 8 12 PAROLE À • Interview du Pr C.H. Katelaris, Département d’Immunologie, Sydney (Australie). • Résumé des temps forts de l’AAAAI San Antonio (États-Unis) 8-22 mars 2005. 13 REVUE DE PRESSE 14 Professeur Johannes Ring Expressions Stallergènes Département Communication Directeur de la publication : Inès Hammer. Rédacteur en chef : Maryline Poyo. Membres du comité éditorial : Claude André, Riad Fadel, Franco Frati, Inès Hammer, Sébastien Iva, Lionel Julliand, Stephan Kerkojus, Philippe Moingeon, Maryline Poyo, Paola Puccinelli, François Saint-Martin, Adnan Tanovic, Thao Tran Xuan. Réalisation : Zebra Santé. Responsable de la rédaction : Hélène Cattoire. Secrétaire de rédaction : Caroline Pelicot. Conception graphique : Michel Molinari. Photos : Banana stock (p 6), Bsip (p 1), Corbis stock Market (p 4, 10, 12), Getty-images (p 4, 5, 6, 13). FAITS MARQUANTS « L’aliment peut (ou non) contenir des traces d’arachide» L’industrie alimentaire est, plutôt à juste titre, sous la surveillance constante du grand public et des institutions. L’Union européenne subventionne actuellement un projet appelé «InformAll», qui attache une attention particulière à la valeur de l’étiquetage alimentaire. Un étiquetage insuffisant pénalise ceux qui souffrent d’allergie. Même si les allergiques connaissent les aliments à éviter pour prévenir des réactions potentiellement fatales, les étiquettes qui leur sont proposées peuvent ne pas être tout à fait exactes. Que les fabricants ne puissent éviter la contamination de leurs produits ou bien qu’ils désirent éviter des recours légaux coûteux, la tendance s’oriente vers un étiquetage de précaution. En ajoutant des mentions comme « pourrait contenir de l’arachide », les fabricants peuvent priver inutilement les allergiques de sources nutritionnelles qui ne présentent aucun risque. «InformAll» préconise une augmentation de l’effort international pour définir les niveaux seuils d’allergènes qui peuvent provoquer des réactions et une amélioration des méthodes de détection des contaminants potentiellement dangereux afin que les étiquettes alimentaires fournissent aux consommateurs des informations précises et utiles. Mills E et al. Allergy 2004 ; 59 (12) : 1262-8. Pourquoi l’allergie au cyprès augmente-t-elle ? La première mention d’allergie au cyprès remonte seulement à 1945. L’allergie au cyprès n’a pas été signalée en France avant 1962 et pourtant, les cyprès comme le Cupressus sempervirens, font probablement partie du paysage méditerranéen depuis au moins aussi longtemps que la civilisation elle-même. Pourquoi l’incidence des rhinites allergiques saisonnières dues au cyprès a-t-elle présenté une augmentation régulière au cours des soixante dernières années ? Le Pr Charpin et ses collaborateurs accusent les changements opérés en horticulture. Les cyprès sont maintenant largement employés comme plantes d’ornement, comme coupe-vent ou comme éléments 4 de haies dans des zones à haute densité de population. C’est pourquoi, s’ils reconnaissent l’intérêt de l’immunothérapie spécifique pour réduire l’allergie due au pollen de cyprès, les auteurs recommandent que des mesures environnementales soient prises. Ils conseillent d’éviter de planter ces arbres en ville et suggèrent que l’élagage des arbres ou la taille des haies ne soient pas entrepris pendant la saison pollinique. Ils suggèrent également la mise au point d’arbres hypoallergéniques qui pourrait offrir un compromis acceptable entre les amoureux des arbres et ceux pour qui le pollen est un ennemi. Charpin D et al. Allergy 2005 ; 60 (3) : 293-301. Quel est le point commun entre les escargots et les acariens ? La consommation d’escargots peut parfois entraîner des crises d’asthme ou des anaphylaxies. Habituellement, il existe chez les mêmes personnes une allergie aux acariens de la poussière de maison. Martins et ses collaborateurs ont donc entrepris de déterminer la réactivité croisée des allergènes d’escargot, Helix aspersa (Hel a2), Theba pisana (The p) et Otala lactea (Ota l) avec l'acarien Dermatophagoides pteronyssinus (Der p6). Ils ont découvert que deux allergènes principaux, Hel a2 et Der p6 étaient fortement inhibés par leurs extraits homologues. Chez l’animal, une légère réactivité croisée a été détectée. La sensibilisation des personnes allergiques à la consommation d’escargots apparaît généralement à l’occasion de l’émergence d’une allergie aux acariens. Cependant, chez quelques patients, la sensibilisation peut être induite par la seule consommation d’escargots. Chez 2 des 60 patients atopiques étudiés, une IgE spécifique au Hel a2 a été détectée mais pas d’IgE spécifique au Der p6. Martins L et al. Int Arch Allergy Immunol 2005 ; 136 (1) : 7-15. Protéine de fusion : deux allergènes en un Les acariens tropicaux ont des allergènes de haut poids moléculaire Kussebi et ses collaborateurs ont tiré avantage du fait que si les IgE reconnaissent la configuration tridimensionnelle des allergènes, les lymphocytes T, eux, reconnaissent la séquence linéaire des acides aminés. Ils ont réussi à isoler deux allergènes principaux présents dans le venin d’abeille et les ont combinés de manière à laisser intactes leurs séquences linéaires mais à modifier leur conformation physique afin qu’elle ne soit plus reconnaissable par les IgE spécifiques. Les deux allergènes Api m 1 et Api m 2 ont été synthétisés en un peptide unique par génie génétique. Il a été montré qu’un pré-traitement des souris par la protéine de fusion Api m (1/2) supprimait l'apparition d’immunoglobuline IgE spécifique en réponse à une exposition à l’allergène d’origine. Il a été montré que la protéine de fusion déclenchait la prolifération de lymphocyte T et une réponse par des cytokines de type Th1 et Th2. Cependant, la réactivité de l’IgE était supprimée et la dégranulation basophile comme la réactivité des tests cutanés de type 1 étaient significativement réduites. Les auteurs ont conclu que leur nouvelle protéine de fusion évitait la liaison avec l’IgE, empêchant l’établissement de liaisons croisées entre l’IgE et les récepteurs FcεεRI des mastocytes ou basophiles, bloquant ainsi la production d’IgE par les lymphocytes B. Dans les pays tropicaux, comme dans les pays plus tempérés, le Dermatophagoides pteronyssinus est une cause courante de rhinites et d’asthme allergiques perannuels. Cependant un autre acarien, le Blomia tropicalis est la cause de problèmes plus importants chez les personnes souffrant de troubles respiratoires atopiques et vivant dans les pays tropicaux. Ceci vient d’être démontré par Pereira et ses collaborateurs, qui ont étudié les réponses anticorps des patients atopiques pour chacune de ces espèces d’acariens au Brésil. Parmi 110 patients allergiques et 33 contrôles, les tests cutanés ont montré que 56 % présentaient une réponse positive à l’extrait de B. tropicalis, 51% étaient réactifs à la fois au B. tropicalis et au D. pteronyssinus et 6 % étaient uniquement sensible au B. tropicalis. Chez les patients sensibilisés, ils ont trouvé des taux élevés d’IgE, d’IgG1 et d’IgG4 spécifiques au B. tropicalis. Au Brésil, une forte proportion des allergies est due au B. tropicalis et les patients qui en souffrent sont plus souvent réactifs aux peptides de haut poids moléculaire du B. tropicalis qu’aux principaux allergènes de bas poids moléculaire plus couramment employés. Les auteurs suggèrent que ces peptides à haut poids moléculaire fassent prioritairement l’objet d’une recherche plus approfondie. Kussebi F. et al. J Allergy Clin Immunol 2005 ; 115 (2) : 323-9. Pereira E et al. Allergy 2005 ; 60 (3) : 401-6. 5 DOSSIER CLINIQUE Coût des rhinites et de l’asthme allergiques L'allergie trop souvent sous diagnostiquée, incorrectement traitée et mal surveillée, est en constante progression. Parmi ses différentes formes d’expression, les rhinites et l’asthme allergiques sont au premier plan. PRÉVALENCE DE LA RHINITE ALLERGIQUE EN EUROPE : 23 % DE LA POPULATION (1) • France : 24,5% • Belgique : 28,5% • Allemagne : 20,6% • Italie : 16,9% • Espagne : 21,5% • Royaume-Uni : 26% Les répercussions des rhinites et de l’asthme allergiques sur la qualité de vie des patients et l’absentéisme professionnel ou scolaire sont souvent sous-estimées (5,6). La maladie allergique, un problème de santé publique n Europe, c’est environ 1 personne sur 5 qui souffre de rhinite allergique et ce chiffre augmente régulièrement (1) : une étude menée sur une cohorte d’étudiants a montré que le pourcentage de sujets souffrant de rhinites allergiques a été multiplié par 7 en un quart de siècle, passant de 3,8 % en 1968 à 10,2 % en 1982 et à 28,5 % en 1995 (2). Il est actuellement reconnu que les mécanismes physiopathologiques de la rhinite allergique prédisposent et contribuent au développement d’un asthme, raison pour laquelle leur approche thérapeutique est en partie commune. Les patients atteints de rhinite ont un risque 3 fois plus élevé que des sujets d’une population générale de développer un asthme (10,5% versus 3,6 %), la rhinite allergique constituant alors le premier stade de l’histoire de la maladie allergique (3). L’asthme est une maladie grave qui touche les enfants et les jeunes adultes en particulier. On estime que plus de 3,5 millions de français souffrent d’asthme dont 700 000 enfants (4). Il semble que sa prévalence augmente tous les ans de 3% chez l’adulte et de 10% chez l’enfant ainsi que le nombre de cas graves dont environ 2 000 décès par an (4). Les répercussions des rhinites et de l’asthme allergiques sur la qualité de vie des patients et l’absentéisme professionnel ou scolaire sont souvent sous-estimées (5,6) : 83,5% des patients souffrant de rhinites allergiques se plaignent de fatigue, 87% d’entre eux présentent des difficultés de concentration. E LA DÉFINITION DES COÛTS DE LA PATHOLOGIE L’analyse des coûts d’une pathologie donnée est constituée par une évaluation des coûts médicaux directs et indirects. Les coûts directs sont les coûts qui se rapportent au domaine médical : honoraires médicaux, dépenses pharmaceutiques et explorations complémentaires. Les coûts indirects sont constitués par l’ensemble des coûts liés aux répercussions professionnelles et pertes de productivité dus à la pathologie, aux conséquences sociales qu’elles engendrent, à l’altération de la qualité de vie (troubles du sommeil et de l’alimentation) qu’elle provoque. 6 L’estimation des coûts de la rhinite, de l’asthme allergiques et l’association des deux pathologies : encore peu de données De nombreuses approches ont été adoptées pour évaluer l’impact économique de la rhinite et de l’asthme allergiques avec des méthodologies très variables. Malgré le grand nombre d’études cliniques comparatives menées dans cette direction, il existe aujourd’hui peu d’études de coût-efficacité ; ces évaluations restent difficiles à réaliser car il s’agit d’études prospectives. Les études existantes sont des études rétrospectives dont le recul n’est pas toujours important, ce qui rend difficile l’évaluation du ratio coût-efficacité de l’ITS, car l’efficacité doit être analysée après plusieurs années de traitement (7). Le poids économique de la rhinite allergique est élevé du fait de sa forte prévalence et de son retentissement sur la vie quotidienne des patients ; les résultats d’une étude américaine indiquaient, pour une prévalence de 16%, un coût représentant 0,2% des dépenses de santé (8). Une étude du Boston Consulting Group, datant de 1991, estimait le coût global annuel de l’asthme en France à 1,1 milliard d’euros, chiffre réestimé à 1,5 milliard d’euros en 2001 (9). Il est démontré que la consommation médicale totale est plus élevée chez les patients asthmatiques que chez les patients non asthmatiques, phénomène lié à une augmentation des comorbidités chez les patients asthmatiques. Les principaux facteurs du coût de l’asthme qui ont été identifiés sont la sévérité et l’ancienneté de l’asthme (9). L’étude de Yawn (10) indiquait, en cas d’association des deux pathologies, une augmentation des coûts de plus de 46% par rapport à ceux évalués pour des patients présentant un asthme isolé. Intérêt de l’ITS dans la prise en charge des maladies allergiques La prise en charge thérapeutique de la rhinite et de l’asthme allergiques est constituée par trois types de mesures et traitements : l’éviction allergénique, les traitements pharmacologiques indispensables en phase symptomatique pour agir efficacement sur les symptômes et réduire l’inflammation bronchique, et l’ITS seul traitement «étiologique» de la maladie allergique (11). Les résultats de la méta-analyse menée par Wilson (11) ont confirmé les bénéfices observés au cours des différentes études menées avec l’ITSL : efficacité sur la symptomatologie allergique et réduction de la consommation de médicaments anti-allergiques. Des INTERVIEW… Expressions. Pourquoi mener des études pharmaco-économiques ? Annie Chicoye. L’objectif des études pharmacoéconomiques est de mettre en relation le coût de stratégies diagnostiques et thérapeutiques avec leurs effets médicaux. Les résultats de ces études sont intéressants à prendre en compte pour éclairer une décision face à différentes alternatives thérapeutiques. Cette discipline a été initiée au départ en Europe dans les années 1980 par une équipe anglosaxonne de York ; les premières études ont d’abord concerné les médicaments dont les dossiers d’enregistrement contiennent de nombreuses informations de qualité ; ce type d’évaluation peut constituer un outil très utile pour les industriels. En Angleterre, le NICE (National Institute for Clinical Excellence) créé en 2000 a été chargé par le ministère anglais de la santé (DOH) d’émettre des recommandations en matière de stratégies thérapeutiques auprès des acteurs du système national de santé (NHS). Parmi les critères retenus pour ces recommandations, des données pharmaco-économiques sont requises (coût/année de vie sauvée ajustée par la qualité notamment). Ce type d’approche a été adopté en Suède, en Australie, dans différentes provinces canadiennes et par certains systèmes américains d’assurance. Actuellement, les évaluations du NICE ont une influence notable dans certains pays européens. E. Pharmaco-économie et immunothérapie spécifique (ITS) : où en est-on ? A. C. L’ITS est particulièrement concernée par cette question de la pharmaco-économie dans la études de plus en plus nombreuses démontrent que l’ITS constitue un véritable traitement étiologique des pathologies allergiques en modifiant l’histoire naturelle de la maladie (12,13,14,15) ; l’ITS permet de prévenir l’apparition de nouvelles sensibilisations et réduit le risque de développement, à long terme, d’un asthme. (1) Bauchau et al. Eur Respir J 2004; 24: 758-764. (2) Neukirch F. Resp Med 1995; 89: 689-92. (3) Rachelefsky GS. Ann Allergy Asthma Immunol 1999; 82 (3): 296-305. (4) Toully V et al. Droit et Pharmacie Actualités, 2001; 17: 903-1151. (5) Bousquet J et al. J Allergy Clin Immunol 1994; 94(2 Pt 1): 182-8. (6) Marshall PS et al. Ann Allergy 1993; 71(3): 251-8. (7) Reed SD et al. 2004; 22 (6): 345- 61. (8) Malone DC. et al. J Allergy Clin Immunol 1997 Jan; 99 (1 Pt 1): 22-7. (9) Com-Ruelle L et al. CREDES report, Nov. 2002: n° 1397. (10) Yawn LP et al. J Allergy Clin Immunol 1999; 103 (1 Pt 1): 54-9. (11) Wilson DR. et al. Allergy 2005; 60(1): 4-12. (12) Des Roches A et al. J Allergy Clin Immunol 1997; 99(4): 450-3. (13. Pajno GB et al. Clin Exp Allergy, 2001; 31(9): 1392-7. (14) Moller C et al. J Allergy Clin Immunol 2002; 109 (2): 251-6. (15) Novembre E et al. J Allergy Clin Immunol 2004; 114(4): 851-7. d’Annie Chicoye, Aremis consultants (France). mesure où il s’agit d’un traitement a priori perçu comme coûteux dont l’impact n’est véritablement ressenti que sur le long terme. L’ITS est aujourd’hui le seul traitement de l’allergie capable de modifier le cours de la maladie. Il est donc intéressant de rechercher si un traitement long et coûteux comme l’ITS, qui ne va pas se substituer immédiatement et totalement aux traitements symptomatiques, pourrait permettre de réduire les coûts à long terme d’une rhinite persistante et de la survenue d’un asthme. C’est la raison pour laquelle nous avons initié depuis 2001, un travail extrêmement important en partenariat avec Stallergènes sur le coûtefficacité de l’ITS. Il s’agit d’un travail de modélisation articulé à partir des nombreuses données existantes autour de la rhinite allergique et de son lien avec l’apparition ou la présence d’un asthme : données épidémiologiques, preuves d’efficacité clinique de l’ITS (impact sur les symptômes et réduction de l’utilisation de traitements symptomatiques et de l’incidence de l’asthme). E. Quels sont les résultats de l’étude sur le coût-efficacité de l’ITS que vous avez menée en France ? A. C. L’analyse pharmaco-économique que nous avons menée en France a concerné l’ITS sublinguale et deux populations de patients : les enfants et les adultes. Il s’agit d’un travail de modélisation avec un horizon de temps de 6 ans pour l’adulte et de 7 ans pour l’enfant. Nous avons comparé l’impact d’un traitement ITS de 3 à 4 ans (versus pas d’ITS) sur les deux types d’allergènes principalement en cause dans les manifestations respiratoires : les pollens et les acariens. Des résultats très intéressants ont été obtenus en faveur de l’ITS versus pas de traitement chez l’enfant comme chez l’adulte et avec les deux types d’allergènes considérés. Voici, par exemple, les résultats de l’analyse menée chez les adultes souffrant de rhinite allergique liée aux pollens : les résultats ont montré à 6 ans, après l’initiation du traitement (trois ans au plus chez l’adulte), un coût global (coûts directs + coûts indirects c’est-à-dire intégrant les arrêts de travail) de l’ITS de 1 546 € versus 1 769 € en l’absence de traitement par ITS. L’efficacité de l’ITS à long terme (6 ans après l’initiation du traitement) qui est obtenue dans cette modélisation est également frappante avec + 350 /1000 patients améliorés sur le plan symptomatique et + 202/1000 nouveaux patients asthmatiques évités. Du point de vue de l’assurance maladie, le surcoût par asthme évité est de 0,78 € par jour. Ce ratio est raisonnable et comparable au ratio coût/efficacité déjà communément accepté pour d’autres traitements symptomatiques indiqués et utilisés dans cette même pathologie. Il est aussi intéressant d’observer l’évolution des résultats dans le temps : toujours chez l’adulte, on observe que l’ITS reste plus coûteuse que l’absence d’ITS jusqu’à 3 ans et demie et qu’ensuite la courbe des coûts s’inverse au profit de l’ITS. En conclusion, ces résultats montrent que l’ITS peut constituer une véritable stratégie d’investissement à moyen terme pour la prise en charge des rhinites allergiques. Des travaux cliniques sont actuellement en cours pour confirmer ces données, permettre la réalisation d’études pharmaco-économiques complémentaires et l’obtention d’un niveau de preuves plus élevé que celui observé dans ce travail de modélisation. 7 DOSSIER SCIENTIFIQUE Mécanismes d’action de l’ITSL L’évolution de l’ITSL L’innocuité et l’efficacité de l’immunothérapie spécifique à un allergène (ITS) sont largement reconnues. De nouvelles découvertes se dessinent à propos de ses mécanismes d'action, en particulier concernant l’immunothérapie sublinguale (ITSL). algré la faible connaissance de la complexité du système immunitaire, l’idée de l’administration orale d’extraits allergéniques a été proposée dès 1900 (1). La première tentative d’immunothérapie souscutanée (ITSC) est rapportée dans le Lancet en 1911, mais il faudra attendre les années 80 pour que la voie orale soit de nouveau explorée. Aujourd’hui, les mécanismes biologiques qui sous-tendent l’immunothérapie s’éclairent peu à peu. M L’immunothérapie, quelle soit ITSC ou ITSL, est connue pour réduire à la fois les symptômes immédiats induits par l’allergène (liés à la libération de médiateurs inflammatoires comme l’histamine ou la prostaglandine D2) et les réponses plus tardives (liées à l’activation des mastocytes et des éosinophiles dans les organes cibles). L’immunothérapie a montré sa capacité à agir à la fois sur les facteurs immunitaires solubles et cellulaires (Tableau 1, Figure1). Tab.1 MODIFICATIONS DES PARAMÈTRES IMMUNOLOGIQUES AU COURS DE L’IMMUNOTHÉRAPIE SPÉCIFIQUE 8 Paramètres impliqués Allergènes utilisés Commentaires Anticorps spécifiques (IgEs, IgGs) Venins, pneumallergènes Augmentation initiale puis diminution des IgEs spécifiques. Augmentation de l’activité inhibitrice des IgG1 et de l’IgG4. Cellules pro- inflammatoires (basophiles, mastocytes, éosinophiles) Pollens, acariens, Alternaria Diminution du recrutement de ces cellules dans la muqueuse des organes cibles et inhibition de l’activation et de la libération de facteurs pro-inflammatoires. Médiateurs solubles (histamine, protéases, kinines, PGD2) Pollens, acariens Diminution de la libération d’histamine (par les basophiles et les mastocytes) et de la production de protéases et de PGD2 (par les mastocytes). Réponses des lymphocytes T Pollens, venins, acariens Inhibition des cellules Th2 spécifiques et stimulation des lymphocytes Th1 et T Reg (CD4+, CD25+). Réduction de la production de cytokines Th2 (IL-4, IL-5, IL-13), augmentation de la production de cytokines Th1 (IFN-γ, IL-12) et de cytokines T Reg (IL-10, TGF-ß). Fig.1 MÉCANISMES HUMORAUX ET CELLULAIRES DE LA RÉPONSE IMMUNITAIRE IMPLIQUÉS DANS LES ALLERGIES DE TYPE I : UNE VISION INTÉGRÉE Lymphocyte B IgE IgE Mastocyte Histamine Tryptase PGD2 Cytokines Leucotriènes Protéine basique Leucotriènes Cytokines IL-4/IL-13 IL-5/IL-13 Allergène Eosinophile Th2 IL-13/IL-4 Histamine Leucotriènes Cytokines Inhibition APC T Reg Th0 Basophile Inhibition Th1 IL-10 TGF-β IgG4 IgA Cellule présentatrice d’antigène (Cellule dendritique) La vision globale du système immunitaire qui se dessine met l’accent sur le rôle primordial des lymphocytes T CD4 dans la détermination du type de réponse immunitaire. Chez les sujets non-allergiques ou en cas de succès de l’ITS, les cellules régulatrices spécifiques à l’allergène sont stimulées de préférence après l’exposition à l'allergène. Par contre, chez les sujets allergiques la réponse allergique est plutôt de type Th2. Bien que les mécanismes déclenchés par l’immunothérapie soient plus clairement décrits pour l’ITSC que pour l’ITSL, il n’existe pas de différence qualitative évidente entre les résultats des deux techniques. Il est par conséquent raisonnable d’envisager que les mécanismes sont fondamentalement les mêmes. Mécanismes spécifiques à l’ITSL La muqueuse buccale semble conçue idéalement pour induire une tolérance aux allergènes (Figure 2). En effet, elle contient : • de nombreuses cellules dendritiques de Langerhans, riches en FcεRI (2) et parfaitement adaptées à la capture de l’allergène, à son assimilation et à sa présentation aux lymphocytes T, • apparemment très peu de mastocytes, un nombre réduit de lymphocytes B et pas d’éosinophiles. Polarisation de la réponse des cellules T CD4+ Lymphocyte B Mécanismes de l’immunité Fig.2 LA MUQUEUSE BUCCALE COMME SITE IMMUNOCOMPÉTENT CELLULES RÉPARTITION AU SEIN DE LA MUQUEUSE BUCCALE CELLULES DENDRITIQUES DE TYPE DE LANGERHANS • Présentes dans la muqueuse buccale. • Production en grandes quantités de MCH l-ll, CD40, CD80, CD86. • Présence des récepteurs Fcγ Rlll/ CD16 et Fcγ RI/ CD64. • Expression du FcεRI chez les patients atopiques et non atopiques. • Forte activité de simulation allogénique des lymphocytes T. LYMPHOCYTES T ET B • Présence des lymphocytes T au sein de l’épithélium de la muqueuse buccale. • Ratio CD4/ CD8 de 1 au sein de la muqueuse buccale (1/4 au niveau de la peau). • Faible nombre de cellules B au sein de l’épithélium de la muqueuse buccale. EOSINOPHILES MASTOCYTES ET BASOPHILES • Non retrouvés chez les patients allergiques ni chez les patients traités par ITSL à fortes doses. • ECP non détectés à la surface de la muqueuse buccale au cours du traitement par ITSL à fortes doses. • Cellules en faible nombre ; pas d’augmentation sous traitement d’entretien par ITSL. • Au cours du traitement par ITSL, pas d’activité tryptase détectée à la surface de la muqueuse buccale. 9 DOSSIER SCIENTIFIQUE Fig.3 LE RÔLE DES CELLULES BUCCALES DE LANGERHANS DANS L’ITSL SELON BIEBER (3) Th2 oLC Th1 IFN-γ IL-10 TGF-β IDO Tr IgE IL-4 (Th2) B prolifération des lymphocytes T. Somme toute, ces cellules dendritiques spécialisées de la bouche semblent avoir tendance à susciter des lymphocytes T régulateurs provoquant des modifications des cytokines qui favorisent le développement de réponses de type IgG ou IgA par rapport aux réponses allergiques IgE. IgG CONCLUSION (Th1) Une meilleure compréhension des mécanismes d’action aidera à optimiser l’efficacité de l’ITS de seconde génération (allergène recombinant). Elle permettra également de mettre au point des adjuvants et des formulations qui cibleront mieux les cellules de Langerhans buccales et amélioreront ainsi, la stimulation de lymphocyte T Reg. IL-10 IgG4 (Th2 modifié) Lors de la capture d’un allergène par les cellules dendritiques buccales (Figure 3), il y a une augmentation de la production de cytokines, d’interleukine 10 (IL-10), du facteur de croissance tumorale bêta (TGF-ß) ainsi que de l’enzyme, indole amine, 2 dioxygénase (IDO) qui métabolise le tryptophane, ce qui entraîne une réduction de la (1) Canonica GW and Passalacqua G. Noninjection routes immunotherapy. J Allergy Clin Immunol 2003; 111: 437-448. (2) Allam JP, Novak N, Fuchs C. Characterization of dendritic cells from human oral mucosa: a new Langerhans cell type with high constitutive FcεRI expression. J Allergy Clin Immunol, 2003; 112: 141-148. (3) Bieber T. (abstracts 2005). Cytométrie en flux et allergie Travaux du Docteur Maria L. Sanz, Département d’allergologie, Université de Navarre, Pampelonne (Espagne). À côté de ses travaux sur les mécanismes d’action sublinguaux de l’allergie, le Docteur Sanz et ses collaborateurs ont été les pionniers dans la mise au point d’un test d’activation des basophiles (BAT), connu sous le nom de FAST (test de stimulation allergénique par cytométrie en flux) et dans la détection de diverses allergies. En 2001, ils ont publié une étude montrant l’activation basophile avec expression du marqueur CD63 chez les patients allergiques aux acariens de la poussière de maison (Dermatophagoides pteronyssinus) et à l’Ivraie (Lolium perenne) (1). En 2003, ils ont publié une analyse sur la fiabilité diagnostique du test de stimulation allergénique par cytométrie en flux, en comparant leurs résultats avec ceux de tests cutanés chez des patients allergiques au latex (2). Dans le test FAST, les basophiles du patient sont exposés in vitro à l’allergène, puis l’investigateur détermine le pourcentage de basophiles exprimant le marqueur d’activation CD63. Dans leur étude sur l’allergie au latex, le test FAST a montré une sensibilité de 93 % et une spécificité de 100 %. La valeur prédictive 10 positive du FAST dans l’allergie au latex était de 100% et sa valeur prédictive négative était de 99,9%. détecter 50 % des patients et en combinaison avec le CAP, le taux de détection est de 65,5%. Plus récemment, l’équipe a étudié les marqueurs CD63 chez des patients souffrant d’allergie à l’omeprazole (4) et des réactions d’hypersensibilité à des médicaments anti-inflammatoires non-stéroïdiens comme l’aspirine, le naproxene et le diclofenac (5). Dans cette étude, la sensibilité de FAST pour l’aspirine était de 43,3% et sa spécificité de 100%. Sa valeur prédictive positive était de 100% et sa valeur prédictive négative était de 99,4%. Un avantage majeur de ce type de test est de pouvoir supprimer le recours aux tests de provocation allergénique qui présentent une menace potentielle pour les patients. En complément de son exploration du test FAST pour la détection d’allergie à des allergènes naturellement présents dans l’environnement, l’équipe espagnole a publié plusieurs articles concernant ses travaux sur des patients allergiques à des médicaments courants. Les patients souffrant d’hypersensibilité aux AINS représentent environ le quart de toutes les réactions d’hypersensibilité médicamenteuse. Un grand nombre de ces patients présentent des réactions positives pour plus d’un type d’AINS. Jusqu’aux travaux de l’équipe de Pampelonne, l’absence de disponibilité d’un test de diagnostic in vitro impliquait le recours à un test de provocation pour confirmer le diagnostic. Par exemple en 2002, ils ont étudié l’activation basophile chez les patients allergiques à la famille antibiotique des bêtalactamines (3). Dans cet exemple, le test a été capable de (1) Sanz ML. et al. Clin Exp Allergy 2001; 31: 1007-1013. (2) Sanz ML. et al. Int Arch Allergy Immunol 2003; 130(1): 33-9. (3) Sanz ML. et al. Clin Exp Allergy 2002; 32(2): 277-86. (4) Gamboa PM et al. Allergy 2003; 58(6): 538-9. (5) Gamboa PM et al. Clin Exp Allergy 2004; 34(9): 1448-57. INTERVIEW… du Professeur Thomas Bieber, Département de dermatologie, Université de Bonn (Allemagne). Expressions. En quoi les mécanismes allergiques cutanés diffèrent-ils de ceux d’autres tissus ? Professeur Thomas Bieber. Comme de nombreux organes, la peau peut être la cible de mécanismes immunologiques et la source de nombreux signaux pro et anti-inflammatoires. Néanmoins, en tant qu’interface avec l’environnement, la peau a un système immunitaire grandement différencié qui peut réagir à divers stimuli externes. Les symptômes cliniques sont la conséquence d’un réseau complexe et subtil de médiateurs spécifiques au type d’attaque interne ou externe. La plupart des mécanismes sont réglés finement au niveau génétique avec des polymorphismes qui expliquent les réactions différentes des individus. E. Le mécanisme de fonctionnement de l’ITSL est-il parfaitement compris ? Pr T. B. Sûrement pas ! Nous commençons juste à comprendre les événements initiaux qui se produisent lorsque la muqueuse buccale est défiée par des allergènes. Les cellules dendritiques hautement spécialisées et qui présentent l’antigène (appelées les cellules de Langerhans buccales) peuvent capturer efficacement des structures de haut poids moléculaire, les traiter et les présenter de manière à induire la tolérance. Nous sommes loin de comprendre parfaitement la voie amorcée par ces cellules buccales au cours de l’ITSL. E. L’ITS peut-elle être utile dans des pathologies cutanées comme la dermatite atopique ? Pr T.B. Pendant des années, l’immunothérapie sous-cutanée a été essayée dans la dermatite atopique car cette maladie était supposée découler d’une allergie à des allergènes alimentaires ou environnementaux courants comme les acariens. Cependant, la plupart des études ne montraient pas de bénéfice clinique évident. Nous avons beaucoup appris sur la physiopathologie, l’histoire naturelle et l’hétérogénéité de la maladie ; nous pouvons maintenant définir précisément un phénotype clinique et nous pouvons envisager à nouveau l’option thérapeutique de l’immunothérapie, en particulier l’ITSL, dans le traitement de la dermatite atopique. E. Quelles pathologies allergiques présentent un intérêt particulier pour les dermatologues ? Pr T.B. La dermatologie est une facette passionnante de la médecine et les pathologies allergiques sont des plus intéressantes depuis que les fabuleux progrès de la génétique et de l’immunologie ont permis de découvrir les mécanismes sous-jacents. Nous pouvons maintenant maîtriser des pathologies allergiques comme la dermatite atopique et l’allergie aux piqûres d’insectes. Cependant, il n’est pas impossible que nous puissions regarder bientôt d’un jour nouveau de nombreuses pathologies cutanées allergiques tant la ligne de partage entre les troubles allergiques et auto-immuns est floue et l’est de plus en plus. Par exemple dans la dermatite atopique, les patients semblent sensibilisés à leurs propres protéines, produisant des IgE spécifiques aux protéines structurelles épidermiques. La pertinence physiopathologique de ces IgE n’est pas clairement établie mais cet exemple illustre l’ampleur des découvertes à venir dans ce domaine. Les cellules dendritiques hautement spécialisées et qui présentent l’antigène peuvent capturer efficacement des structures de haut poids moléculaire, les traiter et les présenter de manière à induire la tolérance. 11 Cas clInique Une double ITS sublinguale ? Juliette, 12 ans, sans antécédent pathologique notable, habitant en Champagne (France), présente depuis quatre ans une rhinite persistante. Le tableau clinique associant éternuements en salve, rhinorrhée séreuse et obstruction nasale bilatérale, évolue sur un mode perannuel et s’accentue nettement entre les mois de mai et de juillet. Il se complète alors d’un prurit oculaire et ne s’atténue que partiellement sous traitement antihistaminique. Un bilan ORL s’est avéré normal et des tests cutanés pratiqués l’année dernière étaient positifs pour Dermatophagoides pteronyssinus, Dermatophagoides farinae, les pollens de bétulacées et les pollens de graminées ; ils étaient négatifs pour tous les autres pneumallergènes courants. Les mesures d’éviction allergéniques habituelles avec usage de housses anti-acariens sont suivies au domicile. Se pose la question d’une éventuelle immunothérapie spécifique. Question n°1 : Parmi les assertions suivantes, laquelle ou lesquelles vous paraît(ssent) exacte(s) ? 1) La voie injectable s’impose pour le suivi d’une immunothérapie spécifique dès lors qu’elle concerne plusieurs extraits allergéniques. 2) Une immunothérapie spécifique par voie sublinguale aux pollens de bétulacées et de graminées est indiquée pour réduire l’accentuation saisonnière du tableau clinique. 3) L’existence d’une polysensibilisation est une contre-indication à la mise en route d’une immunothérapie spécifique. 4) Aucune de ces propositions n’est exacte. Réponse : 4 S’il est reconnu que l’existence d’une polyallergie rend l’efficacité d’une immunothérapie spécifique incertaine, elle n’en constitue pas pour autant une contre-indication formelle. Par ailleurs, il faut distinguer polysensibilisation et polyallergie : Juliette, sensibilisée aux pollens de bétulacées, ne constate aucune accentuation de sa rhino-conjonctivite en période de pollinisation des arbres et on ne peut exclure que le test cutané positif correspondant témoigne simplement d’une sensibilisation croisée sans expression clinique entre pollens, faisant par exemple intervenir la profiline du bouleau (Betv2). Dès lors, une double immunothérapie spécifique aux acariens domestiques et aux pollens de graminées peut être envisagée et, en l’absence d’études relatives à l’efficacité d’une double immunothérapie spécifique, il n’existe ni plus ni moins d’arguments pour le choix de la voie sublinguale ou de la voie injectable. 12 Question n°2 : Parmi les suivantes, quelle modalité de traitement vous paraît la plus adaptée à la mise en route et au suivi d’une double ITS sublinguale portant sur les acariens et les pollens de graminées ? 1) Prescription d’un extrait allergénique associant Dermatophagoides pteronyssinus, Dermatophagoides farinae et un mélange de 3 graminées, avec schéma de progression des doses habituelles ? 2) Prescription de deux extraits allergéniques, l’un associant Dermatophagoides pteronyssinus et Dermatophagoides farinae, l’autre composé de trois pollens de graminées, en deux prises matinales espacées de 10 mn ? 3) Prescription de deux extraits allergéniques, l’un associant Dermatophagoides pteronyssinus et Dermatophagoides farinae dont la prise est matinale, l’autre associant trois pollens de graminées avec prise vespérale ? 4) Prescription de deux extraits allergéniques, l’un associant Dermatophagoides pteronyssinus et Dermatophagoides farinae, l’autre de pollen de phléole, avec prises matinales alternées un jour sur deux ? Réponse : 4 Le mélange, dans un même extrait, de deux allergènes non apparentés comme les acariens et les pollens, n’est pas recommandé par l’OMS. Par ailleurs, s’il n’existe pas encore de règles sur ce point, il apparaît préférable de ne pas cumuler la prise matinale de deux extraits allergéniques pour limiter le risque d’effets indésirables, et de déconseiller les prises vespérales pour éviter leur éventuelle survenue nocturne. Le protocole le plus adapté à une double immunothérapie spécifique sublinguale semble donc d’avoir recours à une prise matinale alternée, un jour sur deux, de chacun des deux extraits tout en conservant le schéma habituel de progression et d’entretien des doses. parole a INTERVIEW… du Professeur Constance H. Katelaris, Département d’immunologie, Westmead Hospital, Sydney, New South Wales (Australie). Expressions. L’utilisation de l’immunothérapie spécifique (ITS) est-elle largement répandue en Australie ou restet-elle l’apanage de quelques centres spécialisés ? les allergènes constituent le facteur déclenchant principal et que l’asthme du patient est bien maîtrisé. Bien sûr, l’ITS joue aussi un rôle particulier dans la prise en charge de l’anaphylaxie due aux venins d’insectes piqueurs. Professeur C. H. Katelaris. L’ITS est utilisée E. Quels sont les allergènes les plus depuis longtemps en Australie et elle connaît un renouveau ces dernières années. Les spécialistes prescrivent environ 70% des traitements, même si les généralistes réalisent le plus grand nombre d’injections. Les 30% restant sont prescrits par des généralistes qui exercent généralement en milieu rural loin des centres urbains, là où les spécialistes ont tendance à s’installer. E. Pour quels patients et quelles indi- courants ? Pr C. H. K. Les allergènes les plus couramment employés pour l’ITS en Australie sont les acariens de la poussière de maison (D. pteronyssinus) et le pollen d’Ivraie (de manière isolée ou en mélange de pollens). En pratique, les acariens de la poussière de maison et le pollen de graminées constituent 90% de tous les allergènes utilisés pour l’ITS en Australie. cations pratiquez-vous l’ITS ? Pr C. H. K. L’ITS est plus couramment employée chez des patients dont la pathologie est mal maîtrisée malgré des mesures d'éviction environnementale et un traitement pharmacologique ; néanmoins, certains patients réclament l'ITS comme traitement alternatif aux médicaments. L’allergie respiratoire, en particulier la rhinoconjonctivite allergique, est l’indication la plus fréquente. En Australie, l’ITS n’est pas employée en traitement exclusif de l’asthme mais en complément du traitement médicamenteux lorsque E. Existe-il des allergènes inhabituels qui soient spécifiques à l’Australie ? Pr C. H. K. Le plus célèbre et le plus connu, est celui de la fourmi Myrmecia pilosula, originaire d’Australie, qui est responsable de réactions anaphylactiques chez 3 à 4 % de la population des états du sud. Quelques cas sporadiques de sensibilisation à des pollens de certaines espèces indigènes sont signalés, mais la grande majorité des sensibilisations sont dues aux pollens d’espèces importées. E. Comment échangez-vous vos connaissances ? Pr C. H. K. Par le biais de notre association professionnelle, l’ASCIA (Australasian Society of Clinical and Immunology Allergy), les membres se retrouvent de manière formelle à la conférence annuelle, différents aspects de l’immunothérapie y sont toujours abordés. Un grand nombre participe également aux rencontres internationales afin de se tenir au courant des attitudes et des tendances cliniques à l’étranger. E. Quelles associations de patients trouve-t-on en Australie ? Pr C. H. K. Il existe une association de consommateurs pour les personnes qui souffrent de réactions anaphylactiques, elle s’occupe plus particulièrement des allergies alimentaires, une autre association est dédiée aux asthmatiques mais il n’existe pas de groupe spécifique en relation avec l’immunothérapie. Néanmoins, notre organisation professionnelle, l’ASCIA entreprend des activités éducatives de grande valeur fournissant aux patients potentiels des informations actuelles et qui font autorité. Le site Web peut être visité à l’adresse : www.allergy.org.au RÉSUMÉ DES TEMPS FORTS de l’AAAAI San Antonio (Etats-Unis) 8-22 mars 2005. Cette année, plusieurs résultats, parfois contradictoires, concernant les traitements adjuvants pour l’ITS ont été présentés, à la conférence de l’American Academy of Allergy, Asthma and Immunology (Académie américaine d’allergie, d'asthme et d'immunologie). • L’omalizumab (un anticorps anti-IgE) pourrait permettre l’administration de dose plus importantes d’ITS avec une innocuité plus grande (259) et le composé pourrait (303, 306) (ou non (304)) réduire le recours aux médicaments anti-asthmatiques. • Il a été suggéré que des antigènes bactériens pourraient améliorer l’efficacité de l’ITS mais cela ne semble pas vrai avec le vaccin du BCG (300). Parmi les études concernant l’ITS elle-même : • Des études de coût- efficacité menées dans la rhinite sont en faveur de l’ITS, les économies sont principalement dues à la prévention de l’apparition de l’asthme (302). • Dans l’allergie au cafard, il a été montré que des allergènes de bas poids moléculaire ne sensibilisaient pas les personnes sensibles à des allergènes de plus haut poids moléculaire (395). • Deux études montrent que les patients préfèrent le protocole de montée rapide des doses par rapport aux protocoles conventionnels, car il est moins cher et, bien sûr, plus rapide d’action (644,645). • Au cours de l’immunothérapie spécifique par voie sous-cutanée, la fréquence des réactions potentiellement fatales a été estimée à 5,4 par million d’injections. La sévérité moins importante de l’asthme ainsi qu’une bonne prise en charge de l’anaphylaxie sont deux facteurs qui permettent de sauver des vies (829). • Il a été démontré que l’ITS par voie sublinguale entraînait l’apparition d’IgA chez les souris (825), qu’elle avait une efficacité durable chez l’homme (1057) et qu’elle était adaptée aux enfants (1056,1058). • Les piqûres de fourmis rouges importées sont la cause la plus fréquente d’anaphylaxie au sud-est des Etats-Unis (397). L’ITS ultrarush a prouvé son efficacité sur cette allergie chez deux enfants de moins de 3 ans (398). J Allergy Clin Immunol 2005 ; 115 (2) : S65-S265 (S265 (Numéro des résumés cités dans le texte) 13 revue de presse Canadian trial of sublingual swallow immunotherapy for ragweed rhinoconjunctivitis. Bowen T, Greenbaum J, Charbonneau Y, et al. Ann Allergy Asthma Immunol 2004; 93: 425-430. Commencer une ITSL juste avant la saison de l’ambroisie ’ambroisie (Ambrosia) est une cause bien connue de rhinoconjonctivite allergique sévère en Europe et en Amérique du Nord. Au Canada, la saison débute dans les deux premières semaines d’août et dure jusqu’en octobre. En 2001, les concentrations maximales de pollen d’ambroisie variaient entre 100 et 200 grains/m3 dans des villes comme Toronto, Montréal, Hamilton et London (Ontario). Néanmoins, pour la première fois cette saison, des patients souffrant d’allergie à l’ambroisie ont été traités par immunothérapie sublinguale (ITSL). À son démarrage, cette étude était la première à employer une formulation contenant l’allergène de l’ambroisie pour ITSL. Un autre aspect particulier de cette étude réside dans le fait que les investigateurs, au lieu d’administrer une cure de traitement de longue durée avant la saison, ont commencé la montée des doses pour atteindre le maximum en deux semaines avant le début prévue de la saison. Dans cet essai, randomisé et contrôlé versus placebo, 39 patients ont reçu l’ITSL et 37 un placebo. Onze patients du groupe placebo ont abandonné pour manque d’efficacité et neuf du groupe ITSL ont abandonné à cause L d’effets secondaires bien qu’aucun n’ait été considéré comme grave, aucun n’était systémique et aucun n’a nécessité l’administration d’adrénaline. Malheureusement pour l’étude, la saison de l’ambroisie a été pratiquement inexistante à Québec (un des centres participants). En conséquence, les patients de Québec ont dû être exclus pour permettre d’obtenir des variables d’efficacité significative. Néanmoins, un bénéfice significatif a été constaté dans les centres où la concentration de pollen était élevée, les groupes traités souffrant moins d’éternuements et de prurit nasal. Et une augmentation du taux d’IgG4 spécifique à l’ambroisie a été également constatée dans le groupe traité. La conclusion de l'étude a montré que l'immunothérapie sublinguale aux extraits d’ambroisie est efficace même lorsque le traitement est mis en œuvre peu de temps avant le début de la saison. Les auteurs ont ainsi suggéré que les patients qui se préoccupaient tardivement de suivre une immunothérapie pouvaient encore bénéficier d’un soulagement des symptômes même si le traitement était mis en œuvre uniquement quelques semaines avant la saison. Randomized controlled open study of sublingual immunotherapy for respiratory allergy in real-life: clinical efficacy and more. Marogna M, Spadolini I, Massolo A et al. Allergy 2004; 59: 1205-1210. Plus de 500 patients pour une étude d’ITSL d’une durée de trois ans ’immunothérapie sublinguale (ITSL) est disponible en Italie et dans les autres pays européens depuis plus de 10 ans. Elle a été validée par des recommandations et son efficacité a été reconfirmée dans une récente méta-analyse. Néanmoins, se pose le problème du faible nombre de patients dans les études contrôlées. L 14 Une équipe composée de membres des principaux centres médicaux d’Italie vient de publier les résultats d’une étude de trois ans sur plus de 500 patients randomisés (dans une proportion de trois pour deux) entre un traitement ITSL et un traitement médicamenteux seul. Les auteurs insistent sur le fait que cette étude n’est pas simplement établie de manière adéquate pour évaluer l’efficacité et l’innocuité de l’ITSL mais qu’elle est assez importante pour faire la lumière sur d’autres aspects controversés de l’ITSL, comme l’observance du traitement. Des données sur trois ans furent obtenues à partir de 271 patients recevant une ITSL et 170 contrôles. Tous souffraient d’allergie respiratoire, due aux acariens de la poussière de maison ou aux pollens, dans des proportions à peu près égales. Le groupe recevant l’ITSL vit une amélioration de plus de 50 % des valeurs cliniques de base (chiffre trop élevé pour être qualifié «d’effet placebo»). De plus, l’ITSL a réduit de manière significative les nouvelles sensibilisations et la réactivité bronchique à la métacholi- ne. Chez 72 % des patients, l’observance à l’ITSL était supérieure à 80%. Le taux d’abandon était comparable pour le groupe ITSL et pour le groupe contrôle, mais la principale cause d’abandon du groupe contrôle était une aggravation intolérable des symptômes. L’ITSL était généralement bien tolérée avec un abandon de seulement cinq patients pour cause de prurit buccal (trois cas), d’asthme et de douleurs abdominales (un cas chacun). Cette étude a également mis en évidence une légère mais significative, amélioration de l’état des patients âgés de moins de dix-huit ans traités par ITSL, par rapport aux patients plus âgés. L’étude « sur le terrain » ajoute une confirmation supplémentaire de l’efficacité de l’ITSL en pratique. Sublingual immunotherapy for allergic rhinitis: systematic review and meta-analysis. Wilson DR, Torres Lima M, Durham SR. Allergy 2005; 60: 4-12. ITSL déclarée «attractive» par les spécialistes anglais es pneumologues britanniques qui avaient présenté récemment leur analyse des études sur l’ITSL dans la revue Cochrane, viennent de publier leurs résultats dans la revue Allergy. Ils ont examiné quatre bases de données à la recherche d’essais cliniques contrôlés randomisés et ont identifié vingt-deux essais comportant 979 patients répondant à leurs critères d’inclusion. Le type d’allergène, l’âge des participants et la durée de traitement ont fait l’objet d’une analyse en sous-groupes. Les résultats combinés ont montré une réduction significative des symptômes avec l’ITSL. Dix-sept études répondaient aux critères pour l’évaluation de l’usage des médicaments et ont montré une réduction très significative de la médication chez les patients recevant l’ITSL. Dans six études comportant 381 patients recevant une ITSL ou un placebo, le taux d’IgG4 sérique spécifique à l’allergène était augmenté significativement chez les patients qui avaient reçu l’ITSL. Dans toutes les études, il n’y avait aucun effet secondaire systémique et les réactions locales étaient rarement significatives. Un tiers des 33 études initialement identifiées a dû être L exclu à cause de critères d’application stricts. Néanmoins, les données restantes ont été suffisantes pour que les auteurs concluent que l’analyse «confirme la réduction significative, due à l’ITSL, des symptômes de rhinites et du recours à une médication anti-allergique.» Les données étaient insuffisantes pour détecter une différence d’effet selon le type d’allergène. De même, l’effet de la dose totale n’a pu être analysé à cause de la grande variation des préparations utilisées. Néanmoins, deux études ont montré que l’ITSL n’était pas seulement plus efficace que le placebo mais qu’elle était également aussi efficace que l’immunothérapie sous-cutanée (ITSC). Les auteurs ont insisté sur l’importance de leurs recherches concernant l’innocuité de l’ITSL comparée à l’ITSC employée auparavant et ont conclu «qu’un certain nombre de voies alternatives avaient été explorées et que l’administration sublinguale était apparue comme la plus susceptible d’être à la fois acceptable et efficace. La possibilité de traitement à domicile et l’absence de choc anaphylactique signalé à ce jour, rendent cette forme de traitement extrêmement attractive». 15 7298 - 06/05 - Stallergènes Département Communication 6, rue Alexis de Tocqueville - 92 183 ANTONY CEDEX - FRANCE - Tel. : 01 55 59 21 00 www.stallergenes.fr