RACINES244 - juin 2013 22/05/13 17:54 Page26 RACINES. Vivre entre Sèvre et Loire Par Antoine Gazeau a m é z c e l’ r e it a tr t e e Comprendr La plus fréquente des maladies de peau, l’eczéma motive près du tiers des consultations en dermatologie. Il est aussi de plus en plus répandu. D es rougeurs, des lésions déchiquetées et suintantes, des démangeaisons intenses. On gratte parce que c’est irrité. Et c’est irrité parce que l’on gratte. Le diagnostic est élémentaire et fiable. Du reste, le patient est en général déjà au courant : il s’agit d’eczéma. L’eczéma… Sous un vocable unique se dissimulent en fait plusieurs types de pathologie. Au moins deux : la dermatite atopique et l’eczéma de contact. La première, surtout répandue chez les enfants (environ 15 % des nourrissons), est de loin la forme la plus courante, qui se caractérise par des réactions au contact d’allergènes normalement inoffensifs (pous- sières, pollen, ou poils d’animaux). L’eczéma de contact, lui, est plus fréquent chez l’adulte : la peau s’irrite au contact de certains produits (savon, sueur, salive, nickel, etc). Dans tous les cas, il s’agit d’une maladie inflammatoire chronique et récurrente de la peau, souvent présente chez les personnes qui souffrent ou qui ont des antécédents familiaux d’allergies et d’asthme. Les liens entre eczéma et asthme sont inscrits dans leurs définitions mêmes : tous deux sont des composantes d’une même maladie, l’atopie. Le fait d’avoir de l’eczéma augmente d’ailleurs le risque de devenir asthmatique : “Environ 30 % des nourris- sons porteurs de dermatite atopique présentent un asthme à partir de deux ans, note le professeur Jean-François Stalder, dermatologue. Ce risque est donc nettement plus élevé que dans une population témoin.” Le risque d’avoir un enfant porteur d’un eczéma est aussi augmenté quand deux de ses parents sont atteints. Les dermatologues connaissent de mieux en mieux l’eczéma atopique. Son mécanisme est relativement simple : la structure de la peau, défaillante pour des raisons essentiellement génétiques, laisse anormalement passer des molécules qui entrent en contact avec les cellules de défense immunitaire, lesquelles réagissent de La reproduction ou l'utilisation sous quelque forme que ce soit de nos articles informations et photos est interdite sans l'accord du magazine RACINES 26 juin 2013 a RACINES244 - juin 2013 22/05/13 17:54 Page27 RACINES. Vivre entre Sèvre et Loire façon excessive. Alors que faire ? D’abord prévenir, au moins les poussées. Tout ce qui contribue à diminuer le “stress cutané” est bienvenu. Mieux vaut par ailleurs éviter les détergents, tissus rêches et autres produits irritants… Il s’agit ensuite de soigner l’eczéma. D’en traiter les symptômes, plus exactement, parce qu’aucun traitement ne guérit complétement la maladie. Les interventions consistent essentiellement à réduire l’inflammation et à atténuer l’inconfort engendré. Tout ce qui peut contribuer à apaiser et hydrater la peau est alors fort apprécié : un bain tiède (moins de 36° C), avec savon surgras ou pain de PH neutre et non irritant, par exemple. Les dermocorticoïdes sont aussi quasiment systématiquement prescrits au moment d’une poussée. L’essentiel est de traiter tôt toute poussée inflammatoire (peau rouge, suintante, qui démange). Et surtout d’y croire : “Les traitements efficaces existent, sauf dans des formes sévères heureusement rares, rassure le professeur Jean-François Stalder, chef du service de dermatologie du CHU de Nantes. Le problème reste la faible adhésion des patients ou de leurs parents aux soins locaux en général, et à l’utilisation des crèmes cortisonées en particulier.” Ou comment la confiance est devenue la clé du traitement… “L’eczéma ne s’accentue pas avec l’âge” Le professeur Christine Bodemer est chef de service en dermatologie à l’hôpital Necker-Enfants Malades (Paris). Si on ne devait retenir qu’un message sur l’eczéma, quel serait-il ? Que ce n’est pas une maladie allergique. L’eczéma atopique associe une anomalie de la barrière cutanée (couche superficielle de la peau), et une particularité de la réponse immunitaire. Quand on en souffre, notre barrière cutanée, sorte de palissade censée empêcher les microparticules de pénétrer, est fissurée et perméable : des allergènes d’environnement, normalement naturellement stoppés à la surface de la peau, peuvent donc la traverser. Cette pénétration déclenche une réaction normale de rejet par le système immunitaire particulièrement réactif. Mais ces allergènes sont rejetés en tant que corps étranger, non en tant qu’allergène ! Inutile de se priver d’aliments à l’aveugle, sous prétexte d’éventuelle allergie ? La question n’est pas là… C’est une maladie de plus en plus courante... Pourquoi ? La pollution croissante, d’abord, joue probablement un rôle : les microparticules capables de traverser la barrière cutanée sont toujours plus nombreuses... Il faut ensuite noter que cette prévalence augmente surtout dans les pays et les milieux aux niveaux socio-économiques les plus élevés. Sur les plans de l’hygiène et de l’environnement de vie immédiat, leurs habitants sont mieux protégés, notamment contre les allergènes : dans un tel milieu, les patients qui ont un terrain génétique atopique ne s’immunisent pas précocement et déclenchent plus volontiers des mécanismes de réaction immunologique, avec en conséquence des poussées inflammatoires cutanés. L’eczéma touche essentiellement les jeunes enfants. Quid de leurs aînés ? Il n’y a probablement pas “un” eczéma atopique, mais bien “plusieurs”. Certaines formes peuvent apparaître chez l’enfant plus grand, voire à l’âge adulte. Cela dépend en particulier des caractéristiques des fonctions barrières de l’organisme, comme celles de la barrière cutanée… En grandissant, l’eczéma atopique devient de moins en moins important. Chez les enfants, il disparait en général peu à peu, comme si des mécanismes compensateurs se mettaient en route. Les malades qui commencent à l’âge adulte ont une chronicité plus longue : ils seront eczémateux plus longtemps. Mais la sévérité de l’eczéma n’augmente pas constamment en vieillissant. Peut-on considérer que c’est une maladie bien traitée ? Oui. Le traitement de référence demeure la corticothérapie locale. Elle est parfois diabolisée : les gens l’assimilent à de la cortisone prise par voie générale, avec les effets de celle-ci sur le poids et l’hypertension, par exemple… C’est une erreur ! Bien conduite, la corticothérapie locale ne débouche pas sur des complications. En revanche, si on l’utilise pendant plusieurs années sur un même site, ce qui peut être le cas chez l’adulte du fait de la pérennité de la maladie, ce traitement peut entraîner une atrophie de la peau, une espèce de couperose sur le visage ou des vergetures sur les seins ou les cuisses… Des alternatives thérapeutiques sont possibles. Comme pour tout produit, des précautions et des règles de prescription sont à suivre (durée, quantité, modalités) ; l’été par exemple, il sera évité ou utilisé surtout le soir, en se protégeant d’expositions importantes aux UV. La reproduction ou l'utilisation sous quelque forme que ce soit de nos articles informations et photos est interdite sans l'accord du magazine RACINES 27 juin 2013