2 > BIOLOGIE CLINIQUE © VetDiagnostic © VetDiagnostic EN PRATIQUE Photo 1 : Tachyzoïtes hépatiques de T. gondii mis en évidence par immunomarquage (X 1000). Photo 2 : Kyste musculaire (flèche) (Hematoxyline Eosine X 400). Diagnostic de la toxoplasmose C. MÉDAILLE, DV, Dip. ECVCP Laboratoire Vébiotel 41 bis, avenue Aristide-Briand 94117 Arcueil cedex OBJECTIFS PÉDAGOGIQUES Connaître l’agent et les méthodes diagnostiques pour la toxoplasmose. Savoir interpréter les résultats. Le dépistage sérologique de la toxoplasmose est souvent utilisé chez le Chat et le Chien. Son interprétation nécessite une bonne connaissance de l’affection. T oxoplasma gondii, parasite protozoaire, a été initialement décrit en 1908 par Nicolle et Manceaux chez un rongeur nordafricain, à qui il doit son nom, Ctenodactylus gundi [1]. Dans un premier temps, ce parasite s’est appelé Leishmania gondii du fait de sa grande ressemblance avec cet autre parasite. Un an plus tard, il fut rebaptisé Toxoplasma gondii, du grec “toxon” (arc) et “plasma” (forme). CRÉDITS DE FORMATION CONTINUE La lecture de cet article ouvre droit à 0,05 CFC. La déclaration de lecture, individuelle et volontaire, est à effectuer auprès du CNVFCC (cf. sommaire). 46 Il a été rattaché au phylum des Apicomplexes majoritairement constitué de parasites intracellulaires obligatoires, à la classe des Coccidies grâce à des études de microscopie électronique et, plus précisément, aux Coccidies formant des kystes tissulaires (ENCADRÉ 1). Encadré 1. Classification systématique actuelle (2001 ; 2003) de Toxoplasma gondii. ■ Règne : Protista ■ Phylum : Apicomplexa ■ Classe : Coccidia ■ Famille : Sarcocystidæ ■ Sous-famille : Toxoplasmatinæ ■ Genre : Toxoplasma ■ Espèce : gondii PratiqueVet (2011) 46 : 606-609 (606) 2 EN PRATIQUE © Laboratoire Vébiotel © Laboratoire Vébiotel > BIOLOGIE CLINIQUE Photo 3 : Selles de chat : oocystes non sporulés de Toxoplasma gondii (Objectif X 100). L’infection du Chat par Toxoplasma gondii revêt deux formes cliniques : une forme intestinale affectant uniquement les Félidés et une forme disséminée commune aux autres espèces cibles (tous les homéothermes dont l’Homme) [2]. De cette particularité féline découle une conséquence épidémiologique majeure : le Chat est le seul excréteur domestique des oocystes du parasite dans ses fèces. Photo 4 : Selles de chat : oocystes de Toxoplasma gondii en cours de sporulation (flèches) (objectif X 50). dit cycle court – se déroulant uniquement chez le Chat, ce qui est une adaptation rare du parasite en cas d’absence d’hôte intermédiaire. Dans l’intestin grêle du Chat, à partir des kystes de bradyzoïtes, se déroulent successivement et parallèlement deux phases de multiplication : Le parasite et son cycle la schizogonie (reproduction asexuée) aboutissant à la formation finale de mérozoïtes dans les cellules épithéliales de l’intestin grêle ; Toxoplasma gondii a un cycle complexe le plus souvent dixène (hôte définitif et hôte intermédiaire) mais parfois monoxène – la sporogonie (reproduction sexuée) à partir de certains mérozoïtes qui donnent des gamètes mâles et femelles produisant ■ ■ Noyau in fine des oocystes immatures (donc pas directement infestants mais qui sont des formes de résistance). Ces derniers doivent passer par le milieu extérieur (terre humide) pour sporuler en 2 à 5 jours dans un biotope chaud et humide et assurer ainsi la dissémination du parasite. C’est le processus de coccidiose intestinale avec formation d’oocystes en 3 à 8 jours. Les kystes de bradyzoïtes proviennent : a/ chez l’hôte intermédiaire • soit de l’ingestion de viande parasitée (porc, oiseau, souris…), Granules denses Apicoplaste Appareil de Golgi © Laboratoire Vébiotel Micronèmes Réticulum endoplasmique granuleux Photo 5 : Immunofluorescence indirecte positive. (607) PratiqueVet (2011) 46 : 606-609 Rhoptries Conoïde Mitochondrie unique Figure 1. Ultrastructure d’un tachyzoïte de Toxoplasma gondii d’après [3]. Le complexe apical est formé du conoïde, des rhoptries, des micronèmes et des granules denses. Il joue un rôle dans la pénétration de la cellule hôte. 47 2 EN PRATIQUE > BIOLOGIE CLINIQUE Encadré 2. Cycle de Toxoplasma gondii. $ * Bien étudiées chez l’Homme, le Chat et la Souris, la nature et la cinétique de la réponse immunitaire sont moins bien connues pour le Chien. #* " L’immunité et le diagnostic #* # " ( () ( * # ! #$ ( +, "( CYCLE DE TOXOPLASMA GONDII HI : hôte intermédiaire HD : hôte définitif Bradyzoïte: kyste dans les muscles striés et l’encéphale : infection chronique Tachyzoïte : pseudokyste dans tous les tissus sauf le lait : toxoplasmose maladie • soit de l’ingestion des oocystes sporulés du milieu extérieur qui vont libérer des sporozoïtes passant rapidement par voie sanguine de l’intestin vers tous les organes (sauf les os) pour se multiplier (forme tachyzoïte (FIGURE 1) dans pseudokystes), puis former in fine des kystes (forme bradyzoïte) plus particulièrement dans les muscles striés et l’encéphale. b/ chez l’hôte définitif (le Chat) qui ingère des oocystes infectants (végétaux ou terre) libérant les sporozoïtes qui suivent le même processus que chez l’hôte in- 48 de bradyzoïtes peut se faire d’un hôte intermédiaire vers un autre hôte intermédiaire (même d’une autre espèce) par ingestion de tissu contaminé et, ce, sans passage par le Chat ; en revanche, la libération des oocystes dans les selles n’existe que chez le Chat (ENCADRÉ 2). termédiaire et produisent des kystes de bradyzoïtes en 10 jours dans les tissus ; mais dans le cas du Chat, ces bradyzoïtes rejoignent l’intestin grêle et produisent des oocystes (coccidiose intestinale) ; durée totale : 15 à 20 jours. Les hôtes intermédiaires appartiennent à toutes les espèces de Vertébrés homéothermes (y compris les Oiseaux). La particularité de Toxoplasma – par rapport à ses cousins Besnoitia et Hammondia – est que la formation des kystes Une réponse immunitaire d’abord humorale La réponse immunitaire est d’abord humorale avec une réponse muqueuse (IgA sécrétoires), puis systémique – anticorps sériques spécifiques IgA, IgE et IgM en phase aiguë, puis IgG après la deuxième semaine d’infection et sécrétés en plateau toute la vie de l’hôte – ; cette production d’anticorps associée à une immunité cellulaire (macrophages, lymphocytes, neutrophiles et cellules dendritiques) n’a pas une efficacité totale contre le parasite mais permet une protection correcte du fœtus chez la femelle séropositive. Le diagnostic clinique et biologique de toxoplasmose-maladie est impossible du fait d’un tableau de symptômes protéiformes et non univoques (signes nerveux et respiratoire, leucocytose neutrophilique et lymphocytose, élévations plasmatiques des enzymes hépatiques et de la créatinine kinase). Des méthodes directes ou indirectes de laboratoire sont nécessaires pour confirmer une suspicion clinique ou entreprendre un dépistage [4]. Un échantillon de méthodes de détection > Méthodes directes de mise en évidence du parasite ■ Chez tous les hôtes, la présence des tachyzoïtes pendant une toxoplasmose évolutive peut être recherchée par coloration cytologique sur les prélèvements suivants : moelle osseuse, suc ganglion- PratiqueVet (2011) 46 : 606-609 (608) 2 EN PRATIQUE > BIOLOGIE CLINIQUE naire, lavage broncho-alvéolaire, liquide céphalo-rachidien. tion du Chat (ingestion de kystes dans la viande ou ingestion d’oocystes sporulés). Les kystes peuvent également être identifiés sur un prélèvement histologique, mais le diagnostic de certitude requiert l’identification du parasite par immunohistochimie en utilisant un anticorps monoclonal ou polyclonal anti-T. gondii, les kystes et les tachyzoïtes de T. gondii étant indifférenciables histologiquement de ceux de Neospora caninum et de Sarcocystis sp. (PHOTOS 1 ET 2). Intérêt du dépistage sérologique chez le Chien Chez le Chat, la présence d’oocystes dans les selles peut être mise en évidence par examen coproscopique, sachant que les oocystes des espèces Besnoitia (localisée au sud-ouest),Toxoplasma et Hammondia ne sont pas discernables morphologiquement mais éventuellement par analyse PCR (PHOTOS 3 ET 4). ■ > Méthodes indirectes sérologiques Elles reposent toutes sur la mise en évidence d’anticorps dans le sérum à l ‘aide de techniques utilisant soit des antigènes de toxoplasme figurés (dye test, I.F.I, agglutination directe…), soit des antigènes solubles cytoplasmiques ou membranaires (hémagglutination, ELISA). Intérêt du dépistage sérologique chez le Chat (PHOTO 5) Chez le Chat, la réponse immunitaire à une primo-infestation est classique : apparition et persistance des IgM et IgA entre 5 et 20 jours après l’infection puis séroconversion en 3 semaines pour les Ig G et persistance de ces derniers pendant des mois [5]. ■ La recherche d’anticorps IgM et IgG (nécessité d’utiliser une méthode d’immunofluorescence indirecte (IFI) avec des réactifs anti-IgM de Chat et anti-IgG de Chat) 2 fois à 3 semaines d’intervalle révèle soit une absence d’infestation au moment des prises de sang, soit une toxoplasmose-infection évolutive, soit une toxoplasmose ancienne plutôt “protectrice” et qui ne doit pas être traitée. ■ Quel que soit le taux d’anticorps IgG et/ou IgM, on ne peut prévoir l’excrétion fécale des oocystes par le Chat, car cette excrétion s’étale différemment dans le temps suivant le mode de contamina- (609) PratiqueVet (2011) 46 : 606-609 Les IgG augmentent progressivement à partir de la deuxième semaine pour atteindre un pic avant une décroissance faible et une persistance de plusieurs mois : donc, seule une cinétique des anticorps à 15 jours d’intervalle au minimum dans le cadre d’un contexte clinique évocateur peut permettre de confirmer ou d’infirmer de façon raisonnable une infection toxoplasmique. Les conséquences épidémiologiques à propos du Chat [6] MÉMO ■ La toxoplasmose est une infection parasitaire particulière en raison de la complexité de son cycle, la singularité de la maladie chez l’hôte définitif et chez les hôtes intermédiaires et l’implication du Chat domestique dans la toxoplasmose aiguë et congénitale de l’Homme. ■ Les praticiens vétérinaires ont fréquemment à répondre à des questions d’épidémiologie, de diagnostic et de décision d’euthanasie émanant de propriétaires (en particulier de femmes enceintes) convaincus de l’entière responsabilité du Chat dans l’éventuelle survenue d’une toxoplasmose congénitale. ■ La connaissance du cycle du toxoplasme et de l’interprétation des sérologies chez les Carnivores permet de rassurer et de conseiller les propriétaires. >>À LIRE... Le Chat excrète des oocystes non sporulés, ces derniers ont besoin de temps et d’humidité pour devenir infestants donc les bacs doivent être nettoyés tous les jours à l’eau bouillante et le pelage sec du Chat rend très improbable une infection humaine par contact direct (malgré tout, éviter pendant la période à risque des femmes enceintes tout contact étroit). ■ L’excrétion intervient environ après 6 jours dans le cas de carnivorisme, après 20 jours par phytophagie : plus d’un milliard d’oocystes est rejeté pendant la coccidiose toxoplasmique et, ce, après les symptômes (d’ailleurs inconstants) de diarrhée aiguë. ■ 1. Nicolle C, Manceaux L (1908). Sur une infection à corps de Leishman (ou organismes voisins) du gondi. C R Acad Sci 147 : 763-6. 2. Fiche de description : Toxoplasma gondii (2006). Rédaction par le Groupe de travail “Toxoplasmose” de l’AFSSA en Juin 2006. Coordination scientifique : C. Bultel. 3. Ajioka JW et coll (2001). Toxoplasma gondii genomics: shedding light on pathogenesis and chemotherapy. Expert Rev Mol Med 6 : 1-19. 4. Bourdoiseau G (2000). La toxoplasmose. In : Parasitologie clinique du chien, NEVA, Créteil, 362-74. 5. Euzeby J (1993). Infection toxoplasmique du chat. Prat Med Chir Anim Comp 28 : 195-209. 6. Emile C (2009). Actualités sur la toxoplasmose et surveillance de la toxoplasmose congénitale en France. Option Bio 418-419 : 24-6. POUR EN SAVOIR PLUS : ■ La durée de la présence des oocystes dans les selles est courte et asymptomatique : la coprologie à titre de dépistage est donc aléatoire et nécessite une interprétation prudente car les oocystes de Toxoplasma sont morphologiquement indiscernables de ceux d’autres coccidies – la PCR est alors intéressante sur ces selles suspectes – . ■ La coccidiose est immunogène : les chats atteints pour la première fois (jeunes après sevrage) contractent une immunité à la réinfection et ne seront théoriquement plus jamais excréteurs ; cependant, une rupture éventuelle d’immunité peut exceptionnellement conduire à une réexcrétion (le rôle du F.I.V n’est cependant pas clairement prouvé). http://www.cdc.gov/ncidod/dpd/parasites/ toxoplasmosis/default.htm : Informations du CDC sur la toxoplasmose (description de la maladie, prévention) et le toxoplasme (cycle, épidémiologie, biologie), références en ligne d’articles concernant l’impact de la toxoplasmose aux USA ; pour professionnel et grand public THÈSE Rachel GUITON, 2008 Docteur de l’Université François-Rabelais Discipline/Spécialité : Sciences de la Vie et de la Santé/Immunologie Parasitaire Toxoplasma gondii et réponse immunitaire protectrice : - Effecteurs de protection lors d’une vaccination par des cellules dendritiques - Voies de signalisation activées par T. gondii Conflits d’intérêts : néant 49