Anxiété et crise de panique chez la personne âgée Ph Thomas C Hazif-Thomas Les états d’agressivité et d’agitation du sujet âgé Enquête OCEAAN (Sofres. 2002) Population étudiée: - 410 patients âgés en moyennes de 81 ans (61% de femmes) Manifestations cliniques - 80% présentent une modification du comportement verbal 60% une agitation physique 48% une déambulation - 71% présentent une agressivité verbale 31% une agressivité physique - les patients présentent en moyenne 2.9 symptômes - au moment de la consultation, l’état d’agitation et d’agressivité évoluent depuis déjà 2 ans Les états d’agressivité et d’agitation du sujet âgé Fréquence de la pathologie associée ¾ ¾ ¾ ¾ Un syndrome démentiel est survenu pour 54% des personnes âgées Un état dépressif chez 34% Un trouble anxieux chez 31% Une pathologie vasculaire chez 37% des personnes âgées Facteur déclenchant identifié à l’interrogatoire ¾ ¾ Pour 57% on retrouve un facteur déclenchant à l’état d’agitation et d’agressivité Le plus souvent un stress psychosocial (39%) Ethymologie commune entre anxiété et angoisse… Angere, anctus: oppresser, resserer étroitesse… Panique et troubles anxieux : les premières observations Panique : du latin panicus dérivé du nom propre Pan, divinité réputée pour inspirer une terreur subite et sans causes Terreur panice de Rabelais. Equation de Salkovski Perception de conséquences menaçantes x perception de la probabilité d’un danger x imminence perçue Anxiété Perception de la capacité à faire face au danger + perception de facteurs sécurisants Phénomène de James-Lange Panique et phénomène de Clark : Peur de la peur (Golstein) Conduites d’évitement Renonciations à certains traitements Ou fuite dans la consommation médicale Appréhension Accentuation de la vigilance Concentration accrue sur le corps Evénement déclenchant Hawton, Salkovski, Kirk, Clark, 1989 Menace perçue Interprétation catastrophique des sensations corporelles, signes indicateurs d’une maladie grave Perception de sensations corporelles inhabituelles La présentation des troubles anxieux chez l ’âgé Formes similaires à l ’adulte jeune avec une association fréquente à l ’anxiété et à la dépression Formes cliniques trompeuses, car dégradées: appels et coups de sonnettes réitérées irritabilité, tension nerveuse et préoccupations hypochondriaques chez homme étourdissement, astasie-abasie chez la femme Chutes et conduites régressive à l’annonce de la sortie : névrose d’angoisse Anxiété généralisée du sujet âgé Existence depuis au moins 6 mois de plusieurs symptômes d ’anxiété ou de soucis injustifiés 70% des troubles anxieux du sujet âgé Souvent d ’évolution ancienne et exprimé par des troubles locomoteurs, neurovégétatifs, des troubles de la vigilance. Comorbidité avec les errances, les insomnies, l’alcoolisme et les troubles caractériels. Anxiété généralisée du sujet âgé Son expression est assez spécifique, faite de plaintes somatiques et cognitives. Epuisement, vieillissement parfois prématuré et dégradation générale font souvent oublier l ’origine anxieuse de la maladie. Un bon signe clinique : l’irritabilité Définition: anxiété État subjectif de détresse Sentiment pénible d’attente et d’appréhension d’un danger à la fois imminent et imprécis Souvent associée à un cortège de symptômes somatiques qui correspondent à l’angoisse Dans l’anxiété généralisée, 3 symptômes associés à l’anxiété chronique parmi agitation, fatigabilité, difficultés de concentration, irritabilité, tension musculaire, perturbation du sommeil Situation des troubles anxieux chez l ’âgé 6 % de troubles anxieux ( Regier D. A. , Farmer M.E. et al, 1993) Prédominance du trouble Anxiété Généralisé Le trouble Panique serait rare : 1,24 % à 2,9 % ( Weisman,1997) Haute consommation d ’anxiolytiques dans l ’âge avancé (Norman R., Burrows G.D., 1994) Trouble anxieux et Trouble Panique : Quelques données épidémiologiques Après 85 ans ( Skoog I. , 1993 ) : 10,5 % pour les troubles phobiques 3,4 % pour les TOC A.G. et T. P. :5,5 % 0.1% de troubles paniques dans une enquête à domicile chez les plus de 65 ans (Manela M, 1996) mortalité par 2,2 chez les hommes âgés paniqueurs de 65 a à 85 ans par rapport aux non paniqueurs ( Grasbek A., Rosman et al, 1996) Trouble anxieux et Trouble Panique Etude rétrospective de Raj B.A. (1993) 51/540 patients paniqueurs : 9,4% dont 5,7% débutant leur TP > 60 ans. Evénements de vie dans 30 à 39% des cas. Dépression primaire: 12% dépression secondaire: 33% Risque accru de comportements suicidaires Moins d ’association avec une phobie sociale par rapport aux malades jeunes Prévalence chez la personne âgée Phobie spécifique Agoraphobie Anxiété généralisée Phobie sociale Trouble panique Trouble obsessionnelcompulsif Islington (N = 700) Edmonton (N = 358) ECA Study (N= 923) 5,2 7,9 4,7 0,6 0,1 n.d. 2,2 2,2 n.d. 0 0,3 1,5 9,6 5,22 1,9 1,37 0,04 1,5 Prévalence (%) sur six mois des différents troubles anxieux Raisons de la sous-estimation Tendance à banaliser la situation des aînés, la démotivation, le ralentissement et le découragement les facteurs de risque sont insuffisamment repérés la iatrogénie relationnelle et la maltraitance la pudeur des sujets vieillissants à communiquer leurs troubles la pertinence discutable en gériatrie des classifications DSM III, DSM IV Les troubles Paniques et troubles anxieux sont-ils sous-estimés ou sousreprésentés? Excepté les syndromes psychoorganiques, les troubles mentaux sont encore regardés comme moins fréquents avec l’âge Évolution de courte durée dans la dernière partie de l ’existence Abrasion symptomatique par l ’usage non ciblé des neuroleptiques sédatifs ou des benzodiazépines malgré leurs effets secondaires Définition: attaque de panique Peur ou malaise intense 4 symptômes parmi 13: Palpitations, transpiration, tremblements, Souffle court ou étouffement, étranglement Douleurs dans la poitrine Nausées, étourdissement Déréalisation, Peur de devenir fou ou de perdre le contrôle Peur de mourir Paresthésies, frissons ou bouffées de chaleur Critères DSM IV du trouble panique Récurrence d ’attaques de panique Préoccupations persistantes d ’au moins un mois avec craintes d ’en avoir d ’autres Conséquences de ces peurs plus importantes sur la vie quotidienne ou le comportement du paniqueur Évolution de la définition par rapport au DSM III : au mois 4 A. P. sur 4 semaines Points communs entre panique et anxiété Sensations physiques et intrication avec des co-morbidités anxiogènes Dysrégulations neurovégétatives Sensations d’inquiétude ou de peur disproportionnées avec la réalité d’un éventuel problème déclenchant Différences entre panique et anxiété Lien anxiété et dépression Syndrome anxio-dépressif Succession morbide dans l’ordre anxiétédépression (Wetherell JL, 2001) Pas de dépression dans la panique Anxiété succède à la perte d’emprise (Dugas, 1998) Panique conduit à l’évitement et à la démotivation Anxiété et personne âgée. Comorbidités : intrications L’anxiété de la personne âgée est une donnée classique, même si les études visant à déterminer sa fréquence, son origine et ses conséquences sont rares Sa symptomatologie est intriquée avec les problématiques somatiques de la personne âgée : certaines pathologies sont anxiogènes (angor, insuffisance cardiaque…) Ces mêmes pathologies surviennent préférentiellement sur un terrain anxieux Le terrain anxieux aggrave leur morbidité Pathologies et anxiété Troubles cardiovascul. Troubles respiratoires Troubles endocriniens Angine de poitrine Arythmie cardiaque Hypotension artérielle Hypertension artérielle Infarctus du myocarde Tachycardie Prolapsus mitral Asthme Bronchite asthmatique chronique Carcinome Embolie pulmonaire Emphysème Hypoxie Pneumonie Thrombose Troubles obstructifs chroniques des voies respiratoires Cancer du pancréas Hépatites Hyperthyroïdie Hypoglycémie Hypoparathyroïdie Insuffisance rénale Malade Cushing Phéochromocytome Porphyries Troubles thyroïdiens Troubles neurologiques Apnée du sommeil Chorée de Huntington Délire Démence Epilepsie Fibromyalgie Maladie de CreutzfeldtJakob Maladie de Lyme Maladie de Parkinson Migraine Myasthénie Néoplasme Sclérose en plaques Trouble de démyélinisation Troubles vestibulaires (maladie de Ménière) Médicaments et drogues Antidépresseurs Anti-inflammatoires non stéroïdiens Neuroleptiques Sevrage : des benzodiazépines des drogues illicites des barbituriques de la nicotine de l’alcool Stéroïdes Substances sympaticomimétiques Substituts thyroïdiens Théophylline Alimentation Caféine Déficience en : acide folique thiamine niacine vitamine B12 Désydratation Cohen (1991), Folks et Fuller (1997), Morrison (1997), Small (1997) Anxiété et médicaments Certains médicaments peuvent générer de l’anxiété Difficile de leur attribuer une responsabilité: médications indispensables pour traiter des pathologies anxiogènes D’autres médicaments sont paradoxalement inducteurs d’anxiété (Benzodiazépines chez le dément), ou l’induisant lors de leur sevrage Anxiété et douleurs chroniques 25% d ’anxiété dans les douleurs chroniques Atkinson J.H. Pain 1991; 45: 111-121 Source de surconsommation médicale Intrication avec la dépression Souvent négligée par le corps médical Fifer S.K. Arch Gen Psychiatry 1994; 51: 740-750 Anxiété dépend de l ’importance de la douleur et de la limitation fonctionnelle dans l ’arthrose Dekker J. J of Biobehavioral Medicine 1992; 15: 189-214 Elle dépend de l’importance du handicap et du stade radiologique dans la gonarthrose Salaffi F. J Rhumatol 1991; 18: 1591-1586 Anxiété et démence Difficile d’évaluation Aphasie peut empêcher la communication verbale des affects et transformer l’expression des troubles émotionnels Réponses émotionnelles peuvent être inadaptées du fait d’une interprétation erronée ou impossible des stimulis Altération des capacités d’expression émotionnelle non verbale par l’apraxie. Perplexité devant l’impossible à maîtriser, la souffrance devant la difficulté de communication, l’angoisse de vidage… Anxiété et démence L ’anxiété peut par elle-même provoquer des troubles cognitifs et mnésiques, faussement rapportés à une démence La difficulté diagnostique tient au fait qu’une démence authentique débutante, sans anosognosie, peut provoquer aussi une anxiété sévère Hypothèse endocrinienne de la démence Anxiété du malade et démence (Pixel) 408 couples malades déments à domicile / aidants principal Pas de différence selon la présence ou non de l’anxiété pour le MMS, l’âge, le sexe du malade ou de l’aidant Score de plaintes de l’aidant double lorsque le malade est anxieux: 20.3 + 9.8 versus 9.5 + 8.2 (t = - 11.71; p = <0.0001) Anxiété et troubles du comportement dans la démence (Pixel) Cris, pleurs (OR= 3.87) Fugues (OR= 3.23) Désinhibé, ne connaît plus ses limites (OR= 3.20) Se met en danger si non-surveillé (OR= 2.90) Ne me reconnaît plus ou ne reconnaît plus sa famille (OR= 2.68) Délire (par ex. persécution, jalousie…) (OR= 2.59) Hallucinations (OR= 2.44) S’oppose aux soins (OR= 2.29) Marche sans arrêt (OR= 2.24) Anxiété et démence: conséquences pour l’aidant (Pixel) Anxiété du malade liée à l’inexactitude du diagnostic donné à l’aidant (OR= 1.21) Anxiété du malade augmente le besoin soutien humain de l’aidant à domicile (OR= 1.51) Anxiété du malade augmente le besoin financier de l’aidant (OR= 2.30) Lien entre anxiété du malade et la nécessité de recul d’un soin de l’aidant (OR= 1.52) Conscience de soi, de l’environnement Syndrome dysexécutif et handicap: vécu anxiogène de la perte d’emprise (Dugas, 1998) et confrontation de l’individu à passer par les autres pour satisfaire ses besoins. La conscience du trouble renvoie à cette souffrance du malade lié au désinvestissement de l’environnement: mécanisme de l’impuissance apprise (Seligman, 1980) Chez le dément, la conscience du trouble est plus fréquemment associée à la dépression et moins fréquemment l’apathie (Chemerinski, 2001; Starkstein, 1994; Starkstein, 2001) Le dément dépressif et conscient de ses troubles est plus exposé au risque suicidaire (Draper, 1998) Le chuteur dément est moins exposé au syndrome 3 F (Vellas, 1997) Panique et personne âgée La panique chez la personne âgée est tout aussi discutée et pour les mêmes raisons, que l’anxiété. Il semble exister deux pics d’âge pour le paniqueur adulte (femme surtout) jeune, et après 65 ans. Selon Raj, la panique existe en gériatrie avec une prévalence de l’ordre de 9,4%, la majorité des cas correspond avec des anomalies démarrant à la sénescence (Raj BA, 1993) Panique et personne âgée La panique ne survient par forcément sur un terrain dépressif. Le dément n’en est pas protégé. Elle est source de repli sur soi, de démotivation. Elle peut être inaugurée par une chute, entravant alors de façon considérable la rééducation. Elle pourrait être facilitée par les troubles de la marche, la solitude, l’expérience de chutes antérieures, surtout si la personne âgée est restée au sol Médicaments et panique Médicaments ou substances ayant servis à des modéles expérimentaux : CO2, Lactate, CCKb Médicaments adrénergiques Hallucinogènes Effets paradoxaux: Certains terrains, démence Sevrage … Malades paniqueurs: caractéristiques n=33 pour 164 non paniqueurs H : 77.3 ± 7.8 (t = 2.6 ; p = 0.01) F : 83.0 ± 4.6 20 déments 4 malades avec des démences de type non Alzheimer Personne rapportant la panique : 3 fois le malade, 26 fois la famille, 4 fois les soignants Caractéristiques des populations Paniqueurs (n=33) Non paniqueurs (n=164) Chi2 p<0.05 Chutes 21 6 78.5 Est resté 1 heure ou plus au sol 10 2 40.42 Antécédents de fractures 7 5 12.07 Insuffisance coronarienne 12 41 ns Pneumopathie chronique 3 12 ns Parkinson 2 2 ns Vit seul 23 52 16.82 Traitement dépression 14 33 7.48 Antécédents de dépression 8 31 ns Démence 20 114 ns Panique : 2 épisodes ce dernier mois 20 0 nf Antécédents de panique ces 10 dernières 3 0 nf CARACTERISTIQUES années Panique et marche Non Pan Pan EAD MARIN CORNELL TINETTI EQUIL. TINETTI MARCHE 37.9 ± 11.5 47.1 ± 14.9 9.3 ± 7.7 11.3 ± 3.9 9.2 ± 2.9 40.4 ± 8.0 51.1 ± 10.6 11.4 ± 4.6 7.1 ± 3.2 t=5.51 p<0.001 6.8 ± 2.8 t=4.04 p<0.001 Traits cliniques des paniqueurs n=33 TRAITS Mains moites Vertiges Sensations d’étouffement Secousses musculaires Sensations d’irréalité de l’environnement Impression de devenir fou Nausées, diarrhée Palpitations Douleurs thoraciques Peur de mort imminente Engourdissement Agoraphobie Chaleur, frissons NOMBRE 27 25 24 24 22 18 18 15 11 10 8 8 7 Hypofrontalité Troubles cognitifs Pertes liées à l’âge Syndrome dysexécutif Sensation de perte d’emprise Démotivation Incapacité IADL Anxiété Désapprentissage Dépression Perte d’autonomie, précarité Impuissance apprise Trouble panique du sujet âgé Traitement ISRS, miansérine, Lyrica Soutien psychologique Soin du corps Attention à la iatrogénie aux prescriptions de benzodiazépines surtout si dépression associée (car induiraient une résistance aux ISRS) ( Bonner D., Howard R., Treatment-resistant depression in the elderly, Int. Psychogeriatrics, 7, 1995) éviter les béta-bloquants surtout chez le dément car ils peuvent présenter des effets dépressogènes, confusogènes, insomniaques, cardiorespiratoires et rénaux. Prise en compte des troubles de la marche 3 F et urgence à remarcher Peur de ne pouvoir remarcher Frail elderly, troubles de l ’équilibre et peur de la verticalisation, tendance à la rétropulsion… Merry Walker RCN® Pourquoi les troubles anxieux et paniques seraient-ils fréquents ? POUR : Rôle de l’angoisse de castration en gérontologie (Balier) Rôle de la de vigilance,de l’hypofrontalité et de la perte d ’emprise Rôle de la comorbidité, de la vulnérabilité … CONTRE : Transformation de l ’angoisse en peur, défenses : autoritarisme, repli sur soi Stratégies de tranquillité. Rôle de la démotivation et de la désocialisation Troubles anxieux et trouble panique : traitement pluridisciplinaire Nécessité d ’une collaboration avec les confrères généralistes , urgentistes et cardiologues Ne pas affirmer à tort l’origine purement psychologique par exemple d ’une douleur thoracique Ne pas surmédicaliser inutilement certains troubles psychiatriques du sujet âgé, mais y penser Pas de neuroleptique, éviter les benzodiazépines au long cours