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© Université de Liège - http://reflexions.ulg.ac.be/ - 01 October 2016
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Tech (ULg) qui, depuis cinq ans maintenant, travaillent à la mise au point d'un système de protection contre
les salmonelles basé sur l'immunisation passive. De quoi s'agit-il ? A l'inverse de l'immunisation active (ou
vaccination), l'immunisation passive consiste à transférer à un animal des anticorps préalablement préformés
chez un autre individu. Le phénomène d'immunisation passive le plus connu est le transfert d'immunité
qui s'opère d'une mère à sa descendance. Il s'effectue par le biais du colostrum chez les mammifères,
tandis que la poule transmet des anticorps à son poussin par l'intermédiaire de son œuf. Trois classes
d'immunoglobulines (Ig), destinées à protéger le poussin durant les premiers jours de sa vie, sont ainsi
transférées dans l'oeuf : les IgA, les IgM et les IgY. Cette dernière classe est largement majoritaire et se
retrouve dans le jaune d'œuf à des concentrations de 8 à 25 mg par millilitre. Les IgY présentent en outre la
particularité d'être spécifiques des microbes que la poule aura rencontrés au cours de son existence.
La solution est dans l'œuf
Le travail réalisé par les experts de Gembloux consiste donc à confronter la poule à des salmonelles par
le biais d'une vaccination, conduisant celle-ci à produire des anticorps IgY dirigés contre les salmonelles.
Les chercheurs visent tout particulièrement à faire produire chez la poule vaccinée des anticorps ciblant
certaines protéines de la membrane externe des salmonelles, directement impliquées dans le phénomène
d'attachement de la bactérie à l'épithélium intestinal de son hôte. Après collecte de ces anticorps spécifiques
dans le jaune d'œuf, ils administrent ces IgY protecteurs à des poulets en croissance au travers d'un
complément alimentaire, imitant ainsi l'immunisation passive maternelle.
Initié en janvier 2007 par la Région wallonne, le projet a d'abord consisté à évaluer différents protocoles
de vaccination pour obtenir une concentration en IgY exportés dans les œufs qui soit significativement plus
élevée que chez les poules non immunisées. La teneur en IgY dans le jaune d'œuf varie en effet en fonction
d'une série de facteurs : la dose et la nature de l'antigène vaccinal utilisé, le type d'adjuvant employé, la voie
d'administration privilégiée et l'intervalle entre les injections. Le résultat obtenu est probant : dès la troisième
semaine qui suit la première injection, des IgY spécifiques des salmonelles ciblées sont détectés dans le
jaune des œufs des poules immunisées, ce qui en fait des œufs que l'on pourrait qualifier d'« hyper-immuns ».
« La spécificité de cette approche consiste à avoir obtenu les anticorps d'une façon non-invasive, explique
Christopher Marcq, assistant de recherche à l'Unité de Zootechnie de Gembloux Agro-Bio Tech. En effet, la
production traditionnelle d'anticorps chez les mammifères impose une saignée de l'animal pour la récolte du
sérum sanguin. Alors qu'ici, chez nos poules pondeuses, une fois vaccinées, la simple collecte des œufs suffit.
Nous ne faisons en quelque sorte qu'orienter à notre avantage un phénomène naturel. Nous réduisons le
nombre d'animaux nécessaires à l'immunisation, tout en optimalisant le bien-être de ces animaux producteurs
d'anticorps ».
L'autre atout majeur de cette stratégie réside dans le caractère ciblé de l'anticorps obtenu. « Au risque d'utiliser
une métaphore militaire, je dirais que celui-ci agit un peu comme un missile à tête chercheuse. A l'inverse
des antibiotiques, qui touchent une gamme très variée de bactéries, nos IgY frappent, eux, des sérotypes
bien précis, préalablement déterminés. Ils n'entraînent pas de dégâts collatéraux ». Autre point positif : on
ne doit pas s'attendre au développement de phénomènes de résistances si problématiques dans le domaine
des antibiotiques…