Décembre 1999 numéro 21 (1999-3) Si les prémices sont saintes, toute la pâte l'est aussi; et si la racine est sainte, les branches le sont aussi. Mais si quelques quelqueslques-unes des branches ont été coupées, tandis que toi, olivier sauvage, tu as été greffé parmi les branches restantes de l'olivier l'olivier pour avoir part avec elles à la richesse de la racine, ne va pas faire le fier aux dépens des branches. Ne viens pas ici ici faire le fier: ce n'est pas toi qui portes la racine, mais c'est la racine qui te porte ! (Romains 11: 16 à 18) Olivier multi séculaire dans le "Jardin des Oliviers" à Jérusalem (Photo Théo Stussi) Yerushalaim n°21 - page 1 page 3 page 8 page 14 GARBI page 15 THONIER page 18 page 21 page 22 page 26 rédaction page 28 page 30 De la Techouva au Tikkoun Elsbieta TWAROWSKA-AMSLER Béni soit le Seigneur, le "Dieu d'Israël" ! pasteur Alain SCHVARTZ Chronique de Jérusalem Ermanno père François Eglise et Israël Echos d'un voyage en Israël Martine et Théodore STUSSI A ne pas manquer: l'ASSEMBLEE GENERALE de COEUR A la découverte des racines juives de la foi chrétienne un entretien avec le pasteur L.SCHNEIDER Objections ! une rubrique de la Rabbi David MEYER Elsbieta TWAROWSKA-AMSLER Le pardon est-il possible ? Kadosh , un film à voir, mais ... ? Au sommaire du prochain YERUSHALAIM: - Quand des juifs nous parlent de Jésus. YERUSHALAIM Périodique de COEUR (Comité Oecuménique d'Unité Chrétienne pour la Repentance envers le peuple juif) Adresse postale : COEUR - Quartier Le Martinet - 30160 GAGNIERES - CCP Montpellier 4.982.93 U Association loi 1901 - N° Siret: 410 252 555 00017 - Code APE: 913E Fondateur :Henri CATTA ( en 1994 ) Secrétaire de rédaction: Elsbieta AMSLER-TWAROWSKA Directeur de la Publication: Henri LEFEBVRE Imprimerie: A.M.C.Imprimerie - 75017 PARIS NUMERO 21 (99-3)- Décembre 1999 YERUSHALAIM est la revue de l'association diffusée à tous ses membres, l'abonnement-cotisation s'élevant pour l'année 1999 à : - cotisation normale 40 F. - cotisation de soutien : port COEUR. Elle est 150 F.(ou 23 Euros) Pour l'étranger, merci d'ajouter 250 F.(ou 39 Euros) pour participation aux frais de L'abonnement-cotisation court du 1er Janvier au 31 Décembre de l'année en cours; les numéros parus dans l’année avant la prise d’abonnement sont envoyés au nouvel abonné. Nous continuerons à assurer le service de la revue à ceux qui, ne pouvant assumer le montant total indiqué, déclareront néanmoins rester intéressés à la recevoir. Par ailleurs, désirant poursuivre et développer son action en dépit des difficultés croissantes, l'association COEUR remercie ceux de ses membres qui auront à coeur de lui apporter leur concours financier par des libéralités: nous rappelons que les dons ainsi effectués, au-delà de la cotisation de soutien, font systématiquement l'objet d'un reçu pour déduction fiscale en France. La rédaction informe ses lecteurs de son intention de faire paraître désormais des numéros-dossiers plus importants qu'auparavant tout en prenant la liberté de n'éditer éventuellement que 3 numéros par an. Les articles publiés n'engagent pas la responsabilité de l'association mais seulement celle de leurs auteurs. Le secrétariat de l'association COEUR est assuré par le Centre Chrétien de Gagnières, association dont la page 2- Yerushalaim n°21 DE LA TESHOUVA AU TIQQOUN Une réflexion sur les pistes à suivre pour "COEUR" par Elzbieta TWAROWSKA-AMSLER "Le Saint, béni soit-Il, dit à Israêl: Ouvrez-moi une porte de Teshouva étroite comme un chas d'aiguille, et moi je vous ouvrirai un grand portail où pourront passer des chariots et des carrosses". Cantique Raba 5:3 (commentaire du midrash du Cantique des Cantiques 5:2) L'Homme, associé de Dieu Dieu n'a pas eu besoin de l'homme au moment où il a posé le premier acte de la Création du monde, mais il a besoin de lui pour réaliser les deux étapes suivantes de son projet: la Révélation Alliance, et la Rédemption. La symphonie de la Création n'est pas achevée - Dieu reste le "chef d'orchestre", mais l'homme joue le premier violon. Voilà une des pensées fondamentales du judaïsme. Car l'état du monde, tel que l'homme le trouve au moment de son arrivée, n'est qu'une terre en friche. Il est vrai qu'en venant dans ce monde, l'homme le trouve déjà créé et beau, certes, mais néanmoins plein d'imperfections et d'injustices. Face à un Créateur insondable, l'homme a tendance à Le rendre responsable, Lui, le Tout-puissant, de tout ce mal. Il n'est pas suffisamment conscient du rôle qu'il est appelé à y jouer afin de l'amener à être selon le désir de son coeur, et selon le plan de Dieu. La question qui se pose est la suivante: "Une fois Adam créé, que doit-t-il faire?". Appelé à y vivre et à en profiter, il ne peut pas pour autant fermer les yeux sur ses imperfections et ses manques. Selon la tradition rabbinique, l'expression: "Ma'assé Béréchit", ("Le récit de la Genèse"), ne signifie pas "les oeuvres de la création", mais, "l'oeuvre du commencement". Cela implique alors l'idée de parachèvement. La foi monothéiste, basée sur la Création , Révélation - Alliance et la Rédemption, s'appuie sur le partenariat permanent entre Dieu et l'homme dans l'Histoire. En participant ainsi à cette oeuvre de parachèvement de la Création commencée, l'homme peut construire. Mais il peut aussi détruire: par son refus du partenariat, il peut retarder le temps de la Rédemption et de la venue du Messie-Libérateur attendu. La vraie dimension du repentir Le mot "péché" en hébreu -HaTa - n'a pas de notion moralisante, mais signifie plutôt : "manquer son but, manquer de justesse et de justice". Et le but de l'homme est de marcher selon les commandements de Dieu (Parole Révélée) et de parachever la Création. Commencée par l'acte d'amour de Dieu, la Création sera parachevée par les actes d'amour de l'homme. La Teshouva a Yerushalaim n°21 - page 3 lieu chaque fois que l'homme se repent d'avoir "manqué le but" et qu'il prend la résolution d'ajuster son chemin à celui des commandements de Dieu. C'est un de thèmes principaux de Psaumes. Ce travail d'ajustement c'est déjà le Tiqqoun, la réparation consciente de dégâts, basée sur la repentance et confirmée par la demande de pardon. La racine du mot TaKaN signifie: réparer, remettre en état; (c'est le mot qu'on emploie quand il s'agit de réparer un vélo ou une gazinière !). Dans notre contexte, l'acte de repentance envers notre prochain, juif en l'occurence, est déjà le commencement de la réparation de tout ce qui a été détruit du plan de la Création., à cause de l'inimitié entre les hommes dont le prototype est le conflit entre Caïn et Abel. (Genèse 4: 1 à 6)) On doit la notion de Tiqqoun à Isaac Louria (1534-1572), célèbre kabbaliste de Safed. Tiqqoun, compris comme correction, consiste à poser des actes justes. Après la destruction, le nouveau commencement. Selon le Talmud, il y a une relation entre la repentance (Teshouva), suivie de Tiqqoun, et la Guéoula, la Libération messianique. Depuis le commencement Dieu a prévu le Pardon, pour que l'homme puisse, au moyen du repentir pour s'être égaré du juste chemin, parachever la Création, en tant que partenaire de Dieu. C'est la grande preuve de la miséricorde et de la patience de Dieu vis à vis de l'homme. Nous pouvons citer ici un fragment du livre "Orot haTeshouva" - " Les lumières du retour", du Rav Abraham Isaac Kook (1865-1935) , premier Grand Rabbin d'Israël: "La Teshouva a précédé la création du monde, et c'est pour cette raison qu'elle est fondement de l'univers. L'excellence de la vie réside précisément dans la persévérance dans l'être, selon sa nature spécifique. La nature étant par elle même dépourvue d'observation et du discernement, le péché devient de ce fait inévitable: - Il n'y a pas d'homme juste sur la terre, qui fasse le bien sans jamais faillir - (Ecc.7:20.). Supprimer le caractère naturel de la vie pour que l'homme devienne un être non-pécheur constitue justement le plus grand des péchés. Il demandera son expiation parce qu'il a péché envers son âme vitale. C'est pourquoi le repentir restaure ce qui a été détérioré et ramène l'univers et la vie à leur origine, en révélant précisément le fondement supérieur de leur essence, le monde de la liberté. C'est pour ce motif que l'on désigne le Nom de Dieu (Tétragramme) par Dieu (Elohim) vivant." (page 87). En méditant tout cela, nous plongeons dans l'univers de la pensée juive. Selon Rav Kook la vocation spécifique d'Israël consiste à être le "Peuple de la Teshouva". Nous pouvons en conclure, que les Nations, par une reprise en charge de la mémoire d'Israël, feront appel à ce peuple-témoin, afin qu'il assume le projet de Dieu, dont il est porteur: orienter l'univers vers de nouvelles perpectives pour l'avènement de l'humain. Le lien inéluctable entre Israël et les Nations. Selon les prophètes, Israël ne peut pas accomplir sa vocation, sans se tourner vers les Nations: (Dieu) dit: " C'est peu que tu sois mon serviteur pour relever les tribus de Jacob et pour ramener les restes d'Israël: Je t'établis pour être la lumière des nations, pour que mon salut soit manifesté jusqu'aux extrémités de la terre." (Is 49,6). A partir de l'avènement de Jésus de Nazareth, Fils d'Israël, le Messie, les Nations ont eu accès à l'Alliance d'Israël au Sinaï et, par ce fait, ont cessé d'être païennes. Par la foi en Jésus et par la fidélité à ses commandements, ("Je ne suis pas venu pour abolir la Loi ou les Prophètes, mais pour les maintenir en vie." Matt. 5, 17 - le terme accomplir uttilisé dans la plupart de nos versions est rendu ici par "maintenir en vie, conserver dans son essence", conformément au sens donné par la traduction du texte en hébreu) les Nations reçoivent la même charge qu'Israël: être témoins de l'Alliance de Dieu avec l'humanité. Elles participent avec Israël à l'oeuvre de la Rédemption, pour parachever les "ma'asé bereshit" - la Création commencée. Mais ici se pose cette question: pourquoi, durant des siècles, le peuple juif et les églises des nations n'ont pas vécu en unité, pour accomplir la tâche qui leur a été confiée par Dieu, à savoir être les témoins de Son action dans le monde? L'histoire nous montre l'ensemble des faits, concernant les relations Eglise- Israël. Ces faits sont supposés connus des deux partis. Notre part de responsabilité est grande, et peut être résumée de la manière suivante: les chrétiens, sous prétexte que les juifs n'ont pas reconnu en Jésus de Nazareth le Messie d'Israël, et le Fils de Dieu, (voire: Dieu lui-même), se sont emparés, approprié, pour eux seuls, la mission d'être "la lumière du monde", mission confiée selon le prophète Isaïe à Israël. Aujourd'hui, nous commençons à comprendre que Jésus, tel que la théologie chrétienne le présentait au peuple juif, ne pouvait pas être reconnu comme Messie d'Israël. Le travail de page 4- Yerushalaim n°21 tiqqoun consisterait peut-être tout d'abord à retrouver l'identité de Jésus-Juif, pour que les chrétiens de la gentilité aient l'occasion de découvrir non seulement leurs racines, mais aussi la richesse du judaïsme. Et par la même occasion, les Juifs pourraient rencontrer Jésus qui serait ainsi rendu aux siens ... ? Car cela fait plus de dix-huit siècles que la brisure de la séparation blesse le corps dont la nature est l'unité. Le prisme cassé de l'intérieur perd sa qualité de transparence et la réfraction de la lumière n'est que partielle, parce que interrompue. (Le miroir cassé ne reflète qu'une partie de la lumière ...) La prise de conscience de la responsabilité des chrétiens. Le terme de brisure: chevirah (de la racine CHaVaR - casser, briser), a été introduit par Isaac Louria, dans sa théorie kabbalistique de la Création. (1) Après la première chevirah, survenue au sein même des éléments de la Lumière divine, avant que l'acte de commencement fut posé, il y eut deux autres brisures causées par le comportement de l'homme: la deuxième dans le jardin d'Eden, quand Adam désobéit à l'Eternel, et la troisième, après sortie d'Egypte, au pieds du Sinaï, quand le peuple, impatient de l'absence de Moïse, commet la faute du Veau d'or. A chaque tentative divine de réaliser le tiqqoun avec la participation de l'homme, c'est ce dernier qui n'a pas été à la hauteur. C'est pourquoi Israël, peuple du Livre et de l'Alliance, se sent particulièrement chargé de la tâche de réparation, au moyen de la Tora. C'est par un effort commun de tous les juifs que le tiqqoun pourrait être mené au bien. Mais l'histoire nous montre que ce peuple, merveilleux de courage et de sens des responsabilités, ne peut pas porter seul le fardeau de la Rédemption du monde. Si nous essayons de suivre la pensée de Louria, nous verrons que la cadence des brisures continue: la quatrième serait la Shoah. Non seulement à cause de l'immensité du mal commis, c'est une plaie qui est toujours ouverte, mais en raison du fait, qu'après que Dieu ait parlé au monde par Jésus-Christ, une telle horreur ait pu arriver, que le peuple juif soit principalement visé, et que la chrétienté dans son ensemble, soit aveuglée à tel point, qu'elle n'ait pas pu l'empêcher. Notre but ici n'est pas la culpabilisation, mais une réelle prise de conscience. Peut-on réparer un tel péché, et comment? Et pourtant c'est ce que nos frères juifs attendent de nous. C'est aussi ce que Dieu attend de nous, en Jésus-Christ, en qui nous croyons. Pour faire mieux toucher ce défi, nous voudrions inviter nos lecteurs à se tourner vers le passé en transcrivant un texte, que l'on trouve dans les livres de prières liturgiques juifs, et qui rapporte une légende sur le Rabbi Amnon, martyr de Mayence (Allemagne), au XIVème siècle. Cette légende précède le texte de la prière, associée à ce Rabbi, "Ou Netané Tokef", qui fait partie de la liturgie des fêtes juives d'automne - Roch HaShana et Kippour. L'émouvante prière "OU NETANE TOKEF" de Rabbi Amnon. Cette prière a été adoptée dans la liturgie de toutes les communautés orientales ou occidentales, comme introduction à la Kédoucha de Moussaf, les deux jours de Roch Hachanah et dans de nombreuses communautés également le Yom Kippour.Voici ce qu'on dit de la naissance de ce Piout: Rabbi Amnon de Mayence était un homme estimé pour sa piété et son érudition, riche et considéré par ses frères, respecté également par l'évêque gouverneur de la province et par la cour. A tel point que celui-ci le pressait plus d'une fois de se convertir à la foi chrétienne. Un jour, comme le prince insistait plus encore de que coutume, Rabbi Amnon lui demanda de lui accorder un délai de trois jours avant de lui donner une réponse. A peine rentré chez lui, Rabbi Amnon fut saisi d'effroi: comment avait-il pu faire croire à ces chrétiens qu'il avait besoin de réfléchir sur une question aussi grave, comment avait-il pu un seul instant hésiter dans sa fifélité au Dieu de ses ancêtres ! Aussi fut-il inconsolable. Il refusa de prendre toute nourriture et ne réagit à aucune remarque de ses amis et proches. Arriva le troisième jour. L'évêque lui envoya un de ses serviteurs afin de lui rappeler sa promesse, mais il refusa de se rendre au palais; il lui dépêcha un dignitaire de rang plus élevé: même refus. Finalement, c'est enchaîné qu'il fut traîné devant son ennemi. Celui-ci dit: "Que signifie cette attitude, Amnon ? Pourquoi refuses-tu de me donner une réponse comme tu me l'avais promis ?" Alors Amnon lui Note: (1) - Pour une lecture approfondie nous renvoyons nos lecteurs au livre de Gershom SCHOLEM courants de la mystique juive", Payot, Paris 1983. " Les Grands Yerushalaim n°21 - page 5 répondit: "Je vais prononcer contre moi la sentence que je mérite; la voici: cette langue qui a parlé mensongèrement, qu'elle soit tranchée !" Le prince lui répond en riant: "Non, ce n'est pas la langue qui est fautive; elle a dit des paroles de vérité. Mais ces pieds qui ont refusé de te porter chez moi pour me donner la réponse, je les ferai couper ! Et le reste de ton corps recevra les coups que j'ai ordonné de te donner!" Ainsi fut fait ! Et Rabbi Amnon, après avoir subi ce martyr fut renvoyé chez lui, couché dans un cercueil, les extrémités de ses doigts tranchées sur l'ordre de son bourreau couchées à côté de son corps mutilé ! Peu de temps après cette terrible épreuve, arriva le Jour de Jugement, le Roch Hachanah. Rabbi Amnon supplia ses proches de le transporter dans la maison de prières et de l'installer à côté de l'officiant. Lorsque celui-ci arriva à la Qedouchah de Mousaf (2) , Rabbi Amnon lui dit: "Arrête un instant, que je puisse sanctifier le Grand Nom !" Et il commença d'une voix forte à réciter la prière OUnétané Tokef "Rendons témoignage de la sainteté de ce jour ! ..." Lorsqu'il eut achevé ce Piyyout, (3) son âme pure s'envola vers Dieu ! Trois jours après son décès, Rabbi Amnon apparut en rêve à un des maîtres de l'époque; il lui apprit ce Piyyout et lui demanda de le diffuser dans toutes les Communautés de la Diaspora. Même si l'histoire de Rabbi Amnon n'est qu'un récit populaire traditionnel, plus ou moins mythique, amplifié par l'imagination et la partialité, peu importe, car c'est le propre de toute légende, de construire autour d'un personnage réel une histoire, qui sert à maintenir la mémoire du peuple. Après tout, il y a des gens qui disent que l'histoire de Jésus de Nazareth est aussi une légende ... Mais si nous avons choisi de citer ici ce récit c'est pour attirer l'attention sur le fait, qu'il fait partie de la mémoire du peuple juif, car il existe à nos jours dans les livres de prières pour les fêtes d'automne, comme support historique et religieux d'une de prières principales dans la liturgie de ces fêtes. Les jeunes générations juives d'aujourd'hui le lisent dans les synagogues, à l'occasion de fête de RoshHashana, et c'est cette image qu'ils gardent des relations entre l'Eglise et le peuple juif. Il se trouve que nous avons pu enlever de notre liturgie du Vendredi Saint les épithètes du genre: "les juifs perfides" , mais la question se pose: est-ce que les auteurs de livres liturgiques juifs arriveront un jour à enlever l'histoire de Rabbi Amnon? Et que pouvons - nous faire, nous, les chrétiens, pour hâter ce jour? Notre péché , c'est à dire ce en quoi nous avons manqué le but, par rapport à l'attente de Dieu, quand il nous a incorporés avec Jésus dans son Alliance du Sinaï, consiste en cette attitude de mépris et de haine (d'orgueil) envers le peuple juif. Nous devons nous en repentir, car notre Teshouva, conditionne en quelque sorte la Teshouva d'Israël. Sans ce mouvement de Retour, l'oeuvre de la Rédemption ne pourra pas se réaliser, car notre participation se résume en notre Réponse à la mission, que Dieu a confié à l'homme, de parachever sa Création. Grande est la force de l'acte de repentance, c' est la dynamique-même de l'amour. "Ce n'est plus moi qui vis" (Gal: 2:20): quelle unité avec le Christ ? En tant que disciples de Jésus-Christ, nous sommes invités, en quelque sorte, à examiner de nouveau notre attitude par rapport au péché et au mal et à notre responsabilité, face au monde, que Dieu a remis entre nos mains. Ne nous sommes-nous pas trop déchargés de cette responsabilité, suivant l'enseignement de notre théologie, sur Jésus, Agneau de Dieu qui porte notre péché et celui du monde? Et le péché d'antisémitisme, c'est aussi Jésus qui en porte la responsabilité ? Dans quelle mesure participons-nous avec Jésus à sa charge d'être Sauveur du monde? Sommes-nous capables de prendre sur nous les conséquences du mal dans le monde, comme Jésus l'a fait ? Ou bien Notes: (2) - Qedouchah de Mousaf : Qedousha est une prière des liturgies quotidienne, du chabbat et des fêtes. Il en existe plusieurs versions. Qedousha signifie "sanctification" Mousaf est l'office supplémentaire des chabbat et jours de fêtes. (3) - Piyyout : Poème liturgique. A l'origine, les piyyoutim étaient des tinés à remplacer les prières obligatoires afin d'augmenter la diversité des offices. Plus tard, le contenu et la forme des prières étant fixés, les piyyoutim furent composés et ajoutés au texte de la prière canonique. (Dictionnaire Encyclopédique du Judaïsme - Cerf) (4) - Benjamin GROSS: "Les lumières du retour" , Orot ha Teshouva du Rav Kook. Albin Michel, Présences du Judaïsme, Paris 1988. page 6- Yerushalaim n°21 contentons -nous de croire que "tout est déjà accompli" ? Dans l'Epître aux Colossiens, Paul s'exprime ainsi: " Je me réjouis maintenant dans mes souffrances pour vous, car ce qui manque aux souffrances du Christ je l'achève dans ma chair pour son corps qui est Eglise" (Col. 1:24). Il ne s'agit par de prôner une spiritualité de la mortification pour le salut du monde. L'ascèse semble être étrangère aux concepts du judaïsme, dans le contexte de la Rédemption. Jésus non plus n'a pas "choisi" la mort sur la croix comme moyen pour convaincre les foules de la véracité de son enseignement. Il a posé un acte réparateur d'amour. Mais si, depuis 2000ans, le monde est toujours au même état de "non-achèvement", cela veut dire que nous aussi, les disciples du Christ Jésus, avons vraiment manqué au niveau de notre participation à l'oeuvre de la rédemption. C'est la pensée de Paul, exprimée dans sa lettre aux Colossiens qui nous indique la voie à suivre, car c'est elle qui garde fidèlement la tradition juive, transposée au niveau de la foi en Jésus. Voici encore une pensée de Rav Kook, venant de son livre sur la Teshouva(p.135/136).: (4) "La base du repentir doit toujours être orientée vers l'amélioration du futur. Au départ il ne faut pas faire des problèmes du passé une pierre d'achoppement. Si l'on se préoccupe immédiatement de la réparation du passé, on bute sur des nombreux obstacles, et les voies du repentir et de la proximité de Dieu apparaissent alors hors de portée. Mais si l'on porte ses efforts sur une amélioration sincère de la conduite présente, on est assuré de l'aide du ciel, même pour l'amendement du passé" Fidélité au charisme spécifique de COEUR Notre association a, depuis sa création, connu toujours des critiques au sujet du mot "Repentance" (le "R" de COEUR !). Nous avons même essuyé au début des accusations d'antisémitisme ! Pourtant, ceux qui ont eu le privilège de participer à la première montée à Kippour 1991, se souviendront longtemps de l'accueil reçu, notamment de l'émotion du rabbin Léon Ashkénazi, "Manitou", qui déclara en substance avoir préparé un texte, mais l'avoir remis dans sa poche car "ayant éprouvé une telle émotion" qu'il voulut nous parler avec son coeur".L'acte de repentance de chrétiens ne pouvait laisser indifférent ce grand maître du judaïsme, selon l'école du Rav Kook. Les chrétiens qui ressentent un malaise au sujet de la repentance envers le peuple juif ne se sentent pas concernés directement par la Shoah et tout ce qui l'a préparée dans les siècles passés. Cette attitude résulte d'une éducation chrétienne qui ne met pas l'accent principal sur la responsabilité de chacun par rapport au mal dans le monde. C'est une attitude immature, centrée sur un ego fragile et vulnérable, et qui ne permet pas l'épanouissement de notre véritable "moi", tel que le créateur le veut, c'est-à-dire à Son image et à Sa ressemblance (Genèse 1:26). Le chrétien qui confesse, selon sa théologie, le Christ, roi de l'Univers, mais qui reste passivement dans l'attente de son retour, n'est pas toujours sensible au fait que la moindre de ses actions, bonne ou mauvaise, peut contribuer à l'état présent et futur du monde, et même de l'Univers. C'est le judaïsme qui nous rappelle la responsabilité individuelle et collective face au monde au sein duquel nous vivons, selon la sentence "Pour moi le monde a été créé" tirée du traité Avot de rabbi Nathan qui est un recueil de sentences de rabbins de l'époque de la Michna (IIème siècle de notre ère). Comme ma création est un acte d'amour du Créateur pour l'homme, le monde créé est en quelque sorte déposé entre les mains de l'homme. Celui-ci étant responsable de l'amour qu'il reçoit, est responsable de ses frères; c'est ce qu'exprimait si bien Rabbi Salanter de Lithuanie (1810-1883) dans une formule lapidaire: "Mon problème spirituel, c'est le problème matériel de l'autre." Notre problème spirituel, pourrions-nous transcrire, ne serait-il pas que les haines passées ne pèsent plus, ni comme un rejet, ni comme une menace, sur le peuple juif ? Ainsi cet acte de repentance chrétienne aura la portée d'un acte de réparation de l'ordre de la création. Elzbieta AMSLER-TWAROWSKA Note: (4) - Benjamin GROSS: "Les lumières du retour" , Orot ha Teshouva du Rav Kook. du Judaïsme, Paris 1988. Albin Michel, Présences Yerushalaim n°21 - page 7 Béni soit le Seigneur, le Dieu d'Israël... par le pasteur Alain SCHVARTZ Depuis 1976, des week-ends interconfessionnels ont lieu à Viviers , réunissant chaque trimestre une assistance de 200 à 400 participants, protestants et catholiques, issus de la mouvance du Renouveau charismatique. Cette année, l'équipe d'animation a décidé de centrer les quatre week-ends sur une seule question: "Le mystère d'Israël". Ceci est suffisamment significatif pour que nous en donnions ici l'information. Le texte ci-dessous correspond au premier enseignement du premier week-end, dans lequel le pasteur SCHVARTZ expose les motifs et perspectives. Nous remercions François BINDER pour son travail de retranscription de cette conférence; il a conservé à ce texte le style parlé de l'exposé. “Béni soit le Seigneur, le Dieu d’Israël, de ce qu’Il a visité et racheté son peuple !” Vous vous êtes peut-être demandés pour quelles raisons l’équipe d’animation avait choisi ce texte (Luc 1: 68), et quel rapport il pouvait avoir avec le Renouveau, avec vos préoccupations journalières, avec toutes celles que nous pouvons avoir dans le monde. Je vous rappelle que ce texte se trouve mis dans la bouche du sacrificateur Zacharie, le père de JeanBaptiste qui, ne croyant pas à la naissance de son enfant, avait été rendu muet pendant 9 mois. C'est à l’annonce de la naissance, lorsqu’il eut choisi le nom de l’enfant, que le Seigneur lui rendit la voix pour prophétiser et donner ce grand cantique que vous retrouverez dans l’Évangile de Luc au chapitre 1, versets 68 à 79. C'est un chant de louange où Dieu nous est présenté, et c’est là-dessus que notre attention a été attirée, comme "le Seigneur". Dans le Premier Testament ce mot est traduit par l’Éternel, rendu parfois par "Yahvé", mais les Juifs disent Adonaï, les 4 lettres YHWH formant le "tétragramme" dont personne ne connaît actuellement la prononciation, et qu’en tout cas les Juifs pieux évitent de prononcer. Quand ils rencontrent ce tétragramme -ce qui veut dire 4 lettres- ils ne le prononcent pas parce qu’il n’y a pas de voyelles pour le prononcer, et que ce nom est saint; ils disent alors, soit Le Nom (HaChem), soit Adonaï. C’est pour que n’ignorions rien de tout cela que, dans ce texte de Luc 1, 68, il nous est dit : "Le Seigneur", et à côté "le Dieu d’Israël". Notre attention est donc attirée sur ce fait que Celui que nous voulons considérer, Celui dont il nous est parlé par la bouche de beaucoup de prophètes, de sacrificateurs, c’est le Dieu d’Israël ; Jésus lui-même l’a confessé comme le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob: c’est le Dieu d’Israël. Relisez la deuxième partie du Livre d’Esaïe à partir du chapitre 40 et vous verrez combien Dieu se définit Lui-même souvent, non pas comme n’importe quel dieu, mais le Dieu d’Israël. Nous reviendrons là dessus. Est-ce que cela nous concerne ? Est-ce que, dans notre coeur, nous adorons, nous louons, nous prions le Dieu qui est le Dieu d’Israël ? Est-ce simplement un jeu intellectuel, ou est-ce que cela est descendu très profondément dans notre coeur ? Qu’est-ce que cela a à voir avec le baptême du Saint-Esprit, avec les charismes, avec nos groupes de prière charismatiques, et j’ajouterai, qu'est-ce que cela à voir avec le XXI° siècle, le Kosovo et le bug de l’an 2000 ? Voilà qui est vraiment une question d’actualité importante. page 8- Yerushalaim n°21 La Parole de Dieu a une origine juive Depuis le début du Renouveau, le Seigneur nous a appelés à une lecture renouvelée de toute la Parole de Dieu, et à un amour pour cette Parole. Et qu’avons-nous découvert , ou pour certains, que sommes-nous en train de découvrir, c’est que le Nouveau Testament comme le Premier Testament sont des livres juifs. Jésus nous dit : "Le salut vient des Juifs" (Jean 4:22) dans son entretien avec la Samaritaine. Il dit encore : "Je n’ai été envoyé qu’aux brebis perdues de la maison d’Israël" (Matt.15:24) Tout le ministère de Jésus, pour l'essentiel, s’est passé qu’à l’intérieur du territoire d’Israël. Les citations du Premier Testament, soit de Jésus, soit de Paul dans ses lettres, sont extrêmement nombreuses. Et il y a un passage qui est absolument merveilleux, c’est celui de la rencontre de Jésus avec les disciples d’Emmaüs dans Luc 24, lorsque ce Promeneur inconnu rejoint les disciples d’Emmaüs qui sont tellement tristes ! Qu’est-ce que Jésus ressuscité leur dit ? Il ne leur parle pas de réincarnation ou de ce qui se passe de l’autre côté de la barrière, mais Il leur fait en quelque sorte une étude biblique et "Il leur explique dans toutes les Écritures, c’est-à-dire le Premier Testament que nous appelons l’Ancien Testament, ce qui le concernait." . Le Premier Testament parle de Jésus ! Si nous ignorons tout ce message juif qui est dans le Premier Testament, il y a quelque chose qui nous manque concernant la connaissance de Jésus. Aimons le Premier Testament, pour que peu à peu nous arrivions à le lire comme il faut: quand voici quelques années, lorsque nous étions moins éclairés par le Seigneur, nous lisions l’Ancien Testament, chaque fois qu’il y avait le mot "Israël", nous mettions le mot "Église" à la place. Et nous nous appropriions toutes les promesses qui étaient faites à Israël! Mais, depuis, nous nous sommes aperçu qu’Israël, ça veut dire Israël, surtout dans le Premier Testament ! Et par conséquent, il y a tout un ensemble de paroles du Seigneur, de promesses, de prophéties concernant Israël qui sont accomplies ou encore à accomplir, qui ne concernent qu’Israël ! Et quand on lit Jérusalem, ce n’est pas l’Église, ni Rome, ni Genève, ni Moscou ni Constantinople: c’est Jérusalem. Nous devons apprendre à relire la Parole de Dieu comme elle est, et non pas comme nous voudrions la lire à travers des lunettes colorées qui nous rassurent intérieurement. Sommes-nous solidaires et responsables de tout ce qui concerne les Juifs ? Donc voici la Parole de Dieu qui s’éclaire, et qui se ré-éclaire pour nous, c’est l'oeuvre du Saint-Esprit ! Et, en même temps, le Seigneur attire notre attention sur un certain nombre d’événements par lesquels Il veut secouer notre indifférence. Je pense que le plus gros, le plus énorme de ces événements, c’est ce qu’on a coutume d’appeler la Shoah, c’est-à-dire cette extermination des Juifs pendant la dernière guerre, phénomène qu’on n’avait jamais vu encore dans l’histoire du monde : six millions de Juifs dont 1 400 000 enfants qui ont disparus dans la folie nazie. Pourquoi ? Non pas parce qu’ils étaient des ennemis, non pas parce qu’ils étaient dangereux, non pas parce qu’ils étaient armés, non pas parce qu’ils attaquaient le III° Reich, mais tout simplement parce qu’ils étaient Juifs ! En face de cette horreur, nous devons nous interroger. Que s’est-il passé ? Pourquoi cela s’est-il passé ? Comment devons-nous réagir en face de cela ? Cela nous amenés d'abord à relire l’histoire. Ces dernières années, un certain nombre de frères et soeurs un peu partout dans le monde, en Europe surtout, ont relu l’histoire des Croisades. certains ont été amenés à organiser une marche de repentance: partant de divers pays européens sur la trace des croisades; tout le long du chemin, ils ont demandé pardon auprès de différentes populations pour les exactions qu’avaient commis les Croisés au nom de Dieu, au nom du Dieu de la Bible. Leur point d’aboutissement fut Jérusalem, au mois de Juillet de cette année, exactement 900 ans après la prise de cette ville par Godefroy de Bouillon. Celui-ci, après l'avoir encerclée, en a massacré tous les habitants et, en particulier, a fait enfermer tous les Juifs dans les synagogues pour y mettre le feu ... ! Cetes, ce n’est pas nous qui avons fait cela. De même que ce n’est pas moi qui ai mis les Juifs en camp de concentration en Allemagne. Mais ce sont nos frères, nos amis, tous ceux dont nous sommes les héritiers. Il y a sans doute quelque chose dans mon hérédité, au moins spirituelle qui a été marqué par cela, parce que, lorsque Godefroy de Bouillon et ses armées ont perpétré ces horreurs, ils portaient la croix sur leurs vêtements, ils chantaient des cantiques et ils proclamaient: "Dieu le veult !" et " Loué soit Jésus-Christ !". Que nous le voulions ou non, et bien que ce soit passé il y a 900 ans, nous sommes porteurs de cette hérédité spirituelle qui nous a sûrement marqués. D'autre part, un événement beaucoup plus récent, qui ne nous touche pas personnellement dans notre conscience, c'est le retour du peuple juif dans ce qu’on appelait autrefois la Palestine, pays des Philistins: est-il simplement un effet de la mauvaise conscience des Occidentaux d’avoir persécuté le peuple juif, ou y a-t-il une intention de Dieu ? Est-ce un événement banal, ou au contraire un accomplissement des Écritures ? On peut au moins se poser la question et examiner si, dans la Bible, il y a des textes qui nous conduisent dans cette direction-là. Deux événements encore plus récents se sont déroulés en 1967, qui apparaissent fortuits: l'un, la guerre des Six Jours suivie de la réunification de Jérusalem et l'autre, qui nous concerne tous très directement, le début du Renouveau Charismatique catholique. Avec un troisième fait, au même moment, l’apparition de ce qu’il est convenu d’appeler maintenant les Juifs messianiques, c’est-à-dire des Juifs devenant croyants en Jésus, mais ne se rattachant à aucune Église existante et désirant fonder des communautés, des églises, qui gardent entièrement le caractère juif. La simultanéité de ces trois événements peut provoquer en nous des interrogations. Je pense que la relecture de la Parole de Dieu dont nous parlions plus haut, et la considération des événements cités Yerushalaim n°21 - page 9 ici, doivent nous amener, nous contraindre en quelque sorte, à chercher l’obéissance telle que Dieu la demande. Pour moi, si vous voulez, s’il est vrai que l’oecuménisme, l’interconfessionalité, la communion entre chrétiens n’est pas une option dans le Renouveau charismatique, dans tous les mouvements de réveil que Dieu lance, mais un chemin dans lequel Dieu nous appelle à une obéissance permanente, est-ce qu’il n’en est pas de même pour tout ce qui concerne la question d’Israël ? Attachés à nos petits problèmes personnels, n'oublions-nous pas quelles sont les préoccupations de Dieu ? Comment Il veut faire avancer l’Histoire, comment Il veut guérir, non pas nous personnellement, mais le monde entier ! C’est ce qui apparait dans le texte de Luc : “Il a visité et racheté son peuple” et, à travers son peuple, Il veut visiter, racheter et guérir l’humanité tout entière, Il veut réunir l’Église ! Ce n’est pas que la question d’Israël n’ait pas été présente dans le Renouveau charismatique dès le début. Ici même, dans nos week-ends oecuméniques charismatiques, nous avons eu régulièrement à coeur d’avoir des ateliers concernant Israël, de même que dans les Conventions de la Porte Ouverte, puis de Gagnières. Il y a eu, à la Pentecôte 1984, la première "Montée à Jérusalem", puis celles qui continuent encore maintenant ; depuis 1990, il y a les montées CŒUR pour la repentance vis-à-vis du Peuple d’Israël, une sensibilisation qui était toujours marquée dans le Renouveau charismatique. Les communautés issues du Renouveau charismatique ont chacune été poussées à avoir des représentants en Israël. Mais je crois que Dieu cherche à sonner la cloche de plus en plus fortement ! Et il avait déjà commencé en 1897 : je rappellerai, pour les catholiques, et pour nous tous ensemble, que, cette année-là, le Pape Léon XIII, dans une encyclique sur la dévotion au Saint-Esprit, et, dans la traduction française, invitait tous les catholiques, non seulement à fêter particulièrement la période de la Pentecôte, mais souhaitait que le Saint-Esprit "embrase les coeurs". Et, en cette même année 1897, à Bâle, eut lieu le premier Congrès Juif Mondial: un journaliste juif, Théodore HERZL, qui avait assisté au procès de Dreyfus, et qui en avait été profondément choqué, a déclaré à la tribune : “Dans cinq ans peut-être, dans cinquante ans sûrement, il y aura un état juif en Israël.”... “Embrase nos coeurs”, “État d’Israël”, c'était la même année 1897. Cinquante ans après, le 29 novembre 1947, l’ONU décrétait le partage de l’ex-Palestine, et la création de l’État d’Israël. Vous voyez comment Dieu travaille longtemps pour nous sensibiliser. L’antisémitisme et le Concile Vatican II La question "Israël" est difficile, parce qu’elle a été faussée par 15 à 20 siècles de ce qu’il faut bien appeler un antisémitisme chrétien. Quelle en est la raison: ignorance? jalousie (Ils sont le peuple élu, donc pas nous)? orgueil (c’est nous qui les remplaçons, ils ne sont plus le vrai Israël)? Sans doute un peu de tout cela, ce qui a mis devant nos yeux des écrans et a faussé jusqu’à notre lecture de l’Écriture Sainte. Lorsque le Concile de Vatican II a été amené à se pencher sur la question juive, il en est arrivé à deux constatations (cf . "Israël, serviteur de Dieu" par le père Michel REMAUD (Cerf ) : (1) - Ce décret Nostra Ætate commence par ces mots: "Scrutant le mystère de l’Église, le Concile se souvient du lien qui unit le peuple du Nouveau testament à la descendance d’Abraham..." Ce qui signifie que la question juive, tout ce qui concerne le peuple juif, tout ce qui concerne Israël, fait partie de toute réflexion sur l’Église: l’Église ne peut pas se concevoir si le peuple d’Israël lui est étranger. Un peu plus tard, en 1980, le cardinal Etchegaray dira dans le même sens: "L’Église est d’autant plus verdoyante qu’elle se souvient de ses racines juives". C’est la première constatation : la question juive fait partie de notre réflexion sur l’Église, et par conséquent dans notre vie chrétienne, dans notre vie ecclésiale, nous ne pouvons pas en ignorer l’importance. (2) - Il y a dans ce document Nostra Ætate une autre particularité importante. Vous savez que, dans tous ces documents conciliaires, les rédacteurs s’appuient, pour étayer la réflexion théologique, non seulement sur des textes bibliques mais sur les réflexions des Pères de l’Église, tout au long des siècles: ceci assure et confirme la continuité des enseignements. Or, voilà que, pour ce décret particulier, les rédacteurs n’ont pas pu s’appuyer sur la réflexion des Pères de l’Église, mais uniquement sur des textes bibliques. C’est le seul texte de tout le Concile qui présente cette particularité ! Qu’est-ce que cela veut dire, pour nous tous, catholiques et protestants ? Ccela veut dire que, si nous voulons réfléchir sur la question juive, nous ne pouvons pas nous ressourcer dans nos traditions, quellle que soit l’importance que nous leur accordons, mais nous devons en revenir à une réflexion éclairée, nous l’espérons, par le Saint-Esprit, uniquement sur des textes bibliques. Cinq ou six ans avant le Concile, pour citer maintenant un protestant, le grand théologien Karl Barth (d’origine suisse, il enseignait en Allemagne, mais a été expulsé par le régime du III° Reich parce qu’il s’opposait à l’antisémitisme) écrivait: "La question décisive n’est pas : «que peut être la Synagogue juive sans Jésus-Christ ?» mais : «qu’est-ce que l’Église aussi longtemps qu’elle a en face d’elle un Israël qui lui est étranger et qui s’oppose à elle ?»”. Il allait même jusqu’à dire : "Le Mouvement Oecuménique d’aujourd’hui souffre plus gravement de l’absence d’Israël que de celle des Orthodoxes ou des Catholiques”. page 10- Yerushalaim n°21 Les bases de nouvelles relations Essayons rapidement d’établir quelques points. Certains paraîtront comme des choses banales pour quelques-uns, mais je crois qu’il est bon de faire une sorte de collection de choses importantes que nous avons à réviser sous la conduite de l’Esprit-Saint, en relisant l’Écriture comme tout à nouveau.. En premier lieu, rappelons-nous que, contrairement à ce que les plus anciens ont reçu comme enseignement, le peuple d’Israël n’est pas maudit et que Dieu n’a pas rejeté son peuple. Il aurait tout simplement fallu savoir bien lire Romains 11 où Paul dit très clairement : “Dieu aurait-il rejeté son peuple ? Loin de là !” . Mais on passait rapidement làdessus et on lisait les choses qui étaient plutôt négatives vis-à-vis du peuple juif. Je veux, pour souligner ce point, vous lire un certain nombre de citations du Premier Testament, des Prophètes: "Sion disait : L’Éternel m'abandonne, le Seigneur m'oublie ! Une femme oublie-t-elle l'enfant qu'elle allaite ? N'at-elle pas pitié du fruit de ses entrailles ? Quand elle l'oublierait, Moi je ne t'oublierai jamais. Voici, je t'ai gravée sur mes mains ; tes murs sont toujours devant mes yeux.” (Esaïe 49: 14 - 16) Toujours veut dire toujours: depuis qu’Esaïe le disait jusqu’à maintenant. Et jusqu’à la fin des siècles ! "Car ton créateur est ton époux: L’Éternel des armées est son nom ; Et ton rédempteur est le Saint d'Israël. Il se nomme Dieu de toute la terre. Car L’Éternel te rappelle comme une femme délaissée et au coeur attristé, comme une épouse de la jeunesse qui a été répudiée, dit ton Dieu. Quelques instants je t'avais abandonnée, Mais avec une grande affection je t'accueillerai ; Dans un instant de colère, je t'avais un moment dérobé ma face, Mais avec un amour éternel j'aurai compassion de toi, Dit ton rédempteur, L’Éternel. [...]” (Esaïe 54: 5-10) Et ce passage bien connu : “Quand les montagnes s'éloigneraient, Quand les collines chancelleraient, Mon amour ne s'éloignera point de toi, Et mon alliance de paix ne chancellera point, dit L’Éternel, qui a compassion de toi.” : “Ainsi parle L’Éternel, qui a fait le soleil pour éclairer le jour, Qui a destiné la lune et les étoiles à éclairer la nuit, Qui soulève la mer et fait mugir ses flots, Lui dont le nom est L’Éternel des armées : Si ces lois viennent à cesser devant moi, dit L’Éternel, La race d'Israël aussi cessera pour toujours d'être une nation devant moi. Ainsi parle L’Éternel : Si les cieux en haut peuvent être mesurés, Si les fondements de la terre en bas peuvent être sondés, Alors je rejetterai toute la race d'Israël, A cause de tout ce qu'ils ont fait, dit L’Éternel.” (Jérémie 31, 35-37) Dans le Livre du Prophète Osée, qui est l'un des livres les plus merveilleux pour décrire l’amour de Dieu: “Que ferai-je de toi, Éphraïm ? Dois-je te livrer, Israël ? Te traiterai-je comme Adma ? Te rendrai-je semblable à Tseboïm ? Mon coeur s'agite au dedans de moi, Toutes mes compassions sont émues. Je ne donnerai pas cours à l'ardeur de ma colère, je ne reviendrai pas détruire Éphraïm ; car je suis Dieu et non pas homme; au milieu de toi, je suis saint: je ne viendrai pas avec colère.” (ch. 11, vv. 8-9) Vous pourrez lire aussi, dans ce récit de Genèse 17, lorsque Dieu fait de nouveau alliance avec Abraham, il lui dit: "Ce sera une alliance perpétuelle." (répété 3 fois). Perpétuelle ne veut pas dire que cette alliance cesserait si Israël venait à être désobéissant ! Quel droit avons-nous de juger la désobéissance d’Israël et d’en tirer des conséquences ? C’est une affaire entre lui et Dieu. Si vous avez des enfants qui sont désobéissants, même s’ils méritent la guillotine, ils ne cessent pas pour cela d’être vos enfants et d’être aimés par vous ! Il en est de même des relations entre Dieu et Israël : “Si une mère peut abandonner son enfant, disait Dieu dans Esaïe, Moi, je ne t’abandonnerai jamais. Il affirme être mieux encore qu’une mère, mieux qu’un père qui aime ses enfants. Voilà quelles sont les relations de Dieu avec Israël. Dans le Magnificat, (Luc 1:46-55) nous lisons: “Mon âme exalte le Seigneur et mon esprit se réjouit en Dieu mon Sauveur parce qu’Il a jeté les yeux sur la bassesse de sa servante” Et il faut lire et bien laisser entrer en soi les derniers versets de ce Magnificat : “Il a secouru Israël son serviteur, Il s’est souvenu de sa miséricorde comme Il l’avait dit à nos pères envers Abraham et sa postérité pour toujours, à jamais, éternellement !”. La promesse de l’alliance de Dieu avec Abraham est éternelle. Qu’est-ce que cela veut dire pour nous ? Que Dieu n’a pas rejeté son peuple, qu’Il n’a pas appelé l’Église à remplacer Israël, que l’Église n’est pas le Nouvel Israël, (ce termelà n’existe pas dans le NT) qu’il n’y a pas de substitution de l’Église à Israël, mais qu'Israël a encore dans les temps actuels une vocation particulière à remplir, et donc, par conséquent, que nous avons à prier pour Israël, pour sa mission dans le monde. Cela nous gêne peut-être, parce que les questions spirituelles, économiques et politiques se mélangent, qu’il y a non seulement les Juifs qui sont dans la Dispersion, mais qu’il y a ce très gênant État d’Israël dont nous ne savons que faire. Mais nous devons bien admettre que la Diaspora (la Dispersion) et Israël sur sa terre, c’est tout un, c’est le peuple d’Israël. Et que Dieu sait ce qu’Il fait en le rappelant, en le replaçant sur sa terre. Nous avons donc à prier pour que toutes les promesses de Dieu concernant Israël s’accomplissent, sans bien les préciser, parce que, si nous les précisions, il y aurait dans notre tête : " ... que tous les juifs et deviennent pentecôtistes, baptistes, catholiques, etc...” . Non, ce n’est pas comme cela : nous n’avons pas à prier pour que les juifs se convertissent: qu’est-ce que c’est se convertir, c’est se détourner des idoles pour se tourner vers le Dieu Vivant. Or, le Dieu qu’adorent les Yerushalaim n°21 - page 11 Juifs c’est le Dieu que nous adorons aussi : le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob. Ils ont simplement, comme le dit Paul, "un voile devant les yeux” en ce qui concerne Jésus, notamment sa divinité. Mais interrogez des chrétiens, parlez-leur de la divinité de Jésus, de sa résurrection, vous aurez parfois bien des surprises ... Que des Juifs ne croient pas à la divinité de Jésus, c’est leur affaire, une affaire entre Dieu et eux ! Cela n’empêche pas qu’ils sont aimés de Dieu, que Dieu a encore pour eux une vocation, un travail, un ministère à accomplir. Nous devons prier pour que les relations entre le peuple juif et Dieu soient aussi claires que possible, et que toutes les promesses, toute la plénitude des projets de Dieu à l’égard du peuple d’Israël se réalisent. La Substitution, obstacle à la Révélation Comme je le disais tout-à-l’heure, l’Église n'a pas été substituée à Israël, et elle n’est pas le nouvel Israël : Jésus était juif, la vierge Marie était juive, la première Église était entièrement juive. Et le problème n’était pas à ce moment-là "que faire des Juifs ?", mais "que faire des païens qui, par le ministère des Juifs, viennent à croire que Jésus est le Messie”. Va-t-on les obliger à devenir entièrement juifs, à se faire circoncire, à adopter toutes les lois, etc. Le premier concile oecuménique qui s’est tenu à Jérusalem, tel qu’il nous est rapporté en Actes 15, débattait de ces questions-là . Mais que nous dit la Parole de Dieu à ce sujet ? Nous le lisons dans Romains 11: si nous sommes croyants en Jésus-Christ, nous sommes greffés sur le tronc d’Israël ! Or, nous avons encore à découvrir ce que cela veut dire: vivre de la sève d’Israël, c'est avoir besoin de la prière, de la pensée théologique, de la réflexion, de la méditation biblique d’Israël, de l’Israël réel, pas uniquement de l’Israël croyant en Jésus-Christ ! Il y a un texte qui m’a toujours frappé, qui est pour moi encore plus puissant que Romains 11, c’est Éphésiens 2 (à partir du v. 11) et 3 : C’est un texte qu’on interprète souvent en disant que Jésus a abattu le mur de séparation entre les catholiques et les protestants. Mais quand Paul écrivait cela, il n’y avait ni catholiques, ni protestants, il y avait les Juifs et les non-Juifs. Alors, il écrit aux Éphésiens, c’est-à-dire à des païens qui sont devenus croyants en Jésus-Christ. : “C'est pourquoi, vous autrefois païens dans la chair, appelés incirconcis par ceux qu'on appelle circoncis et qui le sont en la chair par la main de l'homme, souvenez-vous que vous étiez en ce temps-là (avant de croire en Jésus-Christ) sans Christ, privés du droit de cité en Israël, étrangers aux alliances de la promesse (aux alliances de l’Ancien Testament), sans espérance et sans Dieu dans le monde. Mais maintenant, en Jésus-Christ, vous qui étiez jadis éloignés, vous avez été rapprochés (rapprochés des Juifs, du tronc, et Paul va plus loin dans Romains 11 puisqu'il dit : “greffés sur le tronc”) par le sang de Christ. Car il est notre paix, lui qui des deux (les Juifs et les non-Juifs) n'en a fait qu'un, et qui a renversé le mur de séparation.” (Eph.2, 11-14 puis au verset 19, il poursuit) " Ainsi donc, vous n'êtes plus des étrangers (par rapport à Israël), ni des gens du dehors (des métèques) ; mais vous êtes concitoyens des saints (ce sont les juifs qui croient en JésusChrist), gens de la maison de Dieu (c’est le peuple d’Israël).” Vous voyez donc ce mouvement que nous avons fini par ignorer complètement parce que la composante juive de l’Église a pratiquement complètement disparu sauf quelques individus: qu’est-ce que l’Église ? c'est des Juifs et des païens, croyant en Jésus-Christ, et pas simplement des non-Juifs. La repentance comme chemin de conversion Autre chose encore : je parlais tout-à-l’heure de la Shoah, de Godefroy de Bouillon et de la prise de Jérusalem en 1099, mais il y a une chose à laquelle nous ferons bien de porter attention : c’est la question de la repentance, la repentance de l’Église dans son ensemble. Les évêques de France ont eu, à propos du centre de déportation de Drancy, une démarche de repentance remarquable. Il y a eu auparavant de nombreuses Églises protestantes en Hollande, en Allemagne, qui ont eu des démarches de repentance à cause de l’ignorance, de l’indifférence, de la peur, etc... qui ont régné pendant l’occupation nazie et qui ont empêché que l’on prenne parti pour les Juifs et ainsi les camps de concentration ont pu se développer et l’extermination des Juifs se poursuivre. Je citerai en exemple une communauté qui existe depuis la fin de la guerre, les Soeurs de Marie de Darmstadt, dont toute l’orientation est d’appeler toute l’Église chrétienne à la repentance à cause de ce qui a été fait au peuple juif. Il nous faut porter très fortement cette question de la repentance vis-à-vis du peuple de Dieu; il nous faut demander pardon à Dieu pour l’hérédité qui est la nôtre, comme le prophète Daniel, comme Néhémie priaient dans la Bible : “Nous et nos pères, nous avons péché...” Ce n’est pas nous qui avons fait ces choses-là, mais nous en portons malgré nous l’hérédité. D’autre part, la première Église, juive, était entièrement charismatique : c’est l’Église du Nouveau Testament ; lisez les Actes, les épîtres de Paul: n’y a-t-il pas une relation entre la manifestation des charismes et la place que nous pouvons accorder aux Juifs croyants en Jésus, dans l’Église ? Ou l’attention que nous portons au peuple de Dieu, l’amour que nous avons pour ce peuple dans son ensemble ? Il me semble que, dans l’histoire de l’Église, on constate une diminution et une disparition des charismes, à partir des IV°-V° siècles, à partir du moment où il n’y a plus de présence juive dans l’Église. Voilà encore une interrogation qui nous est posée. page 12- Yerushalaim n°21 Le temps des nations Le retour d’Israël dans son pays, la réunification de Jérusalem, est-ce une question politique ou une question spirituelle ? Relisez, méditez, priez, demandez à Dieu de vous éclairer, en particulier sur ce verset de Luc 21: 24 où Jésus dit: "Jérusalem sera foulée aux pieds par les nations jusqu’à ce que le temps des nations soit accomplis." Aujourd’hui, Jérusalem n’est plus sous une autre autorité que juive ; l’autorité des nations non juives n’est plus sur Jérusalem. D'où la question: sommes-nous entrés dans un temps important qui n’est plus ce que la Bible appelle le temps des nations, le temps où les nations non juives avaient autorité sur la politique ? On a l’impression que toute la politique internationale s’en va comme des mailles qui filent, que rien ne peut arrêter. Sommes-nous entrés dans un autre temps? En conclusion...rencontrons nos "frères aînés dans la foi" Pour terminer cet exposé je veux simplement souligner quelques points forts: - l’importance de la repentance: on ne peut rester insensible à cette injonction de l'Esprit. - l’importance de l’humilité, en considérant en particulier ce texte cinglant de Paul (Romains 11: 20) “Ne rentre pas dans l’orgueil, mais crains ; ne t’enorgueillis pas, toi qui n’es pas Juif de naissance...” - l'importance de prier que toutes les promesses de Dieu à l’égard d’Israël se réalisent. - l'importance de s'informer en mettant à profit toutes les possibilités qui nous sont offertes: - l'émission religieuse juive chaque dimanche matin à 9h15 sur Antenne 2 - les groupes d'Amitié Judéo-Chrétienne - les montées de COEUR et sa revue YERUSHALAIM - la littérature de plus en plus fournie de commentaires et textes juifs. Il nous faut aussi être très attentifs lors de nos rencontres avec nos frères juifs: souvenons-nous qu'ils sont marqués par le souvenir séculaire de ce que les communautés chrétiennes leur ont fait subir au cours des siècles, en brimades, mépris, persécution, extermination, ... et cela en dépit du fait qu'ils nous ont précédés sur le chemin de la connaissance du vrai Dieu. Prenons bien garde à nos élans de zèle maladroit et amer. Nous avons d'abord à apprendre et à promouvoir respect et écoute de l'autre. Nous sommes invités à entrer dans le mouvement de Dieu à l’égard de son peuple, et cela, avec humilité et reconnaissance: cela transformera nos églises, transformera nos vies, transformera nos mentalités, nous fera approfondir la Parole de Dieu, nous fera peut-être rénover les charismes et la vie charismatique, et c’est ce à quoi Dieu nous appelle actuellement. Alain SCHVARTZ ☛ Le prochain week-end de Viviers est prévu les 15 et 16 janvier. C'est Bernard GEOFFROY qui en sera l'orateur. (A son sujet, voir notre article page 18 à 20 "Voyage en Israël") Renseignements et inscriptions au week-end: D. VERGNES - Bonnissol - 26380 PEYRINS Yerushalaim n°21 - page 13 Chronique de Jérusalem nl nl nl nl nl A défaut d'un plus grand nombre de participants à cause de l'annulation du voyage de Kippour pour cette année, nous étions une dizaine de membres de COEUR et de sympathisants de sa démarche, habitant ou en visite à Jérusalem, réunis au Yad Vashem le 22 Septembre dernier pour une brève cérémonie et la pose d'une couronne au nom de l'Association, dans le Hall du souvenir. Cérémonie à laquelle tous les membres de COEUR ont été associés. Il nous a semblé bon de le faire particulièrement en cette année qui marquera, nous l'espérons, des progrès importants dans l'achèvement du processus de paix. En effet, depuis les dernières élections, un nouveau souffle ranime l'espoir. Notre démarche, tournée vers le passé mais aussi vers l'avenir, s'est voulue dans ce courant d'espérance. Espérance que le sacrifice de tant de vies durant l'Holocauste et après jusqu'à nos jours aboutisse à une paix juste et durable qui soit pour le bien des générations présentes et futures, et un exemple pour le monde. Le 17 Octobre, des membres de familles israéliennes et palestiniennes, certaines d'entr'elles ayant perdu de leur proche dans le conflit, se sont rencontrées à Gaza en signe de réconciliation. A l'avenir, en Israël, on y pense beaucoup, car on sait que, après l'achèvement de la paix à l'extérieur de ses frontières, il faudra oeuvrer sérieusement à bâtir une société juste et paisible à l'intérieur de celles-ci, c'est à dire dans la société israélienne elle-même. Le problème de coexistence des religieux et des laïcs à l'intérieur de la société israélienne n'est pas d'aujourd'hui. La recherche de solutions adéquates est en route depuis longtemps déjà. Mais il semble s'accentuer de nos jours, à l'approche de la paix. A part le problème politique de la paix avec ses voisins et celui de la coexistence des différents groupes "ethniques" du peuple d'Israël (ashkenazim, sépharadim, mizrakhim, russes maintenant, etc), celui de la coexistence dans la bonne entente des religieux et des laïcs sera en effet l'un des problèmes majeurs à résoudre dans les années qui viennent. De fortes pressions s'exercent et s'exerceront pour la séparation de la religion et de la politique comme c'est le cas dans les Etats démocratiques modernes. A preuve de cette vision et de cette nécessité de continuer de bâtir une telle société pour les générations futures, une pancarte que l'on peut voir et lire, par exemple, très visiblement à l'arrière des autobus, sur laquelle figurent deux beaux enfants souriants, un avec la kippa (de famille religieuse) et l'autre sans (de famille laïque), avec l'écriteau "Paix entre nous, à cause des générations futures". Souhaitons que ces voeux se réalisent, alors qu'en Novembre, sera commémoré le cinquième anniversaire de l'assassinat d'Itzakh Rabin, qui a consacré, tant à la paix extérieure qu'intérieure de son pays, toutes ses énergies durant les dernières années de sa vie. Ermanno GARBI Jérusalem, le 19.10.1999 page 14- Yerushalaim n°21 EGLISE ET ISRAËL DANS LE MONDE DE CE TEMPS. Une réflexion sur les déclarations conciliaires. par le père François Thonier ‘’ Scrutant le mystère de l’Eglise, le Concile rappelle le lien qui relie spirituellement le peuple du Nouveau Testament avec la lignée d’Abraham ‘’. Ce lien, rappelé par le décret Nostra Aetate (4) du Concile Vatican II, le 28 Octobre 1965, nous proposons de le lire à travers la Constitution Pastorale sur ‘’l’Eglise dans le monde de ce temps’’ (Gaudium et Spes) du 7 Décembre 1965. En effet, l’Eglise et Israël ont des points communs et des fins différentes. ‘’ L’Eglise poursuit une fin salvifique et eschatologique qui ne peut être pleinement atteinte que dans le siècle à venir ‘’ (Gaudium et Spes n° 40. 2) Cependant : ‘’ Par chacun de ses membres comme par toute la communauté qu’elle forme, l’Eglise croit pouvoir largement contribuer à humaniser toujours plus la famille des hommes et son histoire ‘’ (G . et S. n° 40. 3) Selon le Judaïsme, humaniser la famille des hommes et son histoire, réussir le monde, voilà la finalité de la Torah, la finalité de ce Judaïsme. La Constitution Gaudium et Spes reprend donc les buts que Jean XXIII avait assignés au Concile en le convoquant et en l’ouvrant, et que Paul VI a tant souligné en le clôturant : « Aimer l’homme ». Qui ne perçoit que le mépris du Peuple Juif a entraîné dans l’histoire une étrange raideur vis à vis du monde ? La réussite du monde, selon la Torah est la réussite du Temple, de la Maison, là où Dieu est proche de celui qui l’invoque. Faire du monde un monde habitable pour Dieu, Celui qui ‘’a campé parmi nous ‘’ (Jean 1. 14) est bien aussi le propos de l’Evangile. Pour n’être pas nouvelle, l’affirmation continue d’étonner, de scandaliser ceux qui y ont trouvé matière à se séparer de l’Eglise, car la pensée grecque a introduit si constamment des oppositions là où c’est la grâce hébraïque, la ‘’vérité hébraïque’’ selon St Jérôme, de ne pas séparer. Gaudium et Spes parle du ‘théâtre où se joue l’histoire du genre humain ...’’ (Avant Propos 2.2) . Le théâtre est une institution grecque. Il n’y a pas de théâtre dans l’Ecriture. Selon le Psaume 8, le ciel est à voir, mais le psalmiste définit aussi la grandeur de l’homme en fonction de sa mission terrestre : ‘’ Qu’est donc l’homme pour que tu te souviennes de lui, ou le fils de l’homme pour que tu te soucies de lui ? A peine le fis-tu moindre qu’un dieu, le couronnant de gloire et de splendeur : tu l’établis sur l’oeuvre de tes mains, tout fut mis sous ses pieds ...’’ (G. et S.n° 12. 3) Le monde n’est pas un spectacle mais un chantier et les artistes juifs présentent volontiers le monde en construction. Ce monde est à transformer selon le dessein de Dieu? C’est à la Torah de nous dire ce dessein. Elle est à étudier. Donnée par Moïse, elle ne cesse d’être relue à chaque génération. La récompense de la mitzvah, c’est la mitzvah, la grâce messianique de la justice et de la paix. Le Concile (n° 3 K) parle de ce ‘’gigantesque effort qui correspond au dessein de Dieu’’. Les Juifs ne sont pas absents, on le sait, de ce gigantesque effort de construction et, en outre, ils l’accompagnent d’un non Yerushalaim n°21 - page 15 moins gigantesque effort d’étude de la Torah dans les yeshivoth. Qui n’a pas entendu ces institutions juives supérieures ne sait pas ce que veut dire étudier. Dans cette optique, le Concile poursuit : ‘’ L’ordre des choses doit sans cesse se développer, avoir pour base la vérité, s’édifier sur la justice et être vivifié par l’amour. Il doit trouver dans la liberté un équilibre toujours plus humain. Pour y parvenir, il faut travailler au renouvellement des mentalités ‘’.(G. et S. n° 26. 3) Vérité, justice, amour et liberté sont les colonnes de la paix selon l’encyclique Pacem in terris de Jean XXIII. Et selon le Judaïsme, ce sont les conditions de la réussite du monde. Un juif les recherche passionnément, Jacques Maritain le signalait déjà. Et travailler au renouvellement des mentalités est le propos du Talmud, pour que chaque juif, si dispersé soit-il, aux extrémités de la terre, fasse de sa vie un temple, lieu du sacrifice, de l’offrande du monde à Dieu. On songe à l’exhortation de Paul aux Romains (12:1-2): ‘’ Je vous exhorte donc, frères, par la miséricorde de Dieu, à vous offrir vousmêmes en sacrifice vivant, saint, agréable à Dieu : ce sera là le culte spirituel que vous avez à rendre . Et ne vous modelez pas sur le monde présent, mais que le renouvellement de votre jugement vous transforme et vous fasse discerner quelle est la volonté de Dieu, ce qui est bien, ce qui lui plaît, ce qui page 16- Yerushalaim n°21 est parfait’’. "Concernant le monde présent" : le Concile rappelle le péché et les failles de notre temps et de tous les temps. Le Judaïsme, lui, s’applique assidûment à renouveler son jugement par l’étude de la Torah, de ce qui plaît à Dieu. ‘’ Concernant le monde moderne’’ : le chemin s’ouvre devant lui de la liberté ou de la servitude. Le Judaïsme est ‘’le chemin de la terre’’, il désigne aussi cette manière juive de croire. Et nous lisons que les doux posséderont la terre car la Torah, la Parole de Dieu est une source inépuisable de douceur pour les uns et les autres ... ‘’ la liberté ne va pas sans la douceur, comme s’y essaient de nos jours beaucoup de non violents ‘’. (G. et S. n° 9) Mais le Concile dans la Constitution Dogmatique sur l’Eglise ‘’Lumen Gentium’’ ne définit pas ce Peuple de Dieu sans se référer, au début, au milieu et à la fin du chapitre 2, au Peuple d’Israël, germe vivant de la semence. Le Concile parle longuement de l’homme : ‘’ Corps et âme, mais vraiment un, l’homme est, dans sa condition corporelle même, un résumé de l’univers des choses ... Il est donc interdit à l’homme de dédaigner la vie corporelle. Mais au contraire, il doit estimer et respecter son corps qui a été créé par Dieu et qui doit ressusciter au dernier jour... (G. et S. n° 14-1) Le Concile se propose de s’adresser à tous (G. et S. n° 10). On songe au midrash selon lequel la Torah a été proposée à tous les peuples au Sinaï. Tous ont refusé. Israël a accepté librement. Dieu tenait la montagne en suspend au dessus de lui pour l’écraser s’il refusait. Il n’y a point d’Israël sans Torah. C’est ‘’tout l’homme, temple de Dieu’’ que Jésus à travers lui-même, annonce vouloir ‘’rebâtir en trois jours’’ (Jean 2. 19) . Et, déjà, la Torah parle abondamment de la résurrection dans le même sens. Il faut rassembler les étincelles des vases brisés et l’Eglise ne le fera pas, l’Oecuménisme n’aboutira pas sans Israël, olivier franc à qui Dieu a confié le culte, c’est à dire le service de Dieu (Romains 9.4). En Jésus, toutes les nations sont à nouveau invitées à l’Alliance... ‘’ La réciprocité des services que sont appelés à se rendre le Peuple de Dieu (qu’est le peuple chrétien) et le genre humain, dans lequel ce Peuple est inséré (semé) apparaîtra avec plus de netteté : ainsi se manifestera le caractère religieux et, par le fait même, souverainement humain de la mission de l’Eglise ‘. (G. et S. n° 11. 3) L’Eglise ne peut reconnaître ce ‘’résumé’’ qu’est l’homme, sans reconnaître la permanence de la vocation d’Israël : ‘’La nature intelligente de la personne doit trouver sa perfection dans la sagesse’’(G. et S. 15. 2) Après le prêtre, le roi et le prophète, le temps du Judaïsme depuis l’exil à Babylone, c’est le temps des Sages. L’immense Talmud est une somme de sagesse. Le Concile poursuit : ‘’ De nombreux pays pauvres en biens naturels mais riches en sagesse pourront puissamment aider les autres sur ce point ‘’ (G. et S. 15. 3) Quel pays, aussi petit, a autant aidé les autres, les civilisations, que le petit Peuple d’ Israël (savants, artistes, etc.) ? Sait-on qu’aujourd’hui l’Etat d’Israël est le premier exportateur d’ingénieurs en Afrique ...? Comme l’exprime, d’autre part, le Concile : ‘’ Plus la conscience droite l’emporte, plus les personnes et les groupes s’éloignent d’une décision aveugle et tendent à se conformer aux normes objectives de la moralité ...’’ ( G.et S. n° 16) L’effort juif, c’est l’enseignement des rabbins, rappelant que tout homme est soumis aux sept lois noachiques, commandements que Dieu a donnés à Noé et à toute l’humanité. Cependant les formes de l’athéisme sont multiples ... La Constitution sur l’Eglise dans le monde de ce temps en son N° 19. , dans son chapitre sur la dignité de la personne humaine, déclare que : ‘’ L’athéisme compte parmi les faits les plus graves de ce temps et doit être soumis à un examen très attentif’’(G. et S. N° 19. 1) Dans cet examen, on lit : ‘’ L’athéisme, considéré dans son ensemble ne trouve pas son origine en soi-même, il la trouve en diverses causes, parmi lesquelles il faut compter une réaction critique en face des religions et, spécialement en certaines régions, en face de la religion chrétienne ‘’ (G. & S. N° 19. 3) Cette présentation pose bien des questions. Le Concile en formule lui-même sur la responsabilité des chrétiens. Ce Concile veut-il expliquer l’origine de l’athéisme ? Ne serait-il pas suggestif de comparer cette origine avec celle de la révélation biblique? Car c’est bien une réaction critique vis à vis des religions que Dieu a demandée à notre père Abraham : ‘’ Va, quitte ton pays, ta parenté, la maison de ton père et va vers le pays que je te montrerai ‘ (Genèse 12. 1) Abraham quitte le monde religieux, où son père Théra était le plus actif comme fabricant d’idoles, pour se confier au Dieu unique. Tous les prophètes et toute l’Ecriture n’ont cessé de mettre en garde contre les religions et leurs hauts lieux. Au 2e. siècle, le rhéteur Saint Justin, néophyte, explique la foi chrétienne à ses collègues, en disant : ‘’Nous sommes les athées de tous les faux dieux ‘’. Mais, après la chute de l’empire romain, l’Eglise est devenue la seule ‘’religion’’ au point que sa vocation critique spécifique doive être assumée aujourd’hui par « l’athéisme ... qui ne trouve pas son origine en lui-même ». L’Eglise sertelle encore bien la vérité en se rangeant parmi les religions ? Depuis soixante ans, on recherche les liens de l’athéisme et de la Parole de Dieu. Or, l’Eglise et Israël ont l’une et l’autre vocation à cette réaction critique vis à vis des religions et à ne pas laisser cet athéisme s’emparer de la fonction que Dieu a donnée à Abraham ? Le Concile nous oblige d’autant plus à méditer ces paradoxes, que le Judaïsme, qui vit de la Parole de Dieu, tient une place privilégiée face à cette évolution, à cette inversion du croyant à l’athée. Père François THONIER Délégué diocésain pour les relations avec le Judaïsme Yerushalaim n°21 - page 17 Voyage en Israël COEUR n'a pu organiser cette année le traditionnel voyage "Kippour à Jérusalem". Par contre, nous étions heureux de conseiller à nos amis de participer au voyage organisé par l'association BereshitGenèse sous la conduite de Brenard GEOFFROY. Merci à Martine et Théo STUSSI d'avoir bien voulu nous retracer ce qu'ils ont vécu. Laissez l'un et l'autre croître ensemble jusqu'à la moisson. Ev.de Matthieu 13:30 ...en Israël avec l'association BERESHIT-GENESE du 19 septembre au 3 octobre 1999 Il nous a fallu du temps pour réaliser que nous étions réellement en Israël, pour sortir d'un rêve en nous confrontant avec la réalité d'aujourd'hui de ce pays moderne où tout fonctionne comme dans notre pays (par exemple, tirer instantanément des shekels sur son compte avec sa carte bancaire au distributeur de billets, ou obtenir une communication téléphonique immédiate avec la France !). Il nous a fallu du temps pour réaliser que c'est dans ce pays moderne qu'est aussi inscrite tout une Histoire que nous avions apprise dès notre enfance à travers la catéchèse de nos Ecoles du Dimanche, reprise ensuite au travers de la méditation sans cesse renouvelée des textes bibliques tant du 1er que du 2second testament. Du temps pour réaliser que la mémoire du passé est inscrite dans ces pierres, ces terres, ces lieux qui ont gardé pour la plupart leur nom d'origine, malgré les avatars de l'histoire: Jérusalem bien sûr, Hébron, Bershéva, désert du Tsin, Jéricho, vallée du Jourdain, Nazareth et tant d'autres ! Du temps pour mettre du corps sur un rêve ! page 18- Yerushalaim n°21 Notre séjour de deux semaines s'est construit en trois étapes: quelques jours à la Maison du Pressoir (Beth-Ha Gath), une semaine en voyage, puis à nouveau les derniers jours à la Maison du Pressoir, à Ein-Karem, situé à 9km à l'ouest de Jérusalem (1). Notre périple nous a menés d'abord vers le sud, dans le désert du Neguev jusqu'au Canyon de Makhtesh Ramon et, de là, jusqu'à l'extrême nord, dans le "doigt de la Galilée", le long de la frontière libanaise. Au cours de notre voyage, rendu agréable par la climatisation rafraîchissante de notre petit bus de 20 places, tous ces récits bibliques ont pris un peu plus de consistance, non seulement du fait que nous étions physiquement sur les lieux où ils ont été vécus, mais aussi du fait de la parole de Bernard Geoffroy qui nous a magistralement guidés et fait part de sa pénétration des (1) Ein Karem D72 - 95744 JEREUSALEM Tél (972) 2 642 45 77 Fax (972) 2 643 31 64 textes des deux Testaments, enrichie par de multiples interprétations midrashiques et par toute la richesse de la pensée juive passée et contemporaine. Il faisait toucher nos corps, nos pensées, et nos coeurs à cette articulation indissociable: Parole de YHWH enracinée dans / sur une Terre et portée par un Peuple, de génération en génération. Si c'était tellement convaincant, c'est que Bernard avait fait sienne cette nouvelle approche des textes, assez inhabituelle pour la plupart d'entre nous: elle est devenue sève de sa vie, et pour nous, une invitation à poursuivre, à notre tour, un travail d'étude et d'approfondissement en vue d'élargir l'horizon de notre pensée, de notre vie intérieure, de l'expression et de l'incarnation de notre foi. Galilée. La vocation du père Jakov, est née à l'écoute de la vie de son oncle, prêtre franciscain, qui prophétisait, avant même la guerre 39/45, un grand avenir au peuple choisi de Dieu. Cet oncle a réchappé du camp de Dachau où il avait été utilisé comme "sujet d'expérimentation". C'est donc dans une vision de paix et de réconciliation que le père Jakov a voulu vivre sur cette terre, en essayant d'accomplir sa vocation de présence pacifiante. Plusieurs jeunes juifs viennent régulièrement au monastère: ils sont fascinés par cette vie monacale solitaire, forme de vie consacrée à Dieu, qui n'est pas du tout pratiquée dans la tradition juive à l'heure actuelle. Quant aux musulmans de la région, ils ont perdu leur appréhension à l'égard du père Jakov et, pour eux, il est devenu leur "grand-père" ! Grâce aux nombreuses relations de Bernard Geoffroy, qui vit sa vocation dans ce pays depuis 13 ans, nous avons pu rencontrer quelques personnes éminemment vivantes: A Beth Ha Gath, nous avons eu la joie d'entendre parler le professeur Cottek au cours d'une soirée qu'il a passée avec nous. Il nous a partagé la conviction avec laquelle il vit sa relation à Dieu dans sa tradition juive. Nous avons été très touchés par d'innombrables richesses qu'il nous a partagées et qui sont issues de son vécu de foi. Nous en retiendrons une: à l'instar de Jonas, nul ne peut échapper à écouter sa vocation propre: retourner à sa source véritable, en son point d'intériorité où se trouve l'image de Dieu (nishma jaïm), c'est principalement cela vivre le retour (teshouva) , en particulier pendant ces jours qui précèdent la Fête du Grand Pardon donné, le Jour de Yom Kippour. De retour à Jérusalem, notre groupe a été invité par Emile Moatti et sa femme sous la cabane (soukka) qu'il avait dressée sur son balcon (c'était en effet la fête de Soukkot cette semaine-là). Nous avons été chaleureusement accueillis pour un partage -non seulement de gâteaux et de boissons - mais aussi d'expériences de vie. Emile Moatti Avant le repas festif qui suit l'ouverture du shabbat, bénédictiondu vin, fruit de la terre et du travail des hommes (Photo Théo Stussi) A Nazareth, nous avons pu nous entretenir pendant une soirée avec Emile Shoufani. Arabe israélien, curé de Nazareth, son ministère est avant tout celui de la réconciliation. Il déploie des efforts incessants pour que se rencontrent des personnes que séparent des cultures et des traditions religieuses différentes. Ainsi, l'Ecole SaintJoseph dont il directeur depuis 1976, reçoit des garçons et des filles arabes, de religion chrétienne et musulmane. Depuis 12 années, il a réussi à créer et maintenir avec Hanna Levitee, directrice d'une école juive à Jérusalem, des rencontres régulières entre les élèves de chacune des deux écoles. Ces rencontres sont même obligatoires et font partie de la formation donnée dans chacune de ces deux écoles. Depuis quelque temps, a été construit un grand bâtiment d'hôtellerie qui est aussi une école hôtelière, dans lequel nous avons pu être hébergés dans d'excellentes conditions de confort ! Depuis Nazareth, nous avons pu aller rendre visite au père Jakov Wildebranz. Ce moine trappiste d'origine hollandaise vit depuis 1961 en Israël. Arrivé dans ce pays à l'âge de 47 ans, il a trouvé sur un promontoire en Galilée un site isolé pour y construire son ermitage. Au fil des années, trois autres moines se sont établis avec lui, formant une petite communauté monastique. Celle-ci s'est inscrite dans le rite melkite (2) , traditionnel dans cette région de (2) Eglise grecque-catholique rattachée à Rome et vivant la liturgie byzantine. Yerushalaim n°21 - page 19 nous a raconté son itinéraire, et sa joie pour lui et sa femme, de rejoindre chaque année leur appartement de Jérusalem pendant plusieurs mois. Il nous a fait part de son amour pour Abraham et de son désir de voir les trois branches qui le reconnaissent comme leur "père" de mieux se connaître, de se re-connaître. D'où son engagement dans ce labeur au sein de l'association "Fraternité d'Abraham", dont il est vice-président, ainsi que dans le Comité directeur de la revue SENS, publiée par l'association "Amitié Judéo-Chrétienne de France". Il nous a éclairé aussi sur la fête de Soukkot. Enfin le dernier soir, plusieurs familles juives israéliennes sont venues partager un repas fraternel et dialoguer avec ceux d'entre nous qui savaient parler anglais. Nous avons découvert aussi qu'Israël est au trois-quarts un pays de désert, non pas des étendues de sable comme on s'imagine généralement les déserts, mais des reliefs rocheux à l'infini, où rien n'est vert, à cette saison du moins. La juxtaposition d'agglomérations ultramodernes et d'espaces totalement nus nous obligeait à nous questionner toujours à nouveau: où sommes-nous ? Quelques parcelles vertes obtenues par un apport continuel d'eau parvenaient à nous tromper quant à la latitude à laquelle nous nous trouvions (celle de la limite nord du désert du Sahara en Afrique du Nord). Des randonnées dans le désert de Tsin (canyon de Eïn Avdat et cratère Makhtesh Ramon) nous ont projetés au temps des pérégrinations du peuple hébreu avec Moïse. La pureté de l'air sec et la couleur du ciel bleu, la vue d'un horizon sans trace d'humanité, la chaleur et le silence, ont fasciné plusieurs d'entre nous. Il nous est difficile d'imaginer la description que nous donnait Bernard Geoffroy de ce désert couvert de fleurs au printemps. Pourtant ce qu'il disait en homme qui connaît bien le pays en toute saison, nous rendait sensibles ces paroles du prophète Esaïe: "Qu'ils se réjouissent, le désert et la terre aride, que la steppe exulte et fleurisse, qu'elle se couvre de fleurs des champs, qu'elle saute et dans et de joie ! (Esaïe 35:1-2) La Fraternité qui anime la Maison du Pressoir, acquise depuis peu par l'Association Bereshit-Genèse, grâce à un don généreux, accueille des groupes venus de France pour visiter Israël, mais suscite aussi tout au long de l'année des rencontres entre des personnes chrétiennes, juives et musulmanes. Pour le moment, ces rencontres concernent surtout des juifs et des chrétiens. Du 27 février au 9 mars, aura lieu un séminaire abrahamique dont le programme a été élaboré par Bernard Geoffroy et Emile Moatti, pendant lequel alterneront partages et visites. (3) Les personnes de notre groupe étaient d'origine très diverses. Elles entraient bien dans cette préoccupation portée par la Fraternité de la Maison du Pressoir, de faire se rencontrer les uns et les autres, porteurs d'histoires différentes. En effet, nous étions quinze, neuf d'origine catholique, trois d'origine protestante et trois d'origine juive. Il est évidemment impossible de passer sous silence notre page 20- Yerushalaim n°21 visite au Yad Vashem. Cette Colline du Souvenir où se trouve le musée et le mémorial de la Shoah étant à ¾ d'heure de marche de la Maison du Pressoir, nous avons pu nous y rendre à pied. Malgré ce que chacun de nous avait déjà pu méditer dans son coeur à propos de la Shoah, cette visite a , une fois de plus, concerné chacun au plus profond de lui-même. Pour terminer, peut-être est-il bon de parler du "mêlé": c'est en effet le mot que Bernard Geoffroy employait pour nous rendre attentif à la complexité des situations. Complexités d'aujourd'hui dans ce pays, où contradictions et contradictions avoisinent. Mais ces contradictions se trouvent aussi durant toute l'histoire de cette Terre. Tant d'influences, d'événements, sont entremêlés, enchevêtrés. Et si l'on cherche à dissocier, à séparer, à classifier, finalement à juger, ceci à droite, ceci à gauche, ceci est bien, ceci est mauvais, le risque est de faire plus de mal que de bien. La contradiction doit pouvoir être portée, le temps qu'il faut. Laisser un espace où une parole peut être dite. Dans la parabole du bon grain et de l'ivraie (Matthieu 13: 24 à 30) , Jésus veut montrer qu'il faut apprendre à attendre le temps de la moisson: alors, les graines de blé pourront être séparées des graines d'ivraie. Tous n'est pas tout de suite simple, rangé, carré. Que nous veillions à ne pas tout mélanger est une évidence: l'évidence du "mêlé" n'exclut pas le souci de chercher à voir clair, à apprendre à distinguer, à poser des repères, à les dire quand c'est le moment.. Mais cette patience et cette tolérance sont à éprouver par chacun d'entre nous, là où il vit, sur le chemin de sa vocation propre, en avançant pas à pas de l'inaccompli vers l'accompli. Un très grand merci donc à tous ceux qui permettent à cette Maison de vivre, et en particulier à ceux que nous avons pu côtoyer de manière plus suivie pendant notre séjour, Bernard Geoffroy, Colette, Etienne Lepicard et Jean-François, ainsi qu'à tous leurs amis juifs israéliens qui participent activement à la vie de cette oasis de parole. Martine et Théodore STUSSI Colmar novembre 1999 (3) Renseignements au sujet de l'Association BERESHIT-GENESE chez Martine Moulinou 41ter, rue du Château 92190 MEUDON Tél / fax : 01 45 34 42 61 Association COEUR Comité Oecuménique d'Unité chrétienne pour la repentace envers le peuple juif ASSEMBLEE GENERALE Nous donnons rendez-vous à tous les amis de l'association pour une journée de communion et de partage fraternels, le samedi 4 mars 2000 Nous aurons le plaisir d'accueillir pour cette journée le frère Pierre LENHARDT de la Communauté St-Pierre de Sion professeur émérite au Centre chrétien d'études juives (Ratisbonne) à Jérusalem Au programme de cette journée: de 9 h.30 à 12 h.: Assemblée Générale ordinaire (compte-rendus de l'exercice écoulé - perspectives d'avenir - renouvellement du conseil d'administration de l'association - questions diverses) à 15 h.30: Conférence publique de Pierre LEHNARDT sur le thème: "L'Unique Alliance, Nouvelle et Eternelle" Adresse de la journée: Communauté des Soeurs Servantes du Sacré Coeur 109, rue de Paris - 78000 VERSAILLES Tél: 01.39.07.15.60 - Fax: 01.39.51.97.72 Accès aisé par la route, à l'entrée de Versailles depuis Paris - parking facile Accès aisé par RER C - direction Versailles-Rive gauche - arrêt Porchefontaine Possibilité de chambres et repas sur place: pour cela, veuillez vous annoncer auprès de COEUR - 30160 GAGNIERES Tél: 04.66.25.02.67 Fax: 04.66.25.19.27 Cet avis tient lieu de convocation. Yerushalaim n°21 - page 21 A la recherche des racines juives de la foi chrétienne M. Lucien Schneider, Pasteur de l’Eglise Réformée, aujourd’hui en retraite, et membre du Directoire de l’Union de Prière de Charmes, a bien voulu converser avec YERUSHALAIM pour une réflexion sur deux versets du Nouveau Testament qui ont fait l’objet au cours des siècles passés d’interprétations maintenant remises en cause par la conscience chrétienne. Qu’il en soit vivement remercié. Jésus lui dit : "Moi, je suis le chemin, la vérité et la vie. Nul ne vient au Père que par moi." Jean 14. 6 Le salut ne se trouve en aucun autre, car il n’y a sous le ciel aucun autre nom donné parmi les hommes, par lequel nous devions être sauvés. Actes 4. 12 YERUSHALAIM Le verset de Jean rapporte, bien sûr, une parole de Jésus lui-même à ses disciples peu avant la Passion. Le verset d’Actes est une affirmation de l’apôtre Pierre lorsqu'il fut traduit avec Jean devant le Sanhédrin, pour avoir opéré à la porte du Temple la guérison d’un boiteux de naissance "au nom de Jésus de Nazareth". Voilà deux textes qui traduisent l’une des convictions les plus fondamentales de la foi chrétienne : "Il n’y a de salut pour tout homme qu’en Jésus Christ". Ces deux versets ont fait l’objet au cours des siècles passés d’interprétations radicales et de portée restrictive qui se trouvent aujourd’hui remises en cause par la conscience chrétienne, comme conséquence des avancées considérables des relations inter-religieuses depuis une cinquantaine d’années. Ces interprétations séculaires excluaient notamment de toute possibilité de salut les Juifs au même titre que les autres hommes ne reconnaissant pas Jésus comme Messie-Sauveur. Vous-même, M. le Pasteur, avez été témoin des dites interprétations radicales anciennes et de leur remise en question plus récente. Comment pouvons-nous comprendre les unes et l’autre ? Pasteur SCHNEIDER Face à ces deux textes, nous devons éviter de nous en saisir pour prononcer des jugements sur ceux qui ne croient pas que Jésus est le Messie de Dieu, le Christ-Sauveur. Nous devons le recevoir comme une « Bonne Nouvelle », un ‘’Evangile’’, adressé d’abord aux Juifs, puis à toutes les nations, selon la promesse que Dieu fit jadis à Abraham, qui comportait : «Toutes les nations de la terre se béniront en ta descendance…»(Genèse 22. 18). Luc a abondé dans ce sens en rapportant cette parole de Jésus en Croix : ‘’ Père, pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu’ils font ‘’ (Luc 23. 34) Jésus ne dit pas : ‘’Père, pardonne à ceux qui me reconnaissent comme ton Fils, Messie et Sauveur ‘’ et il ne précise même pas : ‘’pardonne à ceux qui se repentent’’. Mais il dit : « pardonne- page 22- Yerushalaim n°21 leur, car ils ne savent pas ce qu’ils font ». YERUSHALAIM Venons-en au premier de ces deux textes Pasteur SCHNEIDER Dans Jean 14.6, Jésus dit: "Je suis le chemin, la vérité et la vie. Nul ne vient au Père que par moi ‘’. Mais il ajoute : ‘’ Si vous me connaissiez, vous connaîtriez aussi mon Père’’. Le Père de Jésus, c’est le Dieu d’Israël, le Dieu de l’Alliance, en Abraham et en Moïse, le Dieu que Jésus prie avec tous ceux de son peuple. Mais, par le chemin qui s’appelle Jésus, nous pouvons connaître le Père dans sa plénitude. YERUSHALAIM Le verbe « connaître » semble ne pas avoir le même sens en hébreu qu’en grec ! Pasteur SCHNEIDER Oui, Jean (17. 2) nous transmet cette autre parole-clé de Jésus, au début de la ‘’prière sacerdotale’’, prononcée quelques instants avant sa Passion : "La vie éternelle, c’est qu’ils te connaissent, toi, le seul vrai Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus-Messie’’. La vie éternelle est la consistance même du salut et Jésus dit que cette ‘’consistance’’ est de « connaître » le Père, seul vrai Dieu. En hébreu ‘’connaître’’ n’est pas une opération intellectuelle, ce n’est pas principalement ‘’savoir’’, c’est une démarche du cœur, c’est une entrée dans ‘’l’intimité de l’autre’’, c’est une communion plénière. Ainsi le dit la Bible ‘’Adam connut sa femme…’’ Et l’amour de l’homme et de la femme, selon ce même livre de la Genèse (2. 24), fait qu’ils deviennent ‘’une seule chair’’. Le salut est l’accomplissement de ce chemin annoncé et personnifié par Jésus, au terme duquel tout homme est appelé à devenir pleinement ‘’Fils de Dieu’’. YERUSHALAIM On est là, en effet, immensément loin d’une simple connaissance intellectuelle. Soulignons aussi que les interprétations chrétiennes traditionnelles ont trop centré toute ‘’l’économie’’ du salut sur la personne de Jésus Christ en laissant le Père dans l’ombre, si l’on peut dire. Or ce Dieu est le Dieu d’Israël célébré dans les Psaumes comme le rocher, le secours, le refuge, le Sauveur de l’homme pécheur. Jésus n’a jamais rien dit ni fait sans se référer au Père, dont il ne fait qu’accomplir les œuvres. Jésus s’affirme le chemin et non le but … Pasteur SCHNEIDER Ceci nous conduit à d’autres précisions, sans doute un peu oubliées au fil des générations chrétiennes. L’Eglise n’est pas la « Communauté des Sauvés » par opposition aux ‘’non-sauvés’’. Elle est la « Communauté des Témoins » du Salut de Dieu. En envoyant ses disciples en mission jusqu’aux extrémités de la terre, Jésus leur dit : ‘’Vous serez mes témoins’’. (Actes 1. 8) YERUSHALAIM Oui, il ne dit pas ‘’Vous serez les juges qui décideront et définiront qui est sauvé et qui ne l’est pas !’’ Or, au long des siècles, il apparaît que l’on a couramment exclu du salut tous ceux qui ne croyaient pas en Jésus-Messie. Cette exclusion globale est venue dès les premières générations d’Eglise, la formulation bien connue : « Hors de l’Eglise point de salut » est bien plus tardive et a été brandie le plus souvent pour des exclusions entre chrétiens ! Pasteur SCHNEIDER Il est important d’insister sur la qualité de « témoins » qui est celle des chrétiens. Ils forment la Communauté de ceux qui témoignent du Salut ouvert à l’ensemble de l’humanité, et qui n’en témoignent pas seulement de la bouche et des lèvres. Mais, par leur comportement et leur vie tout entière devant Dieu et devant les hommes, ils témoignent du chemin qu’ils ont trouvé en Jésus. YERUSHALAIM Il est évident que là aussi le vocabulaire peut être ambigu. La foi n’est pas principalement un ‘’corpus’’ de croyances. Il s’agit pour le chrétien de consacrer sa vie à manifester un témoignage de Yerushalaim n°21 - page 23 salut, non d’abord à répandre une doctrine et à tenir un discours. Mais, pour revenir plus particulièrement à nos frères juifs, la foi chrétienne en « Jésus seul Sauveur » les heurte de plusieurs manières. Pasteur SCHNEIDER Voilà une bonne transition qui nous conduit à notre second verset, celui de Actes 4. 12, rapportant la proclamation devant le Sanhédrin de Pierre disant : ‘’ Il n’y a sous le ciel aucun autre nom donné parmi les hommes par lequel nous devions être sauvés’’ Il vise, bien sûr, le nom de Jésus. Nous devons apporter ici deux sortes de précisions : Pendant des siècles la chrétienté a déclaré le Peuple d’Israël à la fois déchu de l’Election et exclu du salut, pour n’avoir pas reconnu Jésus comme le Messie. Nous constatons que dans notre verset Pierre, juif, devant ses frères juifs du Sanhédrin ne remet nullement en cause l’Election d’Israël, il parle seulement du salut. Mais, il n’en parle pas en terme d’exclusion. Il donne témoignage d’un salut planétaire, ce qui est pratiquement le contraire. Ce salut tient sa source et sa destination en Dieu. Tout Juif prie les Psaumes, lesquels proclament : ‘’ Dieu, notre sauveur, sécurité (espoir) de la terre entière’’. (Psaume 65. 6) Voir aussi : ‘’ en dehors de moi, pas de Sauveur’’ (Isaïe 43. 11)). Il ne vient, certes, pas à l’idée de Pierre de s’écarter en cela de la foi juive. Mais il manifeste, là, une mémoire aiguë de la vocation du peuple d’Israël, qui est de proclamer le Dieu UN , seul Salut des Nations, qui s’est manifesté au Sinaï. Pour Pierre, c’est ce Dieu qui se révèle, dans ces temps de la fin, en Jésus le Messie, c’est à dire « l’Oint » de Dieu ; Et, dans l’optique chrétienne, en Jésus Christ, nous connaissons mieux les voies mystérieuses par lesquelles Dieu prépare la « Nouvelle Création » que nous appelons « Nouveaux Cieux » et « Nouvelle Terre » YERUSHALAIM Ceci rejoint l’enseignement de Paul qui parle du ‘’ Vieil Homme’’, qui doit accepter de mourir pour ressusciter en Christ ‘’Homme Nouveau’’, ce Christ, qui est bien, comme le dit Paul, le « Premierné » de cette « Nouvelle Création ». C’est à ce titre que le même Paul décrit Jésus comme le « Dernier Adam », en charge de ‘’garder et cultiver’’ le Jardin-Royaume. Pasteur SCHNEIDER Rappelons pour terminer, une réflexion de Karl Barth faisant remarquer que tout « chemin » a un commencement et un terme. Il aboutit quelque part, contrairement à la philosophie grecque et à quelques autres. Le monde ne « tourne pas en rond », mais il va vers son accomplissement en un monde « Nouveau » à jamais délivré du Mal et de la Mort. YERUSHALAIM Les voies d’accès à ce ‘’Monde Nouveau-Salut’’ ont été ré-ouvertes par Dieu dans sa décision souveraine, au bénéfice de l’humanité tout entière, passée, présente et future, compte tenu de l’humilité et de la fidélité de Jésus-Messie dans l’accomplissement de sa mission. Il s’agit d’un accès au salut ré-ouvert en Jésus pour tout homme, non d’un salut acquis automatiquement par tout homme quelle que soit sa conduite. Qui, finalement sera sauvé et qui ne le sera pas ? Il n’appartient à personne d’en juger. Car finalement, Dieu seul est Sauveur. Propos recueillis par J. Putois Le 10 Novembre 1999 page 24- Yerushalaim n°21 Nouvelles brèves ... UNE NOUVELLE ASSOCIATION Nous sommes heureux de vous faire part de la création, le 19 mai 1999, d'une nouvelle association sans but lucratif qui a pris pour nom "CHRETIENS ET JUIFS POUR UN ENSEIGNEMENT DE L'ESTIME " Selon sa charte "l'association veut promouvoir, développer, approfondir et répandre la compréhension et l'estime réciprioques entre personnes non juives, d'origine et/ou de culture chrétiennes, et personnes de condition juive, sans que la foi ou l'incroyance des unes et des autres, leur appartenance ou leur non-appartenance aux confessions juive ou chrétienne, constituent un obstacle au dialogue et à l'acceptation de leurs identités comme de leurs différences. Elle mettra l'accent sur la connaissance du patrimoine identitaire, culturel et religieux de l'une et l'autre communautés humaines, et sur les vicissitudes de leur histoire spécifique et commune et des antagonismes et des intolérances qui les ont jalonnées. Pour ce faire, elle entreprendra et patronnera toutes études et recherches portant sur l'histoire des civilisations et des cultures dans lesquelles Chrétiens et Juifs se sont cotoyés et affrontés, et sur les idées, les croyances et les traditions qui ont modelé leurs identité et leurs conceptions religieuses, philosophiques et sociales respectives." Nous sommes extrêmement intéressés par cette initiative et par les projets d'activité de l'association et veillerons à tenir nos lecteurs informés du développement de ces activités. Voici les coordonnées de l'association: CJE asbl - route provinciale, 86/1 - B:1450 CHASTRE (Belgique) LA SEMAINE DES AVENTS "DIALOGUE INTERRELIGIEUX ET CHRISTIANISME : Un appel à construire la paix" Tel était le thème de la "SEMAINE OECUMENIQUE DES AVENTS" qui s'est déroulée du 22 au 28 août au Centre spirituel de la Pommeraye près d'Angers. Outre les intervenants habituels (quatre théologiens, deux pasteurs et deux prêtres), ont participé cette année: Jean JONCHERAY, de l'Institut de Science et théologie des religions, vice-recteur de l'Institut catholique de Paris, et Soeur Geneviève COMEAU , du centre Sèvres. Le dialogue interreligieux paraît une nécessité dans le contexte de mondialisation et de pluralisme religieux que nous vivons. Notre attention a été attirée sur le fait que si, d'une part, la religion était trop souvent un frein à l'intégration raciale et à la paix, elle pouvait, d'autre part, tout aussi bien favoriser, à condition qu'il y ait rencontre, compréhension et dialogue. Les deux intervenants pasteurs ont abordé l'étude de la paix dans la Bible: la paix est don, bénédiction de Dieu en vertu de l'Alliance qu'Il a conclue avec les hommes. Les papes Paul VI et Jean-Paul II ont encouragé à ce que chrétiens et juifs, nous soyons ensemble "bénédiction". Le dialogue est le lieu qui permet la découverte réciproque des richesses et des limites de chacun et il permet de vaincre les peurs liées à la méconnaissance mutuelle. Le président de la communauté israélite d'Angers a dîné le jeudi soir avec les participants et nous a donné dans la soirée qui a suivi un enseignement sur l'évolution historique de la communauté dont il assure la présidence. Au travers de cette session, les chrétiens que nous étions ensemble ont pu mieux découvrir toutes les racines juives de leur foi. Raymond Lafargue Yerushalaim n°21 - page 25 Objections ! La rubrique "Objections" est ouverte à tous: nous souhaitons par là établir un courant d'échanges avec nos lecteurs. Vous êtes invités à la fois à nous poser vos questions et à apporter si vous le souhaitez un élément de réponse OBJECTION : Vous faites de la Repentance, votre cheval de bataille. Le R de repentance reste inébranlable, et il semble, à vous entendre que rien d’autre ne compte. Pourtant, dans nos contacts avec des juifs, nous constatons que cela ne correspond pas réellement à leurs préoccupations. D’ailleurs, les gestes de repentance n’ont-ils pas été posés, par plusieurs Eglises protestantes d’abord, puis, plus récemment, et de façon significative, par l’Eglise Catholique. Ne menez-vous pas un combat déjà dépassé ? Ma première réaction, un peu passionnelle j'en conviens, serait de m’exclamer: “Oh ! Si seulement c’était vrai !” Mais plus sérieusement, plus objectivement, je ferai à cette objection une triple réponse: 1- C’est la vocation même de l’association qui est ainsi visée, donc l’objection nous touche tout particulièrement. 2- La repentance ne peut être considérée comme un objectif atteint. 3- Il est vrai que nous ne pouvons nous cantonner au seul aveu suivi d’une demande de pardon: c’est la nouvelle orientation que nous prenons depuis notre numéro 20. 1 - L’appel à la repentance est la vocation de COEUR. Notre association a reçu vocation, appel, mission, de travailler au sein du peuple chrétien pour qu’il accepte enfin de jeter un autre regard sur le peuple juif, nouveau regard qui ne peut que commencer par une prise de conscience de la situation de blocage dans laquelle nous sommes. L’origine de ce blocage se situe en plusieurs domaines, historique, sociologique, théologique. On ne peut nier que le christianisme a tenu, au regard du peuple juif, pendant plus de quinze siècles, une position de force. Cette position, dont les chrétiens ne sont pas conscients actuellement, car nous entrons nous disent les philosophes dans une ère post-chrétienne, les a amenés, consciemment ou inconsciemment, à une attitude de domination. Les juifs au contraire ont été constamment contraints, même s’ils ne sont pas les page 26- Yerushalaim n°21 seuls dans ce cas, à composer avec les pouvoirs en place, pour maintenir tant bien que mal une position qui restait minoritaire. Au cours de ces quinze siècles et plus, les structures chrétiennes en place ont généré au sein de la chrétienté une mentalité, des comportements, des courants de pensée, et en particulier des courants de théologies, qui enfermaient les juifs dans leur situation de minorité, avec toutes les conséquences que cela a eu des deux côtés. Il y eut certes des exceptions remarquables, des lumières isolées où le respect était réellement réciproque. Mais d’une façon générale, l’attitude moyenne chrétienne ne fut pas conforme aux enseignements du Nouveau testament sur l’accueil de l’autre, et sur le respect de la spécificité d’Israël. Il fallut la dernière guerre, la Shoah, pour qu’un sursaut se dessine; on a pu voir des chrétiens se poser la question: “Comment être chrétien après la Shoah ?”, question qui faisait écho à celle, lancinante, que se posait des juifs: “Comment être juif après la Shoah ?” Ce n’était pas seulement sur l’horreur et la dimension du crime que l’esprit achoppait, la nature humaine est capable des pires choses comme des meilleures, mais sur le lieu où il fut perpétré, l’Europe “chrétienne” , sur l’inertie coupable de la chrétienté en tant que telle, sur le “silence de Dieu” ... Des hommes remarquables eurent une influence décisive pour commencer à ébranler les forteresses séculaires. On peut citer surtout l’Amitié JudéoChrétienne, qui vient de célébrer son cinquantenaire, qui a introduit dans l’Eglise un nouveau questionnement. Puis ce furent de nombreuses déclarations d’Eglises, dont celle, historique, du Concile, qui introduisirent un souffle frais Ce n’est qu’en 1969 que la vocation de COEUR apparut à un petit nombre de personnes: il ne s’agissait pas de lancer un mouvement nouveau destiné à remplacer ceux existants, bien loin de là, mais de focaliser l’attention des chrétiens sur cet aspect précis de notre condition chrétienne. Nous n’avons pas reçu mission de convaincre le peuple juif de notre bonne foi, ou de l’intérêt de notre démarche, et encore moins de chercher par là à obtenir je ne sais quel changement de leur part à notre égard ! Au contraire, ce furent les Juifs qui nous introduisirent à une dimension jusque là insoupçonnée de la repentance, la Techouva. Tout cela fut, c’est vrai, souvent débattu parmi nous, parfois avec quelle ardeur ! Mais nous en sommes restés à la pensée, sans doute peu médiatique, que la véritable repentance n’est pas à usage externe ... 2- Hélas, le but n’est pas atteint ! L’objection qui nous est présentée s’appuie sur les déclarations publiques, sur les gestes officiels, qui ont eu lieu ces dernières années. L’argument est simple: “Mais voyons, c’est de l’histoire ancienne ! Il y a longtemps que nous avons passé ce stade !” Et nous répondons tranquillement à cette affirmation: “En êtes-vous bien sûrs ?” En effet, tous les contacts dans nos églises, nos communautés, nous montrent dramatiquement qu’il n’en est rien. Les relents d’antisémitisme, d’antijudaïsme, sont toujours en place. Les enseignements courants, les réflexions de la vie courante, les remarques, les peurs plus ou moins voilées, restent marqués par le soupçon, la méfiance, le rejet. Au mieux, une tranquille indifférence accueille encore souvent nos appels: “Les juifs ? Ah, bon ! Et pourquoi pas aussi les papous ou les aborigènes ?” Un tel type de réponse, au même titre que l’objection à laquelle nous essayons de répondre ici, nous paraît manifester une profonde incompréhension du caractère fondamental de notre identité chrétienne qui est d’être enracinée sur la racine hébraïque. Qu’est-ce qu’une branche coupée de sa racine ? Notre enracinement constitue le problème prioritaire à traiter; tout le reste en découle ! Il est donc essentiel que l’ensemble du peuple chrétien se débarrasse de cette indifférence glacée avec laquelle elle accueille le type d’appel que nous, avec d’autres évidemment, lançons: il faut revenir aux bases du plan de salut de Dieu pour l’humanité, il faut revenir à reconnaître que ce plan passe par les Juifs - “Le salut vient des Juifs” a dit Jésus à la samaritaine - , il faut accepter ce fait bouleversant pour certains, de la judaïté de Jésus, le Messie d’Israël. Revenir, faire retour, n’est jamais chose facile. L'homme est un animal debout, et il a bien de la peine à se ployer, fusse devant l’Eternel ! C’est pourtant la seule voie du salut : “Si vous ne vous repentez, a dit aussi Jésus, vous périrez tous également.” Revenir, c’est “faire Techouva”, ce qui contient on le verra ci-dessous, un processus qui engage toute la vie. Et, dans ce sens, prétendre que “la repentance, c’est fait”, constitue une méconnaissance sidérante de la réalité de la question. D’ailleurs, comment pourrait-on espérer effacer quinze siècles de rejet et d’opposition en quelques années de bonne volonté ? Quel a été l’impact réel sur les consciences des magnifiques déclarations des Eglises? Non, il faut bien le reconnaître, nous ne sommes pas arrivés au bout du chemin de la repentance, car celui-ci mène inexorablement à la réparation. COEUR a encore du travail ! 3 - Le regret ne suffit pas. En réalité, l’objection vise l’aspect étroit de la demande de pardon. On est tellement convaincu d’être pardonné de toutes façons par Dieu qui est si bon, que l’on oublie bien souvent les stades intermédiaires que sont la prise de conscience, l’aveu, la demande de pardon. Et ainsi on omet aussi la suite de ce processus: l’approche de l’autre pour rétablir la relation, l’échange avec lui pour bien situer la faute et ses conséquences, l’engagement à réparer autant que possible, à reconstruire ce qui a été détruit, à replanter là où il y a eu saccage, à rendre là où il y a eu vol, ... Donc, c’est vrai, l’objection qui nous est ainsi faite, si elle vise la seule demande de pardon, est tout-à-fait justifiée. Car, dans cette optique, elle invite à aller plus loin, à sortir d’un esprit qui serait une obsession morbide d’auto-condamnation. C’est ce que nous avons admiré dans la célébration de Kippour: la journée se termine sur une explosion de joie: on s’embrasse, on se congratule, et on va faire un bon repas ensemble ! Il est surprenant de constater le décalage entre nos habitudes religieuses et celles du judaïsme: ce dernier nous surprend par son attitude pragmatique, nous dirions parfois terre-à-terre. Dans le christianisme, on spiritualise beaucoup, et on s’éloigne parfois à l’occasion des réalités concrètes, ce qui conduit alors à un risque de tellement sublimer les réalités ... qu’elles nous échappent. ! Pour ce qui nous concerne, attentifs en cela aux pressions intérieures à l'association, et à l’écoute des objections extérieures que nous voulons recevoir avec attention, nous entrons dans une démarche complémentaire à la repentance de base: c’est là le sens de l'étude d'Elzbieta AMSLER dans ce numéro comme de ce que nous annoncions déjà dans le pécédent numéro de YERUSHALAIM. Nous ne pouvons faire mieux que d’inviter nos lecteurs à s’y reporter, en les remerciant de leur attention et de leur fidélité. H.L. La rubrique “Objections” vous est ouverte: c’est une tribune des lecteurs ! Ecrivez-nous vos observations, vos interrogations. Yerushalaim n°21 - page 27 Un point de vue juif L'article ci-dessous paru dans le quotidien belge "La Libre Belgique" nous a été communiqué par un de nos fidèles amis de Bruxelles. Paru peu avant les fêtes juives, il donnait un éclairage inattendu sur le problème du pardon. Nous remercions le rabbin David Meyer de la Synagogue Beth Hillel de Bruxelles de nous avoir aimablement autorisé à le reproduire. Nous ne doutons pas qu'il sera pour nos lecteurs une source précieuse de Seules les victimes peuvent pardonner -+-+-+-+-+-+-+-+-+- Shoah ou charniers du Kosovo ou de Bosnie, la question reste identique : le pardon est-il possible ? Pour répondre à cette interrogation, méditons l'histoire hassidique - tirée de la tradition juive d'Europe orientale - du rabbin de Brisk. Avec la fin de l'été et le retour des vacances, alors que s'approche la saison plus morose qu'est l'automne, déjà se profile devant nous le début de la nouvelle année juive, l'année 5760. Pour le monde juif, c'est durant cette période de l'année que se célèbrent les grandes fêtes de notre tradition. Des fêtes qui débutent par la célébration de l'année nouvelle, mais surtout, quelques jours plus tard, par la journée du Yom Kippour. Journée dite du "grand pardon" où Dieu pardonne les fautes que nous avons commises durant l'année écoulée. Cette année, pourtant, la question du pardon nous interpelle de façon particulièrement directe, et cela bien sûr, à la lumière d'une actualité particulièrement terrible et violente : les crimes humanitaires perpétrés au Kosovo. En effet, alors que l'action militaire des forces de l'Otan est depuis des mois terminée, se pose à présent le délicat problème d'amener devant les tribunaux internationaux les responsables politiques et militaires de cette épuration ethnique. Mais avec la justice, se pose aussi la question du pardon. Face à de tels actes, et en supposant bien sûr un repentir sincère des coupables, peut-on imaginer de pardonner ? Pour nous, le peuple juif, cette brûlante question d'actualité, fait écho au problème, vieux de cinquante ans, d'un hypothétique pardon pour les crimes commis par les nazis durant la seconde guerre mondiale. Shoah ou charniers du Kosovo ou de page 28- Yerushalaim n°21 Bosnie, la question reste cependant identique : le pardon est-il possible ? Pour répondre à cette interrogation, une histoire hassidique - tirée de la tradition juive d'Europe orientale - me vient à l'esprit. "Un jour, le rabbin de Brisk, un sage reconnu de tous, se retrouva dans un train le reconduisant de Varsovie dans sa ville natale. Dans le compartiment où il prit place pour le voyage, se trouvaient plusieurs commerçants juifs. Pour passer le temps, ces derniers commencèrent à jouer aux cartes. Bien sûr le rabbin ne pouvait participer à un tel jeu et se retrancha dans la médiation. Son regard méditatif ennuyait les joueurs. Ceux-ci lui suggérèrent alors de se joindre à eux, mais le rabbin refusa. Après plusieurs tentatives infructueuses, l'un des commerçants juifs se leva et, fou de colère, déclara au rabbin : "Soit tu te joins à nous, soit tu quittes le compartiment !"Et c'est ainsi que le rabbin passa le reste du voyage debout dans le couloir. Arrivés à destination, le rabbin de Brisk fut immédiatement entouré de très nombreux disciples et admirateurs. "Qui est cet homme célèbre ?" demanda alors le marchand de notre histoire. "Quoi, vous ne le connaissez pas ? C'est le célèbre rabbin de Brisk, celui que tous honorent et révèrent"lui fut-il répondu. A ces mots le coeur du marchand défaillit. Il se précipita sir le rabbin et lui dit : "Rabbi, j'ai mal agi envers vous, je ne suis pas un homme riche, mais je donnerai à la charité si vous me pardonnez". La réponse du rabbin fut brève "Non !".Les remords du marchand devenaient insupportables. C'est ainsi que le soir, il se rendit chez le rabbin, toqua à sa porte et lui demanda de lui pardonner. Là encore, la réponse fut négative. Ne sachant plus que faire, notre marchand se rendit à la maison d'Etudes, où il rencontra le fils du rabbin de Brisk. Il lui fit part des refus répétés de son père. Ce dernier promit au marchand de s'entretenir à ce sujet avec son père. Le lendemain matin, alors que le père et le fils étudiaient ensemble les textes de la Torah, le fils demanda à son père pourquoi celui-ci s'obstinait à refuser le pardon à ce pauvre marchand. Et le rabbin de Brisk lui répondit : " Je ne peux lui pardonner car lorsqu'il m'a offensé, il ne savait pas qui j'étais. Il a offensé un homme quelconque. Que le marchand retrouve cet homme et lui pourra pardonner." La leçon de cette histoire est claire. Seules les victimes peuvent pardonner. Qu'il s'agissent des crimes nazis contre le peuple juif ou des crimes serbes contre les populations albanaises du Kosovo, nous qui sommes vivants aujourd'hui, ne pouvons en aucun cas prétendre pardonner à qui que ce soit, et cela quelle que soit la sincérité du repentir des criminels. Selon la Tradition juive, même Dieu, s'Il peut pardonner les fautes commises contre Lui-même, ne peut pas pardonner des crimes commis contre des êtres humains. Au-delà de cette affirmation, une autre question s'impose à notre réflexion. Pourquoi un tel pardon est-il impossible ? Pourquoi Dieu ne pourraitIl pas pardonner à ceux qui se repentent sincèrement ? Comme cela est souvent le cas, la réponse à cette double question ne réside pas tant dans notre conception théologique du divin, que dans notre perception de ce qui constitue l'essence de la société humaine. Ainsi pour le Talmud - livre de commentaire et de réflexion rabbinique sur l'organisation de la vie sociale - le "monde ne mérite d'exister que par le souffle des enfants sur les bancs de l'école". Par cette phrase lapidaire, les rabbins affirmaient leur croyance irréductible dans la perfectivité de l'homme et de la société. En effet, qu'est-ce que le souffle des enfants sur les bancs de l'école si ce n'est l'espoir que par l'enseignement et la culture, les hommes, la société et le monde puissent s'améliorer? Oui, pour la tradition juive, le monde et les hommes ne méritent d'exister que parce qu'ils sont susceptibles de s'éduquer et devenir meilleurs. Or, pardonner, c'est excuser. D'une façon ou d'une autre, pardonner, c'est reconnaître que les circonstances du moment - historiques, psychologiques ou autres expliquent l'acte commis. Pire, en excusant, le pardon n'éduque pas l'homme ; il ne le construit pas ; il l'absout de sa responsabilité et ne fournit pas au monde et à la société les moyens de s'améliorer. C'est précisément parce que le pardon ne construit pas l'homme que le Judaïsme ne peut accepter que de tels crimes soient un jour pardonnés. Il y a déjà plus de deux siècles, Rabbi Nahman de Braslav - un grand érudit de sa génération - racontait l'histoire suivante : "un jeune enfant se retrouvait avec son grand-père et lui dit : " Grand-père, à chaque fois que je te vois, tu danses". Pourquoi danses-tu toujours ?" Et le grandpère se tourna affectueusement vers son petit fils et lui répondit : "Tu vois, mon petit, l'homme est comme une toupie, sa dignité il ne la maintient que lorsqu'il est en mouvement". Ce mouvement perpétuel de l'Homme n'est autre que le signe de sa perfectibilité. d'une certaine façon, en pardonnant et en déchargeant l'homme de la responsabilité morale de ses actes, c'est un peu comme si l'on arrêtait la toupie. Rabbi David MEYER Les cassettes des sessions “Connaissance d’Israël" à Gagnières avec le père Georges Maurice. SESSION 1994 SESSION 1995 SESSION 1996 SESSION 1997 SESSION 1998 SESSION 1999 Le grand Jour de KIPPOUR La fête juive des Tentes Traditions juives autour de la fête de Pentecôte La lecture juive des Ecritures La prière juive Le messianisme juif Renseignements et commande (30 F./cassette franco) à: Yerushalaim n°21 - page 29 fi l m . . . u n fi l m . . . u n fi l m "Kadosh" . . . ou la sainteté sous la loupe ! Outré, déplacé, consternant ! Le film du cinéaste israélien Amos Gitaï, récemment sorti dans les salles en France, a provoqué une notable émotion chez les amis d'Israël ! "Kadosh" veut dire "saint, sacré". Ce terme est employé notamment pour ce qui concerne Dieu dont il est un attribut. On peut ainsi penser que ce film s'attaque à la foi. Le cinéaste a évidemment choisi ce terme par dérision pour décrire, en le caricaturant, un judaïsme tel qu'il est pratiqué aujourd'hui dans certains groupes religieux orthodoxes, en particulier dans le quartier Mea Shearim à Jérusalem. Il faut bien garder à l'esprit qu'il s'agit du regard critique porté par un artiste israélien de la jeune génération laïque, sur une réalité de son propre pays. Le film nous introduit au sein du conflit le plus brûlant et le plus complexe de la société israélienne de notre temps, le conflit entre les groupes religieux orthodoxes et le reste de la société moderne. Sans les explications nécessaires, en tous cas nécessaires à nous qui sommes totalement étrangers à cette société, nous sommes ainsi plongés dans un milieu marqué par un particularisme souvent ridiculisé. Le risque est donc grand de susciter en nous jugement, rejet et révolte, voire même, chez un spectateur non-averti, antisémitisme. Les situations que nous présente ce film ne sont malheureusement pas étrangères à la réalité, et c'est pourquoi "Kadosh", malgré son insupportable particularisme, possède une dimension universelle. Deux femmes, deux soeurs, vivent au sein de la communauté religieuse, strictement orthodoxe. Leur destin est donc bien fixé: elles seront mères de famille, épouses soumises et pieuses, elles travailleront tout en élevant leurs enfants afin de permettre à leur mari d'étudier la Torah dans la Yeschiva. Mais la cadette est amoureuse d'un jeune homme qui, ayant quitté la communauté, vit dans un autre quartier et chante dans un groupe-rock ! Sous la pression du Rav, c'est à dire du chef de la communauté, et des membres de sa famille qui ont décidé pour elle, elle se marie pourtant avec l'un des membres de la communauté, particulièrement pieux, et engagé dans la lutte contre les "impies qui sont à la tête du gouvernement du pays". C'est le personnage le plus caricatural du film. L'aînée de son côté, mariée depuis dix ans, aime profondément son mari, le fils du Rav. Mais une ombre épaisse obscurcit de plus en plus la vie conjugale de Rivka et Meir: ils n'ont pas d'enfant, et c'est elle qui en est la "faute". Meir, lié par le devoir d'obéissance à la double autorité de la Loi (le Rav est en même temps son père !), essaie pourtant de défendre son mariage à l'aide de quelques arguments bibliques évoquant la stérilité des Matriarches, Sara, Rebecca, Rachel. Rivka de son côté ne reste pas inactive, elle va jusqu'à consulter une gynécologue, en dehors de la communauté, pour apprendre enfin la bonne nouvelle, le problème n'est pas de son côté... Mais rien n'y fait, le Rav reste immuable et Meir, comme frappé de paralysie mentale, ne veut plus écouter sa femme et décide de la répudier: Rivka doit quitter le domicile conjugal pour aller vivre seule, et le Rav choisit une autre femme pour son fils. La plus jeune, de son côté, après sa première expérience de femme mariée - une des scènes les plus désagréables du film ! - " choisit la liberté": dans la nuit, elle va rejoindre l'homme qu'elle aime. Et c'est la mort de sa soeur Rivka qui la poussera à faire le pas décisif et à quitter définitivement la communauté. page 30- Yerushalaim n°21 Car le film se termine par la mort de cette femme répudiée, brisée, annihilée, accusée de noncapacité à donner la vie, comme par la logique même de ne pas avoir le droit de vivre, elle se laissera mourir: exclue, elle s'est sentie condamnée à mort. Si le film nous met ainsi face à l'un des paradoxes des observances de la religion juive, c'est pour parler de chaque religion. C'est là que nous sommes invités à découvrir la dimension universelle du film. Toute religion peut s'enfermer dans un système tel que celui que nous décrit le film, un système clos, confiné, verrouillé: les femmes y obéissent aux maris, les maris aux chefs de communautés, ceux-ci représentent l'autorité de la Loi, et la Loi est "kadosh". En réalité, un seul en est exclu, "hors circuit", c'est Dieu ! L'homme, enchevêtré dans les contradictions de la Loi qu'il pressent à peine, ne peut s'en sortir que comme victime d'une situation absurde. Dans l'avant-dernière scène du film, Meir découvre sa femme morte, mais n'arrive pas à comprendre ce qui s'est passé. Le paroxysme du drame est ainsi traité à la manière du théâtre de l'absurde. Nous connaissons la valeur de la vie dans le Judaïsme: Dieu seul, Kadosh, est Celui qui donne la vie et la reprend. Dans la Genèse, Dieu dit au premier couple: "Multipliez, soyez nombreux..." et pour donner une idée à Abraham du nombre de sa descendance, Il emploie des images telles que "étoiles du ciel" ou "grains de sable". Il est nécessaire d'avoir des enfants pour transmettre la Mémoire et les Commandements : "Tu répéteras à ton fils ..." (Deut.6,7). Or, l'auteur nous place devant la situation où, au nom de la vie, on tue la vie, où la rigueur pour la justesse chasse la justice. Et la justice dans le judaïsme égale la charité; l'Evangile de Jésus ayant, nous le savons, repris et confirmé ce message. Le film d'Amos Gitaï est une épreuve pour le spectateur, surtout pour un spectateur chrétien, attaché au judaïsme, voire un peu philosémite, c'est à dire qui croit naïvement que le monde juif n'est que porteur de valeurs positives pour l'humanité entière. Le côté éprouvant de ce film vient du fait qu'il ne montre que le revers de la religion juive, en mettant l'accent sur ce qui est à l'opposé même de ce qui fait sa beauté et sa richesse. Le climat du film est sombre, triste et lourd. Pas un éclair de joie, d'humour, aucune présence d'enfants. Presque toutes les scènes se déroulent dans des espaces fermés, les lumières y sont faibles. Ce style nous rappelle celui d'Ingmar Bergmann, avec des conversations prolongées et tendues, des visages en premier plan au ralenti, des plages de silence prolongées et fréquentes. Un vrai "cinéma de chambre". La musique y est de grande qualité mais au lieu d'alléger l'action, elle en souligne plutôt la tension dramatique. Les femmes y sont belles, mais tristes et comme paralysées. Les hommes y sont surtout très primaires, comme des marionnettes. Et la dernière image, si chère à nous tous, la vue de Jérusalem depuis le Mont des Oliviers, est toute couverte d'ombre, plate comme une maquette en papier, ou une photo ratée. Nous sommes loin de "Yeroushalaïm shel zahav ve shel or...", comme dit le chant : "Jérusalem d'or et de lumière..." On pourrait reprocher au cinéaste israélien d'être partial, de mauvaise foi, tellement le judaïsme dont il donne l'image est étroit et négatif; on pourrait même se demander si, en Israël, il a eu l'occasion de rencontrer des communautés juives religieuses dignes de ce nom ? Mais, en pensant ainsi, on passerait à côté d'une juste appréciation: le côté exagéré et caricatural du film sert de message d'avertissement à l'égard des dangers réels du fanatisme religieux et du sectarisme, non seulement en Israël, mais aussi en dehors d'Israël, non seulement dans le judaïsme, mais aussi en dehors du judaïsme. C'est un cri dans la nuit, un cri d'alarme pour que la religion de vie ne soit pas une religion de mort. L'auteur du film se fait le porte-parole de cette majorité de la société israélienne qui, sans rejeter ce qui est spirituel et traditionnel, se désolidarise du religieux intolérant et envahissant, lequel présente un réel danger pour le pays, risquant d'y instaurer un climat de discorde et de haine. Ce film exprime enfin un profond souci du devenir de l'homme, de l'homme juif certes, mais aussi de l'être humain en général. Et si le cinéaste israélien a pris le risque de choisir un langage artistique aussi drastique, c'est pour que la soif qui l'habite, la soif du contraire de ce qu'il décrit, soit vraiment ressentie. Pour le comprendre, il faut évidemment, ne pas s'arrêter au premier degré de lecture. En fait, un film qui devrait nous faire réfléchir, tous ... Elzbieta Twarowska-Amsler Yerushalaim n°21 - page 31 L'identité juive Pour être une religion, le judaïsme est rattaché trop souvent, à titre exclusif, au domaine du sacré. Nous savons savons déjà maintenant qu'il n'en est rien: le Judaïsme déborde auau-delà de ses limites religieuses, atteignant des hommes, une société, société, un Etat, une Histoire, dont les composantes sont souvent purement profanes et pourraient, de ce fait, être reléguées en dehors dehors d'une étude sur un fait religieux. Ce serait commettre une erreur de plus. Il existe une littérature juive, un art juif, une musique juive, une science juive, une politique juive, une économie juive, une civilisation juive, qui font corps avec le Judaïsme Judaïsme (j'allais dire qu'ils font "âme" avec lui, et non seulement "corps"), même lorsqu'ils sont à l'antipode du sacré, même lorsqu'ils sont en conflit avec lui. Tous ces thèmes font entendre simultanément leurs cordes harmonieusement discordantes, pour former ce point d'orgue qui a pour nom "Judaïsme" et dont les vibrations multiples font écho à l'infini. André NEHER L'identité juive (Payot 1994 p.16/17) page 32- Yerushalaim n°21