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2009 - 51 - 1er Trim. - N° 198
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Association des Anciens Élèves de l’Institut Pasteur
Durant ces cinquante dernières années, la connaissance
des mécanismes impliqués dans la tumorigénèse a grandement
bénéficié des avancées de la biologie moléculaire. Cette appro-
che a mis en lumière la grande diversité des processus qui, par
un plus ou moins grand nombre d’étapes, conduisent à la perte
du contrôle du cycle cellulaire et in fine à la transformation cel-
lulaire. Alors que la chimiothérapie classique n’est pas discrimi-
nante et souvent associée à une toxicité élevée, la thérapie utili-
sant des molécules ou des anticorps monoclonaux dirigés contre
certaines cibles identifiées du processus ou de l’environnement
tumoral est un progrès indéniable, même si des effets secondaires
non négligeables sont observés.
D’autre part, l’échappement des cellules cancéreuses aux
divers systèmes de contrôle à l’origine des métastases ou de
récidives reste mal compris et, face à des échecs thérapeutiques
encore trop nombreux, il est nécessaire d’envisager d’autres
approches thérapeutiques.
À partir des années 1960, le concept de stimulation du
système immunitaire a été appliqué au domaine de la cancérolo-
gie en vue d’augmenter la capacité à détruire les cellules cancé-
reuses, étrangères au soi. Il a suscité de nombreux travaux expé-
rimentaux. Si l’utilisation de bactéries (BCG, corynebactéries…),
d’extraits bactériens, d’endotoxine, et de diverses molécules
(polyI-polyC…) a pu être prometteur dans des modèles de
tumeurs transplantables chez la souris, il a en définitive, trouvé
peu d’applications en clinique, à l’exception du BCG dans le
cancer de la vessie.
Cependant, parallèlement à ces travaux, l’identification
des facteurs impliqués dans l’environnement tumoral pouvant
conduire à la destruction des cellules cancéreuses a progressé,
ainsi que la mise en évidence des nombreuses cytokines indis-
pensables au fonctionnement du réseau complexe du système
immunitaire. Certaines de ces cytokines telles que le TNF, l’Il6,
l’IL12, le PDGF ont suscité des espoirs. Cependant, en raison de
la toxicité engendrée par leur administration, seules quelques-
unes comme l’IL2 et l’interféron ont, pour le moment, un avenir
thérapeutique.
Par ailleurs, la mise en évidence de divers antigènes plus
ou moins spécifiques résultant du processus de transformation a
conduit à rechercher une immunisation (vaccination thérapeu-
tique) à l’aide de protéines, de peptides dérivés des antigènes de
tumeurs. Ceux-ci sont présentés, dans un certain contexte, par
des cellules «professionnelles», les cellules dendritiques, en vue
d’induire une activation spécifique de cellules T cytotoxiques.
Des résultats encourageants mais inconstants ont été obtenus
dans des essais cliniques notamment dans le mélanome (antigè-
nes MAGE, NY-ESO-1). D’autres voies d’approche concernent
d’autres types de tumeurs comme le carcinome à papillomavirus
(protéine E7) et les nombreux adénocarcinomes.
Longtemps, chimiothérapie et immunothérapie ont été
considérées comme antagonistes en raison de l’immunodé-
pression induite par la première. Le travail de l’équipe de
L. Zitvogel à l’IGR présenté dans ce bulletin montre que ce
concept doit être révisé à la lumière d’observations sur les effets
immunogènes de certaines chimiothérapies sur les cellules can-
céreuses, modifiant ainsi, dans certaines conditions, le dialogue
singulier entre ces dernières et le système de défense immuni-
taire. Cette découverte ouvre de nouvelles perspectives thérapeu-
tiques.
Alors que les virus sont à l’origine d’un certain nom-
bre de tumeurs notamment chez la souris et à un moindre degré
chez les humains, l’intitulé de l’article « oncovirothérapie »
rédigé par l’équipe INSERM nantaise dirigée par M. gr é g o i r e ,
associée à celle de F. tangy à l’Institut Pasteur, peut paraître
surprenant. Après une présentation des virus oncolytiques par
nature ou après modification génétique, les auteurs présentent les
résultats obtenus sur des cellules cancéreuses (ici le mésothé-
liome) à l’aide d’une souche du virus de la rougeole utilisée en
vaccin. La destruction des cellules infectées s’accompagne d’une
réponse immunitaire spécifique avec activation de cellules T
cytotoxiques. Les auteurs font le point sur certains essais clini-
ques dans cette thérapie qui ne se veut pas exclusive.
Des progrès indéniables ont été apportés dans la lutte
contre la prolifération anarchique des cellules cancéreuses. La
prévention par la vaccination, dans certains cas, il est vrai
encore limités, a déjà fait ses preuves dans les conséquences de
l’infection par le virus de l’hépatite B. Elle est désormais égale-
ment envisageable dans le domaine des papillomavirus. Ici, c’est
la production d’anticorps dirigés contre les antigènes de surface
du virus qui s’oppose à l’infection responsable du déclenchement
du processus tumoral. Le Docteur J. Monsonego a bien voulu
apporter sa contribution de clinicien sur ce sujet d’actualité qu’il
a développé lors de la réunion de régionalisation de l’AAEIP qui
s’est tenue récemment à Dijon.
Chirurgie, radiothérapie et chimiothérapie classique
restent les premières voies d’approche thérapeutique de cette
maladie dans laquelle la rupture dans un tissu du fragile équilibre
« prolifération versus différenciation », menace l’organisme dans
son entier. Les multiples chemins de la thérapie ciblée restent
certainement à explorer et à développer comme doivent l’être les
nouvelles perspectives présentées dans ce bulletin. De plus, il est
nécessaire de mettre en oeuvre tous les moyens de prévention et
de rechercher les facteurs de l’environnement qui peuvent avoir
une part de responsabilité dans une maladie qui ne régresse pas.
AvAnt-propos
nouvelles Approches thérApeutiques en cAncérologie
Yvonne LE GARREC
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