
juin 2013
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RACINES
a
“L’eczéma ne s’accentue pas avec l’âge”
Le professeur Christine Bodemer est chef
de service en dermatologie à l’hôpital
Necker-Enfants Malades (Paris).
Si on ne devait retenir qu’un mes-
sage sur l’eczéma, quel serait-il ?
Que ce n’est pas une maladie allergique.
L’eczéma atopique associe une anomalie de
la barrière cutanée (couche superficielle de la peau), et
une particularité de la réponse immunitaire. Quand on
en souffre, notre barrière cutanée, sorte de palissade
censée empêcher les microparticules de pénétrer, est fis-
surée et perméable : des allergènes d’environnement,
normalement naturellement stoppés à la surface de la
peau, peuvent donc la traverser. Cette pénétration
déclenche une réaction normale de rejet par le système
immunitaire particulièrement réactif. Mais ces allergènes
sont rejetés en tant que corps étranger, non en tant qu’al-
lergène ! Inutile de se priver d’aliments à l’aveugle, sous
prétexte d’éventuelle allergie ? La question n’est pas là…
C’est une maladie de plus en plus courante...
Pourquoi ?
La pollution croissante, d’abord, joue probablement
un rôle : les microparticules capables de traverser la
barrière cutanée sont toujours plus nombreuses... Il faut
ensuite noter que cette prévalence augmente surtout
dans les pays et les milieux aux niveaux socio-écono-
miques les plus élevés. Sur les plans de l’hygiène et de
l’environnement de vie immédiat, leurs habitants sont
mieux protégés, notamment contre les allergènes : dans
un tel milieu, les patients qui ont un terrain génétique
atopique ne s’immunisent pas précocement et déclen-
chent plus volontiers des mécanismes de réaction immu-
nologique, avec en conséquence des poussées
inflammatoires cutanés.
L’eczéma touche essentiellement les
jeunes enfants. Quid de leurs aînés ?
Il n’y a probablement pas “un” eczéma
atopique, mais bien “plusieurs”. Certaines
formes peuvent apparaître chez l’enfant plus
grand, voire à l’âge adulte. Cela dépend
en particulier des caractéristiques des fonc-
tions barrières de l’organisme, comme celles
de la barrière cutanée… En grandissant, l’eczéma ato-
pique devient de moins en moins important. Chez les
enfants, il disparait en général peu à peu, comme si
des mécanismes compensateurs se mettaient en route.
Les malades qui commencent à l’âge adulte ont une
chronicité plus longue: ils seront eczémateux plus long-
temps. Mais la sévérité de l’eczéma n’augmente pas
constamment en vieillissant.
Peut-on considérer que c’est une maladie bien
traitée ?
Oui. Le traitement de référence demeure la cortico-
thérapie locale. Elle est parfois diabolisée : les gens
l’assimilent à de la cortisone prise par voie générale,
avec les effets de celle-ci sur le poids et l’hypertension,
par exemple… C’est une erreur ! Bien conduite, la cor-
ticothérapie locale ne débouche pas sur des complica-
tions. En revanche, si on l’utilise pendant plusieurs
années sur un même site, ce qui peut être le cas chez
l’adulte du fait de la pérennité de la maladie, ce trai-
tement peut entraîner une atrophie de la peau, une
espèce de couperose sur le visage ou des vergetures
sur les seins ou les cuisses… Des alternatives thérapeu-
tiques sont possibles. Comme pour tout produit, des
précautions et des règles de prescription sont à suivre
(durée, quantité, modalités) ; l’été par exemple, il sera
évité ou utilisé surtout le soir, en se protégeant d’expo-
sitions importantes aux UV.
façon excessive.
Alors que faire ? D’abord préve-
nir, au moins les poussées. Tout ce qui
contribue à diminuer le “stress cutané”
est bienvenu. Mieux vaut par ailleurs
éviter les détergents, tissus rêches et
autres produits irritants…
Il s’agit ensuite de soigner l’ec-
zéma. D’en traiter les symptômes, plus
exactement, parce qu’aucun traite-
ment ne guérit complétement la mala-
die. Les interventions consistent
essentiellement à réduire l’inflamma-
tion et à atténuer l’inconfort engen-
dré. Tout ce qui peut contribuer à
apaiser et hydrater la peau est alors
fort apprécié : un bain tiède (moins
de 36° C), avec savon surgras ou pain
de PH neutre et non irritant, par exem-
ple. Les dermocorticoïdes sont aussi
quasiment systématiquement prescrits
au moment d’une poussée. L’essen-
tiel est de traiter tôt toute poussée
inflammatoire (peau rouge, suintante,
qui démange). Et surtout d’y croire :
“Les traitements efficaces existent, sauf
dans des formes sévères heureusement
rares, rassure le professeur Jean-Fran-
çois Stalder, chef du service de der-
matologie du CHU de Nantes. Le
problème reste la faible adhésion des
patients ou de leurs parents aux soins
locaux en général, et à l’utilisation des
crèmes cortisonées en particulier.” Ou
comment la confiance est devenue la
clé du traitement…
RACINES244 - juin 2013 22/05/13 17:54 Page27
RACINES. Vivre entre Sèvre et Loire
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