RACINES244 - juin 2013

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RACINES. Vivre entre Sèvre et Loire
Par Antoine Gazeau
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Comprendr
La plus fréquente des maladies de peau, l’eczéma
motive près du tiers des consultations en dermatologie.
Il est aussi de plus en plus répandu.
D
es rougeurs, des lésions déchiquetées et suintantes, des
démangeaisons intenses. On
gratte parce que c’est irrité. Et c’est
irrité parce que l’on gratte. Le diagnostic est élémentaire et fiable. Du
reste, le patient est en général déjà
au courant : il s’agit d’eczéma.
L’eczéma… Sous un vocable unique
se dissimulent en fait plusieurs types
de pathologie. Au moins deux : la dermatite atopique et l’eczéma de
contact. La première, surtout répandue chez les enfants (environ 15 %
des nourrissons), est de loin la forme
la plus courante, qui se caractérise
par des réactions au contact d’allergènes normalement inoffensifs (pous-
sières, pollen, ou poils d’animaux).
L’eczéma de contact, lui, est plus fréquent chez l’adulte : la peau s’irrite
au contact de certains produits (savon,
sueur, salive, nickel, etc). Dans tous
les cas, il s’agit d’une maladie inflammatoire chronique et récurrente de la
peau, souvent présente chez les personnes qui souffrent ou qui ont des
antécédents familiaux d’allergies et
d’asthme.
Les liens entre eczéma et asthme
sont inscrits dans leurs définitions
mêmes : tous deux sont des composantes d’une même maladie, l’atopie.
Le fait d’avoir de l’eczéma augmente
d’ailleurs le risque de devenir asthmatique : “Environ 30 % des nourris-
sons porteurs de dermatite atopique
présentent un asthme à partir de deux
ans, note le professeur Jean-François
Stalder, dermatologue. Ce risque est
donc nettement plus élevé que dans
une population témoin.” Le risque
d’avoir un enfant porteur d’un eczéma
est aussi augmenté quand deux de
ses parents sont atteints.
Les dermatologues connaissent de
mieux en mieux l’eczéma atopique.
Son mécanisme est relativement simple : la structure de la peau, défaillante pour des raisons essentiellement
génétiques, laisse anormalement passer des molécules qui entrent en
contact avec les cellules de défense
immunitaire, lesquelles réagissent de
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façon excessive.
Alors que faire ? D’abord prévenir, au moins les poussées. Tout ce qui
contribue à diminuer le “stress cutané”
est bienvenu. Mieux vaut par ailleurs
éviter les détergents, tissus rêches et
autres produits irritants…
Il s’agit ensuite de soigner l’eczéma. D’en traiter les symptômes, plus
exactement, parce qu’aucun traitement ne guérit complétement la maladie. Les interventions consistent
essentiellement à réduire l’inflammation et à atténuer l’inconfort engendré. Tout ce qui peut contribuer à
apaiser et hydrater la peau est alors
fort apprécié : un bain tiède (moins
de 36° C), avec savon surgras ou pain
de PH neutre et non irritant, par exemple. Les dermocorticoïdes sont aussi
quasiment systématiquement prescrits
au moment d’une poussée. L’essentiel est de traiter tôt toute poussée
inflammatoire (peau rouge, suintante,
qui démange). Et surtout d’y croire :
“Les traitements efficaces existent, sauf
dans des formes sévères heureusement
rares, rassure le professeur Jean-François Stalder, chef du service de dermatologie du CHU de Nantes. Le
problème reste la faible adhésion des
patients ou de leurs parents aux soins
locaux en général, et à l’utilisation des
crèmes cortisonées en particulier.” Ou
comment la confiance est devenue la
clé du traitement…
“L’eczéma ne s’accentue pas avec l’âge”
Le professeur Christine Bodemer est chef
de service en dermatologie à l’hôpital
Necker-Enfants Malades (Paris).
Si on ne devait retenir qu’un message sur l’eczéma, quel serait-il ?
Que ce n’est pas une maladie allergique.
L’eczéma atopique associe une anomalie de
la barrière cutanée (couche superficielle de la peau), et
une particularité de la réponse immunitaire. Quand on
en souffre, notre barrière cutanée, sorte de palissade
censée empêcher les microparticules de pénétrer, est fissurée et perméable : des allergènes d’environnement,
normalement naturellement stoppés à la surface de la
peau, peuvent donc la traverser. Cette pénétration
déclenche une réaction normale de rejet par le système
immunitaire particulièrement réactif. Mais ces allergènes
sont rejetés en tant que corps étranger, non en tant qu’allergène ! Inutile de se priver d’aliments à l’aveugle, sous
prétexte d’éventuelle allergie ? La question n’est pas là…
C’est une maladie de plus en plus courante...
Pourquoi ?
La pollution croissante, d’abord, joue probablement
un rôle : les microparticules capables de traverser la
barrière cutanée sont toujours plus nombreuses... Il faut
ensuite noter que cette prévalence augmente surtout
dans les pays et les milieux aux niveaux socio-économiques les plus élevés. Sur les plans de l’hygiène et de
l’environnement de vie immédiat, leurs habitants sont
mieux protégés, notamment contre les allergènes : dans
un tel milieu, les patients qui ont un terrain génétique
atopique ne s’immunisent pas précocement et déclenchent plus volontiers des mécanismes de réaction immunologique, avec en conséquence des poussées
inflammatoires cutanés.
L’eczéma touche essentiellement les
jeunes enfants. Quid de leurs aînés ?
Il n’y a probablement pas “un” eczéma
atopique, mais bien “plusieurs”. Certaines
formes peuvent apparaître chez l’enfant plus
grand, voire à l’âge adulte. Cela dépend
en particulier des caractéristiques des fonctions barrières de l’organisme, comme celles
de la barrière cutanée… En grandissant, l’eczéma atopique devient de moins en moins important. Chez les
enfants, il disparait en général peu à peu, comme si
des mécanismes compensateurs se mettaient en route.
Les malades qui commencent à l’âge adulte ont une
chronicité plus longue : ils seront eczémateux plus longtemps. Mais la sévérité de l’eczéma n’augmente pas
constamment en vieillissant.
Peut-on considérer que c’est une maladie bien
traitée ?
Oui. Le traitement de référence demeure la corticothérapie locale. Elle est parfois diabolisée : les gens
l’assimilent à de la cortisone prise par voie générale,
avec les effets de celle-ci sur le poids et l’hypertension,
par exemple… C’est une erreur ! Bien conduite, la corticothérapie locale ne débouche pas sur des complications. En revanche, si on l’utilise pendant plusieurs
années sur un même site, ce qui peut être le cas chez
l’adulte du fait de la pérennité de la maladie, ce traitement peut entraîner une atrophie de la peau, une
espèce de couperose sur le visage ou des vergetures
sur les seins ou les cuisses… Des alternatives thérapeutiques sont possibles. Comme pour tout produit, des
précautions et des règles de prescription sont à suivre
(durée, quantité, modalités) ; l’été par exemple, il sera
évité ou utilisé surtout le soir, en se protégeant d’expositions importantes aux UV.
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