Implications cliniques de la pharmacologie antipsychotique es t i © d r t te n h i g e i r al i y c r p e m Co t uven nel e p on ées toris age pers u a us nes rson our leur e p p es ée. L e coupie b i h Introduction o n st pr rimer u einterpréter e é Pour bien les données cliniques et parvenir, grâce à elles, à une prise en p s tori et im ucharge r a e optimale, on doit posséder une bonne connaissance générale de la pharman s i n no r, visual o i t a cologie des antipsychotiques. On trouve sur le marché de plus en plus d’antipsye lis L’uti er, affich chotiques distincts les uns des autres sur le plan pharmacologique, et le prestateur de arg léch soins doit connaître les différences pharmacocinétiques et pharmacodynamiques Diane M. McIntosh, M.D., FRCPC, Ayal Schaffer, M.D., FRCPC, Ric Procyshyn, B.Sc. (Pharm), MSc, PharmD, Ph.D. m co n o i ibut e Vent tr s i d et té susceptibles d’influer sur le choix de l’antipsychotique, les modalités de prescription et le suivi du traitement. Quelques définitions : affinité, puissance et interactions avec les récepteurs Avant de nous lancer dans notre exploration pharmacologique, nous devons nous familiariser avec certains termes. Dans le présent article, le terme « ligand » s’entend d’un antipsychotique qui interagit avec le site de liaison du récepteur d’un neurotransmetteur. Cette interaction change la conformation du récepteur, ce qui donne lieu à la réponse physiologique. L’interaction antipsychotique-récepteur dépend, en partie, de l’affinité du médicament envers le récepteur en question. Ainsi, si un médicament a une forte affinité pour un récepteur, une force intermoléculaire plus grande l’unira à ce dernier. En règle générale, il en résulte une interaction de plus longue durée entre le médicament et le récepteur. Cette forte affinité peut également se traduire par une action pharmacologique plus intense, car plus l’interaction médicament-récepteur est forte et durable, plus elle est susceptible de conduire à un changement de conformation du récepteur, qui se traduira par une réponse physiologique. À l’inverse, si l’affinité est faible, la force intermoléculaire unissant le médicament et son récepteur sera moins grande, d’où, habituellement, une liaison moins durable ou plus « lâche ». Cela dit, il faut souligner ici que la durée ou la « solidité » de la liaison médicament-récepteur ne sont pas forcément de bons indicateurs de l’affinité. À titre d’exemple, l’aripiprazole a une très grande affinité envers les récepteurs dopaminergiques D2, mais s’en dissocie très rapidement (en moins de 1 minute); quant à l’halopéridol, son affinité pour les récepteurs D2 est comparable à celle de l’aripiprazole, mais, de tous les antipsychotiques, c’est l’un de ceux qui se dissocient le plus lentement des récepteurs, soit après pas loin de 40 minutes1,2. L’affinité ne détermine pas, à elle seule, la puissance d’un médicament. En effet, cette dernière est aussi fonction de l’efficacité du ligand, c’est-à-dire de sa capacité de produire une réponse biologique après sa fixation au récepteur, d’une part, et de l’ampleur de cette réponse, d’autre part. Un médicament qui se fixe à un récepteur, modifie la fonction de ce dernier et entraîne ainsi une réponse physiologique est un agoniste. Plus l’affinité d’un médicament envers son récepteur est grande, plus la concentration nécessaire pour qu’il agisse le clinicien avril 2011 11 Pharmacologie antipsychotique sur ce récepteur sera faible, et vice-versa. Un médicament qui n’active que partiellement un récepteur ou n’amène pas une réponse physiologique complète est un agoniste partiel. Enfin, en se liant à un récepteur, un antagoniste ne déclenche aucune réponse physiologique : il empêche les autres ligands de se fixer au récepteur qu’il occupe. Pour comparer l’affinité des antipsychotiques envers un type de récepteurs donné, il est aujourd’hui d’usage d’évaluer la constante d’inhibition (Ki). La Ki est la concentration qu’un antipsychotique doit atteindre (dans un dosage par compétition) pour occuper 50 % des récepteurs à l’étude (p. ex., les récepteurs D2). Plus l’affinité d’un médicament pour les récepteurs est grande, plus la Ki est faible. Précisons que la Ki ne nous renseigne en rien sur l’effet physiologique du médicament après sa fixation au récepteur, mais uniquement sur la concentra- On trouve sur le marché de plus en plus d’antipsychotiques distincts les uns des autres sur le plan pharmacologique, et le prestateur de soins doit connaître les différences pharmacocinétiques et pharmacodynamiques susceptibles d’influer sur le choix de l’antipsychotique, les modalités de prescription et le suivi du traitement. tion nécessaire à l’occupation de la moitié des sites de liaison. La comparaison de la Ki de divers agents d’une même classe pose cependant un problème : en effet, les valeurs peuvent varier grandement pour une même substance. C’est que les laboratoires utilisent des méthodes différentes, des ligands compétitifs différents et des tissus différents, d’où la variabilité de la Ki. En règle générale, il vaut mieux s’attacher aux différences relatives de Ki pour un même type de récepteurs (comparaison d’un médicament à un autre) plutôt qu’aux valeurs absolues, grandement variables3-6. Emploi des antipsychotiques On trouve plus d’une douzaine d’antipsychotiques sur le marché canadien. Ce sont pour la plupart des antipsychotiques de première génération (APG), qui agissent principalement par antagonisme des récepteurs D2. Leur 12 le clinicien avril 2011 affinité envers ces récepteurs va de faible (p. ex., chlorpromazine) à forte (p. ex., halopéridol). Généralement, les APG ayant peu d’affinité pour les récepteurs D2 ont des effets sédatifs plus marqués et moins d’effets indésirables extrapyramidaux que les agents dotés d’une grande affinité pour ces récepteurs. Tous les nouveaux antipsychotiques offerts au Canada sont, à une exception près, des antipsychotiques de deuxième génération (ADG). Ils exercent un effet antagoniste sur les récepteurs D2 et 5HT2A, mais ont une plus faible affinité envers les récepteurs D2 qu’envers les récepteurs 5HT2A. Ce double antagonisme explique fort probablement leur profil d’efficacité et d’effets indésirables, qui les distingue des APG, en particulier en ce qui a trait aux effets indésirables extrapyramidaux et aux symptômes négatifs7. L’aripiprazole, seul agoniste partiel des récepteurs D2 offert au Canada, est aussi un agoniste partiel des récepteurs 5HT1A et un antagoniste des récepteurs 5HT2A. On le qualifie parfois d’« antipsychotique de troisième génération » (ATG), puisqu’il est le seul agoniste partiel des récepteurs D22,8,9. Au cours des dernières années, les utilisations des ADG/ATG se sont élargies, puisque, de plus en plus, les médecins les prescrivent volontiers dans diverses affections. Ainsi, leur emploi est aujourd’hui monnaie courante non seulement dans la schizophrénie et les autres troubles psychotiques, mais aussi dans les troubles du spectre bipolaire, la dépression majeure, divers troubles anxieux, l’autisme et la prise en charge des comportements perturbateurs. Devant un patient qui pourrait bénéficier d’un antipsychotique, le choix d’agents est vaste. Dans les pages qui suivent, nous allons explorer les facteurs cliniques à considérer lors du choix d’un antipsychotique, les doses d’attaque et les modalités d’ajustement posologique, le passage d’un ADG/ATG à un autre et les effets indésirables les plus susceptibles de nuire à l’adhésion au traitement. Le traitement par un antipsychotique doit être adapté à chaque patient, comme d’ailleurs toute stratégie thérapeutique en santé mentale. Une stratégie efficace chez un patient se révélera inefficace, voire intolérable, chez un autre. Le caractère hétérogène de la réponse au traitement et des effets indésirables tient à de nombreux facteurs. D’abord, on ne connaît pas encore la cause profonde des troubles psychiatriques, si bien que c’est essentiellement la symptomatologie, et non des biomarqueurs ou un génotype, qui guide nos choix en matière de traitement. Les troubles psychiatriques étant des entités hétérogènes, deux patients atteints du trouble bipolaire I, par exemple, ne répondront pas forcément de la même manière à un Pharmacologie antipsychotique Tableau 1. Indications des antipsychotiques atypiques au Canada et aux États-Unis10-25 Antipsychotique Indications selon le pays États-Unis Canada Aripiprazole • Schizophrénie chez l’adulte et l’adolescent • Trouble bipolaire I (TBI) : - épisodes maniaques et mixtes chez l’adulte et l’adolescent - traitement d’entretien du TBI • Traitement d’appoint du trouble dépressif majeur • Irritabilité associée à l’autisme chez l’enfant • Forme injectable : traitement des épisodes d’agitation dans la schizophrénie et le TBI • Schizophrénie • Trouble bipolaire I : épisodes maniaques et mixtes Clozapine • Schizophrénie réfractaire • Schizophrénie réfractaire (offert uniquement par l’entremise du Réseau d’assistance et de soutien Clozaril [RASC]) Olanzapine • Schizophrénie • Trouble bipolaire I (épisodes aigus et traitement d’entretien) • Épisodes dépressifs associés au trouble bipolaire • Dépression réfractaire • Schizophrénie • Trouble bipolaire I (épisodes aigus et traitement d’entretien) Palipéridone • Schizophrénie • Trouble schizo-affectif • Schizophrénie et troubles psychotiques associés Quétiapine • Schizophrénie • Trouble bipolaire I (TBI) (épisodes aigus et traitement d’entretien) • Épisodes dépressifs associés au TBI • Trouble dépressif majeur (XR seulement) • Schizophrénie • Trouble bipolaire (épisodes aigus) • Épisodes dépressifs associés au trouble bipolaire (épisodes aigus) • Trouble dépressif majeur (XR seulement) Rispéridone • Schizophrénie • Trouble bipolaire I • Irritabilité associée à l’autisme chez l’enfant • Schizophrénie • Trouble bipolaire I Ziprasidone • Schizophrénie chez l’adulte • Trouble bipolaire I (épisodes aigus et traitement d’entretien) • Schizophrénie • Trouble bipolaire I (épisodes aigus) même agent. Les vastes échantillons populationnels, rares en psychiatrie, permettraient certes au clinicien de dégager des tendances, mais la réponse à un traitement donné demeure largement individuelle26. L’adhésion au traitement est, elle aussi, grandement variable, et il y autant de raisons de ne pas suivre son traitement à la lettre qu’il y a de patients. Par ailleurs, la connaissance de l’antipsychotique que possède le clinicien – notamment pour déterminer et ajuster la posologie, ou adopter la bonne stratégie pour changer ou potentialiser le traitement – peut influer considérablement sur l’efficacité et le résultat de la prise en charge. Enfin, la le clinicien avril 2011 13 Pharmacologie antipsychotique Tableau 2. Profil d’effets indésirables, notamment métaboliques, des antipsychotiques atypiques38-43 Antipsychotique Allongement de l’intervalle Dysfonction HyperGain Risque de SEP* QTc Sédation sexuelle lipidémie pondéral diabète Dyslipidémies Aripiprazole Olanzapine Quétiapine Rispéridone Ziprasidone * SEP : Symptômes extrapyramidaux Risque neutre-faible capacité de sceller une alliance thérapeutique faite de confiance et d’ouverture n’est pas donnée à tous les cliniciens, et, de même, les patients n’arrivent pas tous à collaborer efficacement avec leur médecin. Choix d’un antipsychotique Le choix de l’antipsychotique de première intention dépend de plusieurs éléments, dont, en tête de liste : le degré d’aisance du médecin envers l’agent (innocuité et efficacité), les indications et les principaux emplois hors indications du produit, la connaissance des principaux attributs du médicament (p. ex., sédation, désinhibition) et la symptomatologie du patient. La plupart des cliniciens sont d’avis que les ADG/ATG sont supérieurs aux Le traitement par un antipsychotique doit être adapté à chaque patient, comme d’ailleurs toute stratégie thérapeutique en santé mentale. APG, du moins si l’on en juge par l’utilisation étendue qu’on en fait au Canada. Cependant, on n’a pas encore établi hors de tout doute l’efficience de ces nouveaux agents et leur supériorité dans toutes les catégories de symptômes. Les ADG/ATG ont souvent la cote, car on les juge habituellement moins susceptibles que les APG d’entraîner des effets indésirables extrapyramidaux et des dyskinésies tardives. Des données semblent indiquer que les ADG/ATG améliorent les symptômes négatifs (p. ex., 14 le clinicien avril 2011 Risque modéré Risque élevé amotivation, apathie, avolition) et sont associés à des taux moindres d’hyperprolactinémie – sauf la rispéridone et la palipéridone – ainsi qu’à une amélioration de la qualité de vie27-29. Dans de nombreuses études comparatives à double insu, les ADG/ATG se sont révélés plus efficaces et mieux tolérés que les APG, mais il ne faut pas oublier que le diagnostic influe tant sur l’efficacité que sur la tolérabilité. Cela dit, les effets métaboliques, dont le gain pondéral, attribués à certains ADG ont alimenté de saines discussions sur le rapport risques-avantages et l’efficience de ces agents, lesquelles ont mené à la réalisation de nombreux essais cliniques. Certains auteurs ont conclu qu’il n’y avait pas de différence notable entre les ADG et les APG sur le plan de l’observance, de la qualité de vie et de l’efficacité. Toutefois, d’autres chercheurs ayant recueilli des données à long terme sur le traitement antipsychotique ont constaté que la probabilité de rémission était plus grande chez les patients sous ADG que chez les patients sous APG; au surplus, dans certaines de ces études, on a conclu que le bien-être subjectif s’améliorait significativement plus sous ADG que sous APG30-35. Les deux avantages les plus importants des ADG sur les APG sont les effets subjectifs plus favorables et le risque moindre de dyskinésies tardives. Dans le cadre d’un sondage mené par Karow et ses collègues, 61 « experts par l’expérience » (c’est-à-dire des patients schizophrènes sous ADG pendant 2 ans et, avant ou après ce traitement, sous APG pendant 1 an) ont fait état de différences marquées au chapitre de l’efficacité non pas sur les symptômes positifs, mais plutôt sur les symptômes négatifs et affectifs, ainsi que d’une meilleure tolérabilité au regard des effets indésirables moteurs et sexuels36. Pharmacologie antipsychotique Figure 1. Antipsychotiques atypiques (APA) en traitement d’appoint dans le trouble dépressif majeur : taux de rémission47,48,50,51 Taux de rémission (%) 40 35 30 25 APA 20 Placebo (%) 15 10 5 0 Aripiprazole 2-20 mg/jour Olanzapine 6-18 mg/jour Rispéridone 1-2 mg/jour Quétiapine XR 300 mg/jour On ne doit pas comparer les taux de rémission associés aux divers antipsychotiques dans la figure précédente, car les données ne proviennent pas d’essais comparatifs directs. On ne dispose pas d’essai avec groupe placebo pour la ziprasidone. La prise en compte du risque de sédation excessive et de syndrome métabolique demeure incontournable lors du choix d’un agent de première intention. On pourra opter d’emblée pour un des agents aux propriétés sédatives les plus prononcées (quétiapine, quétiapine XR, olanzapine et rispéridone) en cas d’insomnie ou d’agitation marquée. Si une action sédative s’impose de toute urgence et si les facteurs de risque métabolique sont considérables, un traitement de courte durée par une benzodiazépine est possible. Des agents aux propriétés plus désinhibitrices (aripiprazole, ziprasidone et palipéridone) seront privilégiés chez les patients en proie à l’apathie et à la fatigue. Si le patient redoute la prise de poids, est déjà en surpoids ou présente des facteurs de risque de syndrome métabolique, le clinicien devrait se tourner vers l’aripiprazole, la ziprasidone ou la palipéridone, parce qu’ils risquent moins d’entraîner des effets indésirables métaboliques37-43. Indications et utilisations courantes des ADG/ATG Tous les ADG/ATG en vente au Canada sont indiqués dans le traitement de la schizophrénie et des troubles psychotiques associés de même que des épisodes maniaques du trouble bipolaire I40,44-46. Cela dit, certains agents se sont montrés efficaces dans d’autres troubles psychiatriques ou sont souvent prescrits hors indications. L’emploi de la quétiapine XR seule est indiqué dans la dépression bipolaire et le trouble dépressif majeur (TDM). À l’heure actuelle, c’est le seul antipsychotique indiqué dans le TDM au Canada. Associée à un inhibiteur sélectif du recaptage de la sérotonine (ISRS), l’olanzapine a également été efficace dans la dépression bipolaire. Le TDM ne fait pas partie des indications de l’aripiprazole en monothérapie; cependant, dans ses lignes directrices de 2009 sur le traitement du TDM, le CANMAT a inscrit l’aripiprazole parmi les agents d’appoint de première intention dans le TDM, aux côtés de l’olanzapine et Les deux avantages les plus importants des ADG sur les APG sont les effets subjectifs plus favorables et le risque moindre de dyskinésies tardives. de la rispéridone. De nombreux essais ouverts et plusieurs essais comparatifs avec randomisation ont mis au jour les avantages de l’association ADG/ATG + antidépresseurs dans divers troubles anxieux, dont l’état de stress post-traumatique (ESPT), le trouble obsessionnelcompulsif (TOC) et l’anxiété généralisée47-49. Plusieurs raisons expliquent que certains ADG/ATG soient efficaces dans la dépression et d’autres, non. Ainsi, un antagonisme excessif des récepteurs D2 peut entraver l’action des antidépresseurs; autrement dit, les antagonistes des récepteurs D2 les plus puissants peuvent, en le clinicien avril 2011 15 Pharmacologie antipsychotique Tableau 3. Affinité des antipsychotiques atypiques envers les récepteurs sérotoninergiques et dopaminergiques8 Antipsychotique 5-HT2A 5-HT2C 5-HT1A D2/D3 Aripiprazole +++ +++ +++ ++++ Olanzapine +++ +++ - +++ Quétiapine XR ++ + - ++ Rispéridone ++++ +++ - +++ Ziprasidone ++++ +++ +++ +++ fait, se révéler dépressogènes. Une hypothèse veut donc que les antipsychotiques qui bloquent le plus efficacement les récepteurs D2 soient plus susceptibles de provoquer une dépression ou de contrer les effets antidépresseurs qu’un autre médicament pourrait exercer par un mécanisme différent52. Selon une évaluation comparative de l’affinité envers les récepteurs D2, la quétiapine est un très faible antagoniste D2 par rapport à l’olanzapine, et encore plus faible si on la compare à la rispéridone. Quant De nombreux essais ouverts et plusieurs essais comparatifs avec randomisation ont mis au jour les avantages de l’association ADG/ATG + antidépresseurs dans divers troubles anxieux (...). à l’halopéridol, antagoniste D2 extrêmement puissant, il peut déclencher des symptômes dépressifs10-25,53,54. Comme nous venons de le mentionner, certains antipsychotiques atypiques peuvent toutefois exercer un effet antidépresseur par leur interaction avec d’autres types de récepteurs. Ainsi, le blocage des récepteurs sérotoninergiques 5HT2A constitue un mécanisme antidépresseur. Tous les antidépresseurs agissant sur la sérotonine, y compris les électrochocs, provoquent une régulation négative des récepteurs 5HT2A. La quasi-totalité des ADG/ATG exercent ce même effet sur les récepteurs 5HT2A et ont, de fait, des propriétés antidépressives. Précisons que le blocage des récepteurs 5HT2A amène une hausse de la dopamine (DA) et de la noradrénaline (NA), ce qui, dans certaines régions du cerveau, entrave l’antagonisme D2. 16 le clinicien avril 2011 De nombreux antidépresseurs agissent également par antagonisme des transporteurs présynaptiques de la NA, de la 5HT et de la DA. Quelques antidépresseurs sont aussi des agonistes partiels des récepteurs 5HT1A, ce qui leur confère des propriétés antidépressives et anxiolytiques. Et ce sont là des mécanismes pharmacologiques qu’on retrouve également dans certains antipsychotiques; ainsi : 1) la ziprasidone inhibe les transporteurs de la NA et de la 5HT, en plus d’être un agoniste partiel des récepteurs 5HT1A, 2) la norquétiapine, métabolite actif de la quétiapine, exerce un effet antagoniste sur les transporteurs de la NA et 3) l’aripiprazole est un agoniste partiel des récepteurs 5HT1A52. Certains antipsychotiques atypiques ont des effets désinhibiteurs (p. ex., aripiprazole, palipéridone) et d’autres, des effets sédatifs (p. ex., quétiapine, olanzapine); il ne faudrait toutefois pas en conclure qu’un agent donné doit être évité chez le patient anxieux, agité ou présentant un ralentissement psychomoteur. En effet, un traitement efficace du trouble sous-jacent peut, indirectement, faire disparaître ces symptômes. Comme c’est le cas pour les antidépresseurs, certains mécanismes antidépresseurs ont également une action anxiolytique. L’agitation est classique dans la manie bipolaire et la schizophrénie aiguë; or, tous les ADG/ATG sont indiqués dans ces troubles. Si l’on recherche un agent aux propriétés désinhibitrices plus prononcées, sans toutefois vouloir intensifier, ne serait-ce que temporairement, l’agitation ou l’anxiété, on peut prescrire une benzodiazépine à demi-vie intermédiaire, telle que le lorazépam ou le clonazépam55. Dose d’attaque et ajustement posologique La dose d’attaque d’un antipsychotique dépend d’abord et avant tout du diagnostic et de l’acuité de la maladie. Cependant, d’autres facteurs entrent en ligne de compte, Pharmacologie antipsychotique Tableau 4. Antipsychotiques atypiques dans le trouble bipolaire : posologie d’attaque et ajustement posologique*11,15-25 Aripiprazole Olanzapine Quétiapine XR Rispéridone Ziprasidone 75 heures 21-54 heures 6-7 heures 17-23 heures 6-10 heures Dépression Non indiqué bipolaire ** 5 mg en association avec de la fluoxétine 50 mg (jusqu’à 300 mg/jour) Non indiqué Non indiqué Manie aiguë Manie : − dose d’attaque : 15 mg/jour (maximum : 30 mg/jour) Épisodes mixtes : 300 mg (jusqu’à 800 mg/jour) − 10-15 mg/jour − 10 mg/jour avec lithium/valproate Agitation dans la manie bipolaire : 10 mg IM 2-3 mg/jour (jusqu’à 6 mg/jour) Manie : − D’abord, 40 mg 2 fois/jour avec aliments − Progression vers 60-80 mg 2 fois/jour − Éventail posologique efficace : 40-80 mg 2 fois/jour Entretien 5-20 mg/jour Même posologie que celle qui a stabilisé le patient en phase aiguë Pas de données à long terme (> 3 semaines) pour guider les cliniciens Traitement d’appoint au lithium/valproate, à la posologie utilisée pour stabiliser le patient en phase aiguë** T1/2 * Selon les monographies ** Selon la monographie en vigueur aux États-Unis Éventail posologique efficace : − 400-800 mg/jour (manie) − Cible dans le trouble bipolaire : 300 mg/jour (jusqu’à 600 mg) à savoir la réponse aux traitements antérieurs, la prise d’autres médicaments et les éventuels antécédents d’intolérance thérapeutique. En présence de manie aiguë ou de symptômes psychotiques sévères, il faut généralement y aller d’une dose d’attaque plus forte et, si un ajustement posologique s’impose, d’une progression plus rapide. Toutefois, lorsqu’on se place d’emblée à la limite supérieure de l’éventail posologique, le risque d’intolérance et, du coup, d’inobservance, augmente. Résultat : on peut devoir se priver d’un traitement qui aurait pu se révéler efficace si on avait ajusté la posologie un peu plus lentement. Si le clinicien souhaite prendre tout le temps qu’il faut pour ajuster la dose de l’antipsychotique, histoire de favoriser la tolérance et l’adhésion au traitement, il peut prescrire provisoirement une benzodiazépine à demi-vie intermédiaire (p. ex., lorazépam, clonazépam) afin de calmer l’agitation et l’anxiété chez son patient. Les posologies des monographies peuvent être supérieures ou inférieures aux doses habituellement prescrites. En fait, ces recommandations sont formulées à partir des résultats des essais cliniques. Or, souvent, les sujets des essais ne sont pas représentatifs des patients que les cliniciens seront appelés à traiter. Par exemple, les personnes atteintes d’affections concomitantes, y compris celles qui abusent de substances psychoactives, sont souvent exclues des essais cliniques. Le tableau démographique des populations d’essais cliniques n’est donc pas représentatif – c’est le moins que l’on puisse dire – des patients atteints de maladie mentale. Bien que l’emploi hors indications – à savoir l’utilisation d’un médicament suivant une posologie non conforme aux recommandations de la monographie ou dans une indication non homologuée – soit monnaie courante en psychiatrie, on doit discuter des risques et des avantages avec les patients, et consigner la démarche dans leur dossier. le clinicien avril 2011 17 Pharmacologie antipsychotique . Tableau 5. Antipsychotiques atypiques dans le TDM : posologie d’attaque et posologie d’entretien16,17,23,24 Aripiprazole* (traitement d’appoint) Quétiapine XR (monothérapie) Posologie d’attaque 2-5 mg/jour (traitement d’appoint) 50 mg/jour le 1er jour, jusqu’à 150 mg le 3e jour Posologie d’entretien - Jusqu’à 15 mg/jour (dose maximale pour les patients sous paroxétine CR ou fluoxétine) - 20 mg/jour pour tous les autres patients 50-300 mg/jour (posologies > 300 mg/jour non évaluées) * Monographie d’Abilify en vigueur aux États-Unis En règle générale, les troubles thymiques ou anxieux sont traités à l’aide de doses plus faibles d’antipsychotiques atypiques que les psychoses. Bien qu’à l’heure actuelle, la quétiapine XR soit le seul antipsychotique officiellement indiqué en monothérapie dans le TDM, l’aripiprazole, l’olanzapine et la rispéridone sont souvent associés à un antidépresseur pour le traitement du TDM. Dans la monographie de l’aripiprazole en vigueur aux États-Unis, on recommande, pour cette indication, une dose d’attaque de 2 à 5 mg et une dose d’entretien de 15 à 20 mg. Des doses de 15 mg ou plus s’imposent parfois, mais, dans la majorité des cas, la dose efficace est de 2 à Les posologies des monographies peuvent être supérieures ou inférieures aux doses habituellement prescrites. 10 mg. Quant à l’olanzapine, elle s’est montrée efficace dans la dépression réfractaire en association avec la fluoxétine; l’éventail posologique de l’olanzapine est habituellement de 2 à 10 mg. Souvent, les doses de quétiapine nécessaires au traitement de troubles non psychotiques, tels que la dépression, sont plus faibles (100 à 150 mg) que les doses utilisées dans les psychoses, mais on peut devoir prescrire des doses de 300 mg ou plus. Associée à un antidépresseur, la rispéridone amène généralement de bons résultats à des doses inférieures à 1 mg. Chez certains patients, des doses avoisinant les 1,5 mg peuvent s’imposer, mais au-delà de 1 mg, la rispéridone a parfois un effet dépressogène. Enfin, la ziprasidone, la rispéridone et l’aripiprazole ne sont pas indiqués dans la dépression bipolaire; pourtant, on les utilise fréquemment dans ce trouble, en appoint à des antidépresseurs ou à des thymorégulateurs. Les doses sont comparables à celles que 18 le clinicien avril 2011 l’on prescrit dans le TDM ou le traitement d’entretien du trouble bipolaire. L’ajustement posologique d’un antipsychotique est fonction de diverses variables, dont la demi-vie et la tolérabilité de l’agent, la sévérité de l’atteinte et le fait que le patient soit hospitalisé ou non. L’aripiprazole est l’ADG dont la demi-vie est la plus longue, à savoir 75 heures (son métabolite actif a une demi-vie de 96 heures). Cela signifie, concrètement, que l’état d’équilibre est atteint en 2 semaines (4,5 demi-vies pour atteindre l’état d’équilibre x 75 h = 337,5 heures, soit 14 jours). L’aripiprazole est le tout dernier antipsychotique à avoir fait son entrée sur le marché canadien. De nombreux cliniciens n’étant pas rompus à l’utilisation d’un antipsychotique pour la voie orale doté d’une demi-vie si longue, certains ont procédé à une progression posologique trop rapide ayant conduit à la prise de doses trop fortes et à la survenue d’effets indésirables évitables. Si le patient n’est pas en proie à des symptômes aigus, la dose d’attaque devrait se situer entre 2 et 5 mg, et on devrait laisser s’écouler 2 semaines entre chaque augmentation de dose. À ce propos, notons que selon la monographie, on ne doit pas augmenter la dose plus de 1 fois/semaine. Les antipsychotiques dont la demi-vie est nettement plus brève, tels que la quétiapine (6-7 heures) ou la ziprasidone (6-10 heures), parviendront à l’état d’équilibre beaucoup plus rapidement (4,5 demi-vies pour atteindre l’état d’équilibre x 610 heures = 27-45 heures ou 1-2 jour[s]). La progression posologique peut donc se faire plus rapidement. Dans plusieurs essais, on a augmenté la dose de quétiapine de 50-100 mg/jour jusqu’à l’obtention de la dose thérapeutique, et ce, sans problème de tolérabilité16,18,20,23,25. Certains cliniciens craignent qu’un antipsychotique à demi-vie plus longue soit moins efficace en début de traitement. Pourtant, il n’y a pas de corrélation entre la demi-vie et l’efficacité, si bien que les avantages cliniques ne seront pas forcément retardés. Le médicament Pharmacologie antipsychotique Tableau 6. Affinité des antipsychotiques envers les récepteurs dopaminergiques (D2), α-adrénergiques (α1), muscariniques (M1) et histaminiques (H1)8,59-61 Antipsychotique D2 α1 M1 H1 *Aripiprazole ++++ + - + Olanzapine +++ ++ +++ +++ Quétiapine XR ++ +++ ++ ++ Rispéridone +++ +++ - - Ziprasidone +++ ++ - - * L’aripiprazole est un agoniste partiel (voir l’explication dans cet article). fait quand même effet, et d’ailleurs rien ne dit que la dose thérapeutique ne se situe pas, chez un patient donné, à la limite inférieure de l’éventail posologique. Par ailleurs, la demi-vie plus longue présente un avantage : lors de l’oubli d’une dose, les symptômes sont souvent moins intenses et l’état du patient, moins déstabilisé. En effet, lorsque la demi-vie du médicament est brève, l’oubli d’une dose ou deux peut entraîner une intensification des symptômes. L’amorce d’un traitement par la ziprasidone présente certaines difficultés; le clinicien bien informé en tiendra compte et pourra ainsi accroître l’efficacité du traitement. Premier piège : la ziprasidone a des tendances désinhibitrices, surtout à faible dose, si bien que certains patients peuvent se sentir agités en début de traitement. Pour contourner ce problème, il suffit de prescrire une dose d’attaque plus forte. Les cliniciens ont généralement pour principe d’y aller en douceur en début de traitement avec la plupart des psychotropes, mais dans le cas de la ziprasidone, ils devraient opter d’emblée pour une posologie de 60-80 mg/jour, même si on offre des capsules à 40 mg que certains cliniciens, par prudence, fractionnent pour s’en tenir à une dose de départ de 20 mg/jour. En effet, les doses inférieures à 60 mg/jour provoquent une désinhibition ou une agitation trop grande chez de nombreux patients qui, dès lors, font preuve d’inobservance. Autre difficulté : pour être pleinement absorbée, la ziprasidone doit être prise avec des aliments. Or, c’est loin d’être évident pour un patient qui n’a pas d’appétit parce qu’il est trop malade, ou encore qui ne peut manger régulièrement. Pour assurer l’absorption complète d’une dose de ziprasidone, le patient doit absorber 500 kcal, soit un repas moyen; la teneur en graisses n’a ici aucune importance. À titre d’exemple, un petit-déjeuner de 500 kcal pourrait se décliner ainsi : 1 tasse de céréales, 1 rôtie, 1 pomme et 1 verre de lait. Ajoutons que même si on recommande généralement la prise de 2 doses/jour, la ziprasidone est souvent prescrite à raison de 1 dose/jour seulement; c’est une façon de faire efficace, qui facilite la prise du médicament avec des aliments et favorise l’adhésion au traitement25,39,41,56. En raison de sa courte demi-vie, la quétiapine parvient rapidement à l’état d’équilibre. On peut augmenter la dose à bon rythme, d’autant plus que parfois, l’effet sédatif est moindre à forte dose (plus de 150 mg). Cet effet tiendrait à l’augmentation du taux de NA par suite du blocage du NET. La posologie cible est plus faible dans les troubles thymiques ou anxieux (50-300 mg) que dans le trouble bipolaire et les psychoses (300-800 mg). La palipéridone est offerte en comprimés à 3, 6 et 9 mg qui ne doivent être ni fractionnés, ni croqués. Comme la dose de 3 mg équivaut à peu près à une dose de rispéridone de 1 mg, certains cliniciens la trouvent trop forte en présence de symptômes thymiques ou anxieux, ou encore chez une personne âgée agitée, contextes dans lesquels on prescrit habituellement de 0,25 à 0,75 mg de rispéridone16,21,39. Changement de traitement (ADG et ATG) Le passage d’un antipsychotique à un autre est une opération délicate à laquelle tout clinicien doit se livrer un jour ou l’autre. Ce dernier doit déterminer pourquoi le changement s’impose (p. ex., problème d’efficacité, de tolérabilité, de coût), la sévérité ou l’acuité de la maladie, la présence d’affections concomitantes, la prise d’autres médicaments ainsi que les propriétés pharmacocinétiques et pharmacodynamiques des deux agents. En gros, la pharmacodynamie décrit l’effet du médicament sur l’organisme et la pharmacocinétique, l’effet de l’organisme sur le médicament. Le profil des récepteurs et des le clinicien avril 2011 19 Pharmacologie antipsychotique affinités, notamment la nature agoniste, antagoniste ou agoniste partielle d’un agent, détermine les effets indésirables, les modalités d’ajustement posologique, les effets indésirables de la période de transition et l’efficacité des associations thérapeutiques. Lors du passage d’un antipsychotique à un autre, on doit se préoccuper tout particulièrement des différences d’affinité envers les récepteurs D2, alpha-adrénergiques (α1), muscariniques (M1) et histaminiques (H1). Ainsi, le passage d’un agent à forte affinité à un agent à faible affinité peut provoquer des effets indésirables susceptibles de nuire à l’observance du traitement8,57,58. Le passage à un antagoniste D2 doté d’une affinité plus grande envers les récepteurs dopaminergiques que l’antagoniste D2 précédent (p. ex., de l’olanzapine à la rispéridone) peut donner lieu à des dyskinésies liées au blocage de ces récepteurs. Le patient pourra alors être en Bien que l’emploi hors indications – à savoir l’utilisation d’un médicament suivant une posologie non conforme aux recommandations de la monographie ou dans une indication non homologuée – soit monnaie courante en psychiatrie, on doit discuter des risques et des avantages avec les patients, et consigner la démarche dans leur dossier. proie à des dyskinésies, à du parkinsonisme, à de l’acathisie ou à une dystonie aiguë. L’apparition des symptômes est fonction de la rapidité de la transition et des différences d’affinité entre les deux agents. Parfois, les symptômes dyskinétiques se manifestent dans les jours qui suivent le début de la transition. En pareil cas, on peut devoir : 1) diminuer la dose de l’agent à affinité plus forte, 2) ralentir la progression posologique de l’agent à affinité plus forte, 3) ralentir le passage d’un agent à l’autre (diminuer plus lentement la dose de l’agent à affinité moindre) ou 4) s’il y a acathisie, ajouter un bêtabloquant (10-40 mg 3 fois/jour) ou une benzodiazépine (p. ex., lorazépam à 1,5-3 mg/jour en fractionnant la dose) pendant la transition62,63. Si, en revanche, on passe d’un antagoniste D2 à forte affinité à un antagoniste D2 à affinité moindre, des 20 le clinicien avril 2011 dyskinésies, de l’acathisie ou une dystonie de rebond ou de sevrage peuvent apparaître. Les symptômes classiques de l’acathisie sont parfois en tous points identiques à ceux de l’agitation ou de l’anxiété et se manifestent dans les jours qui suivent le début de la transition. L’acathisie se distingue de l’agitation par un besoin intense de bouger, surtout les jambes, et l’intensification des symptômes à mesure que la dose augmente. L’agitation a, au contraire, tendance à s’atténuer à mesure que la dose de l’antipsychotique augmente. Un traitement d’appoint par un bêtabloquant ou une benzodiazépine peut calmer les symptômes évoquant une acathisie. Le passage d’un antagoniste D2 à forte affinité à un antagoniste D2 à affinité moindre peut également réveiller les symptômes psychotiques. Comme nous l’avons souligné précédemment, on peut se heurter à une hypersensibilité des récepteurs D2 lorsqu’on remplace un antagoniste D2 à forte affinité par de l’aripiprazole, agoniste partiel des récepteurs D2. En pareilles circonstances, des mouvements choréoathétosiques transitoires ou une dyskinésie de sevrage, manifestations impossibles à distinguer des dyskinésies tardives, peuvent apparaître en quelques jours64-66. Lorsqu’on substitue de l’aripiprazole à un antipsychotique très puissant (p. ex., halopéridol ou rispéridone), des dyskinésies de sevrage peuvent s’installer rapidement. Malheureusement, bon nombre de cliniciens concluent, à tort, à l’apparition de dyskinésies tardives. On ne comprend pas à fond le mécanisme à l’origine de cet effet indésirable, mais voici une explication jugée plausible : 1) lorsqu’on met fin à un traitement par un antipsychotique puissant ou qu’on en réduit la dose, des récepteurs D2 en état d’hypersensibilité sont exposés à la dopamine endogène, et l’effet agoniste peut entraîner des dyskinésies de sevrage, que le patient prenne ou non de l’aripiprazole67,68; 2) en sa qualité d’agoniste partiel des récepteurs D2 doté d’une activité intrinsèque d’environ 30 %, l’aripiprazole exercera un effet agoniste sur certains de ces récepteurs D2 hypersensibles, ce qui augmentera le risque d’apparition de dyskinésies de sevrage; et 3) par son effet antagoniste sur les récepteurs 5HT2A, l’aripiprazole augmente, indirectement, la libération de dopamine dans le striatum et favorise du coup les interactions entre cette substance et les récepteurs D2 hypersensibles, d’où un risque plus grand de dyskinésies de sevrage. Ce sont tous là des mécanismes pharmacologiques qui, peu importe comment il s’associent les uns aux autres, peuvent expliquer l’apparition rapide de dyskinésies de sevrage lors du passage à l’aripiprazole69,70. Lorsqu’un changement d’antipsychotique s’impose, la meilleure façon de faire varie selon le patient. Toutefois, Pharmacologie antipsychotique la substitution en plateaux croisés est souvent une bonne solution. Le patient commence à prendre le nouvel agent tout en poursuivant son traitement en cours, sans modifier la dose. Une fois la dose du nouvel agent parvenue à un niveau jugé thérapeutique, on commence à diminuer lentement la posologie de l’ancien agent. Si des symptômes apparaissent, on cesse d’abaisser la dose de l’ancien agent et on continue d’augmenter celle du nouvel agent. Lorsque les symptômes se sont de nouveau stabilisés, on peut recommencer à diminuer la dose de l’ancien agent. Les effets indésirables seront traités au fur et à mesure de leur apparition pendant ce processus de transition. À titre d’exemple, si de l’agitation ou de l’insomnie survient pendant le passage d’un antipsychotique sédatif à un antipsychotique moins sédatif, l’ajout d’une benzodiazépine pendant une courte période pourrait régler rapidement le problème et permettre la poursuite de la transition. Le seul cas où l’on pourrait envisager de réduire la dose de l’ancien agent au moment même de l’amorce du nouveau traitement serait lors du remplacement d’un agent fortement sédatif par un autre. Par exemple, lors du passage de l’olanzapine à la quétiapine, on pourrait devoir abaisser la dose d’olanzapine dès la mise en route du traitement par la quétiapine afin que la sédation soit tolérable. Le temps nécessaire au passage d’un traitement à un autre est fonction de la demi-vie des deux agents et de la tolérance du patient à l’égard des effets indésirables de sevrage. Ainsi, la transition pourra s’opérer en quelques semaines si la demi-vie des agents est relativement courte, tandis qu’il faudra 6 à 8 semaines pour passer à un agent dont la demi-vie est longue, tel que l’aripiprazole67,68,71. C Le développement de cet article a été parrainée par une subvention éducative de Bristol-Myers Squibb Canada Co. Les auteurs avaient une indépendance éditoriale complète dans le développement du présent article et sont responsables de son exactitude. Le commanditaire n'a exercé aucune influence sur le choix du contenu ou du matériel publié. Références 1. Kapur S, Seeman P. Does fast dissociation from the dopamine d(2) receptor explain the action of atypical antipsychotics?: A new hypothesis. Am J Psychiatry. 2001;158(3):360-369. 2. Mailman RB, Murthy V. Third generation antipsychotic drugs: partial agonism or receptor functional selectivity? Curr Pharm Des. 2010;16(5):488501. 3. Grunder G, Carlsson A, Wong DF. 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