12 le clinicien avril 2011
Pharmacologie antipsychotique
sur ce récepteur sera faible, et vice-versa. Un médicament
qui n’active que partiellement un récepteur ou n’amène pas
une réponse physiologique complète est un agoniste partiel.
Enfin, en se liant à un récepteur, un antagoniste ne dé-
clenche aucune réponse physiologique : il empêche les
autres ligands de se fixer au récepteur qu’il occupe.
Pour comparer l’affinité des antipsychotiques envers
un type de récepteurs donné, il est aujourd’hui d’usage
d’évaluer la constante d’inhibition (Ki). La Kiest la con-
centration qu’un antipsychotique doit atteindre (dans un
dosage par compétition) pour occuper 50 % des récep-
teurs à l’étude (p. ex., les récepteurs D2). Plus l’affinité
d’un médicament pour les récepteurs est grande, plus la
Kiest faible. Précisons que la Kine nous renseigne en
rien sur l’effet physiologique du médicament après sa
fixation au récepteur, mais uniquement sur la concentra-
tion nécessaire à l’occupation de la moitié des sites de
liaison. La comparaison de la Kide divers agents d’une
même classe pose cependant un problème : en effet, les
valeurs peuvent varier grandement pour une même sub-
stance. C’est que les laboratoires utilisent des méthodes
différentes, des ligands compétitifs différents et des tissus
différents, d’où la variabilité de la Ki. En règle générale,
il vaut mieux s’attacher aux différences relatives de Ki
pour un même type de récepteurs (comparaison d’un
médicament à un autre) plutôt qu’aux valeurs absolues,
grandement variables3-6.
Emploi des antipsychotiques
On trouve plus d’une douzaine d’antipsychotiques sur le
marché canadien. Ce sont pour la plupart des antipsycho-
tiques de première génération (APG), qui agissent princi-
palement par antagonisme des récepteurs D2. Leur
affinité envers ces récepteurs va de faible (p. ex., chlor-
promazine) à forte (p. ex., halopéridol). Généralement,
les APG ayant peu d’affinité pour les récepteurs D2ont
des effets sédatifs plus marqués et moins d’effets indési-
rables extrapyramidaux que les agents dotés d’une grande
affinité pour ces récepteurs.
Tous les nouveaux antipsychotiques offerts au Cana-
da sont, à une exception près, des antipsychotiques de
deuxième génération (ADG). Ils exercent un effet antago-
niste sur les récepteurs D2et 5HT2A, mais ont une plus
faible affinité envers les récepteurs D2qu’envers les
récepteurs 5HT2A. Ce double antagonisme explique fort
probablement leur profil d’efficacité et d’effets indési-
rables, qui les distingue des APG, en particulier en ce qui
a trait aux effets indésirables extrapyramidaux et aux
symptômes négatifs7. L’aripiprazole, seul agoniste partiel
des récepteurs D2offert au Canada, est aussi un agoniste
partiel des récepteurs 5HT1A et un antagoniste des récep-
teurs 5HT2A. On le qualifie parfois d’« antipsychotique
de troisième génération » (ATG), puisqu’il est le seul ago-
niste partiel des récepteurs D22,8,9.
Au cours des dernières années, les utilisations des
ADG/ATG se sont élargies, puisque, de plus en plus, les
médecins les prescrivent volontiers dans diverses affec-
tions. Ainsi, leur emploi est aujourd’hui monnaie cou-
rante non seulement dans la schizophrénie et les autres
troubles psychotiques, mais aussi dans les troubles du
spectre bipolaire, la dépression majeure, divers troubles
anxieux, l’autisme et la prise en charge des comporte-
ments perturbateurs. Devant un patient qui pourrait béné-
ficier d’un antipsychotique, le choix d’agents est vaste.
Dans les pages qui suivent, nous allons explorer les
facteurs cliniques à considérer lors du choix d’un antipsy-
chotique, les doses d’attaque et les modalités d’ajuste-
ment posologique, le passage d’un ADG/ATG à un autre
et les effets indésirables les plus susceptibles de nuire à
l’adhésion au traitement.
Le traitement par un antipsychotique doit être adapté à
chaque patient, comme d’ailleurs toute stratégie théra-
peutique en santé mentale. Une stratégie efficace chez un
patient se révélera inefficace, voire intolérable, chez un
autre. Le caractère hétérogène de la réponse au traitement
et des effets indésirables tient à de nombreux facteurs.
D’abord, on ne connaît pas encore la cause profonde des
troubles psychiatriques, si bien que c’est essentiellement
la symptomatologie, et non des biomarqueurs ou un
génotype, qui guide nos choix en matière de traitement.
Les troubles psychiatriques étant des entités hétérogènes,
deux patients atteints du trouble bipolaire I, par exemple,
ne répondront pas forcément de la même manière à un
On trouve sur le marché de plus en
plus d’antipsychotiques distincts les
uns des autres sur le plan
pharmacologique, et le prestateur de
soins doit connaître les différences
pharmacocinétiques et
pharmacodynamiques susceptibles
d’influer sur le choix de
l’antipsychotique, les modalités de
prescription et le suivi du traitement.