Etude des anticorps neutralisants le VIH après séroconversion

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Revue critique
de l'actualité scientifique internationale
sur le VIH
et les virus des hépatites
n°62 - janvier 98
NEUTRALISATION
Etude des anticorps neutralisants le VIH
après séroconversion récente et chez les
séropositifs n'évoluant pas vers la maladie
Christiane Moog
Inserm U74 (Strasbourg)
Neutralizing
antibody
response to
HIV-1 in
primary
infection and
in long term
nonprogressive
infection
Pilgrim A.K.,
Pantaleo G.,
Cohen O.J.,
Fink L.M.,
Zhou J.Y.,
Zhou J.T.,
Bolognesi D.P.,
Fauci A.S.,
Montefiori D.C.
The Journal of
Infectious
Diseases, 1997,
176, 924-932
Il est possible que le retard d'apparition des anticorps
neutralisants le VIH lors de la primo-infection contribue à
l'émergence d'une infection chronique. Chez les séropositifs
non évolutifs à long terme, une accumulation d'anticorps
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pourrait entraîner une neutralisation croisée.
Lors d'une infection par le VIH, l'individu développe une
réponse immunitaire humorale et cellulaire, mais le rôle de
cette réponse dans le contrôle de l'infection n'est pas connu.
Plusieurs équipes ont montré que l'apparition des cellules T
cytotoxiques (CTL) spécifiques du VIH-1 est corrélée avec la
diminution du virus dans le plasma pendant la phase de
séroconversion (1). Les CTL pourraient donc être directement
responsables de la diminution du pic de virémie après la
séroconversion. Les anticorps spécifiques, IgM puis IgG,
apparaissent également durant cette période. Cependant, les
anticorps neutralisant le virus isolé au moment de la
séroconversion sont détectés bien plus tardivement (environ
un an après la séroconversion). Un délai similaire entre la
diminution du pic de virémie durant la séroconversion et la
présence d'anticorps neutralisants a également été observé
chez les macaques infectés avec le SIV. Il semblerait qu'une
maturation des anticorps (augmentation de l'affinité, évolution
des épitopes reconnus) soit nécessaire à la mise en place de
l'activité neutralisante. Ce retard dans le développement des
anticorps capables de neutraliser le virus autologue pourrait
en partie contribuer à l'établissement de l'infection persistante.
Bien que la plupart des patients développent le sida, 5 à 10 %
tolèrent l'infection sans présenter de diminution du taux de
CD4, ni développer de symptômes de la maladie pendant de
longues périodes (plus de 10 ans). Ces séropositifs non
évolutifs à long terme (ou long term non progressors, LTNP)
ont généralement peu de virus dans leur plasma et
développent une forte réponse immunitaire (2). Pour quelques
patients LTNP, la non progression vers la maladie peut
s'expliquer par un déficit de l'expression du corécepteur
CCR5 du VIH ou par l'infection par un VIH-1 atténué. Mais
la plupart des LTNP semblent bénéficier d'une meilleure
qualité de réponse immunitaire.
Les études précédentes ont comparé les LTNP avec des
progresseurs rapides. Les titres d'anticorps neutralisants sont
plus élevés chez les LTNP et, surtout, les anticorps sont
capables de neutraliser différents isolats primaires.
Cependant, la faible activité neutralisante chez les
progresseurs rapides pouvait également provenir de
l'immunodépression provoquée par le stade avancé de leur
sida. De telles études ne permettaient donc pas de déterminer
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si la faible réponse immunitaire était la cause ou la
conséquence de la progression vers la maladie.
L'originalité de l'article de Pilgrim et coll. est que les auteurs
comparent les LTNP à une cohorte de séropositifs non
évolutifs à court terme (short term non progressors, STNP).
Les STNP infectés depuis 2 à 7 ans sont asymptomatiques
avec un taux de CD4 élevé. De plus, Pilgrim et coll. ne
diluent pas les sérums pour l'analyse des anticorps
neutralisants. Le pourcentage de sérum neutralisant est donc
plus important, et permet de mieux distinguer les différences
entre les cohortes.
Pilgrim et coll. comparent l'activité neutralisante de
séropositifs à différents stades de l'infection : 6 séroconvertis
récents, 5 progresseurs rapides, 6 STNP, 6 LTNP et 5 sujets
séronégatifs témoins. L'étude montre clairement que les
anticorps neutralisants hétérologues sont plus souvent
détectés dans les sérums des LTNP. En effet, les sérums de 4
des 6 LTNP neutralisent au moins 4 des 6 isolats primaires
analysés. Le sérum de l'un des LTNP neutralise 2 des 6 isolats
et pour l'un des LTNP, aucune neutralisation hétérologue n'a
pu être détectée. Ainsi, 56% des 6x6 combinaisons virus-
sérums sont neutralisantes. Pour le groupe des STNP, trois
d'entre eux ne sont pas capables d'inhiber les 6 isolats
primaires et seul le sérum de l'un des sujets neutralise 5
isolats primaires, ce qui donne 25 % de combinaisons
neutralisantes. Pour les séroconvertis récents et pour les
progresseurs rapides, les auteurs obtiennent 17 % de
combinaisons neutralisantes.
Les auteurs examinent également la neutralisation autologue
du virus isolé au même moment que le prélèvement de sérum.
Pour les 3 LTNP analysés, une neutralisation autologue est
détectée, alors qu'aucun des 4 sérums des STNP ne neutralise
le virus correspondant. Ces résultats, différents de ceux
publiés précédemment, s'expliquent par le fait que les auteurs
utilisent le sérum non dilué dans leur test de neutralisation.
L'utilisation du sérum pur permet de détecter plus
fréquemment des anticorps neutralisants et donc de distinguer
les deux groupes. Ce protocole de neutralisation est plus
sensible, bien que les auteurs définissent la neutralisation de
manière stricte par une réduction de plus de 80% de la p24
dans les surnageants de cellules primaires (PHA-PBMC)
infectées par des isolats primaires.
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Cependant, l'activité neutralisante mise en évidence avec ce
test reste faible car elle n'est plus détectée lorsque le sérum est
dilué au 16e. Les auteurs rappellent néanmoins que le
sérum n'est pas dilué in vivo et considèrent ainsi que la
faible activité neutralisante détectée in vitro serait
efficace in vivo. Cette activité neutralisante est bien due
à des anticorps spécifiques et non à d'autres facteurs
puisqu'en déplétant les immunoglobulines, les sérums
perdent leur activité neutralisante.
Les auteurs évaluent également la concentration de
RANTES et MIP-1 dans les sérums. Ces chimiokines,
induites lors de l'infection, inhibent non spécifiquement
la multiplication des VIH-1 qui utilisent le co-récepteur
CCR5. Les taux les plus élevés de chimiokines sont
détectés chez les progresseurs pour lesquels peu de
neutralisations ont été mises en évidence. L'inhibition
détectée en présence de sérum non dilué n'est donc
pas due aux chimiokines.
Les auteurs ont ensuite analysé l'apparition des
anticorps neutralisants chez les séroconvertis récents.
Bien qu'ils utilisent des sérums non dilués, les anticorps
neutralisants autologues sont détectés tardivement et
ne corrèlent pas avec la diminution initiale du virus dans
le plasma. Ces résultats confirment qu'il faut plusieurs
mois pour que l'individu développe des anticorps
neutralisants détectables dans le sérum. L'étude
longitudinale montre également que le titre en anticorps
capables de neutraliser le virus isolé au moment de la
séroconversion augmente avec le temps, suggérant que
les anticorps neutralisants persistent pendant plus d'un
an malgré l'apparition de nouveaux variants viraux.
En résumé, dans les sérums des LTNP, Pilgrim et coll.
ont détecté des anticorps neutralisant un grand nombre
d'isolats primaires différents. Ce type de neutralisation
croisée est beaucoup moins fréquent dans les autres
groupes de séroposifs, y compris les STNP.
Pour expliquer ce large spectre d'activité neutralisante,
Pilgrim et coll. émettent l’hypothèse que les LTNP
pourraient développer des anticorps dirigés contre des
épitopes conservés. C'est ce type d'anticorps qu'il
faudrait induire par vaccination. Les épitopes impliqués
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comme ceux reconnus par les anticorps monoclonaux
2F5, IgGb12 ou 2G12 sont antigéniques mais souvent
peu immunogéniques.
Une autre hypothèse serait que la neutralisation croisée
résulterait d'une accumulation d'anticorps neutralisants
dirigés contre les différentes quasi-espèces d'isolats
primaires développés chez les LTNP. En effet, les
LTNP se distinguent des progresseurs rapides par le
nombre élevé de variants viraux présents dans leur
plasma (3). Les constantes mutations des VIH-1 chez
les LTNP pourraient induire des anticorps qui
reconnaissent un grand nombre d'épitopes différents.
Dans ces conditions, outre la qualité de la réponse
immunitaire, la quantité d'anticorps différents et leur
persistance expliqueraient la neutralisation croisée.
L'étude approfondie des épitopes neutralisants
reconnus chez les LTNP doit être poursuivie afin de
mieux comprendre quel type de réponse permet le
contrôle de l'infection par le VIH. Ces données sont
primordiales pour l'élaboration d'un vaccin susceptible
de protéger l'individu d'une infection par les isolats
primaires de VIH-1.
1 - D'Souza P, Mathieson BJ
" Early phases of HIV type 1 infection "
AIDS Res & Hum Retroviruses, 1996, 12, 1-9
2 - Cao Y, Qin L, Zhang L et al.
" Virologic and immunologic characterization of long-term survivors of
HIV type 1 infection "
N Engl J Med, 1995, 332, 201-208
3 - Delwart EL, Sheppard HW, Walker BD et al.
" HIV type 1 evolution in vivo tracked by DNA heterouplex mobility
assays "
J Virol, 1994, 68, 6672-6683
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