
L’histoire
Personnage : Le p’tit, dit Maria, 36 ans
5 mai 1987. La veille, à 17 heures, le corps d’une célèbre chanteuse, Dalida, a été découvert
par sa dame de compagnie. Dans la solitude, elle s’est suicidée avec discrétion. Dans l’ombre,
quelqu’un a assisté à cette mort, sans pouvoir rien faire : c’est le P’tit.
Ce soir-là, le p’tit, trouve la force, de s’adresser à celle dont il a observé quotidiennement les
faits et gestes. Enfin seul, il laisse entendre son récit halluciné, entre fiction et réalité :
Venu de nulle part, une bourgade de la province, le P’tit est arrivé dans la capitale avec pour
tout bagage l’espoir infini que la vie, sa vie, commencerait ici. Il a dix-huit ans, n’attend rien,
ni du monde, ni des autres. Il marche, erre sans but, jusqu’à s’arrêter au pied du Sacré-Cœur.
Saisi par la vision qui s’offre à lui, il y demande l’asile pour la nuit. On le lui refuse. Il erre
encore et se retrouve Rue d’Orchampt, devant une belle maison bourgeoise.
Par un coup du sort comme il n’en arrive qu’une fois, son regard s’arrête sur la silhouette
d’une femme aux longs cheveux blonds. On décharge sa voiture. Elle revient de voyage. Il ne
sait qui elle est. Elle ne lui adressera pas la parole. Ebloui et sonné par cette rencontre
inattendue dont il ne mesure pas encore l’impact, le P’tit s’assoit sur un banc.
Là, un homme l’aborde. C’est Pepe, l’argentin. Il lui apprend qui est l’inconnue qui l’a tant
bouleversé : une vedette de la chanson, la célèbre Dalida. Troublé par cet homme qui
d’emblée exerce sur lui une fascination mêlée de peur, le P’tit le suit jusque chez lui. Il habite
l’immeuble attenant à la propriété de la diva. L’une de ses fenêtres donne sur son jardin. Sans
bien mesurer ce qui l’attend, le p’tit s’abandonne aux caresses de Pepe.
Puis, au petit jour, le rêve se dilue : les coups succèdent aux baisers ; si le P’tit veut rester chez
lui, il va devoir travailler et vendre son corps. Et désormais, il s’appellera Maria. Le P’tit n’a
pas d’endroit où aller, pas de destin en perspective, il accepte. Commence alors une longue
descente aux enfers dont on saura peu de chose sinon qu’elle ancrera dans le cœur du P’tit
devenu Maria la certitude amère que pour certains la vie est plus juste que pour d’autres.
Heureusement, dans sa vie, il y a la chanteuse ; pendant dix-huit années, Maria, travesti,
s’abîme dans cette image qu’il entr’aperçoit de sa fenêtre, mais surtout, qu’il dévore à la
télévision, dans les journaux... Pendant dix-huit années, Maria joue et se joue la comédie
devant sa glace en rêvant à une autre vie, celle de la femme d’en face.
En attendant, il danse ses nuits d’abandon sous le corps des hommes.