Leurs propriétés
Les quarks s (pour « strange ») et c (pour « charm ») ap-
partiennent à la seconde famille des particules élémentaires
(qui contient également un lepton chargé, le muon, et son
neutrino associé). Comme tous les quarks ils sont sensibles
aux trois forces élémentaires qui gouvernent le monde des
particules : l’électromagnétisme, l’interaction faible et l’inte-
raction forte. Leurs charges électriques sont fractionnaires :
+2/3 pour le quark c et −1/3 pour le quark s dans un choix
d’unité où l’électron a pour charge -1. Ces deux quarks res-
semblent en tout point aux quarks de la première famille (les
quarks s et d sont « cousins », tout comme c et u) mais ils
sont nettement plus lourds que ceux de la première famille:
1/10ème de la masse du proton environ pour le quark s, 20%
de plus que le proton pour le quark c
Leurs découvertes
Dans les années 1930 et 1940 la principale source d’information sur les particules élémentaires vient des rayons
cosmiques, des particules chargées venues de l’espace qui interagissent avec les hautes couches de l’atmosphère
et dont les produits de désintégration parviennent jusqu’au sol. Malgré leurs progrès, les accélérateurs ne sont pas
encore en mesure de concurrencer cette source « naturelle » de particules. En 1947, des chercheurs de l’Université
de Manchester identifient une nouvelle catégorie de hadrons (les particules sensibles à l’interaction forte dont on sait
aujourd’hui qu’elles sont formées de deux ou trois quarks) qu’ils désignent par le qualificatif « étrange » car leurs pro-
priétés sont très différentes de celles qu’ils ont alors l’habitude d’observer. Ainsi, la durée de vie (c’est-à-dire le temps
moyen pendant lequel ces particules, instables, existent avant de se désintégrer) de ces nouvelles particules, les «
kaons », est bien supérieure à celle des « pions », découverts quelques années auparavant.
Il faut attendre presque deux décennies pour que la situation expérimentale se clarifie. Dans l’intervalle, d’autres parti-
cules étranges sont identifiées et leurs caractéristiques justifiées au-moyen d’une propriété supplémentaire, « l’étran-
geté », qui leur est propre. Son origine trouve son explication dans le modèle des quarks, proposé indépendamment
en 1963-1964 par George Zweig et Murray Gell-Mann. Ces constituants élémentaires, à l’époque au nombre de trois
(les quarks u et d à partir desquels les nucléons sont construits plus le quark s), s’assemblent pour former les hadrons
observés et dont les propriétés reflètent leur composition en quarks. Ce point de vue permet de mettre de l’ordre dans
le « zoo des particules » dont les pensionnaires se comptent alors par centaines : ils sont bien trop nombreux pour être
tous élémentaires. À la fin de la décennie, les expériences de diffusion de protons sur des électrons menées à SLAC
apportent une confirmation expérimentale au modèle des quarks.
Mais si ce modèle des quarks remporte des succès, il doit également faire face à des difficultés. En plus des pro-
blèmes mathématiques (si l’idée des quarks est très simple, sa mise en équations l’est beaucoup moins), la théorie
prédit des désintégrations qui ne sont pas observées. Tandis que les difficultés techniques sont peu à peu surmontées,
l’existence d’un quatrième quark est proposée pour réconcilier théorie et expérience : c’est le « mécanisme de GIM»,
d’après les initiales des trois théoriciens Sheldom Glashow, Jean Illiopoulos et Luciano Maiani, qui l’ont inventé. On
donne à ce nouveau quark le nom de « charm ». Bien qu’il n’ait été observé nulle part, le rôle qu’il doit jouer dans le
modèle est suffisamment précis pour qu’on puisse en déduire certaines de ses propriétés. En particulier, il doit exister
des hadrons formés d’un quark c et d’un antiquark c (à chaque particule de matière « X » est associée une particule
d’antimatière appelée « anti-X »).
Ces développements préparent sans le savoir la « révolution de novembre 1974 ». À l’époque, deux nouveaux accé-
lérateurs, l’un au SLAC (Californie) et l’autre à Brookhaven (BNL, état de New York) explorent des niveaux d’énergie
jamais atteints jusqu’alors. Indépendamment ils découvrent la même particule et rendent simultanément son existence
publique le 11 novembre 1974. Cette coïncidence se reflète encore aujourd’hui dans le nom de cette particule : le
J/ψ a été co-baptisé par BNL (le « J ») et SLAC (le « ψ »). Ce J/ψ, de masse 3,1 GeV/c2 (environ trois fois plus que le
proton) se révèle être l’état c-anti c prévu par les théoriciens de « GIM ». La découverte du 4ème quark vaut aux porte-
Deux clichés illustrant des kaons dans des
chambres à brouillard. À gauche, un kaon neutre
(invisible) venu du haut de l’image, se désintè-
gre en deux pions chargés, dont les trajectoires
forment un V inversé juste en-dessous de la barre
centrale, légèrement à droite. à droite, un kaon
chargé apparaît en haut à droite du cliché. Sa
trajectoire s’infléchit soudain lorsqu’il se désintè-
gre en un neutrino (invisible) et un muon, dont
la trajectoire verticale traverse la bande centrale
et se prolonge dans la partie inférieure de la
chambre.
quarks s
et
c