Chapitre 15 RECOMMANDATIONS Service de Psychologie de la Santé Unité de Psychologie clinique du Vieillissement UNIVERSITE DE LIEGE Academisch Centrum Voor Huisartsgeneeskunde KATHOLIEKE UNIVERSITEIT LEUVEN 15 - 2 Conformément au contrat intitulé « Studie Dementie UB/1240/Étude Démence UB/1240 », l’équipe de recherche Qualidem propose des recommandations. Celles-ci sont adressées « aux autorités » et en premier lieu, au commanditaire financier, l’INAMI. Compte tenu de la complexité de l’État belge, il est évident que d’autres autorités à différents niveaux sont également concernées par à ces recommandations. Les recommandations sont basées sur les données développées dans le Rapport final Qualidem 1999-2002/version 1.1 et le Rapport final Qualidem 2002-2005 ainsi que dans les rapports intermédiaires, les sous-rapports sur les instruments, le Rapport international, le glossaire et les rapports de consensus portant sur l’approche clinique des patients déments. Pour chaque recommandation, on indique la source où les données peuvent être retrouvées. La référence « QI/n° de chapitre » renvoie aux données du premier Rapport final et au numéro du chapitre, la référence « QII/n° chapitre », aux données du deuxième Rapport final et au numéro du chapitre, « Q/Fiche », « Q/Internationnal », aux données émanant des sous- rapports tandis que « Consensus » renvoie aux parties exposant ces consensus. 1. Épidémiologie Compte tenu de la prévalence croissante de la démence au sein de la société, les autorités doivent suivre étroitement son évolution afin de pouvoir prévoir et organiser une offre optimale de soins. Dans cette perspective, il faut prendre en compte plusieurs facteurs, dont la portée est difficilement évaluable actuellement: a) l’évolution sociologique (vieillissement de la population, nouvelles formes d’habitat et de relations sociales) ; b) les effets des progrès médicaux et des mesures sanitaires (prévention cardio-vasculaire, co-morbidité, médicaments préventifs, diagnostic précoce, évolution des causes de décès) ainsi que le développement des traitements curatifs (soutiens psychosociaux, interventions pour améliorer le fonctionnement cognitif, nouveaux médicaments (QI/3 ; QII/4). 15 - 3 Si les motifs et les critères justifiant l’orientation dans une institution résidentielle demeuraient inchangés dans le futur, le nombre de personnes âgées institutionnalisées doublerait entre 2000 et 2030 et quintuplerait entre 2000 et 2050. Cette évolution sera différente selon les régions: la Flandre connaîtra l’augmentation la plus forte. L’accroissement attendu du nombre de personnes très âgées aura surtout des incidences sur la planification et la construction de nouveaux équipements intramuraux pour les seniors. Pour des raisons budgétaires, mais aussi pour répondre au souhait du citoyen de demeurer le plus longtemps possible chez lui, les autorités pourraient choisir de mieux développer les soins à domicile pour les personnes âgées nécessitant des soins, d’encourager et de soutenir des formes d’habitat spécifique (résidencesservices et appartements protégés, etc. …). Un aspect souvent négligé est celui de l’aide aux déments d’origine étrangère (allochtones) de la première et de la deuxième génération. Il faudra se préparer à l’éventualité d’un accroissement rapide de leur nombre (QI/3). L’évolution des personnes au seuil de la démence (Mild Cognitive Impairment) mérite une attention particulière (QII/4). 2. Diagnostic Sur la base des résultats obtenus, l’équipe de recherche Qualidem recommande pour le diagnostic (QI/4; QII/4;QII/9; QII/10): o l’encouragement de la procédure du « case-finding » plutôt que des campagnes de dépistage, o une procédure reposant sur l’utilisation conjointe de différentes épreuves diagnostiques ; o l’utilisation des tests de dépistage cliniquement pertinents et faisables dans la pratique quotidienne : le test de l’Horloge, l’échelle FRAIL, le test Mini Mental State Examination-MMSE et les sous-échelles du MDS/RAI (l’échelle hiérarchique AVQ, l’échelle CPS), 15 - 4 o en cas d’un dépistage positif, une confirmation à l’aide d’un outil diagnostique plus spécifique tel que le CAMDEX-R s’impose. - la mise au point d’une recommandation pour le dépistage et le diagnostic de la démence sur une base multidisciplinaire comportant trois phases : o une phase d’inclusion, y compris l’observation des patients MCI (Mild Cognitive Impairment), o o une phase axée sur la maladie, avec une attention spéciale pour le diagnostic différentiel, la communication du diagnostic une phase axée sur les soins : une planification multidisciplinaire des soins, appuyée par une évaluation de l’importance des soins nécessaires, basée sur l’instrument MDS/RAI, une évaluation permanente et individuelle de l’importance des soins nécessaires et un soutien aux aidants familiaux qui ont un rôle central. - une rémunération par l’Assurance maladie de l’utilisation du Camdex-R et du MDS/RAI. 3. Les aidants familiaux Par aidants familiaux, on entend toutes les personnes qui décident, parce que cela est indispensable, de prendre en charge régulièrement une personne de leur entourage direct nécessitant des soins. Ce prestataire de soins n’est donc pas un professionnel. Les aidants peuvent avoir un lien de parenté direct avec la personne malade mais ils peuvent aussi avoir des liens indirect ou de voisinage (voisin, ami, famille) (Schoenmakers et al. , Huisarts Nu, 2002 ; QI/9). 15 - 5 Les résultats de l’étude longitudinale montrent qu’il est plus efficient de soutenir de manière adéquate l’aidant principal et de lui prêter suffisamment d’attention que de confier les soins ou la coordination de ceux-ci à différents prestataires professionnels. (QII/9). 4. Problèmes psychologiques et comportementaux Les troubles psychologiques et comportementaux liés à la démence sont fréquents au cours de l’évolution de la maladie et nécessitent des soins. L’approche des symptômes et des plaintes doit être systématique et comporter un certain nombre d’étapes (QI/6 ; Consensus) : 1. diagnostic et évaluation correctes des troubles, 2. interventions psychosociales, qui exigent une formation adéquate des intervenants des différentes disciplines, 3. interventions pharmacologiques. 5. Soins requis La notion de « soins requis » peut être définie comme étant le besoin d’une aide formelle et/ou informelle pour résoudre un problème objectif résultant d’un trouble de la santé au sens large. La dépendance est un concept plurifactoriel et multidimensionnel : elle ne peut être définie par rapport aux cadres de référence biomédicaux. L’environnement physique et social dans lequel une personne vit, joue également un rôle important(QI/7). Les trois échelles brèves utilisées pour définir les activités de la vie quotidienne (AVQ) permettent chacune une première évaluation grossière des soins requis. Le MDS-RAI est l’instrument le plus indiqué, et le seul apportant une plus-value pour l’élaboration et l’organisation d’un plan de soins individualisé lorsqu’une collecte d’informations détaillées est nécessaire. Cet instrument exige une participation multidisciplinaire mors de la collecte progressive des données s’étalant sur six semaines. Une 15 - 6 nouvelle évaluation est indiquée après une période de 6 mois à un 1 an ou lors d’un changement important de l’état su sujet évalué. Cette seconde évaluation est importante. Elle permet de détecter et de traiter les nouveaux risques de problèmes au niveau des soins ainsi que les aspects négligés. Elle s’inscrit dans le cadre du modèle de compétence. Les résultats de l’évaluation doivent suivre le patient lorsque celui-ci est transféré ou adressé à un autre établissement. Lors de la définition des indications motivant une institutionnalisation définitive en MR/MRS, il important de consacrer suffisamment de temps et d’énergie à un inventaire précis des déficits, des besoins et des moyens éventuels à mettre en œuvre pour y remédier (QII/13);(QII/10). En règle générale, un transfert non prévu vers une MR/MRS au terme d’un séjour hospitalier n’est pas indiqué. Il y a bien sûr des exceptions, par exemple, en cas de changement radical de l’état clinique consécutif à un accident vasculaire cérébral (AVC). L’implantation/la mise en œuvre adéquate de cet instrument nécessite : • un plan d’implantation et d’utilisation clair et mûrement réfléchi, • une formation adéquate à l’utilisation du nouvel instrument. En outre, il serait indiqué qu’au sein des unités ou des départements, un ou plusieurs prestataires de soins se spécialisent dans l’encodage et l’interprétation des instruments ; • la création d’un centre d’expertise et d’analyse des données collectées, de traitement, de formation et de développement etc., • la création d’un site internet permettant aux différentes disciplines de communiquer et d’utiliser les informations et d’opérer un feedback immédiat est essentiel pour la mise en pratique de ces propositions ; • la législation doit être mise en conformité. 15 - 7 6. Les chutes et comment les éviter Des interventions simples (formation, information et soutien des soignants de proximité) portant sur les chutes dans les MR/MR ont des effets importants. Elles doivent être généralisées et répétées à des intervalles réguliers (QII/11). Les autorités doivent définir des normes pour l’intensité de la luminosité requise dans les établissements résidentiels (QII/11). 7. Amélioration permanente de la qualité Nous préconisons l’utilisation des critères du MDS-RAI pour évaluer la qualité des soins au domicile, dans les MR/MRS et dans les centres d’accueil de jour (QII/7). L’instrument AGGIR/PATHOS convient pour relever régulièrement (l’évolution du) le nombre de cas et les profils thérapeutiques dans les services aigus de gériatrie (audit interne). Suite aux besoins thérapeutiques, aux signaux d’alarme et aux domaines à surveiller (sous forme de CAP, de RAP et d’échelles) dégager au travers des évaluations MDS-RAI, il conviendra dans le futur de formuler des directives multidisciplinaires et/ou des balises thérapeutiques pour y répondre. Idéalement, on y associera des indicateurs plus détaillés pour leur suivi. 8. Organisation des soins En Belgique, l’organisation des soins est particulièrement compliquée en raison de la complexité des structures étatiques. Il est recommandé de rendre cette organisation plus transparente et plus cohérente. Tant que cela ne sera pas possible, une concertation intense entre tous les acteurs s’avère essentielle (QI/10 ;QII/13). Les soins à domicile nécessitent une meilleure coordination de la prise en charge des déficits et des besoins du patient lui-même, mais aussi de ses aidants familiaux et de son entourage (QI/10 ;QII/9 ;QII/13).