Item n 114 : Allergies cutanéo-muqueuses chez l`enfant et l`adulte

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I. Modules transdisciplinaires
Ann Dermatol Venereol
2005;132:7S71-7S78
Module 8 : Immunopathologie, réaction inflammatoire
Item no 114 : Allergies cutanéo-muqueuses
chez l’enfant et l’adulte :
urticaire et œdème de Quincke
Objectifs pédagogiques
– Diagnostiquer une urticaire et un œdème de Quincke chez l’enfant et chez l’adulte.
– Argumenter l’attitude thérapeutique et planifier le suivi du patient.
L’
urticaire, terme féminin venant du mot latin urtica
signifiant « ortie », est une dermatose inflammatoire fréquente. Son diagnostic est en général facile : il
repose sur l’interrogatoire et l’examen clinique.
Elle peut être aiguë, chronique ou récidivante. Il s’agit d’un
syndrome dont les causes sont multiples, parfois intriquées
dans les formes chroniques, ce qui rend la démarche étiologique difficile et souvent décevante.
PHYSIOPATHOLOGIE
La lésion d’urticaire correspond à un œdème dermique (urticaire superficielle) ou dermo-hypodermique (urticaire profonde) dû à une vasodilatation avec augmentation de la
perméabilité capillaire consécutive à un afflux de médiateurs
inflammatoires. L’histamine est le principal médiateur, mais
de nombreux autres sont également impliqués : complément,
prostaglandines, leucotriènes, cytokines, sérotonine, tyramine, kinines, substance P…
Leurs sources sont multiples : cellulaire (mastocytes, basophiles, éosinophiles, cellules endothéliales…), plasmatique et
nerveuse. L’histamine et la tyramine peuvent également être
apportées par certains aliments.
On distingue deux types de mécanisme : immunologique,
faisant intervenir une sensibilisation préalable, et non immunologique. Dans ce dernier cas, le déclenchement d’une
urticaire dépend de la susceptibilité individuelle (notion de
seuil de dégranulation des mastocytes).
Les mécanismes immunologiques sont :
– hypersensibilité immédiate de type anaphylactique médiée par les IgE ou les IgG4 (type I) ;
– hypersensibilité par activation du complément avec ou
sans formation de complexes immuns circulants.
Mécanismes non immunologiques ou pharmaco-dynamiques :
– apport ou libération d’histamine ;
– défaut d’inhibition de médiateur (D-1-antitrypsine,
C1 estérase…) ;
– cholinergique.
DIAGNOSTIC
Urticaire superficielle
Il s’agit de la forme commune dans laquelle l’œdème est dermique. Le diagnostic clinique est en général facile.
Les lésions sont des papules ou des plaques érythémateuses ou rosées, œdémateuses à bords nets. Elles sont fugaces
(chaque lésion élémentaire disparaissant en moins de 24 h),
migratrices et prurigineuses. Les lésions de grattage sont cependant rares. Le nombre, la taille et la forme des éléments
sont extrêmement variables (fig. 1, 2).
Les lésions sont parfois absentes au moment de la consultation, mais l’interrogatoire retrouve leurs caractéristiques
cliniques. La biopsie cutanée n’est jamais nécessaire au diagnostic. Elle n’est justifiée qu’en cas de suspicion de vasculite urticarienne.
Urticaire profonde
Il s’agit de l’œdème de Quincke ou angio-œdème dans lequel
l’œdème est hypodermique. Il peut toucher la peau ou les
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muqueuses et peut être isolé ou associé à une urticaire superficielle, aiguë ou chronique. La lésion est une tuméfaction ferme, mal limitée, ni érythémateuse ni prurigineuse, qui
provoque une sensation de tension douloureuse.
Elle peut être généralisée, mais au visage, elle touche préférentiellement les paupières et les lèvres (fig. 3). La localisation aux muqueuses de la sphère orolaryngée conditionne le
pronostic. L’apparition d’une dysphonie et d’une hypersalivation par troubles de la déglutition est un signe d’alarme qui
peut précéder l’asphyxie si l’œdème siège sur la glotte.
L’œdème de Quincke peut être le signe inaugural d’un choc
anaphylactique.
Formes cliniques
MANIFESTATIONS ASSOCIÉES
Une hyperthermie modérée, des douleurs abdominales ou
des arthralgies peuvent être associées tant dans l’urticaire superficielle que profonde, surtout dans les formes profuses
(fig. 4).
VARIANTES MORPHOLOGIQUES
Les formes figurées sont secondaires à la guérison centrale et
à l’extension centrifuge des plaques. La taille des anneaux ou
des arcs de cercle ainsi formés peut être très variable.
Les formes vésiculo-bulleuses sont rares mais possibles
quand l’œdème est très important.
Les formes micropapuleuses sont évocatrices de l’urticaire
cholinergique.
FORMES ÉVOLUTIVES
Urticaire aiguë
Il s’agit le plus souvent d’un épisode unique et rapidement résolutif. Aucun examen complémentaire n’est nécessaire. Il
faut chercher, par un interrogatoire patient, un élément déclenchant dans les heures ayant précédé l’éruption. Les médicaments (tableau I) et certains aliments (tableau II) sont les
principales causes d’urticaire aiguë.
Urticaire chronique
L’urticaire est dite chronique si les poussées, le plus souvent
quotidiennes, évoluent depuis plus de 6 semaines. Les urticaires récidivantes sont définies par un intervalle libre plus ou
moins long entre chaque poussée. L’interrogatoire et l’examen
clinique restent les éléments essentiels de la démarche étioloTableau I. – Principaux médicaments responsables d’urticaire.
E-lactamines
Anesthésiques généraux (curares)
AINS, acide acétylsalicylique
IEC (inhibiteurs de l’enzyme de conversion)
Produits de contraste iodés
Sérums et vaccins
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Tableau II. – Principaux aliments responsables d’urticaire.
Poisson
Porc
Œufs
Crustacés
Lait
Tomate
Fraise
Chocolat
Arachide
Noisette
Alcool
Fruits exotiques
Colorants, antioxydants (sulfites)
gique. Les bilans exhaustifs et systématiques sont coûteux et
inutiles, la majorité des urticaires chroniques étant idiopathiques, c’est-à-dire sans pathologie sous-jacente retrouvée.
Après échec d’un traitement antihistaminique bien conduit (posologie et durée suffisantes), un bilan minimum
comprenant NFS et vitesse de sédimentation (VS) peut être
demandé, l’urticaire chronique étant exceptionnellement révélatrice d’une maladie sous-jacente ou d’une allergie. Ce bilan complémentaire est justifié dans les situations suivantes :
– arguments sur l’interrogatoire et l’examen clinique : pour
une urticaire de contact (tests allergologiques cutanés), une
urticaire physique (tests cutanés physiques adaptés aux manifestations rapportées par le patient) ou une urticaire d’environnement (piqûres de guêpe ou d’abeille) ;
– arguments sur l’interrogatoire, l’examen clinique, la NFS
et la VS pour l’existence d’une cause sous-jacente :
– infectieuse (foyer infectieux bactérien chronique, cause
virale, parasitaire) ;
– dysthyroïdie ;
– maladie auto-immune ;
– allergie alimentaire (enquête alimentaire et, si besoin,
tests allergologiques in vivo ou in vitro) ;
– allergie médicamenteuse (bien étudier la chronologie des
poussées urticariennes par rapport aux prises médicamenteuses et, si besoin, compléter par des tests cutanés allergologiques sous surveillance hospitalière) ;
– urticaire commune associée à un syndrome inflammatoire persistant ;
– syndrome de vasculite urticarienne.
Le bilan complémentaire est orienté par les éléments d’interrogatoire, d’examen clinique. Il peut, par exemple, comporter :
– protéinurie, hématurie ;
– thyroid stimulating hormone (TSH), anticorps antithyroïdiens ;
– électrophorèse des protéines sanguines ;
– dosage du complément ;
– anticorps antinucléaires ;
– sérologie des hépatites ;
– biopsie cutanée avec examen histologique et en immunofluorescence directe (IFD).
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Urticaire et œdème de Quincke
Ce bilan est le plus souvent négatif. Il faut en donner et en
expliquer les résultats au patient et savoir ne pas le répéter.
Syndrome de vasculite urticarienne
Il s’agit d’un syndrome anatomoclinique, qui ne peut donc
être retenu qu’en présence d’une urticaire chronique et d’une
image histologique de vasculite.
• Signes cutanés
Ils sont évocateurs, mais inconstants. Ils doivent faire réaliser
une biopsie avec IFD. Les éléments urticariens sont de petite
taille, peu ou pas prurigineux, volontiers entourés d’un halo
de vasoconstriction (fig. 5) et sont fixes, restant à la même place durant plus de 24 h. Un purpura peut être associé, laissant
une pigmentation postlésionnelle transitoire.
• Signes histologiques
Il existe une vasculite avec nécrose fibrinoïde des petits vaisseaux dermiques (et non une simple turgescence des cellules
endothéliales). Par ailleurs, l’IFD, négative dans l’urticaire
commune, est ici souvent positive avec dépôts d’IgG, IgM et
C3 dans la paroi des vaisseaux.
• Signes associés
Hyperthermie, arthralgies et troubles digestifs sont fréquents.
Des manifestations pulmonaires, rénales, oculaires…,
peuvent également s’observer et conditionnent le pronostic.
• Signes biologiques
L’élévation de la VS est fréquente.
L’hypocomplémentémie (CH50, C1q, C4, C2), qui a servi à
définir le syndrome de Mac Duffie, n’est trouvée que dans la
moitié des cas.
La découverte d’autres anomalies, notamment immunologiques, doit faire chercher une affection systémique qui peut
apparaître secondairement, particulièrement un lupus érythémateux.
DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL
La question se pose rarement car le diagnostic est en général
évident. On peut parfois discuter :
– un eczéma aigu du visage qui se distingue par l’absence
de lésion muqueuse et surtout par la fixité des lésions
et leur suintement qui ne s’observe jamais dans l’urticaire
(fig. 6) ;
– une pemphigoïde au stade des placards urticariens
prébulleux ;
– un érythème polymorphe ;
– une maladie de Still qui se caractérise classiquement par
une éruption fébrile à tendance vespérale, maculeuse ou parfois pseudo-urticarienne.
DIAGNOSTIC ÉTIOLOGIQUE
Données générales sur les explorations
allergologiques « spécifiques »
Un très petit nombre d’urticaires ont une origine allergique.
Pour certaines causes allergiques d’urticaire, on peut s’aider de
tests in vitro (dosage d’IgE spécifiques par radioallergosorbent
test [RAST]), ou in vivo : tests ouverts, prick-tests, parfois tests intradermiques (IDR), voire tests de réintroduction en milieu
hospitalier. Les tests in vivo comportent un risque de choc anaphylactique. Ils ne doivent donc être réalisés que sous surveillance prolongée et par des spécialistes disposant de moyens
pour faire face à une telle réaction. Ces tests ne doivent pas être
pratiqués chez des patients traités par E-bloqueurs (qui rendraient difficile ou inefficace le traitement du choc).
Principales causes d’urticaire
Certaines causes sont évoquées dès l’interrogatoire : urticaires
physiques, urticaires de contact et œdème angio-neurotique.
Elles nécessitent un bilan et une prise en charge spécifique.
URTICAIRES PHYSIQUES
Certaines urticaires sont déclenchées par des stimuli physiques de la peau. Elles doivent être cherchées systématiquement à l’interrogatoire (facteurs déclenchants, topographie
des lésions), et confirmées par les tests physiques réalisés
après arrêt de tout traitement antihistaminique (au moins
4 jours auparavant).
Dermographisme
Le dermographisme peut être isolé ou associé à une urticaire.
Il est de cause inconnue et son évolution peut être très prolongée. Appelé encore urticaire factice, il est déclenché par la friction cutanée. Il se traduit par des stries urticariennes
œdémateuses, blanches en regard des lésions de grattage et
peut être reproduit par le frottement à l’aide d’une pointe
mousse (fig. 7).
Urticaire retardée à la pression
L’urticaire retardée à la pression se traduit par un œdème dermique et sou-scutané douloureux survenant le plus souvent
3 à 12 h après soumission de la peau à une forte pression
(plante des pieds après une longue marche, fesses après une
station assise prolongée, paume après le port d’un sac…). La
durée d’évolution est très variable, allant de quelques semaines à plusieurs années. Le diagnostic est confirmé par la reproduction de la lésion après le port, durant 20 min, de poids
d’au moins 6 kg sur l’épaule, le bras et/ou la cuisse. La lecture
du test au poids doit être tardive.
Urticaire cholinergique
Les lésions sont évocatrices car il s’agit de petites papules urticariennes de 1 à 5 mm de diamètre, souvent entourées d’un
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halo de vasoconstriction siégeant principalement sur le tronc.
Déclenchées par la chaleur, la sudation, les émotions ou les
efforts, leur durée excède rarement 30 min.
Urticaire au froid
Elle touche typiquement les mains et le visage. Les circonstances déclenchantes sont variées : eau ou air froids, pluie,
neige, baignade.
Le diagnostic repose sur la reproduction des lésions par le
test au glaçon ou, sous surveillance hospitalière, par l’immersion du bras dans l’eau glacée (fig. 8). Cette urticaire est le
plus souvent idiopathique, ou parfois liée à une virose, mais
doit faire rechercher une dysglobulinémie, une cryoglobulinémie, une cryofibrinogénémie ou des agglutinines froides.
Cette urticaire impose de se protéger du froid, d’éviter les aliments glacés et de prendre beaucoup de précautions lors des
baignades (risque de malaise).
Urticaire aquagénique
Elle est rare, se déclenche lors du contact avec l’eau. Les lésions élémentaires ressemblent à celles de l’urticaire cholinergique. Elle est reproduite par l’application sur la peau
d’une compresse mouillée à 37qC pendant 30 min.
Urticaire solaire
Exceptionnelle, elle survient dans les premières minutes
d’une exposition à la lumière visible et/ou aux ultraviolets
(UV) des zones habituellement couvertes et disparaît en
moins de 1 h après mise à l’ombre. Elle peut être très invalidante lorsque le seuil de déclenchement est bas et nécessite
une prise en charge en milieu spécialisé.
D’exceptionnelles urticaires au chaud ou vibratoire ont
également été décrites.
URTICAIRES DE CONTACT
Elles peuvent être de mécanisme immunologique IgE-dépendant (latex, aliments, médicaments…) ou non immunologique (orties, méduses, chenilles processionnaires…). Les
lésions apparaissent rapidement (moins de 30 min) au point
de contact avec les protéines allergisantes mais peuvent se généraliser secondairement avec risque de choc anaphylactique.
Le diagnostic est confirmé par tests ouverts et/ou prick-tests,
faits sous grande surveillance.
L’allergie au latex est de plus en plus fréquente, en particulier chez les personnels de santé, les sujets atopiques et les
malades multiopérés. Cette sensibilisation est à l’origine
d’accidents peropératoires liés au contact avec les gants de
caoutchouc du chirurgien. La recherche d’IgE spécifiques
(RAST) et surtout les prick-tests et confirment le diagnostic.
URTICAIRES D’ENVIRONNEMENT
Les piqûres d’hyménoptères (abeilles, guêpes) sont des causes fréquentes d’urticaires aiguës à répétition. Leur répétition
expose au risque de choc anaphylactique (apiculteurs, maraîchers). Des prick-tests et surtout des tests intradermiques avec
des extraits standardisés de venin permettent de confirmer le
diagnostic.
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URTICAIRES ALIMENTAIRES
De très nombreux aliments, mais également des additifs et
des conservateurs peuvent être impliqués (tableau II) dans
l’urticaire aiguë et plus rarement chronique le plus souvent
par un mécanisme non immunologique : aliments histaminolibérateurs, riches en histamine ou en tyramine, consommés en grande quantité (fausses allergies alimentaires).
Parfois, il s’agit d’une allergie vraie, IgE-dépendante.
L’urticaire survient rapidement après l’ingestion et la responsabilité de l’aliment doit être mise en doute au-delà d’un
délai de 3 h.
L’interrogatoire, l’analyse du cahier alimentaire, le dosage
des IgE spécifiques d’un aliment (RAST), les prick-tests, voire
le test de réintroduction en milieu hospitalier doivent permettre de cibler le ou les aliments responsables et débouchent sur l’éviction de l’aliment avec contrôle de l’équilibre
alimentaire suivi par une diététicienne en cas d’allergie ou
sur les corrections des déséquilibres alimentaires (fausses allergies alimentaires).
URTICAIRES MÉDICAMENTEUSES
Il s’agit d’une cause assez fréquente d’urticaire aiguë et plus
rarement d’urticaire chronique (avec les AINS, les IEC, etc.).
Les lésions apparaissent dans les minutes ou les heures qui
suivent la prise du médicament et peuvent s’accompagner de
signes systémiques. Le tableau I liste les médicaments souvent rapportés comme inducteurs d’urticaire mais tous les
médicaments peuvent être en cause, quelle que soit leur voie
d’administration.
Les urticaires médicamenteuses sont peu sensibles aux
traitements antiallergiques et sont de résolution plus longue
que dans d’autres urticaires allergiques ; de nouvelles lésions
pouvant ainsi apparaître pendant plusieurs jours malgré l’arrêt du médicament responsable.
Les urticaires médicamenteuses peuvent relever de différents mécanismes :
– allergique nécessitant donc une sensibilisation préalable.
Des explorations peuvent être réalisées in vivo (prick-tests,
IDR), par des équipes spécialisées et ce, en milieu hospitalier.
Aucun test in vitro n’est validé pour explorer une urticaire
médicamenteuse ;
– par histaminolibération non spécifique : codéine par
exemple ;
– par mécanisme pharmacologique ou par accumulation
de métabolites pro-inflammatoires : intolérance à l’aspirine et
aux AINS par exemple. Il faut aussi signaler la survenue
d’œdème de Quincke chez 1 à 5 p. 100 des patients prenant
des IEC, le plus souvent quelques jours après le début du traitement et contre-indiquant définitivement toutes les molécules de cette classe thérapeutique, mais aussi les inhibiteurs du
récepteur de l’angiotensine II.
URTICAIRES DE CAUSE INFECTIEUSE
La plupart des viroses (hépatite B, mononucléose infectieuse [MNI], CMV…) sont des causes classiques, mais exceptionnelles d’urticaire le plus souvent aiguë. Les parasitoses
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Urticaire et œdème de Quincke
(giardiase, ascaridiase, toxocarose…) sont plutôt responsables
d’urticaire chronique.
La responsabilité d’un foyer infectieux (granulome apical,
sinusite chronique, candidose vaginale…) dans les urticaires
chroniques « idiopathiques » est une notion ancienne qui ne
repose que sur quelques observations isolées témoignant
d’associations probablement fortuites.
AUTRES CAUSES
Certaines urticaires pourraient être expliquées par la présence d’autoanticorps IgG dirigés contre les IgE ou leurs récepteurs de forte affinité, responsables de la dégranulation des
mastocytes et des basophiles. L’origine auto-immune de l’urticaire est très controversée.
Urticaires idiopathiques
Les urticaires idiopathiques regroupent la plupart des urticaires chroniques, puisque plus de 50 à 80 p. 100 d’entre elles
ne sont associées à aucune pathologie sous-jacente. Dans ce
contexte, il faut garder présent à l’esprit que les causes d’urticaire peuvent être intriquées (urticaires multifactorielles),
que les urticaires alimentaires sont peut-être sous-estimées
car difficiles à prouver et que le facteur psychogène représente un élément favorisant qu’il faut chercher et prendre en considération.
Œdème angio-neurotique
Il est lié à un déficit quantitatif ou plus rarement qualitatif en
inhibiteur de la C1 estérase. Il se traduit par des épisodes récidivants d’angio-œdème sans urticaire superficielle. Ces épisodes sont évocateurs lorsqu’ils respectent les paupières et
prédominent aux extrémités ainsi qu’aux organes génitaux
externes. Le pronostic est conditionné par l’atteinte laryngée.
L’atteinte digestive, fréquente et trompeuse, à type de douleurs abdominales ou de syndrome pseudo-occlusif est souvent révélatrice. La notion de facteurs déclenchants est très
évocatrice, en particulier les traumatismes (chirurgie, endoscopie) et certains médicaments dont les œstrogènes.
La plupart des cas sont héréditaires avec une transmission
autosomique dominante, mais il existe de rares formes acquises (néoplasies, infections).
Le diagnostic repose sur le dosage du C1 inhibiteur et des
fractions C2 et C4 du complément, qui sont abaissés, alors
que le C3 est normal.
Le traitement prophylactique (s’il y a plus d’une crise par
mois) est le suivant :
– androgènes : danazol (Danatrol). Ils augmentent la synthèse hépatique de l’inhibiteur de la C1 estérase ;
– acide tranexamique (Exacyl) en cas de contre-indication.
C’est un antifibrinolytique qui inhibe la consommation de la
fraction C1 du complément.
Le traitement des crises est le suivant :
– acide tranexamique en cas de crises peu importantes ;
– en cas de crise grave, l’hospitalisation est nécessaire pour
perfusion de C1 inhibiteur purifié et/ou corticothérapie à forte dose.
TRAITEMENT
Il doit évidemment être celui de la cause quand cela est
possible : éviction d’un médicament, d’un ou plusieurs aliments ou agents contacts, suppression du facteur physique
déclenchant, traitement d’une infection ou d’une maladie
systémique associée.
Traitement symptomatique
Médicaments diminuant la synthèse d’histamine ou bloquant ses effets
Antihistaminiques 1 (anti-H1)
Les molécules de première génération sont également anticholinergiques et sédatives : dexchlorphéniramine (Polaramine),
hydroxyzine (Atarax), méquitazine (Primalan). Elles sont
contre-indiquées en cas de glaucome et d’adénome prostatique. La méquitazine ne doit pas être associée aux inhibiteurs
de la monoamine oxydase (IMAO).
Les molécules de deuxième génération sont peu ou pas sédatives et généralement prescrites en première intention : cétirizine (Virlix, Zyrtec), fexofénadine (Telfast), loratadine
(Clarytine), mizolastine (Mizollen), oxatomide (Tinset), ébastine (Kestin). D’autres molécules viennent d’être récemment
commercialisées : desloratadine (Aerius), lévocétirizine (Xyzal).
Chez l’enfant de moins de 2 ans, seuls la méquitazine et
l’oxatomide peuvent être prescrits. À partir de 2 ans, la cétirizine et la loratadine peuvent aussi être administrées. Durant
la grossesse, la plupart des anti-H1 sont contre-indiqués. La
dexchlorphéniramine peut être utilisée durant les 2 premiers
trimestres de grossesse. La cétirizine peut être utilisée durant les 2 derniers trimestres de grossesse.
Les associations d’anti-H1 sont possibles, en prenant soin
d’éviter l’association de molécules pouvant agir sur la cellule
myocardique. La cétirizine et la féxofénadine n’agissent pas
sur le myocarde.
Antihistaminiques H2
Seuls, ils n’ont pas d’effet, mais ils peuvent être prescrits en
association avec les anti-H1 dans les urticaires chroniques rebelles.
MÉDICAMENTS BLOQUANT LA DÉGRANULATION DES MASTOCYTES
Le kétotifène (Zaditen) s’utilise en association aux anti-H1 et
peut être utile dans certains cas d’urticaire cholinergique.
Le cromoglycate disodique (Nalcron, Intercron) est un antiallergique n’ayant qu’une action locale sur le tube digestif, il
peut être prescrit dans certains cas d’urticaire par fausse allergie alimentaire mais ne dispense pas du régime d’éviction.
Les antagonistes des leucotriènes (montelukast) ont une efficacité comparable à celle des anti-H1 sur de petites séries de
patients. Il faut souligner que ce médicament antiasthmatique (Singulair) n’a pas d’AMM dans l’indication « urticaire ».
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Les autres médicaments sont :
– les antidépresseurs tricycliques : doxépine (Quitaxon) ;
– les autres psychotropes : benzodiazépines, antisérotoninergiques.
CORTICOSTÉROÏDES
Ils sont souvent prescrits en association à un anti-H1 et sur
une courte durée (3 à 5 jours) dans les urticaires aiguës étendues et très prurigineuses. Dans ces formes profuses, leur intérêt est de soulager plus vite le malade de son prurit avec un
risque assez faible d’effets secondaires. Leur prescription systématique n’est pas recommandée. En revanche, leur utilisation par voie IV n’est pas discutée dans l’œdème de Quincke.
Ils n’ont pas de place dans la prise en charge au long cours
des urticaires chroniques.
Indications
URTICAIRE AIGUË SUPERFICIELLE ISOLÉE
On utilisera des anti-H1 pendant 1 semaine éventuellement
associés aux corticoïdes pendant les premiers jours, ces derniers étant donnés per os ou par voie parentérale dans les formes profuses.
URTICAIRE CHRONIQUE OU RÉCIDIVANTE « IDIOPATHIQUE »
Les anti-H1 sont toujours prescrits en première intention et
pendant au moins 3 mois puis arrêtés progressivement après
disparition des poussées. Leur prescription peut être prolongée plusieurs années, voire à vie.
En cas d’échec après 4 semaines de traitement, on peut
soit augmenter la posologie, soit associer l’anti-H1 à une
autre molécule (autre anti-H1, anti-H2, kétotifène…). Il faut
essayer plusieurs associations avant de conclure à l’inefficacité du traitement.
L’hydroxyzine est souvent efficace dans l’urticaire cholinergique.
Le dermographisme, comme l’urticaire, peut nécessiter la
prescription d’un anti-H1, éventuellement associé à un antiH2 pendant plusieurs années.
ŒDÈME DE QUINCKE
L’adrénaline est le traitement d’urgences des formes graves.
Dans les formes modérées commencer par les corticoïdes :
bétaméthasone (Célestène) 1 à 2 amp. à 4 mg/mL ou dexaméthasone (Soludécadron, contenant des sulfites) ou méthylprednisolone (Solu-Médrol) : (20 à 40 mg) par voie IM ou IV
lente en fonction de la gravité.
Ensuite, on utilise un anti-H1 : Polaramine 1 amp. par voie
IM ou IV à renouveler en cas de besoin.
En cas de gêne laryngée : adrénaline en aérosol (Dyspne-inhal).
En cas de dyspnée (œdème de la glotte) : adrénaline souscutanée ou IM (0,25 mg à 0,5 mg, à répéter éventuellement
toutes les 15 min), oxygène et hospitalisation d’urgence en
réanimation.
CHOC ANAPHYLACTIQUE
Allonger le patient en position de Trendelenburg.
Adrénaline IM ou voie sous-cutanée (SC) (0,25 mg à
0,5 mg, pouvant être renouvelé 10 min plus tard) ou éventuellement en IV lente sous surveillance hémodynamique
(0,25 mg à 1 mg dans 10 mL de sérum physiologique) en
fonction de la gravité de l’état de choc. Chez l’enfant de
moins de 6 ans, la dose est de 0,01 mg/kg.
Appeler le service d’aide médicale d’urgence (SAMU) pour
transfert en réanimation pour surveillance durant 24 h.
Mise en place d’une voie d’abord veineux pour remplissage
vasculaire, oxygène, intubation…
Ensuite, le relais sera pris par les corticoïdes.
Points clés
1. Les urticaires sont un motif fréquent de consultation : 15 p. 100 des individus sont concernés au moins une fois dans leur vie.
2. La lésion élémentaire est une papule œdémateuse « ortiée », prurigineuse, fugace et migratrice.
3. L’histamine est le principal médiateur inflammatoire impliqué dans la survenue des lésions, que l’urticaire soit d’origine immunologique ou non immunologique.
4. L’urticaire est un syndrome aux multiples causes, parfois intriquées, particulièrement dans les formes chroniques.
5. L’urticaire aiguë correspond plus souvent à un épisode unique et ne nécessite aucune exploration complémentaire.
6. Les causes physiques, les médicaments et certains aliments sont les principales causes d’urticaire aiguë.
7. L’œdème de Quincke ou angio-œdème est une urticaire profonde qui peut mettre le pronostic vital en jeu quand elle concerne
la sphère oro-laryngée.
8. Le diagnostic d’œdème angioneurotique héréditaire est très souvent fait tardivement. Un quart des malades atteints meurent
d’un œdème laryngé.
9. Le syndrome de vasculite urticarienne doit faire chercher une affection systémique qui peut n’apparaître que secondairement.
10. L’adrénaline en injection IM est le traitement du choc anaphylactique et de l’œdème de Quincke entraînant une détresse respiratoire.
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Urticaire et œdème de Quincke
Fig. 1. Urticaire : lésions circinées.
Fig. 4. Urticaire profuse.
Fig. 5. Vasculite urticarienne : noter le caractère purpurique.
Fig. 2. Urticaire aiguë.
Fig. 3. Œdème de Quincke.
Fig. 6. Eczéma aigu du visage.
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Fig. 7. Dermographisme.
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Fig. 8. Urticaire au froid – Test au glaçon.
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Module 8 : Immunopathologie, réaction inflammatoire
Item no 114 : Allergies cutanéo-muqueuses
chez l’enfant et l’adulte :
dermatite atopique
Objectifs pédagogiques
– Diagnostiquer une dermatite atopique chez l’enfant et chez l’adulte.
– Argumenter l’attitude thérapeutique et planifier le suivi du patient.
L
a dermatite atopique (ou eczéma constitutionnel) est
une affection inflammatoire prurigineuse chronique
fréquente chez l’enfant et l’adulte jeune, qui est sous
la dépendance de facteurs héréditaires mais dont l’augmentation de prévalence au cours des dernières décennies s’explique préférentiellement par l’influence de facteurs environnementaux.
Le mot dermatite regroupe des aspects sémiologiques divers qui ont un trait histopathologique commun : une atteinte épidermique prédominante avec un afflux de lymphocytes T (exocytose) et un œdème intercellulaire (spongiose)
réalisant des vésicules microscopiques. La dilatation des capillaires superficiels est responsable de l’érythème, l’extravasation de protéines plasmatiques des papules œdémateuses.
Les vésicules sont exceptionnellement visibles macroscopiquement. Leur rupture à la surface de la peau détermine le
caractère suintant et croûteux des lésions et constitue un excellent milieu de culture pour les contaminants bactériens,
d’où la fréquence de la surinfection staphylococcique. Du fait
du grattage, l’épiderme s’épaissit (lichénification) avec
moins de vésicules et donc moins de suintement. Les excoriations peuvent cependant déterminer des brèches épidermiques et une exsudation secondaire.
PHYSIOPATHOLOGIE
Quelques définitions sont utiles pour comprendre la maladie
atopique. On appelle allergie toute réponse immunologique
inadaptée vis-à-vis d’une molécule que l’on nomme alors allergène. L’atopie est une tendance personnelle et/ou familiale
à produire des anticorps : immunoglobulines E (IgE) lors de
l’exposition à des allergènes protéiques (des acariens, des
poils ou de la salive d’animaux, des pollens, des aliments…).
Les manifestations du terrain atopique sont variables d’un patient à l’autre et différents organes cibles peuvent être atteints
comme par exemple la peau (dermatite atopique) les muqueuses ORL (rhinite allergique) ou les bronches (asthme allergique). Les organes atteints par la maladie atopique
peuvent être le siège de poussées inflammatoires s’ils sont exposés à des allergènes auxquels le patient est sensibilisé
(fig. 1) mais également s’ils sont simplement exposés à des irritants. Le déclenchement des poussées de la dermatite atopique (DA) est multifactoriel par irritation cutanée mécanique,
par surinfection, par le stress. Il ne sous-entend donc pas obligatoirement l’existence d’une allergie sous-jacente.
Deux tiers des patients atteints de DA ont un parent au premier degré atteint de dermatite atopique, d’asthme ou de
rhinite allergique, contre seulement un tiers chez les sujets
non atopiques. Il existe un certain degré de spécificité d’organe cible dans la transmission du trait atopique : les patients
atteints de DA ont 50 p. 100 de leurs enfants atteints de DA
et jusqu’à 80 p. 100 si les deux parents sont atteints de DA.
Toutes les études épidémiologiques indiquent une augmentation rapide de la prévalence des maladies rattachées à l’atopie en Europe. La dermatite atopique est présente chez 10 à
25 p. 100 des enfants dans les études récentes, alors que les
enquêtes des années 1960 indiquaient des prévalences aux
environs de 5 p. 100. Ces données sont interprétées comme
reflétant l’influence de l’environnement, en particulier l’urbanisation des populations.
DIAGNOSTIC
Le diagnostic de dermatite atopique (DA) est clinique et
anamnestique (tableau I). Aucun examen complémentaire
n’est nécessaire au diagnostic positif. Une éosinophilie et une
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I. Modules transdisciplinaires
Tableau I. – Critères de diagnostic de la dermatite atopique
de l’United Kingdom Working Party (d’après Williams et al.,
Br J Dermatol 1994 ; 131 : 4066).
Critère obligatoire : dermatose prurigineuse associée
à au moins 3 des critères suivants :
• Antécédents personnels d’eczéma des plis de flexion (fosses
antécubitales, creux poplités, face antérieure des chevilles, cou) et/ou
des joues chez les enfants de moins de 10 ans
• Antécédents personnels d’asthme ou de rhume des foins (ou
antécédents d’asthme, de dermatite atopique, ou de rhinite allergique
chez un parent au premier degré chez l’enfant de moins de 4 ans)
• Antécédents de peau sèche généralisée (xérose) au cours de la dernière
année
• Eczéma des grands plis visible ou eczéma des joues, du front et des
convexités des membres chez l’enfant de moins de 4 ans
• Début des signes cutanés avant l’âge de 2 ans (critère utilisable chez
les plus de 4 ans seulement)
augmentation des IgE sériques sont fréquemment observées.
Leur recherche n’est pas indispensable.
Diagnostic positif
NOURRISSON ET JEUNE ENFANT (JUSQU’À 2 ANS)
La DA commence communément dans les premiers mois de
vie généralement vers 3 mois, mais parfois dès le 1er mois.
Prurit
Le prurit est souvent marqué et responsable de troubles du
sommeil dès les premiers mois. Le grattage manuel est souvent précédé de mouvements équivalents dès le 2e mois (frottement des joues contre les draps et les vêtements, agitation
et trémoussement).
Topographie
Atteinte symétrique des convexités des membres, du visage
avec un respect assez net de la région médiofaciale, en particulier la pointe du nez (fig. 2). Sur le tronc, les lésions s’arrêtent
généralement à la zone protégée par les couches. L’atteinte des
plis est parfois présente dès cet âge. Sur le cuir chevelu, certains enfants ont une atteinte initialement « séborrhéique »,
comportant des squames jaunâtres, grasses.
Lésions élémentaires
L’aspect des lésions est variable selon la gravité de la DA et le
moment de l’examen (poussées ou rémission). Les lésions
aiguës sont mal limitées, suintantes puis croûteuses, et souvent impétiginisées. La xérose cutanée peut manquer chez
l’enfant de moins de 1 an. Elle est quasi constante ensuite.
Dans les formes mineures, les lésions sont peu inflammatoires et palpables sous forme de rugosité cutanée des convexités. Les éléments utiles pour établir un score lésionnel
d’intensité chez le nourrisson sont : l’érythème, l’œdème (pa7S80
pules œdémateuses), les excoriations et le suintement associé
aux croûtes. Les lichénifications apparaissent en règle plus
tard dans l’enfance.
CHEZ L’ENFANT DE PLUS DE 2 ANS
Au-delà de l’âge de 2 ans, les lésions cutanées sont plus volontiers localisées aux plis (cou, coudes, genoux) ou comportent
des zones-bastion – mains et poignets, chevilles, mamelon,
fissures sous-auriculaires – qui subsistent de façon chronique
et parfois isolée. Des poussées saisonnières sont notées le plus
souvent en automne et en hiver. La lichénification prédomine
(fig. 3).
Dans les formes les plus sévères peuvent être observés :
– des lésions généralisées ;
– un prurigo des membres ;
– une atteinte inversée pour l’âge touchant les faces d’extension des membres.
Les signes mineurs comme la pigmentation infraorbitaire,
les plis souspalpébraux sont plus nets à cet âge. La sécheresse
cutanée (xérose) est quasi constante et pose souvent le problème d’une ichtyose vulgaire associée (fig. 4). Elle s’améliore en
été et nécessite des soins émollients en hiver. Au visage, mais
aussi parfois de façon plus diffuse, des « dartres » achromiantes (pityriasis alba) constituent un motif de consultation, en
particulier après l’été.
CHEZ L’ADOLESCENT ET L’ADULTE
La DA peut avoir une recrudescence à l’adolescence, souvent
à l’occasion de conflits psychoaffectifs ou de stress. Si la DA
débute à l’adolescence ou à l’âge adulte, les critères anamnestiques pour la période infantile sont souvent pris en défaut.
Un début tardif à l’âge adulte est rare et doit faire effectuer des
examens complémentaires, pour éliminer une autre dermatose prurigineuse (gale, dermite de contact, dermatite herpétiforme…). La DA garde en général le même aspect que chez
l’enfant de plus de 2 ans.
Les formes sévères peuvent réaliser une érythrodermie, ou
plus communément un prurigo lichénifié prédominant aux
membres.
Diagnostic différentiel
CHEZ LE NOURRISSON
Il faut éliminer une gale, une dermatite séborrhéique et un
psoriasis. Un examen attentif est indispensable pour ne pas
porter par excès le diagnostic de DA devant toute dermatose
« eczématiforme ». La notion de chronicité et d’évolution à
rechute est importante pour le diagnostic. En cas de doute,
une biopsie est effectuée. En cas de point d’appel supplémentaire : infections cutanées et/ou profondes répétées, anomalie de la croissance, purpura, fièvre inexpliquée, des examens complémentaires immunologiques seront nécessaires
à la recherche d’un syndrome génétique impliquant un déficit immunitaire.
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Dermatite atopique
CHEZ L’ENFANT, L’ADOLESCENT ET L’ADULTE
Le diagnostic différentiel est plus facile ; il faut éliminer une
dermite de contact et un psoriasis. Les tests allergologiques
peuvent être utiles.
cours à des composants des produits topiques appliqués sur
la peau. Il faut l’évoquer chez les patients qui répondent mal
aux traitements habituels. Cela incite à une attitude préventive en limitant l’utilisation des topiques potentiellement à risque (contenant des conservateurs très sensibilisants, des
parfums, de la néomycine…), et le contact des métaux, nickel
en particulier (percement d’oreilles, bijoux fantaisie).
ÉVOLUTION
Évolution globale
La DA du nourrisson comporte des formes étendues, mais
son évolution est spontanément bonne, avec une rémission
complète dans la majorité des cas. Les formes persistant dans
l’enfance sont plus localisées. La résurgence à l’adolescence
ou chez l’adulte jeune est possible.
La survenue de manifestations respiratoires (asthme vers
2 à 3 ans, puis rhinite) est d’autant plus fréquente qu’il y a
des antécédents familiaux atopiques au premier degré. Les
épisodes cutanés peuvent coexister avec l’atteinte respiratoire ou alterner avec celle-ci. L’asthme ou ses équivalents (toux
sèche nocturne, gêne respiratoire avec sifflement expiratoire,
wheezing) deviennent souvent plus gênants pour l’enfant que
l’eczéma. Le taux des IgE sériques est proportionnel à la gravité de la dermatite atopique.
TRAITEMENT
Prévention
L’atopie est un problème émergent de santé publique, en particulier pour les pays riches. Des recommandations générales
sur l’habitat, l’alimentation infantile et les facteurs adjuvants
comme le tabagisme passif font l’objet d’un consensus.
PRÉVENTION ET DIÉTÉTIQUE
L’intérêt de l’allaitement maternel reste discuté. La diversification alimentaire précoce semble augmenter la fréquence de
la DA, et secondairement les sensibilisations aux aéroallergènes. Chez l’enfant de moins de 1 an, la diversification alimentaire doit être lente. L’introduction d’aliments contenant de
l’huile d’arachide, de l’œuf, du poisson ou des fruits exotiques
sera retardée après l’âge cet âge.
Complications
PRÉVENTION AÉROALLERGÉNIQUE
SURINFECTIONS CUTANÉES BACTÉRIENNES OU VIRALES
La cible essentielle de la prévention primaire et secondaire est
représentée par les aéroallergènes de l’habitat. Les aéroallergènes domestiques (acariens, jouets en peluche, « pièges à
poussière », animaux à fourrure) sont surtout des cibles pour
la prévention de l’asthme, mais ils doivent être intégrés dans
un schéma de prévention global de l’atopie. Ils peuvent contribuer aux symptômes cutanés en tant qu’allergènes de contact. L’utilisation préventive de housses d’oreiller et de
matelas en polyuréthane est recommandée.
À tous les stades, les surinfections cutanées bactériennes ou
virales sont les complications les plus communes. Le staphylocoque doré colonise habituellement la peau de l’atopique.
L’impétiginisation est difficile à apprécier dans les formes
aiguës exsudatives. La présence de lésions vésiculo-bulleuses
inhabituelles fait évoquer le diagnostic.
L’herpès (HSV1 essentiellement) est responsable de poussées aiguës parfois dramatiques (pustulose disséminée de
Kaposi-Juliusberg) (fig. 5). Une modification rapide de l’aspect des lésions et/ou la présence de vésiculopustules, en association avec de la fièvre, doivent suggérer cette complication et
faire mettre en œuvre un traitement antiviral.
RETARD DE CROISSANCE
Un retard de croissance peut être associé aux DA graves et se
corrige souvent de façon spectaculaire quand la DA est traitée
efficacement. Le rôle des dermocorticoïdes dans le retard de
croissance n’est pas établi.
COMPLICATIONS OPHTALMOLOGIQUES
Elles sont rares (kératoconjonctivite, cataracte).
DERMITES DE CONTACT
Compte tenu de l’importance et de la durée des soins locaux,
il y a un risque important de sensibilisation de contact au long
Prise en charge
ÉDUCATION ET OBSERVANCE
L’écoute et l’éducation des malades ou de leurs parents sont
fondamentales pour obtenir une adhésion au projet
thérapeutique :
– la dermatite atopique est une affection chronique, son traitement est prolongé ; cela doit être explicité ; la « guérison »
n’est pas l’objectif immédiat ;
– les soins locaux sont indispensables : ils permettent de
restaurer la barrière cutanée ;
– une information sur les facteurs aggravants doit être donnée (tableau II) ; les dermocorticoïdes sont efficaces et non
dangereux quand ils sont utilisés judicieusement, sous surveillance médicale ; ils ne favorisent pas l’apparition de
l’asthme ;
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I. Modules transdisciplinaires
Tableau II. – Conseils.
Mesures non spécifiques :
Habillement : éviter les textiles irritants (laine, synthétiques à grosses
fibres) ; préférer coton et lin.
Éviter l’exposition au tabac.
Maintenir une température fraîche dans la chambre à coucher. Ne pas
trop se couvrir la nuit.
Exercice physique et sports sont à conseiller. Douche et émollients après,
en particulier pour la natation (irritation des désinfectants chlorés).
Augmenter les applications d’émollients par temps froid et sec.
Se méfier des contages herpétiques.
Vacciner normalement.
Mesures spécifiques vis-à-vis des allergènes :
Nourrisson : allaitement maternel prolongé, pas de diversification
alimentaire précoce.
Éviter l’exposition aux animaux domestiques (chat, chien, cobaye…).
Attention aux acariens domestiques, aux moisissures : dépoussiérage
(aspiration régulière, éponge humide…), housses de literie antiacariens
recommandées, contrôler l’humidité par une ventilation efficace de
l’habitation.
– les alternatives aux traitements locaux sont limitées et
doivent être pesées en fonction de l’observance de cette prise
en charge de base ; en dehors des antibiotiques et antiviraux,
qui sont parfois nécessaires, les traitements généraux ne viennent qu’en complément lors des poussées ou en cas d’échec
d’un traitement local correctement effectué ;
– des explorations allergologiques peuvent être indiquées,
mais ne sont pas indispensables dans la majorité des cas ; elles auront des conséquences sur l’environnement ou l’alimentation, si les arguments en faveur d’une allergie
responsable de la poussée de la DA sont solides (interrogatoire, enquête alimentaire, enquête sur l’environnement et investigations allergologiques in vivo, moins utiles in vitro…) ;
ces bilans peuvent être également réalisés en cas d’échec d’un
traitement local adéquat ;
– dans les formes graves, une hospitalisation est justifiée
pour parfaire l’éducation ou pour réaliser correctement certains tests.
RÉALISATION PRATIQUE DU TRAITEMENT
Lors des poussées
L’objectif est de réduire l’inflammation et le prurit pour soulager le patient. Dans la majorité des cas, les soins locaux permettent de traiter efficacement les poussées de DA :
– les dermocorticoïdes : un dermocorticoïde puissant ou
modérément puissant (classes II et III) sera utilisé en fonction de la gravité (une seule application quotidienne jusqu’à
amélioration franche, généralement 4 à 8 jours) ;
– antiseptiques/antibiotiques : la peau doit être soigneusement nettoyée pour éliminer les croûtes et effectuer une désinfection de surface. Appliquée sur la peau encore humide,
une solution antiseptique (par exemple, chlorhexidine) pourra être utilisée pendant quelques jours (un usage prolongé se7S82
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rait irritant). Un traitement antibiotique local biquotidien
(fusidate de sodium) poursuivi sur 2 à 3 jours améliore nettement le score lésionnel au stade aigu. Il ne doit pas être poursuivi indéfiniment pour éviter l’émergence de souches
staphylococciques résistantes ;
– antihistaminiques : donnés seuls, ils sont insuffisants
pour traiter une poussée de DA. À titre d’appoint, ils peuvent
être indiqués pendant quelques jours, surtout pour diminuer
le prurit.
En entretien
Émollients (produits utilisés pour lutter contre la xérose) : en
utilisation quotidienne, d’autant plus que la xérose cutanée
est plus marquée (à éviter lors de la poussée aiguë, car leur tolérance est alors médiocre). Les syndets surgraissés seront
préférés aux savons classiques.
Dermocorticoïdes : si nécessaire, applications intermittentes de dermocorticoïdes sur les zones inflammatoires (1 à
3 fois par semaine). Des quantités de l’ordre de 15 à 30 g/mois
de dermocorticoïdes peuvent être utilisées sans effet adverse
systémique ou cutané, y compris chez l’enfant.
Traitements d’exception
La photothérapie par ultraviolets (UV) combinée (UVA
+ UVB) peut être utilisée en traitement d’entretien adjuvant
chez l’adulte et parfois chez des enfants scolarisés (à partir de
7-8 ans) avec de bons résultats thérapeutiques en 6 semaines.
Elle doit être faite dans des cabinets ou des centres dermatologiques.
La ciclosporine est parfois utilisée chez l’adulte et plus rarement dans les formes graves de l’enfant avec une bonne
efficacité. Ce médicament peut « faire passer un cap »
quand tout a échoué dans une DA grave, sur une période de
quelques mois seulement, sous surveillance stricte de la
fonction rénale. Elle est utilisée à faibles doses, au maximum 5 mg/kg/j.
Contrôle des facteurs d’aggravation
Les conseils d’hygiène de vie sont colligés dans le tableau II.
Le patient doit pouvoir mener une vie la plus normale possible et il n’est pas souhaitable d’imposer des mesures trop contraignantes. Chez le nourrisson, la détection précoce et les
mesures de prévention de l’asthme sont une partie importante de l’information. Les vaccinations peuvent être effectuées
sans risque sur une peau non infectée.
Identification et/ou éviction de certains allergènes
On conseillera d’éviter l’exposition aux allergènes les plus
communs chez les patients atteints de formes mineures ou
modérées, sur une base probabiliste et préventive. On réservera une enquête approfondie en milieu spécialisé aux formes graves ou résistant aux traitements conventionnels bien
conduits.
Les séjours climatiques en altitude peuvent constituer une
alternative thérapeutique dans les formes cutanéo-respiratoires graves d’atopie chez l’enfant avec sensibilisation aux acariens, quand la maladie retentit sérieusement sur la scolarité.
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Dermatite atopique
Points clés
1. La prévalence de la dermatite atopique est en augmentation constante en Europe.
2. La DA est un des composants de la « maladie atopique » avec la conjonctivite allergique, la rhinite allergique et l’asthme.
3. Le prurit est un symptôme-clé de la DA : il en entretient les lésions.
4. La sécheresse cutanée (xérose) est également un élément majeur de la DA.
5. La topographie caractéristique des lésions de DA varie avec l’âge :
– convexités chez le nourrisson ;
– plis de flexion des membres chez l’enfant plus âgé et l’adulte.
6. Toute aggravation brutale des lésions cutanées de DA doit faire évoquer une infection à staphylocoque ou à herpès virus.
7. Les dermocorticoîdes sont le traitement de référence de la DA.
Fig. 1. Dermatite atopique du nourrisson en poussée.
Fig. 2. Dermatite atopique du nourrisson : noter le
geste du grattage.
Fig. 3. Dermatite atopique de l’adolescent : excoriation
et lichénification du creux poplité.
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I. Modules transdisciplinaires
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2005;132:7S71-7S78
Fig. 5. Herpès disséminé (syndrome de Kaposi-Juliusberg) compliquant une
dermatite atopique.
Fig. 4. Dermatite atopique de l’adolescent : érythème et xérose du visage.
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2005;132:7S85-7S90
Module 8 : Immunopathologie, réaction inflammatoire
Item no 114 : Allergies cutanéomuqueuses
chez l’enfant et l’adulte :
eczéma de contact
Objectifs pédagogiques
– Diagnostiquer un eczéma de contact chez l’enfant et chez l’adulte.
– Argumenter l’attitude thérapeutique et planifier le suivi du patient.
L’
eczéma de contact est une dermatose très fréquente.
Il est dû à une sensibilisation à des molécules non
tolérées ou allergènes, en contact avec la peau. Il
n’est pas une manifestation de l’atopie.
PHYSIOPATHOLOGIE
L’eczéma de contact est dû à une réaction d’hypersensibilité retardée à médiation cellulaire déclenchée par le contact de la peau
avec une substance exogène. L’eczéma de contact évolue en deux
phases : une phase de sensibilisation et une phase de révélation.
portent à leur surface des molécules d’adhésion qui favorisent
leur migration vers la peau. Ces lymphocytes reconnaissent
l’allergène présenté par les cellules de Langerhans. Ils
prolifèrent et sécrètent des cytokines (IL1, TNF-D) qui recrutent des cellules inflammatoires, puis des cytokines qui
régulent négativement les phénomènes inflammatoires (IL10).
L’eczéma de contact est une hypersensibilité cellulaire retardée de type Th1.
DIAGNOSTIC
Diagnostic positif
Phase de sensibilisation
FORME TYPIQUE : ECZÉMA AIGU
Le produit sensibilisant exogène est le plus souvent un haptène, c’est-à-dire une substance de petite taille non immunogène par elle-même. Elle pénètre dans la peau et s’associe à une
protéine pour former un couple haptène-protéine qui constitue l’allergène. Celui-ci est pris en charge par les cellules dendritiques de l’épiderme (cellules de Langerhans). Elles
traversent la membrane basale et migrent à travers le derme
vers la zone paracorticale des ganglions lymphatiques. Pendant cette migration, elles subissent une maturation qui les
rend capable d’activer des lymphocytes T « naïfs ». Ces
lymphocytes T prolifèrent et se différencient alors en lymphocytes « mémoires » circulants. Cette première phase est cliniquement asymptomatique.
Le diagnostic d’eczéma aigu est clinique.
Les lésions sont très prurigineuses +++.
Elles réalisent des placards érythémateux à contours
émiettés.
L’eczéma aigu évolue en quatre phases successives, souvent intriquées :
– phase érythémateuse : placard érythémateux ;
– phase vésiculeuse : vésicules remplies de liquide clair,
confluant parfois en bulles (fig. 1) ;
– phase suintante : rupture des vésicules, spontanément ou
après grattage (fig. 2) ;
– phase croûteuse ou desquamative suivie d’une guérison
sans cicatrice.
FORMES CLINIQUES
Phase de révélation
Elle survient chez un sujet déjà sensibilisé, 24 à 48 h après un
nouveau contact avec l’allergène. Des lymphocytes T mémoire
Formes topographiques
L’eczéma peut prendre un aspect très œdémateux sur le visage,
en particulier sur les paupières, et sur les organes génitaux.
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I. Modules transdisciplinaires
Sur les mains et les pieds, l’eczéma aigu se présente sous
forme de vésicules prurigineuses dures enchâssées (aspect
de dysidrose).
Formes chroniques
On distingue :
– l’eczéma lichénifié : le grattage entraîne un épaississement de la peau qui devient quadrillée et pigmentée (fig. 3) ;
– l’eczéma chronique des paumes et des plantes : dans cette localisation, les lésions sont fréquemment fissuraires et hyperkératosiques, entraînant une kératodermie palmoplantaire ;
– l’eczéma nummulaire : les lésions sont érythémato-squameuses, en placards arrondis de quelques centimètres de diamètre. Il n’est pas toujours dû à une allergie de contact.
DERMATITE (OU ECZÉMA) ATOPIQUE
La dermatite atopique réalise un tableau très différent par la
topographie des lésions et leur chronicité (voir question dermatite atopique).
Chez l’adulte, certains eczémas de contact généralisés peuvent être difficiles à distinguer d’une dermatite atopique.
DYSIDROSE
La dysidrose (ou eczéma dysidrosique) est un tableau clinique caractérisé principalement par des vésicules très prurigineuses des faces latérales des doigts (mains ou pieds), dures
et enchâssées, s’accompagnant parfois de lésions palmoplantaires. Les poussées sont souvent estivales. Elle est en général idiopathique.
ŒDÈME DU VISAGE
EXAMEN HISTOLOGIQUE
En pratique, la biopsie cutanée est habituellement inutile au
diagnostic.
Elle n’est réalisée qu’en cas de doute diagnostique.
L’examen histologique montre :
– dans l’épiderme :
– une spongiose (œdème dissociant les kératinocytes et
aboutissant à la formation de vésicules intraépidermiques) ;
– une exocytose (infiltrat de cellules mononucléées entre
les kératinocytes) ;
– dans le derme : un œdème et un infiltrat riche en lymphocytes à prédominance périvasculaire.
DERMATITE D’IRRITATION
Elle est fréquente sur les mains. Elle est secondaire à des
agressions physiques ou chimiques directes, qui ne nécessitent pas l’intervention de mécanismes immunologiques spécifiques d’un allergène. Le tableau I donne les principaux
éléments de diagnostic différentiel entre eczéma de contact et
dermatite d’irritation.
Tableau I. – Éléments de diagnostic différentiel entre eczéma
de contact et dermatite d’irritation.
Lésions cutanées Bords émiettés
Topographie
Peut déborder la zone
de contact avec l’allergène
Symptomatologie Prurit
Épidémiologie
Atteint quelques sujets en
contact avec le produit
Angio-œdème ou œdème de Quincke
C’est un œdème pâle, indolore sans prurit ni fièvre. Il est souvent accompagné de troubles de la déglutition ou respiratoires et d’urticaire.
DIAGNOSTIC ÉTIOLOGIQUE
La recherche de l’allergène responsable est indispensable.
Elle repose sur :
– l’interrogatoire ;
– l’examen clinique ;
– les tests épicutanés (ou patch tests) ;
– la recherche de la pertinence des tests épicutanés.
Dermatite d’irritation
Bords nets
Limitée à la zone
de contact
Brûlure
Atteint la majorité
des sujets en contact
avec le produit
Histologie
Spongiose, exocytose
Nécrose épidermique
Tests épicutanés Positifs (lésion d’eczéma) Négatifs ou lésion
d’irritation
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Érysipèle
Le placard inflammatoire est bien limité, le plus souvent unilatéral, parfois recouvert de vésicules ou bulles. Frissons, fièvre et hyperleucocytose l’accompagnent.
Zona
Le diagnostic repose sur les douleurs, la présence de vésicules
hémorragiques ou croûteuses et la topographie unilatérale et
segmentaire.
Diagnostic différentiel
Eczéma de contact
Le diagnostic différentiel doit être fait avec les autres causes
d’œdème aigu du visage.
Interrogatoire
L’interrogatoire est un élément très important de l’enquête
étiologique. Il permet parfois de suspecter un ou plusieurs allergènes et oriente les tests épicutanés. Les éléments importants à rechercher sont les suivants.
TOPOGRAPHIE INITIALE
Les lésions sont initialement localisées à la zone de contact
avec l’allergène (fig. 4), même si elles ont ensuite tendance à
Eczéma de contact
diffuser à distance. La topographie initiale des lésions a donc
une grande valeur d’orientation (par exemple lésions initialement localisées à la zone d’application d’un antiseptique).
CIRCONSTANCES DE DÉCLENCHEMENT
Il faut faire préciser les activités ayant pu conduire à un contact avec un allergène particulier 24 h à quelques jours avant
le début des lésions : jardinage, bricolage, menuiserie, peinture, application d’un cosmétique ou d’un parfum…
CHRONOLOGIE
Il faut préciser l’évolution des lésions au cours du temps, leur
amélioration ou leur aggravation pendant les week-ends, les
vacances ou d’éventuels arrêts de travail.
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On réalise habituellement :
– la batterie standard européenne, qui comprend les
25 substances les plus fréquemment en cause ;
– des tests avec les produits utilisés par les malades ;
– et éventuellement des batteries spécialisées orientées
(coiffure, cosmétiques, photographie, peintures…).
Pertinence des tests épicutanés :
Le résultat des tests épicutanés doit être confronté aux données de l’interrogatoire afin de déterminer si les allergènes
identifiés par ces tests sont vraiment les responsables de l’eczéma récent. Ils peuvent seulement témoigner d’une sensibilisation ancienne sans rapport avec les lésions récentes.
Un résultat négatif n’élimine pas formellement une allergie de contact.
TRAITEMENTS LOCAUX UTILISÉS
Il faut préciser tous les traitements locaux utilisés avant et
après l’apparition de la dermatose, ainsi que les produits d’hygiène, parfums et cosmétiques appliqués.
Examen clinique
Certaines localisations ont une valeur d’orientation :
– un eczéma du lobule des oreilles, du poignet et de l’ombilic fait évoquer une sensibilisation au nickel ;
– un eczéma du visage, des paupières ou du cou oriente
vers une allergie aux cosmétiques, aux vernis à ongles, aux
produits volatiles (parfums, peintures, végétaux…) ;
– un eczéma des pieds oriente vers une allergie à un constituant des chaussures : chrome du cuir sur le dos du pied,
agents de vulcanisation du caoutchouc sur la plante.
Tests épicutanés ou patch-tests (fig. 5)
Ils sont indispensables pour obtenir un diagnostic de certitude de l’allergène en cause, dont l’éviction est primordiale
(pour autant que ce soit possible).
Ils doivent être orientés par l’interrogatoire et l’examen
clinique.
Ils sont réalisés à distance de la poussée d’eczéma.
Différents allergènes sont appliqués sous occlusion sur le
dos pendant 48 h.
La lecture est faite à 48 h, 15 min après avoir enlevé les
tests.
Une seconde lecture est réalisée à 72-96 h, parfois à
7 jours pour certains allergènes (corticoïdes par exemple).
La lecture est la suivante :
– test négatif : peau normale ;
– test positif : reproduisant la lésion d’eczéma, à distinguer
d’une simple réaction d’irritation :
– + : érythème, papule ;
– ++ : érythème, papule et vésicules ;
– +++ : érythème, papule, nombreuses vésicules confluentes, vésiculo-bulles.
Principales causes
Les allergènes en cause sont très variés. Les allergènes les
plus fréquents sont les métaux, en particulier le nickel. La batterie standard européenne des allergènes comprend les allergènes les plus fréquemment en cause dans les pays
européens (tableau II [à titre indicatif]).
Tableau II. – Batterie standard européenne des allergènes.
• Chrome (bichromate de potassium) (ciment, cuir).
• Sulfate de néomycine (topiques médicamenteux).
• Thiuram Mix (caoutchoucs, sans rapport avec l’allergie immédiate
au latex).
• Para-phénylènediamine (PPD) (colorants foncés, teintures, tatouages
éphémères).
• Cobalt (chlorure de cobalt) (ciment, métaux, colorants bleus).
• Benzocaïne (anesthésique local).
• Formaldéhyde (conservateur).
• Colophane (adhésifs, vernis, peintures).
• Clioquinol (antiseptique, conservateur).
• Baume du Pérou (cosmétiques, topiques médicamenteux, cicatrisants).
• N-Isopropyl-N’-phényl paraphénylènediamine (IPPD)
(caoutchoucs noirs).
• Lanoline (cosmétiques, topiques médicamenteux).
• Mercapto Mix (caoutchoucs, sans rapport avec l’allergie immédiate
au latex).
• Résine Epoxy (résines, colles).
• Parabens Mix (conservateurs).
• Résine paratertiaire butylphénol formaldéhyde (colle des cuirs).
• Fragrance Mix (parfums).
• Quaternium 15 (conservateur).
• Nickel (sulfate de Nickel) (bijoux fantaisies, objets métalliques).
• Kathon CG (chlorométhyl isothiazolinone) (conservateur, cosmétiques).
• Mercaptobenzothiazole (caoutchoucs, sans rapport avec l’allergie
immédiate au latex).
• Lactone Sesquiterpene Mix (plantes « composées » : artichauts,
dahlias, chrysanthèmes…).
• Primine (primevères).
• Pivalate de tixocortol (corticoïdes).
• Budésonide (corticoïdes).
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I. Modules transdisciplinaires
ALLERGÈNES PROFESSIONNELS
Les eczémas de contact de cause professionnelle sont parmi
les plus fréquentes des maladies professionnelles indemnisables (tableau général 65 des maladies professionnelles). Ils
débutent et prédominent aux mains et s’améliorent pendant
les congés.
Les professions le plus souvent à l’origine d’eczémas professionnels sont :
– métiers du bâtiment : sels de chrome (ciment), cobalt
(peinture, émail), résines Epoxy (colle, vernis, peinture), formaldéhyde (colle, textile), térébenthine (menuiserie, peinture), caoutchouc (gants, pneus)… ;
– coiffeurs : paraphénylène-diamine (teintures), thioglycolate (permanentes), caoutchouc (gants), conservateurs et
agents moussants (shampooings), nickel (instruments)… ;
– professions de santé : antiseptiques, antibiotiques, antiinflammatoires non stéroïdiens, phénothiazines, anesthésiques locaux, caoutchoucs (gants), acrylates des résines composites (prothésistes)… ;
– horticulteurs : lactones sesquiterpéniques (exemple :
chrysanthèmes), primevères, pesticides, gants…
inflammatoires non stéroïdiens [AINS], phénothiazines).
Certains végétaux peuvent aussi être responsables.
Les photopatch-tests sont des patch-tests suivis d’une irradiation par certaines longueurs d’ondes de rayons ultraviolets. Ils sont réalisés en cas de suspicion de photoallergie.
ÉVOLUTION ET COMPLICATIONS
L’éviction de l’allergène est suivie de la guérison sans cicatrice
de l’eczéma en 7 à 15 jours. En l’absence d’éviction, les lésions
passent à la chronicité.
Surinfection
L’impétiginisation des lésions est suspectée devant la présence de croûtes jaunâtres, parfois associées à des adénopathies
et de la fièvre. Peu fréquente, elle doit être distinguée des
croûtes succédant à la phase suintante.
MÉDICAMENTS TOPIQUES
Les lésions débutent sur la zone d’application mais s’étendent
souvent à distance.
Les topiques les plus fréquemment en cause sont : néomycine, antiseptiques, sparadrap (colophane), topiques antiprurigineux, baume du Pérou, AINS…
Les dermocorticoïdes peuvent induire des sensibilisations.
Il faut penser à cette éventualité chez les patients qui appliquent de manière régulière des corticoïdes topiques et dont
les lésions sont non améliorées ou aggravées par l’application de corticoïdes.
COSMÉTIQUES
Les lésions sont plus fréquentes chez les femmes. Elles prédominent sur le visage.
Les produits responsables sont les parfums, les conservateurs, les excipients, le vernis à ongles, les déodorants, les
shampooings, les laques, le baume du Pérou (rouge à lèvres,
crèmes), le paraphénylènediamine (teintures)…
PRODUITS VESTIMENTAIRES
La topographie orientera vers différentes causes :
– sur le tronc et les plis : colorants textiles ;
– sur les pieds : cuir, colle des chaussures, caoutchouc… ;
– en regard des bijoux fantaisie ou des accessoires (montre,
boucle de ceinture, boutons de jeans) : nickel.
Érythrodermie
L’érythrodermie est une généralisation des lésions sous forme
d’érythème disséminé prurigineux, squameux ou vésiculeux.
Retentissement socio-professionnel
Le handicap induit par les eczémas de contact chroniques,
professionnels, en particulier des mains, peut être considérable et conduire à une adaptation du poste de travail ou à une
déclaration de maladie professionnelle indemnisable.
TRAITEMENT
Traitement symptomatique
Il repose sur l’application de dermocorticoïdes de niveau d’activité forte à très forte pendant 1 à 2 semaines.
Il n’y a pas de place pour une corticothérapie systémique.
Les antihistaminiques sont inutiles.
En cas d’impétiginisation, une antibiothérapie générale est
nécessaire, sans retarder le traitement par corticoïdes topiques.
PHOTOALLERGÈNES
Certains allergènes n’induisent un eczéma de contact
qu’après irradiation par les rayons ultraviolets.
Les lésions débutent et prédominent sur les zones photoexposées (visage, oreilles, dos des mains, décolleté…).
De nombreux médicaments topiques peuvent induire des
réactions de photosensibilité (kétoprofène et autres anti7S88
Éviction de l’allergène
Elle est indispensable à la guérison car il n’y a pas de possibilité de désensibilisation dans l’eczéma de contact.
L’ubiquité de certains allergènes rend leur éviction difficile
et explique la chronicité de certains eczémas de contact.
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Eczéma de contact
Il est important d’informer les patients sensibilisés et de
leur remettre des listes de produits à éviter.
Lorsque l’éviction de l’allergène est impossible, une protection vestimentaire peut être nécessaire pour éviter le contact (gants, manches longues, chaussures…).
Les eczémas de cause professionnelle justifient un arrêt de
travail, la réalisation de tests épicutanés et peuvent conduire
à une déclaration en maladie professionnelle indemnisable.
L’activité professionnelle et le poste de travail doivent être
aménagés en collaboration avec le médecin du travail.
Prévention
Elle repose sur l’éviction des contacts avec les substances sensibilisantes par le port de gants, de vêtements de protection
dans les professions à haut risque de sensibilisation de contact.
Points clés
1. L’éviction de l’allergène est une condition indispensable à la guérison.
2. Les eczémas de contact de cause professionnelle sont parmi les plus fréquentes des maladies professionnelles indemnisables.
3. La réalisation des tests épicutanés doit être orientée par l’interrogatoire et l’examen clinique.
4. La pertinence des tests épicutanés positifs doit être discutée.
5. Les allergènes les plus fréquents sont les métaux, en particulier le nickel.
6. En cas de persistance ou d’aggravation des lésions sous traitement, il faut penser à une allergie aux corticoïdes.
7. L’ubiquité de certains allergènes rend leur éviction difficile et rend compte de la chronicité de certains eczémas de contact.
8. Le traitement repose sur l’application de corticoïdes locaux. Il n’y a pas souvent d’indication à une corticothérapie systémique.
L’emploi des antihistaminiques, tant locaux que généraux, est inutile.
9. L’information du patient est indispensable pour qu’il parvienne à se protéger de tout contact ultérieur avec l’allergène.
Fig. 1. Eczéma aigu : lésions vésiculo-bulleuses.
Fig. 2. Eczéma aigu : phase suintante.
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Fig. 3. Eczéma lichénifié.
Fig. 4. Eczéma de contact à un constituant des chaussures.
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Fig. 5. Tests épicutanés.
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Module 8 : Immunopathologie, réaction inflammatoire
Item no 116 : Dermatoses bulleuses
auto-immunes
Objectifs pédagogiques
– Diagnostiquer une pemphigoïde bulleuse, un pemphigus.
– Argumenter les principes du traitement et la surveillance au long cours.
es dermatoses bulleuses auto-immunes constituent
un groupe hétérogène de maladies à la fois très diverses, peu fréquentes et de pronostic variable, parfois
péjoratif. Elles sont secondaires à des altérations de différents constituants de la peau : l’épiderme, la jonction dermoépidermique (JDE) ou le derme superficiel. Ces altérations
résultent d’une réaction autoimmune et ont pour conséquence clinique la formation de bulles cutanées ou des muqueuses externes. La diversité des dermatoses bulleuses
autoimmunes impose une enquête clinique, anatomopathologique et immunopathologique.
L
PHYSIOPATHOLOGIE
La cohésion de la peau, en particulier de l’épiderme, est assurée par deux systèmes d’adhésion :
– la cohésion de l’épiderme est principalement assurée par
les desmosomes qui permettent l’adhésion des kératinocytes
entre eux ;
– la JDE permet d’assurer une bonne adhésion entre l’épiderme et le derme sous-jacent ; c’est une région macromoléculaire complexe qui comprend, de la superficie vers la
profondeur : les hémidesmosomes, les filaments d’ancrage,
la lame dense et les fibrilles d’ancrage.
Parmi les dermatoses bulleuses auto-immunes (DBAI), on
distingue, en fonction du site de clivage :
– les DBAI sous-épidermiques, avec perte de l’adhésion
dermo-épidermique par altération d’un composant de la JDE
par des autoanticorps ;
– les DBAI intraépidermiques (groupe des pemphigus) où
la perte de cohésion des kératinocytes (acantholyse) est due à
l’altération des desmosomes par des autoanticorps.
DIAGNOSTIC POSITIF
Clinique
Une bulle est une collection liquidienne superficielle à contenu clair ou sérohématique de plusieurs millimètres de diamètre. Elle peut siéger sur la peau ou les muqueuses (buccale,
génitale…). Il faut savoir également évoquer une dermatose
bulleuse devant une érosion postbulleuse, en particulier sur
les muqueuses, caractéristique par sa forme arrondie et la présence d’une collerette épithéliale périphérique ou encore devant un vaste décollement épidermique donnant un aspect de
« linge mouillé sur la peau ». Le signe de Nikolsky correspond
à un décollement cutané provoqué par le frottement appuyé
de la peau saine. Il traduit un décollement intraépidermique
(acantholyse) au cours des pemphigus.
Histologie
La bulle peut résulter d’un clivage entre le derme et l’épiderme (bulle sous-épidermique) ou d’un clivage à l’intérieur de
l’épiderme (bulle intraépidermique). Il existe une assez bonne concordance entre l’aspect clinique d’une bulle récente
(moins de 12 h) et son type histologique :
– en cas de clivage sous-épidermique : la bulle est tendue, à
contenu clair ou parfois hématique ;
– en cas de clivage intraépidermique : la bulle est flasque et
fragile.
Immunopathologie
Le diagnostic positif d’une DBAI repose sur l’examen en immunofluorescence directe (IFD) d’une biopsie de peau (ou de
muqueuse externe) péribulleuse qui objective des dépôts
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I. Modules transdisciplinaires
d’immunoglobulines G (IgG) et/ou de C3, in vivo, qui peuvent
être localisés :
– le long de la JDE dans les DBAI sous-épidermiques, donnant un aspect linéaire ;
– sur la membrane des kératinocytes dans les DBAI intraépidermiques (pemphigus), donnant un aspect en maille de filet (ou en résille) ;
– au sommet des papilles dermiques dans la dermatite herpétiforme, d’aspect granuleux.
Il est complété par l’examen du sérum en immunofluorescence indirecte (IFI) recherchant la présence d’autoanticorps
circulants antiépiderme (anticorps anti-JDE, anticorps antimembrane des kératinocytes).
DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL
D’une dermatose bulleuse
La bulle doit être distinguée :
– de la vésicule, de plus petite taille (1 à 2 mm de diamètre) ;
– de la pustule dont le contenu est purulent.
Cependant, certaines DBAI (dermatite herpétiforme, pemphigoïde bulleuse) s’accompagnent volontiers de vésicules.
Inversement, il peut exister des formes bulleuses de maladies
habituellement non bulleuses. C’est le cas de dermatoses vésiculeuses comme l’herpès, le zona ou l’eczéma (formation
de bulles par coalescence de vésicules), ou de vasculites nécrotico-bulleuses (bulles par nécrose de l’épiderme).
Les érosions postbulleuses doivent être différenciées des
autres érosions ou ulcérations primitives (chancre, aphtes),
notamment sur les muqueuses buccales ou génitales.
« dermite des prés ») ou chimique (dermite caustique, piqûres d’insectes, etc.) dont le diagnostic repose sur l’anamnèse.
Chez l’enfant, on élimine :
– une épidermolyse bulleuse héréditaire, due à des mutations
de gènes codant diverses protéines de la JDE ; elle débute généralement en période néonatale et se caractérise par une fragilité cutanée anormale responsable de bulles siégeant aux
zones de friction ou de traumatisme (extrémités, faces d’extension des membres) ; le diagnostic repose sur l’aspect clinique,
les antécédents familiaux, l’étude en microscopie électronique
d’une biopsie cutanée et, dans certains cas, l’identification de
la mutation en cause par la biologie moléculaire ;
– une épidermolyse staphylococcique : dermatose bulleuse
aiguë due à l’action d’une toxine sécrétée par certaines souches de staphylocoques dorés ; elle se caractérise par un décollement épidermique très superficiel (sous-corné) et survient
dans un contexte infectieux ;
– un érythème polymorphe bulleux : caractérisé cliniquement
par des lésions cutanées éruptives en « cocardes » ou
« cibles » à disposition acrale (coudes, genoux, mains, visage),
évoluant spontanément vers la guérison en 2 à 3 semaines ;
les lésions muqueuses bulleuses ou érosives sont fréquentes ;
il est en règle postinfectieux, survenant le plus souvent après
un herpès récurrent.
DIAGNOSTIC ÉTIOLOGIQUE
Il repose sur l’interrogatoire, l’aspect clinique et les examens
complémentaires, en particulier immunopathologiques.
Interrogatoire
D’une maladie bulleuse auto-immune
Les dermatoses bulleuses non auto-immunes seront éliminées sur l’aspect clinique, l’évolution et surtout la négativité
des examens immunopathologiques, essentiellement l’IFD
cutanée.
Chez l’adulte, on élimine :
– une toxidermie bulleuse (érythème pigmenté fixe bulleux,
syndrome de Stevens-Johnson, nécrolyse épidermique
toxique) ; elle se caractérise cliniquement par un début brutal,
une rapidité d’évolution, une fréquence de l’atteinte muqueuse et des signes généraux imposant l’hospitalisation en
urgence ; l’interrogatoire recherche la prise récente de médicaments inducteurs ;
– une porphyrie cutanée tardive : caractérisée par des bulles
des régions découvertes d’évolution cicatricielle, une fragilité
cutanée, une hyperpigmentation et une hyperpilosité temporo-malaire ; le diagnostic repose sur le taux élevé d’uroporphyrines dans les urines ;
– une dermatose bulleuse par agents externes : bulles de
cause physique (« coup de soleil », photophytodermatose ou
7S92
Il précise :
– la prise de médicaments possiblement inducteurs : D-pénicillamine, inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC) au
cours des pemphigus, diurétiques épargnant le potassium au
cours de la pemphigoïde bulleuse ;
– les antécédents personnels ou familiaux de maladies
auto-immunes ;
– l’âge de début (pemphigoïde bulleuse touchant habituellement des sujets très âgés) ;
– les signes fonctionnels : prurit (fréquent dans la pemphigoïde bulleuse, douleurs locales ;
– les circonstances d’apparition : grossesse pour la pemphigoïde gravidique ;
– l’existence d’un terrain débilité devant faire craindre un
retentissement important de la maladie et de son traitement.
Examen clinique
Il précisera :
– l’aspect des bulles (tendues ou flasques) et leur taille ;
Ann Dermatol Venereol
2005;132:7S91-7S97
Dermatoses bulleuses auto-immunes
– l’existence d’un signe de Nikolsky (évocateur de pemphigus) ;
– l’état de la peau péribulleuse (saine ou érythémateuse) et
les signes cutanés associés ;
– la topographie des lésions par un examen complet de la
peau et de toutes les muqueuses externes (buccale, conjonctivale, génitale) ;
– l’étendue des lésions (bulles, érosions), le nombre moyen
de nouvelles bulles quotidiennes et le degré de surinfection
locale ;
– le retentissement sur l’état général (signes de déshydratation ou d’infection systémique).
Toute forme étendue ou rapidement évolutive impose une
hospitalisation en service spécialisé.
Examens complémentaires
L’interrogatoire et l’examen clinique permettent, dans la plupart des cas, une bonne orientation diagnostique. Cependant,
le diagnostic de certitude nécessite le recours à des examens
complémentaires :
– biopsie d’une bulle intacte et récente pour examen histopathologique standard ;
– biopsie en peau péribulleuse pour IFD, à congeler immédiatement dans de l’azote liquide ou à mettre dans un milieu
de transport spécial ;
– prélèvement sanguin pour recherche d’anticorps antiépiderme par IFI ; cet examen permet de rechercher des anticorps réagissant avec la JDE (anticorps antimembrane basale)
ou avec la membrane des kératinocytes en précisant leur classe (IgG, IgA) et leur titre ;
– numération-formule sanguine à la recherche d’une éosinophilie (pemphigoïde bulleuse).
Dans certains cas difficiles de DBAI sous-épidermiques,
d’autres examens complémentaires, qui ne sont pas réalisables en routine, peuvent s’avérer nécessaires :
– immunomicroscopie électronique directe sur biopsie
cutanée ;
– IFI sur peau humaine normale clivée ; cet examen réalisé
sur le sérum du malade permet de localiser les anticorps antimembrane basale par rapport au clivage induit par le NaCl
molaire (marquage au toit ou au plancher de la bulle) ;
– immunotransfert (synonyme : immunoblot, WesternBlot) ; cet examen étudie la réactivité du sérum du patient sur
les protéines extraites de peau normale ; il permet de caractériser les autoanticorps sériques en fonction du poids moléculaire des antigènes reconnus ;
– enzyme linked immunoabsorbent assay (ELISA) pour distinguer les épitopes-cibles des autoanticorps sériques.
PRINCIPALES MALADIES
DBAI sous-épidermiques
Les DBAI sous-épidermiques sont multiples et sont liées à la
production d’auto-anticorps dirigés contre différentes protéines de la JDE.
PEMPHIGOÏDE BULLEUSE
C’est la plus fréquente de toutes les DBAI. Elle touche surtout
les sujets âgés (en moyenne : 80 ans).
Signes cliniques
La maladie peut débuter par un prurit généralisé, par des placards eczématiformes ou urticariens. L’éruption caractéristique est faite de bulles tendues, à contenu clair, souvent de
grande taille, siégant sur base érythémateuse (macules et papules prenant parfois un aspect urticarien) (fig. 1). Le prurit est intense. Les lésions sont symétriques avec une prédilection pour
les faces de flexion et la racine des membres, la face antérointerne des cuisses et l’abdomen. L’atteinte muqueuse est rare.
Diagnostic
Il se fait sur les examens suivants :
– numération-formule sanguine : hyperéosinophilie fréquente ;
– histologie standard : bulle sous-épidermique contenant
des éosinophiles, sans acantholyse ni nécrose des kératinocytes, associée à un infiltrat inflammatoire dermique polymorphe (fig. 2) ;
– IFD : dépôts linéaires d’IgG et/ou de C3 le long de la
membrane basale de l’épiderme (fig. 3) ;
– IFI standard : anticorps antimembrane basale (IgG) dans
80 p. 100 des cas (titre variable non lié à la sévérité ou à l’étendue de la maladie) ;
– IFI sur peau clivée : les anticorps se fixent au toit de la
zone de clivage.
Antigènes-cibles
Par immunotransfert réalisé à partir de protéines épidermiques, les autoanticorps réagissent avec deux protéines de
l’hémidesmosome : AgPB1 (230 kD) et/ou AgPB2 (180 kD).
Évolution et traitement
La PB est une maladie grave, puisque le taux de mortalité à
1 an est de 30 à 40 p. 100. Les malades décèdent principalement de complications infectieuses (septicémies, pneumopathies) ou cardiovasculaires (insuffisance cardiaque, accident
vasculaire cérébral) souvent favorisées par le traitement corticoïde et/ou immunosuppresseur.
Le traitement comporte des mesures propres à toute maladie bulleuse : bains antiseptiques, hydratation et nutrition
compensant les pertes hydroélectrolytiques et protéiques.
La corticothérapie générale constituait jusqu’à récemment
le traitement de référence (prednisone : 0,5 à 1 mg/kg/j suivi
d’une dégression progressive jusqu’à une dose d’entretien).
Des études récentes montrent qu’une forte corticothérapie
locale utilisant le propionate de clobetasol (crème Dermoval
40 g/j) a une efficacité similaire à la corticothérapie générale
et une meilleure tolérance. Les mesures adjuvantes à toute
corticothérapie doivent être associées. Le traitement d’attaque est poursuivi une quinzaine de jours après le contrôle de
la maladie. La corticothérapie est ensuite diminuée progressivement par paliers. Le traitement est poursuivi pendant
une durée de 6 à 12 mois.
7S93
I. Modules transdisciplinaires
Les traitements immunosuppresseurs (azathioprine, mycophénolate mofétil) sont indiqués en cas de résistance à la
corticothérapie.
La surveillance est essentiellement clinique, portant initialement sur un décompte quotidien du nombre de bulles puis
sur une récidive éventuelle de la maladie. Rappelons l’importance d’une surveillance de la tolérance du traitement corticoïde, la morbidité et la mortalité d’origine iatrogène étant
majeures à cet âge.
PEMPHIGOÏDE GESTATIONIS (SYN. : PEMPHIGOÏDE DE LA GROSSESSE,
PEMPHIGOÏDE GRAVIDIQUE)
C’est une forme très rare de pemphigoïde survenant spécifiquement lors de la grossesse ou du post-partum, favorisée par
des modifications transitoires de l’immunité observées dans
ces situations. Elle débute dans le 2e ou 3e trimestre, souvent
à la région périombilicale, et peut récidiver lors de grossesses
ultérieures, parfois de manière plus précoce. Le pronostic fœtal est dominé par le risque de prématurité et par un petit
poids de naissance. Le traitement repose, selon la sévérité, sur
la corticothérapie locale ou générale.
PEMPHIGOÏDE CICATRICIELLE
Cette DBAI touche surtout le sujet âgé et est caractérisée par
l’atteinte élective des muqueuses :
– buccale : gingivite érosive, stomatite bulleuse ou érosive ;
– oculaire : conjonctivite synéchiante avec risque de cécité
par opacification cornéenne (fig. 4) ;
– génitale : vulvite ou balanite bulleuse ou érosive.
L’atteinte cutanée est inconstante (un quart des cas) avec
des érosions chroniques laissant des cicatrices déprimées
prédominant à la tête et au cou.
Diagnostic
L’IFD est analogue à celle de la pemphigoïde bulleuse. Des
anticorps antimembrane basale de l’épiderme sont inconstamment détectés par IFI. Par IFI sur peau clivée, ils se fixent
au toit ou au plancher de la bulle. Par immunotransfert, ils
réagissent surtout avec l’AgPB2 (180 kD). L’immunomicroscopie électronique directe est souvent nécessaire au diagnostic de certitude, montrant des dépôts immuns épais dans la
lamina lucida, débordant sur la lamina densa.
Traitement
Il repose en première intention sur la dapsone (Disulone) à la
dose de 50 à 100 mg/j. En cas d’atteinte oculaire évolutive, le
traitement repose sur l’utilisation de cyclophosphamide
(Endoxan) seul ou associé à une corticothérapie générale.
DERMATITE HERPÉTIFORME
Très rare en France, la dermatite herpétiforme est une maladie débutant chez l’adolescent ou l’adulte jeune. Elle évolue
par poussées entrecoupées de rémissions spontanées. Sa physiopathologie est incomplètement comprise. Elle fait intervenir une hypersensibilité à la gliadine contenue dans le gluten,
comme la maladie cœliaque qui lui est souvent associée.
7S94
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Le tableau clinique est dominé par un prurit diffus, longtemps isolé. Les bulles et/ou vésicules ont une disposition symétrique aux coudes, genoux et fesses et se regroupent en
anneau ou en médaillon.
L’histologie cutanée montre un clivage sous-épidermique
associé à des microabcès du derme papillaire à polynucléaires neutrophiles et éosinophiles. L’IFD montre des dépôts
granuleux d’IgA, en mottes, dans les papilles dermiques,
sous la JDE. Des anticorps circulants antiréticuline, antiendomysium et antigliadine sont souvent retrouvés.
La DH est associée à une entéropathie au gluten, le plus
souvent asymptomatique. Une biopsie du grêle montrerait
une atrophie villositaire caractéristique.
L’évolution de la maladie est chronique, les poussées étant
parfois provoquées par une prise excessive de gluten. Le risque
évolutif majeur mais rarissime est représenté par la survenue
d’un lymphome du grêle. Le traitement repose essentiellement sur le régime sans gluten qui est très contraignant, et sur
la disulone.
DERMATOSE À IgA LINÉAIRE
Son individualisation reste discutée. Elle est définie par des
dépôts linéaires d’IgA sur la membrane basale de l’épiderme
en IFD et un clivage sous-épidermique en histologie. Elle survient à tout âge, mais en particulier chez l’enfant.
L’aspect clinique est souvent celui d’une pemphigoïde. Les
bulles de grande taille, associées à des vésicules à groupement
arrondi (herpétiforme), prédominent sur la moitié inférieure
du tronc, sur les fesses, sur le périnée et sur les cuisses.
L’examen du sérum en immunotransfert montre une réactivité variable des anticorps contre plusieurs antigènes dermiques et épidermiques.
Chez l’adulte, il existe des formes d’évolution aiguë induites par les médicaments (vancomycine).
Le traitement repose sur la disulone. L’évolution est habituellement favorable en quelques semaines à quelques mois.
ÉPIDERMOLYSE BULLEUSE ACQUISE
Maladie exceptionnelle de l’adulte, elle se caractérise par des
bulles mécaniques en peau saine sur les zones de frottement
et les extrémités laissant des cicatrices atrophiques. Le diagnostic repose sur des examens immunopathologiques sophistiqués.
DBAI intraépidermiques (pemphigus)
DÉFINITION, ÉPIDÉMIOLOGIE
Les pemphigus sont des maladies auto-immunes rares qui
touchent la peau et les muqueuses. Les autoanticorps présents dans les sérums des malades sont dirigés contre des
constituants du desmosome et sont responsables de l’acantholyse et du clivage intraépidermique. On distingue trois
grands types de pemphigus : le pemphigus vulgaire (PV) où
le clivage est suprabasal, les pemphigus superficiels (PS) où
Dermatoses bulleuses auto-immunes
le clivage est sous-corné et le pemphigus paranéoplasique
(PPN), souvent associé à une hémopathie maligne. L’association à d’autres maladies auto-immunes est possible : myasthénie, lupus érythémateux, maladie de Gougerot-Sjögren,
polyarthrite rhumatoïde, maladie de Basedow, glomérulonéphrites.
SIGNES CLINIQUES
Le pemphigus vulgaire débute le plus souvent de façon insidieuse par des lésions muqueuses. L’atteinte buccale (fig. 5),
faite d’érosions douloureuses, traînantes pouvant gêner l’alimentation, est plus fréquente que les atteintes génitale et oculaire. L’atteinte cutanée survient secondairement, plusieurs
semaines ou plusieurs mois après les érosions muqueuses.
Elle se caractérise par des bulles flasques à contenu clair, siégeant en peau saine. Les bulles sont fragiles et laissent rapidement place à des érosions postbulleuses cernées par une
collerette épidermique (fig. 6). Il existe un signe de Nikolsky
en peau périlésionnelle, et parfois en peau saine. Des érosions œsophagiennes, vaginales et rectales sont également
possibles. Le pemphigus végétant est une forme clinique caractérisée par l’évolution végétante des lésions qui se localisent dans les grands plis.
Les pemphigus superficiels regroupent le pemphigus séborrhéique qui est une forme localisée de la maladie et le pemphigus foliacé sporadique ou endémique (fogo selvagem) qui
correspond à une forme disséminée. Dans le pemphigus séborrhéique, les bulles, très fugaces et inconstantes, sont remplacées par des lésions squamo-croûteuses, parfois prurigineuses,
distribuées sur les zones séborrhéiques : thorax, visage, cuir
chevelu, région interscapulaire (fig. 7). Il n’existe habituellement pas d’atteinte muqueuse. Dans les formes sévères, le tableau clinique est celui d’une érythrodermie squameuse.
Le pemphigus paranéoplasique est une forme exceptionnelle
de pemphigus associé à différents types de proliférations malignes, notamment des hémopathies lymphoïdes.
EXAMENS COMPLÉMENTAIRES
Le diagnostic est confirmé par l’examen histologique d’une
bulle récente (bulle intraépidermique suprabasale dans le
pemphigus vulgaire, clivage dans la couche granuleuse dans
les pemphigus superficiels) avec acantholyse (kératinocytes
détachés) (fig. 8).
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L’étude en IFD d’une biopsie de peau péribulleuse montre
des dépôts d’IgG et de C3 sur la membrane des kératinocytes,
prenant un aspect en résille ou en mailles de filet (fig. 9).
L’examen du sérum en IFI montre des anticorps circulants
de classe IgC dirigés contre la surface des kératinocytes, encore abusivement appelés « anticorps anti-substance intercellulaire épidermique », dont le titre est corrélé à l’activité de
la maladie.
Les techniques d’immunotransfert et d’ELISA permettent
de déterminer les antigènes reconnus par les autoanticorps
circulants (desmogléine 3 au cours des pemphigus vulgaires,
desmogléine 1 au cours des pemphigus superficiels).
PRONOSTIC, TRAITEMENT
La mortalité se situe actuellement autour de 5 p. 100 et est
principalement due aux complications iatrogènes.
Le traitement d’attaque est destiné à contrôler la maladie.
Le traitement d’entretien à dose progressivement décroissante vise à maintenir la rémission complète, clinique et immunopathologique (disparition des anticorps circulants). Il
repose essentiellement sur la corticothérapie générale à forte
dose : prednisone (1 à 1,5 mg/kg/j). Des traitements immunosuppresseurs, par azathioprine, cyclophosphamide ou ciclosporine, sont parfois associés à la corticothérapie en cas de
résistance au traitement corticoïde. Les doses de corticoïdes
sont ensuite progressivement diminuées, un traitement de
plusieurs années étant souvent nécessaire. La disulone et les
dermocorticoïdes constituent une alternative thérapeutique
intéressante dans les formes peu étendues et au cours des
pemphigus superficiels.
AUTRES FORMES DE PEMPHIGUS
Les pemphigus médicamenteux sont déclenchés par les médicaments contenant un groupe thiolé tels que la D-pénicillamine,
le captopril, la thiopronine, la pyrithioxine mais également
avec d’autres substances (piroxicam, bêtabloquants, phénylbutazone, rifampicine). L’acantholyse peut être secondaire à l’action directe du médicament, l’IFD est alors négative et, à l’arrêt
du traitement, l’évolution est favorable. Plus souvent, le médicament ne fait que déclencher un pemphigus auto-immun.
L’IFD montre alors un marquage de type pemphigus et il existe un risque d’autonomisation de la maladie malgré l’arrêt du
traitement, nécessitant le recours à la corticothérapie.
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I. Modules transdisciplinaires
Points clés
1. Le diagnostic des différentes maladies bulleuses auto-immunes repose sur l’examen clinique complété par l’examen histologique d’une biopsie cutanée et par la recherche d’anticorps antiépiderme (dirigés contre des protéines de la jonction dermoépidermique au cours de la pemphigoïde et des jonctions interkératinocytaires au cours du pemphigus).
2. Les anticorps antiépiderme fixés in vivo sont détectés par immunofluorescence directe et les anticorps sériques par immunofluorescence indirecte, immunotransfert ou ELISA.
3. Une dermatose bulleuse étendue et/ou rapidement évolutive impose une hospitalisation en service spécialisé.
4. La plus fréquente des dermatoses bulleuses auto-immunes est la pemphigoïde bulleuse : elle se traduit par un prurit et des lésions cutanées à type de grosses bulles tendues ; elle survient chez les sujets âgés et est à l’origine d’une importante mortalité
(30 p. 100 après 1 an de traitement) et d’une lourde morbidité principalement d’origine iatrogène.
5. Le pemphigus vulgaire se traduit essentiellement par des érosions muqueuses, en particulier de la muqueuse buccale, à l’origine
d’une dysphagie.
6. Le traitement des principales maladies bulleuses auto-immunes repose principalement sur la corticothérapie locale ou générale.
Fig. 3. Pemphigoïde bulleuse : immunofluorescence directe cutanée ; dépôts linéaires
d’IgG le long de la membrane basale de l’épiderme.
Fig. 1. Pemphigoïde bulleuse : bulles tendues sur base érythémateuse (face interne
de la cuisse).
Fig. 2. Pemphigoïde bulleuse : biopsie cutanée standard ; bulle sous-épidermique
sans acantholyse.
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Fig. 4. Pemphigoïde cicatricielle : synéchies conjonctivales.
Dermatoses bulleuses auto-immunes
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Fig. 5. Pemphigus vulgaire : érosions (postbulleuses) gingivales.
Fig. 8. Pemphigus vulgaire : biopsie cutanée standard ; bulle intraépidermique par
décollement suprabasal avec acantholyse.
Fig. 6. Pemphigus vulgaire : érosions et croûtes cutanées présternales.
Fig. 9. Pemphigus vulgaire : immunofluorescence directe cutanée ; dépôts
interkératinocytaires d’IgG.
Fig. 7. Pemphigus superficiel : lésions érythémato-squameuses à bordure figurée.
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I. Modules transdisciplinaires
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Module 8 : Immunopathologie, réaction inflammatoire
Item no 117 : Lupus érythémateux disséminé.
Syndrome des antiphospholipides
Objectif pédagogique
– Diagnostiquer un lupus érythémateux disséminé et un syndrome des antiphospholipides.
P
rototype des maladies auto-immunes non spécifiques d’organe, le lupus érythémateux disséminé ou
lupus érythémateux systémique (LES) est une connectivite fréquente et d’expression clinique très variable, caractérisée par la production d’anticorps antinucléaires et
particulièrement d’anticorps anti-ADN natif. Il peut être associé à la présence d’un anticorps antiphospholipides (APL)
et à son corollaire clinique, le syndrome des anticorps antiphospholipides (SAPL) caractérisé par des thromboses récidivantes.
Les facteurs d’environnement qui déclenchent une
poussée de la maladie sont, pour la plupart, inconnus à
l’exception des rayons ultraviolets B (280-320 nm). Bien
que de nombreux médicaments puissent induire une maladie apparentée au lupus, des différences cliniques et immunologiques existent entre le lupus induit et le lupus
spontané. L’appartenance au sexe féminin est un facteur
de susceptibilité évident puisque la prévalence chez les
femmes en âge de procréer est 7 à 9 fois supérieure à la
prévalence chez les hommes, tandis que le sex-ratio est de
3 femmes pour 1 homme au cours des périodes pré- et
postménopausiques.
ÉPIDÉMIOLOGIE
Le LES survient dans 85 p. 100 des cas chez la femme, généralement en période d’activité génitale. La prévalence (15 à
50 cas pour 100 000) est plus élevée chez les sujets noirs.
PATHOGÉNIE
Le lupus résulte vraisemblablement d’interactions entre des
gènes de susceptibilité et des facteurs d’environnement. Cette
interaction a pour conséquence une réponse immune anormale comportant une hyperréactivité lymphocytaire T et B,
qui n’est pas réprimée par les circuits habituels d’immunorégulation, et la production d’anticorps en particulier d’anticorps antinucléaires et d’anticorps anti-ADN.
Les arguments en faveur d’une prédisposition génétique
de la maladie sont : la fréquence accrue de la maladie chez les
jumeaux monozygotes et l’atteinte d’un membre de la famille dans 10 p. 100 des cas. Plusieurs gènes sont probablement impliqués. Les quelques marqueurs mis en évidence
ont peu d’intérêt pratique à l’exception de déficits en fraction
du complément (C4 essentiellement).
7S98
DIAGNOSTIC
Symptomatologie clinique
En raison du polymorphisme de l’affection, la description
d’une forme typique est impossible. Les principales manifestations seront décrites en indiquant leur fréquence. Les atteintes viscérales, qui peuvent toutes révéler la maladie,
s’associent lors des poussées à des signes généraux : fièvre,
asthénie, amaigrissement.
MANIFESTATIONS DERMATOLOGIQUES
De nombreuses manifestations dermatologiques sont observées au cours du lupus érythémateux systémique (LES). Elles
peuvent être schématiquement classées en trois groupes : les
lésions lupiques (histologie évocatrice de lupus), les lésions
vasculaires et les autres manifestations.
Lésions cutanées spécifiques du lupus
Les lésions lupiques principalement observées au cours du
LES sont des lésions de lupus érythémateux aigu. Les lésions
de lupus subaigu ou chronique sont plus rares. Ces différents
Lupus érythémateux disséminé. Syndrome des antiphospholipides
types de lupus cutané peuvent être associés chez un même
malade. Ils diffèrent par leur aspect clinique, histologique et
leur évolution.
• Aspects cliniques
Les aspects cliniques sont présentés dans le tableau I.
Lupus érythémateux aigu. Les lésions de lupus érythémateux aigu sont caractérisées cliniquement par un aspect
érythémateux, plus ou moins œdémateux ou squameux, plus
rarement papuleux (fig. 1, 2).
Dans la forme localisée, les lésions sont situées principalement sur les joues et le nez en vespertilio ou en loup, respectant relativement les sillons nasogéniens et les paupières,
s’étendant souvent sur le front, le cou, dans la zone du décolleté avec une bordure émiettée.
Dans la forme diffuse, les lésions prédominent généralement sur les zones photoexposées réalisant une éruption
morbilliforme, papuleuse, eczématiforme ou bulleuse. Sur
le dos des mains, les lésions lupiques atteignent surtout les
zones interarticulaires.
Les lésions muqueuses du lupus aigu sont érosives, principalement buccales (fig. 3).
Le diagnostic différentiel se pose avec la rosacée qui comporte des télangiectasies et des pustules, avec une dermatite
séborrhéïque, localisée principalement dans les plis nasogéniens, avec une dermatomyosite prédominant au visage, sur
les paupières supérieures, de couleur lilacée avec un œdème
généralement plus important et aux mains, sur les zones articulaires. Les formes disséminées peuvent parfois faire évoquer un eczéma ou une éruption virale.
Lupus cutané subaigu. Des lésions de lupus cutané subaigu sont observées dans 7 à 21 p. 100 des LES, notamment
en présence d’anticorps anti-Ro/SSA. Cliniquement, le lupus cutané subaigu se manifeste initialement par des lésions
maculeuses érythémateuses ou papuleuses évoluant soit vers
des lésions annulaires, soit vers un aspect psoriasiforme
(fig. 4). Les lésions annulaires ont des contours polycycliques
à bordure érythémato-squameuse. Les lésions psoriasiformes sont papulo-squameuses. Quel que soit leur aspect, les
lésions prédominent sur les zones photoexposées de la moitié supérieure du corps. Ils peuvent être induits par certains
médicaments (thiazidiques, inhibiteurs calciques).
Tableau I. – Signes principaux des lésions cutanées lupiques
du lupus systémique.
Lupus érythémateux aigu
Lupus érythémateux subaigu
Lupus érythémateux discoïde
Érythème en vespertilio, en « loup »
Lésions érosives muqueuses
Lésions annulaires disséminées
Lésions psoriasiformes disséminées
Photosensibilité
Lésion érythémato-squameuses
Évolution atrophiante, dyschromique,
cicatricielle
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Le diagnostic peut hésiter avec une dermatophytie, un
érythème polymorphe, un psoriasis, un pityriasis rosé de
Gibert ou un vitiligo dans les formes dépigmentées.
Lupus érythémateux discoïde. Les lésions cutanées de type
lupus érythémateux discoïde sont observées dans 15 à
25 p. 100 des LES. Beaucoup plus fréquemment, elles sont
isolées, sans aucune manifestation viscérale. En l’absence
d’anomalies biologiques franches, la probabilité que des lésions de lupus érythémateux discoïde annoncent la survenue
d’un LES est très faible. Il s’agit de plaques bien limitées associant trois lésions élémentaires : érythème, surtout net en
bordure, parcouru de fines télangiectasies, squames épaisses
s’enfonçant en clou dans les orifices folliculaires et atrophie
cicatricielle (fig. 5). Les lésions souvent multiples et symétriques prédominent au visage prenant parfois une disposition
en aile de papillon. L’atteinte des oreilles est classique de
même que celle du cuir chevelu (fig. 6).
Autres aspects. D’autres aspects sont plus rarement observés au cours du LES :
– le lupus tumidus se manifestant par un placard infiltré
non squameux ;
– le lupus à type d’engelures des extrémités ;
– la panniculite lupique débutant par des nodules et laissant une atrophie cicatricielle sur les bras et les cuisses.
• Aspects histopathologiques
L’examen anatomopatholoqique d’une lésion cutanée lupique
révèle des lésions épidermiques et dermiques : hyperkératose, atrophie épidermique, dégénérescence des kératinocytes
basaux, épaississement de la membrane basale, œdème et infiltrat lymphocytaire dermique. Les lésions sont plus marquées dans les formes discoïdes, parfois minimes dans les
autres variantes.
L’étude en immunofluorescence directe d’une lésion lupique met en évidence des dépôts granuleux (par opposition aux dépôts linéaires des dermatoses bulleuses autoimmunes) d’immunoglobulines (lgG, A ou M) et/ou de
complément (C1q, C3) à la jonction dermo-épidermique
dans 90 p. 100 des cas de lupus aigu et chronique et dans
60 p. 100 des cas de lupus subaigu. Cette bande lupique est
présente en peau saine dans 30 p. 100 des cas de LES.
• Aspects évolutifs
Les lésions de lupus érythémateux aigu ont une évolution parallèle à celle des poussées systémiques, disparaissant avec elles sans cicatrice. Les lésions de lupus subaigu ont une
évolution souvent dissociée des autres manifestations systémiques, disparaissant le plus souvent sans cicatrice avec parfois une hypochromie séquellaire. Les lésions de lupus
discoïde ont une évolution chronique et cicatricielle sans parallélisme avec les poussées viscérales.
Lésions cutanées vasculaires
• Phénomène de Raynaud
Un phénomène de Raynaud est présent chez 15 à 45 p. 100
des malades et peut précéder de longue date l’apparition du
7S99
I. Modules transdisciplinaires
LES. Il ne justifie que rarement un traitement spécifique.
L’apparition d’une nécrose digitale doit faire suspecter une
thrombose ou une vasculite associée.
• Érythème palmaire et télangiectasies périunguéales
Livédo. Le livédo est significativement associé au cours du lupus à la présence d’anticorps antiphospholipides, à l’atteinte
cardiaque et aux manifestations vasculaires ischémiques cérébrales. Ce livédo est habituellement diffus, à mailles fines
non fermées, formant des cercles incomplets (livédo racemosa ou ramifié), localisé sur les membres et le tronc. Les biopsies cutanées ont un intérêt limité.
Purpura. Les lésions de purpura peuvent témoigner d’une
vasculite ou de lésions thrombotiques. Plus les lésions sont
nécrotiques, plus le risque qu’il s’agisse de phénomène ou de
thrombose est important (justifiant la recherche d’anticorps
antiphospholipides).
Ulcère de jambe. Des ulcères de jambes sont observés chez
3 p. 100 environ des malades ayant un LES. Ils sont rarement
secondaires à une atteinte des troncs profonds mise en évidence par les examens doppler artériel et veineux. Habituellement, il s’agit d’ulcères superficiels en rapport avec une
vasculite ou plus souvent une thrombose cutanée (anticorps
antiphospholipides).
Vasculite urticarienne. Les lésions d’urticaire, notées dans
4 à 13 p. 100 des cas des grandes séries de LES, correspondent
histologiquement à une vasculite leucocytoclasique des vaisseaux superficiels dermiques et sont généralement associées
à une baisse du complément.
Autres lésions vasculaires. On peut aussi observer un érythème palmaire, des télangiectasies periunguéales et des hémorragies en flammèches sous-unguéales.
Autres manifestations
• Alopécie diffuse
Une chute diffuse des cheveux, inconstante, est contemporaine des poussées de LES.
• Lésions bulleuses
Elles sont exceptionnelles toujours associées à un lupus systémique et caractérisées par des dépôts linéaires immuns localisés sur la jonction dermo-épidermique.
MANIFESTATIONS RHUMATOLOGIQUES
Souvent inaugurales, elles sont presque constantes et figurent volontiers au premier plan du tableau clinique qu’il
s’agisse d’arthromyalgies ou plus souvent d’arthrites vraies
(75 p. 100). Ces arthrites peuvent évoluer sur un mode
variable :
7S100
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– oligo- ou polyarthrite aiguë fébrile, bilatérale et symétrique ;
– arthrite subaiguë ;
– plus rarement arthrite chronique.
Les articulations les plus fréquemment atteintes sont les
métacarpo-phalangiennes, les interphalangiennes proximales, le carpe, les genoux et les chevilles. Les déformations des
mains sont rares et alors réductibles (rhumatisme de Jaccoud). Les radios ne montrent pas de destruction ostéocartilagineuse, à la différence de la polyarthrite rhumatoïde.
Plus rarement, on peut observer des ténosynovites ou des
arthrites septiques. Les ruptures tendineuses et les ostéonécroses aseptiques sont favorisées par la corticothérapie.
MANIFESTATIONS RÉNALES
Elles ont une importance pronostique majeure. Leur fréquence est comprise entre 35 et 55 p. 100 (plus élevée si l’on se fonde sur les données de biopsies rénales systématiques).
L’atteinte rénale survient en règle dans les premières années
d’évolution. Une surveillance régulière s’impose cependant.
La ponction-biopsie rénale (PBR) est indiquée en cas de protéinurie supérieure à 0,5 g/24 h.
L’étude histologique montre des lésions principalement
glomérulaires, mais aussi tubulo-interstitielles et parfois vasculaires qui coexistent fréquemment sur une même biopsie.
On distingue les lésions actives susceptibles de régresser
sous traitement, et les lésions inactives irréversibles, faisant
chacune l’objet d’un indice quantitatif. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) reconnaît six classes :
– glomérule normal en microscopie optique et immunofluorescence (classe I) ; cet aspect est rare ;
– glomérulonéphrite mésangiale pure (classe II) de pronostic favorable ;
– glomérolunéphrite segmentaire et focale (classe III) avec
des lésions nécrotiques et prolifératives d’une partie des capillaires de moins de 50 p. 100 des glomérules. Les dépôts immuns sont présents en quantité modérée, dans les capillaires
de nombreux glomérules. La traduction biologique se limite
souvent à une protéinurie modérée. L’évolution ultérieure
vers une forme diffuse n’est pas exceptionnelle ;
– gllomérulonéphrite proliférative diffuse (classe IV) ;
c’est la forme la plus fréquente et la plus grave. La majorité
des glomérules sont touchés à des degrés divers : nécrose,
proli-fération des cellules mésangiales et endothéliales, dépôts endomembraneux responsables du classique aspect en
« boucle de fil de fer » des capillaires. La prolifération épithéliale, donnant naissance à des croissants extracapillaires, est
un signe de gravité. L’immunofluorescence révèle des dépôts granuleux d’IgG, IgM, IgA, ou de complément. Cette atteinte proliférative diffuse se traduit par une protéinurie
franche, et souvent par un syndrome néphrotique impur associant hématurie microscopique, HTA et insuffisance
rénale ;
– glomérulonéphrite extramembraneuse (classe V) ; la
paroi des capillaires glomérulaires est épaissie de façon
Lupus érythémateux disséminé. Syndrome des antiphospholipides
diffuse et régulière par des dépôts immuns. Quand les lésions prolifératives sont absentes ou modestes, le tableau
clinique est généralement celui d’un syndrome néphrotique
avec hématurie microscopique, sans HTA ni insuffisance
rénale ;
– sclérose glomérulaire (classe VI), dont l’autonomie est
discutée.
Quand la néphropathie lupique aboutit, malgré le traitement, à une insuffisance rénale terminale, l’évolutivité du lupus tend à diminuer. Les taux de survie en hémodialyse sont
satisfaisants, les récidives de néphropathie lupique après
transplantation, exceptionnelles.
MANIFESTATIONS NEUROLOGIQUES
Elles concernent essentiellement le système nerveux central
et revêtent une signification souvent péjorative. Leur expression clinique est très variable (30-60 p. 100) :
– crise comitiale généralisée ou focalisée, pouvant précéder
les autres manifestations de plusieurs années, et posant alors
le problème diagnostique d’un lupus induit par les anticomitiaux. La recherche d’un APL est la règle ;
– accidents vasculaires cérébraux surtout ischémiques, volontiers corrélés également à la présence d’un APL ;
– neuropathies crâniennes ;
– méningite lymphocytaire aseptique, qui ne peut être
attribuée à la maladie lupique qu’après avoir éliminé une
surinfection opportuniste, notamment tuberculeuse ou
mycotique ;
– plus rarement, atteinte médullaire et chorée ;
– les migraines, fréquentes et parfois richement accompagnées, ne doivent pas être confondues avec une manifestation
organique.
Les troubles psychiques sont fréquents (20 p. 100) et peuvent comporter un risque suicidaire : troubles de l’humeur
(dépression, accès maniaque), syndrome confusionnel, bouffée délirante aiguë. Ces troubles peuvent relever de mécanismes extrêmement divers (neuro-lupus, complication du
traitement corticoïde).
L’IRM est utile dans l’évaluation du neuro-lupus (infarctus
cérébraux, hypersignaux de la substance blanche).
MANIFESTATIONS CARDIAQUES
Elles peuvent toucher les trois tuniques :
– les péricardites (30 p. 100), parfois révélatrices, sont fréquemment latentes et découvertes lors d’une échographie
systématique. Leur corticosensibilité est spectaculaire ;
– l’atteinte myocardique spécifique du lupus se traduit par
une insuffisance cardiaque congestive et des troubles du rythme ou de la conduction ;
– l’endocardite de Libman-Sacks est reconnue grâce à
l’échographie. Elle est souvent associée au SAPL. Anatomiquement, les lésions (épaississement valvulaire, végétations
de petite taille) prédominent sur les valves du cœur gauche.
Cette endocardite expose à diverses complications : dégrada-
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tion hémodynamique, greffe oslérienne, thromboses valvulaires source d’embolies artérielle ;
– enfin les cas d’insuffisance coronarienne sont généralement secondaires à l’athérome précoce (favorisé par la corticothérapie prolongée) et/ou à un SAPL.
MANIFESTATIONS VASCULAIRES
– L’hypertension artérielle, dont la fréquence est diversement
appréciée (20 à 60 p. 100 selon les critères retenus), est souvent présente en cas de glomérulopathie grave et/ou de corticothérapie.
– Une vasculite est fréquemment retrouvée anatomiquement au niveau de la peau, des reins ou du système nerveux
central, allant de la classique angéite leucocytoclasique
à des lésions indiscernables de celles de la périartérite
noueuse.
– Quand le LES s’accompagne d’anticorps antiphospholipides, les thromboses veineuses ou artérielles sont particulièrement fréquentes. Elles surviennent sur un vaisseau
indemne d’inflammation pariétale. Les thromboses veineuses touchent tous les territoires, dont la veine cave, les veines
rénales et les sinus cérébraux. Le risque embolique est élevé.
Les artères de petit, moyen et gros calibre peuvent être concernées (AVC, nécroses cutanées).
MANIFESTATIONS RESPIRATOIRES
– Les pleurésies lupiques (30 p. 100), uni- ou bilatérales, exsudatives et lymphocytaires, parfois cliniquement latentes,
sont corticosensibles.
– Les atteintes pulmonaires (15 p. 100) sont diverses. Leur
traduction clinique est inconstante : toux, hémoptysie, dyspnée, parfois anomalies auscultatoires.
– Radiologiquement, l’aspect le plus fréquent est celui d’infiltrats bilatéraux non systématisés migrateurs et récidivants
ou d’atélectasies en bandes. La survenue d’une pneumopathie au cours d’un LES traité doit faire avant tout rechercher
une étiologie infectieuse, notamment tuberculeuse.
– L’hypertension artérielle pulmonaire est rare.
MANIFESTATIONS DIVERSES
– Les adénopathies, surtout périphériques, sont fréquentes,
la splénomégalie plus rare.
– Les douleurs abdominales sont souvent secondaires à la
toxicité gastro-duodénale des anti-inflammatoires. Les pancréatites et les perforations intestinales liées à une vascularite mésentérique sont de pronostic sévère.
– Une hépatomégalie modérée est fréquemment constatée. L’association avec une hépatite auto-immune de type I
est plus rare.
– Les atteintes oculaires correspondent à des entités
variées : rétinite dysorique fréquente mais aspécifique, névrite optique, thrombose des vaisseaux rétiniens.
– L’association à un syndrome de Gougerot-Sjögren est
souvent retrouvée si on la recherche systématiquement.
7S101
I. Modules transdisciplinaires
Signes biologiques
ANOMALIES DES PROTÉINES DE L’INFLAMMATION
Les poussées lupiques sont généralement accompagnées
d’un syndrome inflammatoire net : élévation de la vitesse de
sédimentation (VS), hyperfibrinémie, hyperalpha2-globulinémie. La protéine C réactive reste peu élevée, sauf en cas d’infection concomitante.
MANIFESTATIONS HÉMATOLOGIQUES
Elles portent sur les trois lignées :
– une anémie, le plus souvent inflammatoire, est présente
lors des poussées. Une anémie hémolytique auto-immune à
test de Coombs IgG-complément, parfois révélatrice, est rencontrée dans 5 à 10 p. 100 des cas. Les autres causes d’anémie
(insuffisance rénale, érythro-blastopénie, microangiopathie
thrombotique…) sont plus rares ;
– la leucopénie modérée, habituelle lors des poussées,
résulte d’une lymphopénie (surtout T) et parfois d’une
neutropénie ;
– une thrombopénie périphérique est présente dans 10 à
20 p. 100 des cas. Elle est parfois responsable d’un syndrome
hémorragique cutanéo-muqueux, plus rarement viscéral. Elle
peut précéder de plusieurs années les autres manifestations
de la maladie ou s’inscrire dans le cadre d’un SAPL ;
– les troubles de l’hémostase sont dominés par la présence
d’un anticorps antiprothrombinase (15 à 35 p. 100 des cas),
aussi appelé anticoagulant circulant de type lupique. Il est dépisté in vitro par un allongement du temps de céphaline activée non corrigé par l’adjonction de plasma témoin. In vivo,
l’antitprothrombinase n’est pas responsable d’hémorragies
mais au contraire s’associe à une incidence accrue de thromboses artérielles et/ou veineuses dans le cadre du SAPL.
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que de Farr, immunofluorescence sur Crithidia luciliae ou
test ELISA, est un examen moins sensible (50 à 80 p. 100)
que l’étude des FAN, mais beaucoup plus spécifique du
LES. En outre, le taux d’anticorps anti-ADN natif est bien
corrélé à l’existence d’une atteinte rénale grave et à l’évolutivité du LES. Les anticorps spécifiques d’antigènes nucléaires solubles (anticorps anti-ENA) sont détectés et identifiés
par une réaction différente méthodes (immunoprécipitation, immunoblot, ELISA). On en distingue divers types, parfois associés :
– les anticorps anti-Sm sont peu fréquents (20 p. 100),
mais très spécifiques du LES ;
– les anticorps anti-SSA (ou Ro), dirigés contre des antigènes à la fois nucléaires et cytoplasmiques, sont présents au
cours du syndrome de Gougerot-Sjögren primitif et du LES,
du lupus subaigu et du lupus néonatal. Les anticorps anti-SSB
(ou La) sont plus rares ;
– les anticorps anti-RNP sont constants dans les connectivites mixtes et dans 30 p. 100 des LES.
– à côté des FAN, divers types d’autoanticorps non spécifiques d’organe sont présents : anticorps antiphospholipides,
facteur rhumatoïde, anticorps antihématies (test de Coombs)
et antiplaquettes.
L’hypocomplémentémie, fréquente au cours du LES, peut
relever de deux mécanismes :
– une consommation du complément (CH50 ; C3 ; C4) ;
cette hypocomplémentémie est souvent associée à l’existence
d’une atteinte rénale ;
– un déficit génétique de l’une des fractions du complément (C4, parfois C2), non réversible sous traitement.
Formes cliniques
ANOMALIES SÉROLOGIQUES
SYNDROME DES ANTIPHOSPHOLIPIDES (SAPL)
Les autoanticorps, de spécificité variée, sont dominés par les
facteurs antinucléaires (FAN).
L’immunofluorescence indirecte sur cellules Hep2 est une
méthode globale de dépistage des FAN très sensible
(95 p. 100 environ), mais peu spécifique : elle est souvent positive dans d’autres connectivites, dans certaines hépatopathies et hémopathies lymphoïdes, et même, à un titre faible,
chez 2 à 4 p. 100 des sujets sains, surtout après 60 ans.
Au cours du LES, divers aspects de fluorescence, parfois
associés, peuvent être rencontrés :
– homogène : le plus fréquent, évocateur si le titre est supérieur à 1/500 ;
– périphérique : plus rare, mais plus spécifique ;
– moucheté : lié à la présence d’anticorps dirigés contre un
ou plusieurs antigènes nucléaires solubles. Cet aspect s’observe aussi dans d’autres connectivités ;
– nucléolaire : rare dans le LES, plus fréquent dans la sclérodermie.
La présence de FAN ne constitue qu’un test d’orientation,
et il est indispensable de préciser leur spécificité. La recherche d’anticorps anti-ADN natif par le test radioimmunologi-
Le terme d’anticorps antiphospholipides désigne plusieurs types principaux d’anticorps de spécificité voisine dirigés contre des protéines associées aux phospholipides :
– antiprothrombinase (ou anticoagulant circulant de type
lupique), dépisté in vitro par des tests de coagulation (allongement du temps de céphaline activée) ;
– anticorps anticardiolipine recherché par un test immunologique ELISA, également responsable de la positivité dissociée de la sérologie syphilitique (VDRL positif, TPHA et
immunofluorescence négatifs). La E-2-glycoprotéine I est un
cofacteur associé à la cardiolipine contre lequel sont dirigés
des anticorps potentiellement thrombogènes.
Les anticorps antiphospholipides sont observés lors de certaines infections (notamment infection par le VIH), de cancers ou au cours de l’insuffisance rénale, mais ils sont alors
rarement à l’origine de thromboses. Au cours du LES, la présence de ces anticorps, souvent associés, s’accompagne d’un
risque accru de complications thrombotiques veineuses et/ou
artérielles siégeant dans les territoires les plus divers. Il s’agit en
particulier d’accidents ischémiques cérébraux et d’avortements
spontanés précoces secondaires à des thromboses placentaires.
7S102
Lupus érythémateux disséminé. Syndrome des antiphospholipides
D’autres manifestations sont également classiques dans ce
contexte : valvulopathies (endocardite de Libman-Sacks), livédo, hémolyse et/ou thrombopénie périphérique auto-immunes. Le mécanisme des complications thrombotiques, encore
mal compris, fait appel à l’interaction des anticorps antiphospholipides avec l’endothélium vasculaire et les plaquettes. Au
cours du SAPL, les thromboses relèvent donc d’un mécanisme
différent de celui des vasculites lupiques au cours desquelles
l’inflammation pariétale est l’élément primordial.
Le SAPL est défini par l’association de manifestations cliniques (thromboses ou avortements répétés) et biologiques
(présence d’anticorps antiphospholipides à titre significatif
et confirmée par deux recherches espacées d’au moins
6 semaines). Il peut aussi s’observer au cours de connectivites
non lupiques et de néoplasies. Enfin, le SAPL survient parfois
en dehors de tout autre cadre pathologique : on parle alors de
syndrome primaire des antiphospholipides. Toutefois, avec le
temps, certains de ces patients évoluent vers un lupus.
FORMES INTRIQUÉES OU ASSOCIÉES
La coexistence d’un LES et d’un syndrome de GougerotSjögren est fréquente. L’association simultanée ou successive
d’un LES et d’une autre connectivite soulève parfois de difficiles problèmes nosologiques. Ainsi le syndrome de Sharp,
ou connectivite mixte, comprend un tableau initial associant
un syndrome de Raynaud, des doigts boudinés, une polyarthrite non destructrice, des myalgies et un titre élevé de facteurs
antinucléaires donnant une fluorescence de type moucheté,
dirigés contre l’U1 RNP. Avec le temps, cette symptomatologie bénigne demeure inchangée chez certains patients alors
que chez d’autres apparaissent les manifestations spécifiques
d’une connectivite définie : lupus, sclérodermie, polyarthrite
rhumatoïde ou dermatomyosite.
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2005;132:7S98-7S107
chloropromazine, certains anticonvulsivants, E-bloqueurs,
minocycline, interferon D et anti-TNF. Les œstroprogestatifs
constituent un cas particulier. En effet, s’ils sont souvent responsables de poussées lupiques, ils ne semblent pas susceptibles de déclencher un authentique lupus.
Les lupus induits surviennent généralement à un âge plus
tardif que celui du lupus spontané et la prédominance féminine est beaucoup moins marquée. Le tableau clinique est
dominé par des signes généraux d’importance variable et des
manifestations rhumatologiques, pleuropulmonaires et/ou
péricardiques. Les atteintes cutanées, rénales et neurologiques sont exceptionnelles. Leur profil biologique est particulier : le taux très élevé des FAN, souvent supérieur à 1/2 000,
contraste avec l’absence habituelle d’anticorps anti-ADN natif et d’hypocomplémentémie ; les anticorps antihistones
sont très fréquemment présents. L’arrêt du médicament inducteur suffit généralement à faire régresser les manifestations cliniques en quelques semaines. Une courte corticothérapie est cependant parfois utile. Les anomalies biologiques sont nettement plus longues à disparaître.
DIAGNOSTIC POSITIF
Le diagnostic de LES repose sur un faisceau d’arguments cliniques et biologiques. L’American Rheumatism Association
a publié en 1982 une liste révisée en 1997 de 11 critères, un
nombre minimum de 4 étant exigé pour retenir le diagnostic
de LES avec une sensibilité et une spécificité de 96 p. 100
(tableau II). L’intérêt de ces critères est essentiellement d’ordre collectif, leur valeur diagnostique n’étant pas absolue à
l’échelon individuel.
GROSSESSE
Le risque de poussée lupique grave chez la mère est important si la maladie est évolutive au début de la grossesse, s’il
existe une néphropathie et/ou une HTA préalables, et si le
traitement corticoïde est interrompu par erreur. À l’inverse, la
grossesse n’est pas déconseillée si le lupus est en rémission
depuis plus de 6 mois, avec une fonction rénale normale.
Les risques pour le fœtus sont divers. La présence chez la
mère d’anticorps antiphospholipides expose au risque
d’avortements spontanés. Après un premier avortement, la
probabilité de mener spontanément une grossesse à terme
est très réduite, mais les traitements sont souvent efficaces.
Le lupus néonatal (bloc auriculoventriculaire complet, éruption cutanée néonatale de type annulaire transitoire) est lié à
la présence chez la mère d’anticorps anti-SSA, mais ce type
de complications fœtales est rare. Enfin, les risques de prématurité, de souffrance fœtale et de mortinatalité sont accrus
chez les enfants de mère lupique.
LUPUS INDUITS
Ils sont secondaires à l’administration prolongée de certains médicaments, essentiellement ionazide (INH), D-pénicillamine,
Tableau II. – Critères de classification du LES de l’ARA.
1. Rash malaire
2. Lupus discoïde
3. Photosensibilité
4. Ulcérations orales ou nasopharyngées
5. Arthrite non érosive touchant au moins deux articulations
périphériques
6. Pleurésie ou péricardite
7. Protéinurie > 0,5 g/j ou cylindrurie
8. Convulsions ou psychose
9. Anémie hémolytique
ou
Leucopénie < 4 000/PL constatée à deux reprises
Lymphopénie < 1 500/PL constatée à deux reprises
Thrombopénie < 100 000/PL en l’absence de médicaments cytopéniants
10. Anticorps anti-ADN natif ou Anticorps anti-Sm
Sérologie syphilitique dissociée constatée à deux reprises en 6 mois, ou
anticoagulant circulant de type lupique ou anticorps anticardiolipine
(IgG ou IgM)
11. Titre anormal de facteurs antinucléaires en l’absence
de médicaments inducteurs.
7S103
I. Modules transdisciplinaires
ÉVOLUTION ET PRONOSTIC
La maladie lupique évolue par poussées successives entrecoupées de périodes de rémission de durée et de qualité très variables. On oppose schématiquement des formes bénignes
principalement cutanéo-articulaires et des formes graves associant diverses atteintes viscérales.
La surveillance biologique du LES comporte les examens
biologiques usuels, la recherche régulière d’une protéinurie,
des dosages répétés des anticorps anti-ADN natif et du complément (CH 50, C3, C4) (en l’absence de déficit constitutionnel).
Le pronostic du LES s’est considérablement amélioré depuis 30 ans, notamment en raison du diagnostic des formes
frustes et des progrès thérapeutiques. Le taux de survie à
10 ans est d’environ 90 p. 100.
L’analyse des causes de mortalité montre, outre la responsabilité propre de la maladie, la part croissante des infections
notamment opportunistes, de l’athérome accéléré et des néoplasies, soulignant les risques liés à l’utilisation prolongée
des corticoïdes et des immunosuppresseurs.
PRINCIPES DU TRAITEMENT
Règles générales
La prise en charge se fixe plusieurs objectifs.
À COURT TERME
Assurer le confort quotidien, préserver les fonctions vitales
dans les poussées graves.
À MOYEN TERME
S’opposer à l’évolution prévisible des atteintes viscérales, prévenir les poussées, empêcher les récidives thrombotiques,
préserver l’insertion socioprofessionnelle.
À LONG TERME
Guérir la maladie et limiter les effets délétères différés des
traitements. L’éducation souligne les risques de l’arrêt intempestif du traitement et la nécessité d’éviter l’exposition solaire
(utilisation d’un écran d’indice de protection élevé). L’emploi
d’une méthode contraceptive autre que les œstroprogestatifs
doit être proposé.
Principales modalités thérapeutiques
L’intensité de la thérapeutique est adaptée à la gravité de la
maladie.
Les lupus quiescents ne justifient qu’une simple surveillance.
Le traitement des formes mineures cutanéo-articulaires repose sur l’aspirine (2 à 4 g/j), les anti-inflammatoires non
stéroïdiens (AINS) et les antimalariques de synthèse.
7S104
Ann Dermatol Venereol
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Le mode d’action des antimalariques de synthèse est mal
connu, mais leur efficacité est démontrée. L’hydroxychloroquine (Plaquenil) est généralement employée à la dose de
400 mg/j. L’efficacité est jugée après 3 mois. Une surveillance
ophtalmologique annuelle (vision des couleurs, échelle
d’Amsler) permet de rechercher d’éventuels signes de toxicité
rétinienne, qui imposent l’arrêt du traitement. Les autres effets secondaires sont plus rares (neuromyopathie, agranulocytose, bloc auriculoventriculaire). La persistance de symptômes
articulaires peut légitimer une corticothérapie inférieure à
10 mg/j de prednisone. À l’inverse, une atteinte cutanée résistante aux antimalariques ne constitue pas une indication à la
corticothérapie, mais justifie le recours à d’autres thérapeutiques (thalidomide…).
Le traitement des formes viscérales repose sur la corticothérapie.
La prednisone (Cortancyl) est le corticoïde de référence.
Schématiquement, la posologie employée est de 1 mg/kg/j
dans les formes graves (glomérulonéphrite proliférative diffuse, anémie hémolytique) et de 0,5 mg/kg/j dans les sérites.
Certains effets secondaires de la corticothérapie doivent
être prévenus. En particulier, le rôle de la corticothérapie dans
l’accélération de l’athérogenèse impose de prendre en compte
ses diverses composantes (HTA, diabète, dyslipidémie, tabagisme…). Une diététique excluant le sodium et restreignant
les apports glucidiques est donc conseillée, généralement associée à une supplémentation potassique. L’utilisation des
anti-H2 et des inhibiteurs de la pompe à protons a réduit les
complications digestives, surtout présentes en cas d’association aux AINS. Au plan osseux, l’ostéoporose est atténuée par
l’adjonction quotidienne de vitamine D et de calcium associés
éventuellement aux diphosphonates. Les risques infectieux
sont considérablement majorés par la corticothérapie à fortes
doses, ce qui justifie le dépistage et le traitement systématique
des foyers infectieux latents.
En pratique, la corticothérapie d’attaque est prescrite pour
une durée de 4 à 6 semaines. La dégression progressive se fait
par diminution de 10 p. 100 de la dose antérieure, tous les 10 à
15 jours. Le sevrage, lorsqu’il est décidé, doit être précédé de
l’exploration de l’axe hypothalamo-hypohyso-surrénalien.
L’administration de fortes doses de corticoïdes par voie veineuse est employée dans le traitement des poussées graves,
notamment rénales et neurologiques. Cette technique dite
des « bolus » consiste en l’injection quotidienne de 1 g de
méthylprednisolone (Solumédrol IV) en 60 min pendant
3 jours consécutifs, relayée par une corticothérapie orale.
L’emploi des traitements immunosuppresseurs dans la
maladie lupique ne se conçoit qu’avec discernement. Leurs
risques (infections à court terme, stérilité, oncogenèse possible à long terme) en font limiter l’indication aux formes viscérales graves ou corticodépendantes.
Divers agents sont utilisés dans les schémas traditionnels :
cyclosphosphamide (Endoxan) à la dose de 2 à 3 mg/kg/j,
azathioprine (Imurel) à la dose de 2 à 4 mg/ kg/j. Outre leurs
risques communs, le cyclophosphamide expose plus particulièrement aux cystopathies et aux cancers vésicaux. Les indi-
Lupus érythémateux disséminé. Syndrome des antiphospholipides
cations de l’administration intraveineuse discontinue de
cyclophosphamide (initialement tous les mois pendant
6 mois puis tous les trimestres pendant 2 ans) diminuent au
profit du mycophénolate mofetil.
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La prévention des récidives de pertes fœtales fait appel à
l’héparine sous-cutanée associée à l’aspirine. En l’absence
d’antécédents thrombotiques, l’aspirine est généralement
proposée au titre de la prévention primaire.
GROSSESSE
Cas particuliers
THROMBOPÉNIE PÉRIPHÉRIQUE
Les thrombopénies périphériques sévères résistant à la corticothérapie peuvent conduire à la splénectomie précédée
d’une vaccination antipneumococcique. Les perfusions de
fortes doses d’immunoglobulines sont souvent efficaces à
court terme. Elles sont employées en cas de thrombopénie
grave, et dans la préparation d’une splénectomie.
SYNDROME DES ANTIPHOSPHOLIPIDES
Le traitement du SAPL vient compléter le traitement du LES
auquel il s’associe. Les thromboses récentes justifient une héparinisation initiale suivie d’un relais par les antivitamine K.
La prévention des récidives repose sur une anticoagulation
par antivitamine K (international normalized ratio [INR] à 3 en
cas de thrombose artérielle).
Les risques de poussée lupique, particulièrement nets dans le
dernier trimestre de la grossesse et le post-partum, justifient
pour certains une majoration du traitement dont les modalités sont discutées. Les antimalariques de synthèse peuvent
être poursuivis pendant la grossesse.
CONTRACEPTION
La grossesse n’étant acceptable que dans certaines conditions,
une contraception efficace est indispensable. Les œstroprogestatifs sont formellement contre-indiqués. Le stérilet est généralement récusé chez les patientes traitées par
corticothérapie en raison de ses risques infectieux et parce
que son efficacité est moindre. La contraception repose donc
essentiellement sur les norstéroïdes à faibles doses (ou micropilules progestatives), l’acétate de chlormadinone (Luteran)
ou l’acétate de cyprotérone (Androcur).
Points clés
1. Le LES est très hétérogène dans sa présentation clinique.
2 Les manifestations dermatologiques sont d’une grande aide diagnostique.
3. Les signes cutanés « spécifiques » sont presque toujours déclenchés ou aggravés par l’exposition solaire.
4 Les variantes de lupus discoïde (le plus souvent) et de lupus cutané subaigu (dans la moitié des cas) peuvent rester isolées ou
paucisymptomatiques sans évoluer vers un LES.
5. Les signes cutanés « spécifiques » sont en régle très sensibles aux antipaludéens de synthèse et à la photoprotection.
6 Les signes cutanés vasculaires (en particulier livédo, purpura, ulcère) sont souvent associés à un syndrome des antiphospholipides.
7 Les atteintes rénales sévères et les manifestations neurologiques dominent le pronostic.
8. La présence d’anticorps anti-ADN natif est l’élément clé du diagnostic biologique.
9. Le traitement doit être adapté à la gravité de la maladie.
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I. Modules transdisciplinaires
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Fig. 3. Lupus érythémateux systémique : érosions buccales.
Fig. 1. Lupus érythémateux systémique à début aigu : érythème en vespertilio du
visage.
Fig. 2. Lupus érythémateux systémique : érythème du dos des mains respectant les
articulations.
7S106
Fig. 4. Lupus érythémateux subaigu : lésions annulaires.
Lupus érythémateux disséminé. Syndrome des antiphospholipides
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Fig. 6. Lupus érythémateux discoïde : localisations typiques (oreille, tempe,
pommette).
Fig. 5. Lupus
atrophiques.
érythémateux
discoïde :
lésions
érythémato-squameuses
et
7S107
I. Modules transdisciplinaires
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Module 8 : Immunopathologie, réaction inflammatoire
Item no 123 : Psoriasis
Objectifs pédagogiques
– Diagnostiquer un psoriasis.
– Argumenter l’attitude thérapeutique et planifier le suivi du patient.
L
e psoriasis est une dermatose érythémato-squameuse
de cause inconnue, d’évolution chronique, qui atteint
environ 2 p. 100 de la population.
PHYSIOPATHOLOGIE
Le psoriasis est caractérisé par un trouble de l’homéostasie
épidermique (hyperprolifération et troubles de la différenciation kératinocytaire), ainsi que par des phénomènes inflammatoires dermoépidermiques complexes.
Mécanismes lésionnels
Le renouvellement accéléré de l’épiderme peut être induit par
des facteurs de prolifération extrakératinocytaires ou peut résulter d’anomalies intrinsèques du kératinocyte.
FACTEURS EXTRAKÉRATINOCYTAIRES
Ils pourraient être produits par les polynucléaires neutrophiles (qui migrent dans la couche cornée et participent aux signes histologiques du psoriasis et sécrètent des protéases), ou
par les lymphocytes CD4 qui, après activation par des antigènes classiques ou des superantigènes activés, produiraient diverses cytokines stimulant le turn-over des kératinocytes.
L’hypothèse d’une activation des lymphocytes T ferait rapprocher le psoriasis des maladies auto-immunes et expliquerait
la grande efficacité thérapeutique de la ciclosporine dans le
psoriasis.
FACTEURS INTRAKÉRATINOCYTAIRES
Différentes anomalies de transduction de la membrane au
noyau ont été décrites dans le psoriasis (voie de la protéine
kinase A, C, des nucléotides cycliques…). On constate une augmentation de l’expression de différents récepteurs à l’epidermal
growth factor (EGF), diverses anomalies des molécules d’ad7S108
hésion, une perturbation de divers facteurs de croissance et
de différentiation des kératinocytes (transforming growth
factor [TGF]D, IL6…) et diverses anomalies des gènes impliqués dans la réponse à la vitamine D et à la vitamine A
qui participent à la prolifération et à la différentiation épidermique.
Facteurs étiologiques
Des facteurs d’environnement (stress, climat, infection,
traumatisme…) permettraient l’expression du psoriasis
chez des sujets génétiquement prédisposés. L’alcool et le
tabac sont des facteurs de gravité et de résistance thérapeutique.
PRÉDISPOSITION GÉNÉTIQUE
La prédisposition génétique est attestée par des cas familiaux
(30 p. 100 des cas) et la survenue fréquente de la dermatose
chez les jumeaux monozygotes. Lorsque l’affection débute
dans l’enfance, elle est fréquemment liée aux antigènes d’histocompatibilité, en particulier HLA Cw6 et DR7. Les gènes de
prédisposition sont multiples et localisés sur différents chromosomes.
FACTEURS INFECTIEUX
Ils sont attestés par le début de certains psoriasis de l’enfant à
la suite d’épisodes infectieux rhinopharyngés, ces derniers
pouvant également aggraver des psoriasis déjà connus. Le
rôle d’antigènes bactériens ou des superantigènes dans la stimulation des lymphocytes T est discuté. La survenue ou l’aggravation d’un psoriasis au cours du SIDA fait aussi discuter
l’implication d’agents viraux dans la maladie.
MÉDICAMENTS
Certains peuvent induire ou aggraver le psoriasis, en particulier les sels de lithium, les bêtabloqueurs, les inhibiteurs de
l’enzyme de conversion de l’angiotensine, l’interféron D, les
antipaludéens de synthèse.
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Psoriasis
FACTEURS PSYCHOLOGIQUES
Le rôle des chocs émotifs et des traumatismes affectifs dans
le déclenchement de la maladie ou la survenue des poussées
est classique. Les stress psychologiques agiraient par l’intermédiaire d’une sécrétion accrue de neuromédiateurs et d’hormones surrénaliennes.
(fig. 4). On peut aussi avoir une hyperkératose sous-unguéale,
une paronychie, une perte de transparence de l’ongle et des
zones leuconychiques.
Autres localisations plus rares
• Psoriasis inversé
On le retrouve dans les plis, en particulier interfessier, axillaires, sous-mammaires et ombilical (fig. 5).
DIAGNOSTIC
• Psoriasis palmoplantaire
Il peut réaliser une kératodermie en îlots ou diffuse (fig. 6).
Forme commune de psoriasis
LÉSION ÉLÉMENTAIRE
Il s’agit d’une tache érythémato-squameuse bien limitée, arrondie, ovalaire ou polycyclique (fig. 1). La couche squameuse
superficielle blanchâtre peut être très épaisse ou au contraire
partiellement décapée par le traitement laissant apparaître
l’érythème sous-jacent. Le plus souvent, ces éléments sont
multiples et symétriques, parfois diffus.
La taille des lésions est variable : psoriasis en points, en
gouttes, nummulaires (éléments arrondis de 1 à plusieurs
centimètres de diamètre), ou en plaques.
Le diagnostic est avant tout clinique. L’examen anatomopathologique est rarement utile. Lorsqu’il est réalisé, il montre une hyperkératose avec parakératose et une acanthose de
l’épiderme liée à une prolifération excessive des kératinocytes. En outre, l’épiderme est le siège de microabcès à polynucléaires (microabcès de Munro-Sabouraud). Dans le derme
existe un infiltrat à lymphocytes T-CD4 et un grand développement capillaire avec allongement des papilles dermiques.
LOCALISATIONS HABITUELLES
Les localisations habituelles, très caractéristiques de l’affection, sont surtout les zones exposées aux frottements : coudes
(et bord cubital de l’avant-bras), genoux, région lombo-sacrée
(fig. 2), cuir chevelu, ongles.
Formes cliniques
TOPOGRAPHIQUES
Psoriasis du cuir chevelu
Classiquement non alopéciant, il peut réaliser des plaques circonscrites, de taille variable, arrondies, bien limitées, couvertes
de larges squames traversées par les cheveux ou bien former
une véritable carapace recouvrant la totalité du cuir chevelu
(fig. 3). La localisation occipitale est fréquente. Dans la région
antérieure, à la lisière du cuir chevelu, les lésions sont souvent
très inflammatoires et réalisent une couronne séborrhéique.
Psoriasis unguéal
Il peut prendre l’aspect de dépressions ponctuées cupuliformes (ongles en « dé à coudre ») ou réaliser une onycholyse
avec décollement distal et zone proximale de couleur cuivrée
• Psoriasis du gland
Le psoriasis respecte les muqueuses, à l’exception du gland
avec des taches érythémateuses non squameuses.
• Psoriasis du visage
Rare, il peut prendre l’aspect d’une dermatite séborrhéique
(sébopsoriasis). Les localisations à la conque et au conduit
auditif externe sont classiques.
Formes graves
PSORIASIS ÉRYTHRODERMIQUE (VOIR CHAPITRE : ÉRYTHRODERMIE)
Il s’agit d’un psoriasis généralisé à plus de 90 p. 100 des téguments, dont les lésions sont le siège d’une desquamation
abondante (fig. 7). L’érythrodermie peut être provoquée par
des traitements généraux (corticothérapie) ; elle peut se compliquer de surinfections, de troubles de la thermorégulation
et d’anomalies hydroélectrolytiques et doit entraîner l’hospitalisation du malade.
PSORIASIS ARTHROPATHIQUE
Il se rencontre chez environ 20 p. 100 des malades psoriasiques et peut réaliser divers tableaux cliniques :
– oligo- ou mono-arthrite ;
– polyarthrite psoriasique voisine de la polyarthrite rhumatoïde avec cependant atteinte des articulations interphalangiennes distales et réaction de Waaler-Rose négative ;
– rhumatisme psoriasique axial comportant une atteinte
vertébrale et sacroiliaque, voisine de la spondylarthrite ankylosante, mais dont l’association avec l’antigène HL-AB27 est
moins forte (fig. 8).
PSORIASIS PUSTULEUX
Il peut apparaître d’emblée ou sur un psoriasis déjà connu et
peut être déclenché par divers médicaments. Il faut distinguer :
– le psoriasis pustuleux localisé palmoplantaire : se manifeste par des pustules jaunâtres évoluant par poussées (fig. 9).
Le handicap fonctionnel (difficultés du travail manuel et de la
marche) est souvent important ;
– le psoriasis pustuleux généralisé (dit de von Zumbusch) :
débute brutalement avec altération de l’état général, fièvre et
placards rouge vif qui se couvrent de pustules superficielles
7S109
I. Modules transdisciplinaires
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pouvant confluer en larges nappes essentiellement localisées
sur le tronc. L’évolution est parfois grave, pouvant mettre en
jeu le pronostic vital.
L’unicité des deux formes de psoriasis pustuleux est
histologique : présence d’une pustule spongiforme, multiloculaire et aseptique, ce qui la différencie des pustules d’origine infectieuse.
Érythrodermie psoriasique
Elle doit être distinguée des autres érythrodermies (toxidermies, lymphomes, eczéma).
PSORIASIS DE L’ENFANT
Rhumatisme psoriasique
Il est difficile à différencier de la polyarthrite rhumatoïde et de
la spondylarthrite ankylosante s’il n’est pas associé à des lésions cutanées clairement identifiées comme psoriasiques.
Le psoriasis du nourrisson est souvent localisé à la zone des
langes (« napkin psoriasis ») (fig. 10). Le psoriasis de l’enfant
est souvent aigu, en gouttes, et peut succéder à une infection
rhinopharyngée streptococcique. Le visage est plus souvent
atteint que chez l’adulte.
PSORIASIS ET INFECTION PAR LE VIH
Au cours de l’infection par le VIH, le psoriasis est souvent
plus grave et réfractaire aux thérapeutiques conventionnelles.
Il peut prendre l’aspect d’un psoriasis classique, pustuleux ou
érythrodermique et peut être difficile à distinguer d’une dermatite séborrhéique profuse.
DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL
Dans la forme classique
DIAGNOSTIC SE POSANT AVEC DE NOMBREUSES DERMATOSES
ÉRYTHÉMATO-SQUAMEUSES
Pityriasis rosé de Gibert
Il associe des taches rosées finement squameuses et des médaillons de plus grande surface, arrondis ou ovalaires dont le
centre plus clair paraît en voie de guérison. L’éruption reste
presque toujours limitée au tronc et à la racine des membres.
L’évolution spontanée vers la guérison en 6 à 8 semaines permet de trancher les cas litigieux.
Dermatite séborrhéique
Habituellement localisée au visage (plis nasogéniens), au cuir
chevelu et à la région médiothoracique, elle est de diagnostic
plus délicat. La présence de lésions psoriasiques à distance
aide au diagnostic.
Dermatite atopique
Elle est bien différente dans sa topographie (visage et plis), ses
associations (rhinite allergique, asthme) et ses examens biologiques (augmentation des IgE).
Psoriasis pustuleux généralisé
Il pose le problème de certaines toxidermies pustuleuses
(pustulose exanthématique aiguë généralisée).
ÉVOLUTION. COMPLICATIONS
La maladie débute le plus souvent chez l’adolescent et l’adulte
jeune. Ces psoriasis de début précoce sont plus souvent familiaux, associés aux antigènes d’histocompatibilité et graves
contrairement aux psoriasis qui débutent plus tardivement.
L’évolution est chronique et se fait par poussées entrecoupées de rémissions pendant lesquelles les lésions sont minimes. Ces rémissions sont plus fréquentes en été en raison de
l’effet bénéfique des rayons ultraviolets. Les poussées, souvent imprévisibles, sont parfois déclenchées par des facteurs
psychologiques, des médicaments ou/et des infections ORL.
Les traumatismes cutanés (griffures, vaccinations, chirurgie) peuvent être le siège d’une efflorescence de lésions psoriasiques (phénomène de Koebner). La surinfection (bactérienne
rare, plus fréquente [plis] par Candida albicans) peut entretenir
ou aggraver les lésions.
L’eczématisation (survenue d’un suintement, d’un prurit
intense) peut être expliquée par une mauvaise tolérance à
certains traitements locaux (rechercher une sensibilisation à
un topique médicamenteux).
Même en dehors des formes graves (érythrodermies, rhumatisme et formes pustuleuses) le psoriasis est une maladie
qui peut altérer profondément la qualité de vie lorsque les lésions sont affichantes ou gênantes pour un travail manuel.
La gravité de ce retentissement est souvent sous-estimée par
le médecin.
À noter enfin que :
– dans les psoriasis habituels, l’état général n’est pas altéré ;
– le psoriasis n’est pas contagieux ;
– le prurit est présent lors des poussées dans 30 à 60 p. 100
des cas.
DANS LES FORMES PARTICULIÈRES
PRINCIPES DU TRAITEMENT
Psoriasis des plis
Il pose le problème des intertrigos d’origine bactérienne ou
mycosique.
Règles générales
Psoriasis palmoplantaire
Il fait partie des kératodermies palmoplantaires de causes diverses (génétiques, acquises).
– Nécessité d’une bonne relation médecin-malade.
– Faire comprendre que les traitements actuels n’entraînent pas la guérison définitive de l’affection, mais permet-
7S110
Ann Dermatol Venereol
2005;132:7S108-7S114
Psoriasis
tent la disparition transitoire plus ou moins complète des
lésions.
– Prise en compte impérative, dans le choix thérapeutique,
non seulement de la gravité et de l’étendue des lésions mais
aussi du retentissement sur la qualité de vie, du préjudice
fonctionnel, esthétique, professionnel, relationnel, du retentissement psychologique de la maladie et du désir de rémission du malade.
– Prise en compte des effets secondaires potentiels à court
et à long terme des traitements et introduction de la notion
d’un « capital thérapeutique » à gérer sur du long terme (information du patient).
– Nécessité d’un soutien (ou d’une prise en charge) psychologique.
– Psoriasis très limités et/ou psychologiquement bien acceptés par les malades ne nécessitant pas un traitement.
– Ne pas oublier que les traitements majeurs ont des effets
secondaires importants et ne doivent être utilisés que dans
un faible pourcentage de cas graves.
Traitements locaux
Ils sont surtout représentés par les dermocorticoïdes et les
analogues de la vitamine D3.
DERMOCORTICOÏDES
Ils sont surtout utilisés en pommade (lésions sèches). Les crèmes sont réservées aux plis et les lotions au cuir chevelu.
Leurs effets secondaires sont nombreux et il est conseillé d’effectuer des traitements de durée limitée et de contrôler les
quantités utilisées (nombre de tubes).
Règles d’utilisation (voir module 11 : Prescription et surveillance des anti-inflammatoires stéroïdiens et non stéroïdiens : traitement dermocorticoïde) :
– en dehors des lésions du visage, utiliser dans le psoriasis
au moins un dermocorticoïde de classe II ;
– une seule application par jour suffisante dans la plupart
des cas (effet « réservoir » de la couche cornée) ;
– optimisation de l’efficacité par l’occlusion (pénétration
accrue) ;
– association possible avec les autres traitements du
psoriasis.
ANALOGUES DE LA VITAMINE D3
Ils comprennent :
– le calcipotriol (Daivonex) ; (Silkis) ;
– le tacalcitol (Apsor).
Conduite du traitement :
– 2 applications par jour (calcipotriol), 1 application/j
(tacalcitol) ;
– association possible avec les dermocorticoïdes ;
– ne pas dépasser 100 g de topique par semaine.
Par rapport aux dermocorticoïdes :
– activité globalement comparable, mais plus lente ;
– pas d’effet secondaire atrophiant ;
– irritation cutanée surtout sur le visage et dans les plis.
AUTRES TRAITEMENTS TOPIQUES
Bains et émollients
Ils sont utiles pour décaper les lésions et soulager le prurit.
Acide salicylique
C’est une molécule dont l’effet kératolytique peut être utile,
utilisée dans un excipient gras (vaseline), pour décaper des lésions très squameuses en préalable à tout autre traitement local ou avant une PUVAthérapie :
– contre-indiquée chez l’enfant (risque d’intoxication
salicylée) ;
– ne pas dépasser la concentration de 10 p. 100 (20 p. 100
en cas d’utilisation très limitée [paumes, plantes]).
Tazarotène (Zorac)
Rétinoïde topique dont l’utilisation est réservée à des psoriasis très limités (< à 10 p. 100 de la surface corporelle) ;
– un effet irritant peut être observé ;
– contre-indiqué en cas de grossesse.
Photothérapie
Les différentes photothérapies sont :
– PUVA thérapie : association d’un psoralène photosensibilisant (8-méthoxy-psoralène [Méladinine] ou 5-méthoxypsoralène [Psoraderm]) et d’une irradiation UVA. Vingt séances en moyenne à raison de 3 séances par semaine sont
nécessaires ;
– photothérapie UVB à spectre étroit (TL-01) ne nécessitant
pas la prise de psoralène préalable. Efficacité comparable à la
PUVAthérapie. Vingt séances en moyenne à raison de
3 séances par semaine sont nécessaires.
Précautions :
– contre-indication en cas d’antécédent de cancer cutané ;
– nécessite un compte minutieux de la dose cumulée
délivrée ;
– nécessite une surveillance prolongée du tégument des patients traités (carcinomes tardifs) ;
– est contre-indiquée chez la femme enceinte ;
– nécessite la protection des organes génitaux externes ;
– nécessite un examen ophtalmologique préalable (contreindication en cas de cataracte).
Effets secondaires :
– à court terme, les risques sont essentiellement un érythème plus ou moins intense (surdosage, prise concomitante de
médicaments photosensibilisants (contre-indiqués) ;
– à long terme, les UV sont responsables d’un vieillissement prématuré du tégument et favorisent surtout la survenue de cancers cutanés (carcinomes, mélanomes).
Résultats : rémission dans environ 80 p. 100 des cas après
20 à 30 séances, comparable pour les deux méthodes.
7S111
Ann Dermatol Venereol
2005;132:7S108-7S114
I. Modules transdisciplinaires
Traitements généraux
CICLOSPORINE (NÉORAL)
RÉTINOÏDES PAR VOIE GÉNÉRALE (DÉRIVÉS DE SYNTHÈSE
DE LA VITAMINE A : ACITRÉTINE OU SORIATANE)
Posologie : posologies faibles (au maximum : 5 mg/kg/j) ; administration par voie orale.
Effets secondaires :
– néphrotoxicité d’autant plus fréquente que le traitement
est prolongé ;
–HTA ;
– à plus long terme : rôle favorisant dans la survenue de
lymphomes ou de carcinomes.
Surveillance mensuelle impérative :
– pression artérielle (PA) ;
– créatininémie.
La ciclosporine est contre-indiquée en cas d’hypertension
artérielle (HTA) incontrôlée, d’insuffisance rénale, d’antécédent de néoplasie, d’infection chronique. Comme le méthotrexate, la ciclosporine est un traitement d’exception, destiné
à « passer un cap difficile » pendant une durée limitée (mois),
et ne peut constituer un traitement de fond de durée indéfinie
compte tenu de ses effets secondaires.
Modalités d’utilisation : administration par voie orale, en une
prise quotidienne.
Effets secondaires : habituellement bénins et dosedépendants :
– cliniques : chéilite, sécheresse cutanéo-muqueuse, desquamation, chute capillaire, prurit ;
– biologiques : hyperlipidémies, élévations des transaminases, rendant nécessaire une surveillance régulière de ces paramètres sous traitement.
Contre-indications :
– grossesse, allaitement, femme en âge de procréer n’ayant
pas de moyen de contraception efficace, anomalies du bilan
hépatique, du bilan lipidique ;
– le risque tératogène implique, chez toute femme en période d’activité génitale, la réalisation d’un test de grossesse
avant traitement, et l’utilisation d’une contraception fiable débutée avant le traitement, poursuivie pendant toute la durée
du traitement et pendant 2 ans après son arrêt.
MÉTHOTREXATE (NOVATREX, MÉTHOTREXATE)
Posologie : doses faibles en administration hebdomadaire
soit en une injection IM unique, soit par voie orale.
Surveillance biologique mensuelle stricte :
– hématologique : NFS (risque de cytopénie, de macrocytose) ;
– hépatique : transaminases ;
– pulmonaire (risque de fibrose) ;
– dans le cadre de la surveillance d’un traitement au long
cours par méthotrexate, une ponction-biopsie hépatique sera
discutée au cas par cas et en fonction des doses cumulatives
reçues et des autres facteurs de risque (alcool, médicaments
associés), le traitement pouvant favoriser le développement
d’une fibrose hépatique.
Les nombreuses interactions médicamenteuses impliquent :
– compte tenu de ses nombreux effets secondaires potentiels, ce traitement doit être considéré comme une thérapeutique d’exception, réservée à l’adulte, pour des formes cutanées
et/ou articulaires sévères, évolutives et résistantes aux thérapeutiques plus classiques ;
– contre-indications : anomalies de l’hémogramme, du bilan hépatique, insuffisance rénale, existence d’une infection
évolutive, antécédents néoplasiques, éthylisme chronique.
7S112
Indications
Elles dépendent :
– de la gravité du psoriasis ;
– du retentissement sur la qualité de vie du patient ;
– des contre-indications éventuelles ;
– des antécédents du patient.
FORMES HABITUELLES : TRAITEMENT LOCAL SUFFISANT
Cela concerne les formes en plaques (même à sites multiples), peu étendues.
FORMES GRAVES : TRAITEMENT PLUS AGRESSIF
Pour les formes très étendues : photothérapie et/ou rétinoïdes ou méthotrexate ou ciclosporine.
Pour les formes cliniques particulières :
– psoriasis pustuleux : acitrétine ;
– kératodermie palmo-plantaire invalidante : acitrétine ;
– rhumatisme psoriasique invalidant : méthotrexate ou ciclosporine.
Le traitement sera prescrit en milieu spécialisé et veillant
au respect des contreindications, des règles d’utilisation et
des modalités de surveillance.
Quelle que soit l’option thérapeutique choisie, la prise en
compte du retentissement psychologique doit être mise en
œuvre tout au long du suivi.
Psoriasis
Ann Dermatol Venereol
2005;132:7S108-7S114
Points clés
1. Le psoriasis est une dermatose érythémato-squameuse chronique fréquente.
2. Les localisations sont le plus souvent très caractéristiques : coudes, genoux, région lombo-sacrée, cuir chevelu, ongles.
3. Il existe des formes graves : érythrodermie, rhumatisme psoriasique, psoriasis pustuleux.
4. Le but du traitement est symptomatique : soulager le patient et ramener la dermatose à un niveau lésionnel acceptable au long cours.
5. Le traitement est le plus souvent uniquement local.
6. La photothérapie est très efficace dans les formes étendues de psoriasis.
7. Les traitements généraux, utilisés exceptionnellement, doivent faire l’objet d’une surveillance précise et rigoureuse.
8. La prescription d’acitrétine chez la femme nécessite l’adhésion à des règles strictes de contraception.
Fig. 3. Psoriasis du cuir chevelu.
Fig. 1. Psoriasis : lésions érythémato-squameuses caractéristiques.
Fig. 2. Psoriasis : localisation caractéristique au niveau des coudes et de la région
lombaire.
Fig. 4. Psoriasis unguéal avec dépressions cupuliformes et discrète onycholyse.
7S113
Ann Dermatol Venereol
2005;132:7S71-7S78
I. Modules transdisciplinaires
Fig. 5. Psoriasis inversé.
Fig. 8. Rhumatisme psoriasique périphérique.
Fig. 6. Kératodermie palmaire diffuse psoriasique.
Fig. 9. Psoriasis pustuleux palmaire.
Fig. 7. Érythrodermie psoriasique.
7S114
Fig. 10. Psoriasis du nourrisson.
I. Modules transdisciplinaires
Ann Dermatol Venereol
2005;132:7S115-7S117
Module 8 : Immunopathologie, réaction inflammatoire
Item no 124 : Sarcoïdose
Objectif pédagogique
– Diagnostiquer une sarcoïdose.
L
a sarcoïdose, ou maladie de Besnier-Boeck-Schaumann,
est une affection systémique granulomateuse d’étiologie inconnue caractérisée par la formation de granulomes épithélioïdes. Les principales localisations sont pulmonaires médiastinales, cutanées, oculaires, ganglionnaires et
hépato-spléniques. Les manifestations cutanées sont présentes dans 25 p. 100 des cas. Elles sont fréquemment observées
au début de la maladie. Elles peuvent résumer le tableau.
Outre leur intérêt clinique, elles représentent un site de biopsie aisément accessible. On distingue les manifestations cutanées non spécifiques – absence d’infiltrat granulomateux – et
les atteintes cutanées spécifiques ou sarcoïdes cutanées.
SIGNES CUTANÉS NON SPÉCIFIQUES
– adénopathies intrathoraciques. La radiographie thoracique permet de visualiser des adénopathies hilaires et médiastinales, bilatérales et symétriques, non compressives,
distribuées le long de l’arbre trachéo-bronchique. L’examen tomodensitométrique, plus sensible, est indiqué dans certaines
formes atypiques ;
– négativité de l’intradermoréaction à la tuberculine.
ÉVOLUTION
Elle est spontanément favorable. Le traitement symptomatique associe des antalgiques ou des anti-inflammatoires non
stéroïdiens et le repos.
SIGNES CUTANÉS SPÉCIFIQUES DE LA SARCOÏDOSE
Érythème noueux
Clinique
Principale manifestation cutanée non spécifique, l’érythème
noueux est inaugural dans 10 p. 100 des cas. La sarcoïdose
constitue la première cause d’érythème noueux chez l’adulte
en France.
Les sarcoïdes cutanées ont des caractères communs :
– consistance ferme, non œdémateuse, non inflammatoire
des lésions ;
– couleur variant du jaune au violet ;
– absence de signes fonctionnels, tels que douleurs ou prurit ;
– absence de topographie élective, même si l’atteinte faciale
est prédominante (50 p. 100 des cas) ;
– évolution chronique sur des mois ou des années ;
– aspect « lupoïde » à la vitropression, qui fait disparaître
l’érythème et fait apparaître des grains jaunâtres, couleur gelée de coings qui correspondent aux infiltrats granulomateux ;
– histologie granulomateuse épithélioïde : nodules de cellules épithélioïdes, arrondis, bien circonscrits, entourés d’une
étroite couronne lymphocytaire, sans nécrose. La mise en culture à la recherche de divers agents microbiologiques est
constamment négative.
Mais elles présentent un grand polymorphisme dont les
aspects les plus représentatifs sont :
– les lésions maculo-papuleuses, discrètement infiltrées,
dont la teinte varie du rouge brun au pourpre, de taille inférieure au centimètre. Les localisations cervico-faciales sont les
plus fréquentes (palpébrales et/ou périorbitaires, sillons na-
CLINIQUE
L’érythème noueux n’a pas de particularité permettant de le
distinguer d’un érythème noueux d’autre cause. Il s’agit de
nouures fermes, douloureuses, d’apparition aiguë, siégeant le
plus souvent dans les régions prétibiales et aux genoux, parfois aux mollets, aux cuisses, aux fesses et plus rarement aux
membres supérieurs. Leur nombre varie de 4 à 12 et leur
taille de 1 à 3 cm.
Chaque nouure régresse spontanément en 2 à 3 semaines
en passant par les stades de biligénie. L’atteinte inflammatoire périarticulaire des deux chevilles est très évocatrice. Les
poussées peuvent se succéder pendant 2 à 3 mois. Chez une
femme jeune, il conduit à rechercher les signes du syndrome
de Löfgren :
– fièvre, quelquefois associée à une pharyngite ;
– polyarthralgies migratrices (pouvant précéder l’éruption) ;
– de façon plus inconstante, uvéite aiguë ;
7S115
Ann Dermatol Venereol
2005;132:7S115-7S117
I. Modules transdisciplinaires
sogéniens). Une disposition annulaire est parfois observée
(fig. 1). Elles sont plutôt l’apanage des formes aiguës ;
– les plaques arrondies ou ovalaires, de teinte brun-rouge,
indurées, siégeant au niveau du visage, du cuir chevelu (alopécie cicatricielle), des épaules, des fesses et du dos ;
– le lupus pernio, très évocateur de la sarcoïdose. Il réalise
des placards indurés, luisants, de couleur bleu-violacé, indolores, au niveau du nez, des joues, des lèvres et des oreilles. Il signe une forme chronique et fibrosante de la maladie,
comportant en particulier une atteinte nasopharyngée (parfois
destructrice), laryngée, respiratoire oculaire (uvéite) et osseuse ;
– les nodules : sarcoïdes à petits nodules de 1 à 3 mm
(visage ; faces d’extension des membres) ou à gros nodules de
5 à 10 mm (visage préférentiellement) (fig. 1 et 2). Au niveau
de l’angle interne de l’œil ou de la face latérale du nez, l’angiolupoïde est constitué d’un ou deux nodules pouvant atteindre une taille de 1 à 2 cm, de teinte érythémato-violine et
télangiectasique ;
– l’infiltration érythémateuse des anciennes cicatrices ou
des tatouages (« sarcoïdose sur cicatrice ») constitue un mode
de découverte très original d’une sarcoïdose souvent évolutive
sur le plan viscéral.
Diagnostic
En présence d’une granulomatose cutanée sarcoïdosique, le
diagnostic de sarcoïdose repose sur deux types d’arguments :
– un tableau clinique évocateur ou très évocateur : le syndrome de Löfgren, l’angiolupoïde, le lupus pernio, les sarcoïdes sur cicatrices, les lésions annulaires faciales s’inscrivent
dans ce contexte, de même que l’association ou la succession
de diverses formes symptomatiques. La recherche d’une localisation viscérale est la règle : médiastino-pulmonaire
(imagerie TDM, profil cytologique du liquide broncho-alvéolaire [LBA]), ophtalmologi que (uvéite), cardi a q ue , neurol
ogique, gangli onnaire périphérique, hépatique. L’élévation
nette du taux de l’enzyme de conversion de l’angiotensine et
les anomalies du métabolisme calcique sont également
recherchées ;
– l’exclusion d’une autre pathologie granulomateuse qu’elle soit infectieuse (tuberculose, lèpre, leshmaniose, infections
fongiques), liée à des corps étrangers, inflammatoire (rosacée, granulome annulaire), systémique (maladies de Crohn et
7S116
de Wegener), maligne (lymphomes), immunitaire (déficit
commun variable), iatrogène (interféron + ribavirine…).
Pronostic
L’angiolupoïde, les gros nodules et le lupus pernio sont des
marqueurs péjoratifs (extension et/ou évolutivité). Le pronostic global est lié aux localisations viscérales.
Évolution et traitement
ÉVOLUTION
L’évolution des sarcoïdes cutanées est extrêmement lente et
peut durer plusieurs années. Elles peuvent disparaître spontanément, mais sont en règle peu sensibles au traitement. Le
plus souvent, elles ne constituent qu’une gêne esthétique,
particulièrement les formes à gros nodules et infiltrantes.
TRAITEMENT
Le traitement de référence des formes cutanées graves ou
étendues est la corticothérapie générale.
Si la corticothérapie générale n’est pas indiquée, de nombreux autres traitements sont proposés avec des résultats
variables : les antipaludéens de synthèse, le méthotrexate, la
minocycline, l’allopurinol, le thalidomide. L’ère des antiTNF-D est ouverte.
Un traitement local peut être envisagé pour certaines formes infiltrantes : corticoïdes sous occlusion ou intralésionnels, laser (lupus pernio).
En pratique
Trois circonstances bien distinctes peuvent amener à discuter
le diagnostic de sarcoïdose cutanée :
– érythème noueux chez une femme jeune ou lésions maculo-papuleuses et nodulaires fixes, violacées, jaunâtres à la
vitropression ;
– examen anatomoclinique de lésions cutanées lors de
l’évaluation d’une sarcoïdose connue ;
– examen histopathologique d’une lésion cutanée cliniquement non identifiée.
Ann Dermatol Venereol
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Sarcoïdose
Points clés
1. Les signes cutanés sont présents dans un quart des cas de sarcoïdose.
2. L’erythème noueux est un syndrome inaugural fréquent histologiquement non spécifique.
3. La sarcoïdose est la principale cause d’érythème noueux en France.
4. Les sarcoïdes cutanées spécifiques peuvent être la seule manifestation de la maladie.
5. Les sarcoïdes cutanées ont comme point commun l’aspect jaunâtre « lupoïde » à la vitropression.
6. Les lésions cutanées constituent un site privilégié de biopsie.
7. L’aspect histologique du granulome sarcoïdosique n’est pas spécifique.
8. Le pronostic de la sarcoïdose n’est pas lié aux signes cutanés.
9. Il n’y a pas de traitement spécifique du syndrome cutané.
Fig. 1. Sarcoïdose cutanée : petits nodules sur plaque érythémateuse.
Fig. 3. Sarcoïdose cutanée à type de nodule hypodermique (avec atteinte osseuse
associée).
Fig. 2. Sarcoïdose cutanée à gros nodules.
7S117
I. Modules transdisciplinaires
Ann Dermatol Venereol
2005;132:7S118-7S119
Module 8 : Immunopathologie, réaction inflammatoire
Item no 127 : Transplantation d’organes :
complications cutanées
Objectif pédagogique
– Dépister et prévenir les complications cutanées des transplantations.
L
a pratique de greffes d’organes de plus en plus divers,
ainsi que la survie de ces malades se sont largement accrues au cours des 25 dernières années, notamment
grâce à la mise sur le marché de multiples immunosuppresseurs. Il en résulte que de nombreux médecins, tant spécialistes que généralistes, peuvent être amenés à prendre en charge
transitoirement ou au long cours des individus greffés. Au fur
et à mesure que l’expérience de la greffe s’est poursuivie, la
reconnaissance des complications cutanées pouvant se développer après greffe s’est développée. Il s’agit essentiellement
de tumeurs malignes cutanées et d’infections. La connaissance et la prévention de ces complications sont essentielles pour
réduire la morbi-mortalité chez les personnes transplantées.
La surveillance cutanée régulière systématique de ces malades est donc maintenant une pratique recommandée.
TUMEURS CUTANÉES
En raison de l’immunosuppression prolongée, les populations
greffées présentent un surrisque de développer des tumeurs
malignes de la peau. Ces tumeurs peuvent être de divers
types : il s’agit essentiellement de carcinomes épidermoïdes,
de carcinomes basocellulaires ou de maladie de Kaposi. Les
autres tumeurs cutanées (mélanome, etc.) sont plus rares.
moins, chez les greffés, et à la différence des populations non
immunodéprimées, ce sont les CSC qui dominent largement.
Il faut insister sur plusieurs points :
– les lésions de carcinome siègent essentiellement sur les
parties découvertes exposées au soleil (mains, avant-bras, décolleté, visage) ;
– les lésions de carcinome, si elles peuvent être tout à fait
typiques cliniquement, sont malheureusement sur ce terrain
fréquemment trompeuses, prenant parfois des aspects de lésions lisses ou régulières. Il faut donc, au moindre doute, effectuer des biopsies, notamment en cas de lésions résistant
aux traitements destructeurs simples ;
– les lésions sont souvent multiples et, en outre, sont très
fréquemment associées à des lésions prénéoplasiques telles
que des kératoses actiniques, ainsi qu’à des verrues (vulgaires
ou planes).
Ces carcinomes sont classiquement plus agressifs que
chez les sujets immunocompétents avec un taux de métastases et de récidives non négligeable (de l’ordre de 8 et
12 p. 100 respectivement). Cela souligne l’importance de la
prévention et de la prise en charge précoce (cf. infra). Les mécanismes qui sont à l’origine de cette fréquence élevée de carcinome sont multiples et sont dus à l’immunosuppression
thérapeutique. Il s’agit en particulier de mutations induites
par les ultraviolets (mal réparées sous immunosuppresseurs
et concernant par exemple la protéine p53) et d’infections par
des virus du papillome (PVH), notamment de type oncogène
(mais pas exclusivement).
Carcinomes cutanés
Ce problème concerne l’ensemble des greffés. Le degré de risque de voir se développer un carcinome dépend de plusieurs
facteurs ; âge au moment de la greffe, type de peau (phototype),
exposition au soleil, degré d’immunosuppression. Il est en
moyenne de 65 à 250 fois plus élevé chez des transplantés que
dans la population contrôle. Le délai moyen de survenue de ces
carcinomes est de 7 ans et, en outre, 50 à 70 p. 100 des sujets
auront un cancer après 20 ans de transplantation, ce qui illustre
l’importance de ce problème. Il s’agit de carcinomes épidermoïdes (dits spinocellulaires [CSC]) et basocellulaires (CBC). Néan7S118
Maladie de Kaposi (MK)
Anciennement appelée « sarcome » de Kaposi, elle est caractérisée par des lésions cutanées ou viscérales comportant une
prolifération de cellules fusiformes et de vaisseaux dermiques
ayant tendance à la croissance et à l’envahissement. La MK est
probablement de nature plus hyperplasique que néoplasique.
Depuis, quelques années, il a été montré que cette prolifération tumorale était induite par le virus herpes virus 8
(HHV8), virus qui peut être soit latent, soit réactivé par l’immuno-suppression. L’épidémiologie de ce virus n’est pas ubi-
Ann Dermatol Venereol
2005;132:7S118-7S119
Transplantation d’organes : complications cutanées
quitaire et il est retrouvé à des prévalences plus élevées dans
le bassin méditerranéen, l’Afrique, l’Italie du Sud. C’est donc
dans ces populations que le risque de développer une MK est
le plus élevée. À titre d’exemple, la fréquence de MK après
greffe rénale est de 0,45 p. 100 en Île-de-France, de 2,4 p. 100
en Israël et de 4 p. 100 en Arabie Saoudite. Les lésions apparaissent plus rapidement que pour les carcinomes, de l’ordre
de 1 à 2 ans après greffe. Elles se caractérisent par des nodules
ou des plaques infiltrées, bleutées, parfois angiokératosiques.
La maladie peut concerner, outre la peau, de nombreux tissus, notamment respiratoire et digestif.
rues vulgaires, les verrues en mosaïque des plantes des pieds,
ou les verrues planes, notamment aux membres. Néanmoins,
les verrues peuvent, chez les sujets greffés, ressembler à des
lésions précancéreuses (kératoses actiniques), avec lesquelles
elles peuvent d’ailleurs s’intriquer en raison de la transformation possible de certaines lésions dues au PVH.
Les verrues des greffés sont extrêmement fréquentes : le
nombre moyen de lésions kératosiques (verrues et kératoses)
est de l’ordre d’une quarantaine 5 ans après la greffe. Leur
prise en charge est difficile, les lésions étant rebelles aux modalités habituelles.
Autres tumeurs
Infections à virus herpès
Le surrisque de mélanome (MM) après transplantation varie
de 1,3 à 4,5 en fonction des pays et du phototype des individus.
Le délai moyen de survenue de MM est de 5 ans post-transplantation. Au vu de la gravité de cette tumeur, il est fondamental que les malades soient examinés avant (afin de
rechercher toute lésion débutante ou nævus atypique à risque) et régulièrement après greffe.
Les autres tumeurs observées sont le kératoacanthome,
proche du CSC, le carcinome neuroendocrine, tumeur maligne grave développée aux dépens des cellules de Merkel cutanées, et les lymphomes cutanés qui sont plus rares.
Cinquante pour cent des greffés d’organe séropositifs d’organe développent dans les mois qui suivent la greffe des infections à HSV. Ces lésions sont sur ce terrain plus souvent
sévères et étendues. Une prophylaxie initiale est donc proposée par certains, sauf en greffe hépatique où le risque est
moindre.
Dix à 15 p. 100 des greffés d’organe développent dans les
années qui suivent une varicelle ou un zona. Le traitement
est indispensable, avec de l’aciclovir, par voie veineuse, adaptée à la fonction rénale.
Infections opportunistes
COMPLICATIONS CUTANÉES INFECTIEUSES
Il peut s’agir d’infections banales ou liées à des germes opportunistes.
Verrues
Les verrues sont induites par les virus du papillome (PVH).
Les PVH sont des virus à ADN, très répandus, pouvant être
oncogènes, capables d’infecter la peau et les muqueuses. Les
verrues peuvent avoir plusieurs aspects, notamment les ver-
En raison de l’immunosuppression, une très grande diversité de micro-organismes, notamment des organismes opportunistes, peut être responsable d’infections cutanées. Il peut
s’agir de bactéries (Nocardia…), de levures (Cryptococcus…)
ou de champignons filamenteux (Aspergillus…). Les lésions
cutanées résultantes sont d’allure peu spécifique avec des lésions collectées (abcès, pustules), des nodules superficiels
ou profonds, voire des tableaux d’érysipèle, d’ulcérations
chroniques. La règle est donc la biopsie avec prélèvements
multiples pour examen histologique avec colorations spéciales, examens directs et culture tant en bactériologie qu’en parasitologie.
Points clés
1. La principale préoccupation est la prévention et repose sur :
– l’examen cutané systématique des greffés avant et régulièrement après transplantation : une fois par an en l’absence de complications, plus souvent par ailleurs, notamment en cas de lésions cancéreuses ;
– la photoprotection qui doit être décrite, explicitée largement et surveillée en raison des risques de carcinome induits par les UV ;
– la prise en charge précoce des lésions précancéreuses et tumorales.
2. Par ailleurs, les carcinomes et les lésions infectieuses étant de sémiologie souvent trompeuse, des biopsies doivent être effectuées au moindre doute.
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