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© Université de Liège - http://culture.ulg.ac.be/ - 07/02/2017
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Tête momifiée de Toutankhamon et différentes reconstitutions de celle-ci : celles proposées par le CSAE en
2005 (respectivement par des équipes américaine, égyptienne et française) et par des chercheurs anglais en
2002 et en 1992
Toutes ces restitutions prennent, bien entendu, pour point de départ la momie de Toutankhamon, dernier
vestige physique de sa physionomie réelle, qui, comme toute momie, suggère - psychologiquement - bien plus
la présence d'une véritable personne qu'un simple crâne. Mais puisque le processus de momification consiste
fondamentalement en une dessiccation de toutes les parties charnelles du corps, ainsi asséchées contre la
structure osseuse de celui-ci, c'est avant tout à un crâne ou à une structure crânienne entourée d'une peau
totalement desséchée et sans plus aucun volume que l'on a affaire. En d'autres termes, la perte des tissus
mous est irremplaçable, en particulier pour le visage. On le conçoit aisément : si les variations de poids d'un
individu durant sa vie peuvent se marquer dans l'ossature portante de son corps, elles ne laissent pratiquement
aucune marque sur les os du visage et ne peuvent, de ce fait, être reconstituées une fois que les chairs
ont été complètement déshydratées. Ceci a deux corollaires inévitables d'un point de vue méthodologique :
premièrement, seule la structure osseuse du visage peut être déduite à partir de la momie ; deuxièmement,
si l'on veut restituer les tissus mous, qui représentent une part essentielle dans la physionomie réelle de tout
individu, il convient de faire appel à d'autres sources d'information complémentaires.
Il faut bien constater que la forme précise des os du crâne de Toutankhamon n'a pas toujours été respectée
dans les diverses tentatives ou hypothèses de reconstitution de la physionomie originale de l'enfant-roi, ce qui
peut entraîner des propositions pour le moins imaginatives. Par ailleurs, de l'aveu de tous les auteurs de ce
genre de reconstitutions, la partie de la restitution physionomique qui dépasse la structure crânienne a toujours
été fondée sur les portraits artistiques du souverain, c'est-à-dire sur la version qu'en donne l'art égyptien. Ainsi,
par exemple, les plus récentes restitutions du visage de Toutankhamon lui prêtent toutes un crâne étrange,
moins volumineux et plus allongé vers le haut que celui de la momie, de toute évidence sous l'influence d'une
célèbre pièce du mobilier funéraire du jeune pharaon : une tête en bois sculpté émergeant d'un lotus - tel le
démiurge solaire - et représentant le souverain dans un langage plastique qui fait clairement référence au style
spécifique de l'époque atoniste du règne d'Akhénaton, avec le crâne excessivement allongé des princesses
de l'époque. Effet de style ou particularité physique réelle ? Outre que la comparaison avec la momie fournit
quelques éléments de réponse assez clairs à cette question, se pose surtout ici le problème du portrait dans
l'art égyptien, qui a fait couler beaucoup d'encre et dont l'étude constitue un des domaines de recherche
privilégié de l'actuel service d'histoire de l'art et d'archéologie de l'Égypte pharaonique de l'Université de Liège.