entorses et luxations des doigts longs

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DOSSIER FMC
ENTORSES ET LUXATIONS DES DOIGTS LONGS
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PRÉSERVER
LA MOBILITÉ
SOMMAIRE
!Les atteintes proximales
de la chaîne digitale
P.2
!IPP UNE ARTICULATION TRÈS EXPOSÉE.
Traumatismes fermés et récents
des interphalangiennes proximales
!IPD Ruptures possibles
P.4
P.6
N° 2167 - MARDI 15 JANVIER 2002
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FMC
ENTORSES ET LUXATIONS DES DOIGTS LONGS
PRÉSERVER
LA MOBILITÉ
!A l’inverse des entorses et des luxations du pouce, ou de la première colonne, pour lesquels c’est la stabilité
de la métacarpo-phalangienne (MCP) qui prime pour la bonne fonction de la pince pollicidigitale,
pour les doigts longs c’est la mobilité qu’il faut à tout prix conserver. !La rééducation doit donc être la plus
précoce possible pour éviter les séquelles graves d’enraidissement, particulièrement au niveau de l’articulation
interphalangienne proximale. DOSSIER RÉALISÉ PAR LE D ERIC ROULOT (CHIRURGIEN DE LA MAIN, HOPITAL LARIBOISIERE ET INSTITUT DE LA MAIN, PARIS)
R
es entorses et luxations des
doigts sont très fréquentes, car
la main est en permanence
exposée dans tous les gestes
de la vie quotidienne. La main est
un outil précieux, mais fragile !
L
Les entorses et luxations des
doigts résultent des mêmes mécanismes lésionnels et sont parfois difficiles à différencier quand la luxation s’est spontanément réduite.
L’examen du patient est souvent
faussement rassurant : le doigt est
simplement gonflé et un peu douloureux, les radiographies sont normales ou ne montrent qu’un très pe-
tit arrachement osseux juxta-articulaire. Il convient donc de rester très
prudent dès que le diagnostic est
évoqué et de réaliser systématiquement un testing de l’articulation
pour retenir un diagnostic lésionnel
précis qui fixera la conduite thérapeutique. On ne saurait se contenter
du simple diagnostic vague « d’entorse », car il y a de nombreux types
d’entorses et des traitements très différents, allant de la rééducation immédiate, sans immobilisation, jusqu’à l’intervention chirurgicale. En
cas de luxation, il reste nécessaire
de réduire la luxation, de préférence
basket-ball, le handball, le rugby,
etc. Les traumatismes professionnels sont également fréquents, en
particulier lors de l’utilisation d’outils motorisés, ou du port ou de chute de charges lourdes. Une autre
cause de lésion des axes digitaux est
la percussion accidentelle du doigt
lors d’une chute ou lorsqu’il se situe
sur la trajectoire soit de la balle
(football) soit d’un mouvement effectué (professionnel ou sportif). Ces
lésions sont le plus souvent consécutives à un geste brusque ou inadapté, parfois très violent, pouvant
entraîner des lésions graves.
après avoir réalisé une radiographie
pour identifier une éventuelle fracture associée et pour que celle-ci ne
soit pas imputable à la manœuvre
de réduction.
Accidents sportifs
et professionnels
Ces traumatismes surviennent
majoritairement lors de la pratique
des sports de ballon, notamment
lorsque la main entre en contact direct avec la balle comme instrument
de frappe ou de propulsion, pour
des sports tels que le volley-ball, le
Trois types de lésions principales
peuvent être observées :
— les entorses, particulièrement
fréquentes, qui correspondent à la
lésion d’un seul plan capsulo-ligamentaire, sans perte de congruence
articulaire ;
— les luxations, qui sont la
conséquence d’une rupture complète des plans capsulo-ligamentaires,
avec perte de la congruence articulaire ;
— les fractures, qui peuvent accompagner la luxation ; ces fractures-luxations sont plus graves. ■
Les atteintes proximales
de la chaîne digitale
!Au niveau des articulations métacarpo-phalangiennes, les entorses sont latérales, les luxations (simples ou complexes)
sont dorsales et palmaires. Les luxations palmaires sont exceptionnelles.
manière générale, les entorses
et luxations de l’articulation métacarpo-phalangienne sont plus
rares que les lésions distales, cette articulation étant en situation anatomique protégée. Des éléments extrinsèques et intrinsèques assurent sa stabilité.
E
D
Rappel anatomique
La surface articulaire de la tête du
métacarpien est elliptique de profil.
La longueur de la tête est plus importante en antéro-postérieur, expliquant
que les ligaments latéraux de la métacarpo-phalangienne (MCP) soient
tendus en flexion, une position qui
assure une stabilité maximale à cette
articulation. En extension, ces ligaments latéraux sont détendus, auto-
2
risant des mouvements de latéralité
et de circumduction.
Les ligaments latéraux ont deux
faisceaux :
— un faisceau principal, épais,
oblique de haut en bas et d’arrière en
avant, s’étendant de la tête du métacarpien jusqu’à la base de la première
phalange ;
— un faisceau accessoire solidarisant la tête du métacarpien aux bords
latéraux de la plaque palmaire.
La plaque palmaire est plus extensible qu’au niveau de l’interphalangienne proximale (IPP). Elle prolonge
la surface articulaire de la base de la
première phalange et s’articule avec
les condyles métacarpiens lorsque
l’articulation est en extension. Elle est
plus solidement liée à la base de P1
que sur le métacarpien au niveau duquel elle aura plus volontiers tendan-
N° 2167 - MARDI 15 JANVIER 2002
SCHÉMA D’UNE ARTICULATION MÉTACARPO-PHALANGIENNE.
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3
A1 : plaque palmaire,
A2 : faisceau principal métacarpophalangien du ligament latéral,
A3 : faisceau accessoire
métacarpo-glénoïdien.
B : la rotondité
céphalique et la
détente des
ligaments
latéraux en
extension
permettent des
mouvements
normaux de
latéralité.
FMC
[ENTORSES ET LUXATIONS DES DOIGTS LONGS]
ses expansions latérales. Latéralement, les ligaments intermétacarpiens
profonds relient les plaques palmaires entre elles. Ce ligament n’existe pas sur le bord radial de l’index et
sur le bord cubital du cinquième
doigt, expliquant la prépondérance
des lésions traumatiques à ces niveaux.
Photo 1
Entorse du ligament latéral
radial (LLR) de la
métacarpo-phalangienne du
cinquième doigt, avec
laxité importante en
abduction au testing.
L’intervention chirurgicale
est nécessaire.
Photo 4
Entorse du ligament latéral
cubital de la métacarpophalangienne de l’index avec
fragment osseux arraché.
Celui-ci est volumineux
et déplacé avec retournement
du fragment. La rupture
ligamentaire est donc complète
et le risque de nonconsolidation majeur.
Il est donc nécessaire de
refixer le fragment osseux.
Laxité recherchée
A l’examen clinique, la laxité latérale doit être recherchée par des
épreuves dynamiques, réalisée sur
une métacarpo-phalangienne en
flexion. L’instabilité consiste en la
perte de congruence des surfaces articulaires, soit en statique, soit au
cours des mouvements actifs.
L’examen radiographique nécessite la réalisation de radiographies de
face et de trois quarts, les profils étant
difficilement interprétables du fait
des superpositions. Mais surtout l’incidence de Brewerton réalisée sur des
métacarpiens en flexion de 65°, avec
un rayon oblique de 15° en cubital,
est importante, puisqu’elle permet
d’explorer à la fois les faces latérales
des condyles et la surface articulaire.
On décrit quatre formes d’entorses
et de luxations de l’articulation métacarpo-phalangienne : les entorses
latérales, les luxations dorsales,
simples ou complexes, et les luxations palmaires.
Photo 2
Vue opératoire chez le
même patient, le ligament
(sur un fil) est
complètement déchiré et
doit être réinséré pour
permettre une cicatrisation
correcte sans laxité
résiduelle. L’articulation est
largement ouverte par le
traumatisme qui a déchiré
toute la capsule articulaire
sur son versant radial.
Entorses latérales : avec
ou sans arrachement osseux
Photo 3
Patient vu dans les suites
d’un traumatisme en
hyperextension. La main
est gonflée et la flexion
de la métacarpophalangienne impossible.
ce à se désinsérer lors des mouvements d’hyperextension forcée.
Les structures extrinsèques ont un
rôle stabilisateur : la poulie en avant
qui s’applique sur la plaque palmaire,
avec les tendons fléchisseurs immédiatement en avant de l’articulation
et, en arrière, le tendon extenseur et
Les entorses latérales sont relativement rares, surtout celles des troisième et quatrième doigts qui sont les
mieux protégés. C’est l’examen clinique qui permet de faire le diagnostic de gravité, en mettant en évidence
une laxité ou une instabilité ; les
autres entorses sont qualifiées de bénignes
Le testing se fait en flexion et
éventuellement sous anesthésie loca-
Photo 6
L’examen de la paume de la
main chez le même patient
retrouve le signe du sillon centré
sur la métacarpo-phalangienne.
Le diagnostic de luxation dorsale
avec incarcération est évident et
l’intervention s’impose.
Photo 7
Même patient que
précédemment. La tête du
métacarpien est directement
visible sous la peau, ainsi que
le nerf collatéral radial très
exposé. La simple libération
de la plaque palmaire
interposée va suffire à
résoudre le problème.
sans arrachement osseux et comme
des entorses bénignes s’il n’y a pas de
laxité ou d’instabilité [photos 3 et 4].
Luxation dorsales :
simples ou complexes
Photo 5
Même patient, une fois le vissage
du fragment osseux effectué.
le. Il devrait être réalisé en statique et
en dynamique, éventuellement complété par des radiographies en situation de stress. C’est l’importance de
la laxité qui guide l’indication chirurgicale [photos 1 et 2].
Sans arrachement osseux, la plupart des entorses latérales sont bénignes et traitées fonctionnellement
par une mobilisation active immédiate en syndactylie. Le doigt sain choisi
sera celui situé du côté de la lésion
pour ne pas mettre en tension les
structures latérales lésées. Il faut être
particulièrement vigilant pour les lésions de l’index en recherchant une
lésion du ligament latéral radial : les
déficits fonctionnels secondaires sont
beaucoup plus importants que pour
les autres doigts compte tenu de son
rôle fondamental dans la stabilité de
la pince pouce-index.
En cas d’arrachement osseux associé, l’examen clinique est tout aussi
indispensable pour faire le diagnostic
de gravité, mais la présence d’un fragment osseux dépassant 20 % de la
surface articulaire constitue à elle
seule une indication chirurgicale
d’ostéosynthèse.
Les arrachements de plus petite
taille sont traités comme des entorses
Les luxations dorsales résultent
d’une hyperextension forcée, avec
une désinsertion de la plaque palmaire au niveau du métacarpien.
Il s’agit d’une luxation simple
(également appelée subluxation) :
l’articulation est alors en hyperextension de P1 d’une soixantaine de
degrés avec, à la radiographie, une
image de chevauchement des surfaces articulaires. La réduction est
réalisable par une manœuvre externe : le poignet étant mis en flexion
pour détendre l’appareil fléchisseur,
la réduction doit s’effectuer selon la
technique de Farabeuf. Cette manœuvre maintient la base de la phalange fortement appliquée sur la tête
du métacarpien tout au long de son
parcours de réduction. Il faut éviter
toute traction axiale sur le doigt sans
avoir au préalable détendu l’appareil
fléchisseur pour éviter d’incarcérer la
plaque palmaire ; cette incarcération
transformerait cette luxation initialement réductible en une luxation irréductible.
Il s’agit d’une luxation complète
irréductible (luxation complexe). Ce
type de lésions s’accompagne d’une
interposition de la plaque palmaire
ou d’une incarcération de la tête du
métacarpien entre les fléchisseurs et
la musculature intrinsèque.
Cliniquement, on observe une hyperextension de P1, la tête du métacarpien étant palpable à la paume. Il
existe à ce niveau une ombilication
cutanée tout à fait typique, avec signe
du sillon qui traduit l’ombilication
des tissus captifs dans l’articulation.
Le doigt ne peut plus fléchir et la radiographie retrouve une perte du parallélisme des surfaces articulaires
[photos 5 et 6].
Ces formes ne sont pas réductibles
par manœuvre externe et imposent
une réduction chirurgicale par voie
palmaire, en prenant bien garde de ne
pas léser les paquets collatéraux directement exposés en sous-cutané du
fait de la saillie de la tête du métacarpien [photo 7].
Il n’est pas nécessaire, une fois la
réduction obtenue, de réinsérer la
plaque palmaire en proximal.
Pour ces deux types de luxation,
une mobilité active sera d’emblée réalisée dans un secteur protégé par une
attelle dorsale antiextension en
flexion de 30°, pendant trois semaines.
Luxations palmaires :
exceptionnelles
Les luxations palmaires sont exceptionnelles. Elles sont irréductibles
lorsqu’il y a une l’interposition de la
capsule dorsale, voire de la plaque
palmaire si celle-ci s’est désinsérée
distalement (ce qui reste très rare). ■
N° 2167 - MARDI 15 JANVIER 2002
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FMC
[ENTORSES ET LUXATIONS DES DOIGTS LONGS]
Une articulation
très exposée
IPP
Traumatismes fermés et récents des interphalangiennes
proximales
!Les conséquences des entorses et luxations de l’interphalangienne proximale
(IPP), articulation particulièrement sollicitée, sont beaucoup plus sévères qu’au
niveau de la métacarpo-phalangienne. Le but du traitement est la restauration
de la congruence articulaire en limitant au minimum les durées d’immobilisation
qui ne doivent jamais dépasser trois semaines.
traumatismes fermés des
interphalangiennes proximales
sont parmi les lésions les plus
fréquentes des doigts. Leur gravité
tient à l’importance de l’interphalangienne proximale (IPP) dans la
fonction de la chaîne digitale.
Entorses et luxations sont au premier plan. Différentes fractures articulaires peuvent leur être associées.
La prise en charge des lésions ligamentaires vise à éviter des séquelles
graves, encore trop fréquentes. Les
résultats des traitements ne sont
bons que dans 45 % des cas, alors
que 86 % des entorses et luxations
de la métacarpo-phalangienne trouvent une solution thérapeutique
satisfaisante.
La solide plaque palmaire
de l’articulation
interphalangienne
proximale s’attache
distalement sur la base
de P2 ; proximalement,
ses deux freins s’insèrent
sur la diaphyse de P1.
Elle est suspendue à la
tête de P1 par les
ligaments latéraux
accessoires. Sur elle
s’attache la gaine
fibreuse des tendons
fléchisseurs.
ES
L
Rappel anatomique
L’articulation interphalangienne
proximale est une articulation trochléenne à un seul degré de liberté,
la flexion-extension. Les mobilités
en flexion-extension de l’interphalangienne proximale sont de 110
degrés, avec un arc fonctionnel utile
jugé à 60 degrés pour les gestes de
la vie courante. Cette flexion est
Photo 9
Luxation latérale à réduire
rapidement.
assurée par le fléchisseur commun
superficiel. L’extension, quant à
elle, est le fait de l’action de la bandelette médiane de l’extenseur et
des muscles intrinsèques qui interviennent lorsque la métacarpo-phalangienne est fléchie.
La tête de P1 est constituée de
deux condyles avec une gorge
médiane, dont la direction est différente pour chacun des doigts
longs afin d’assurer leur convergence en flexion.
Les tubercules latéraux donnent
l’insertion aux ligaments latéraux
sur les faces latérales de leurs
condyles et matérialisent ainsi une
ligne qui est l’axe de flexion-exten-
En flexion, le ligament
latéral principal est tendu.
Pour tester sa qualité
mécanique, le testing se
fait en demi-flexion.
Photo 8
Luxation dorsale de
l’interphalangienne proximale du
cinquième doigt. Ces luxations sont
très fréquentes et résultent d’un
traumatisme en hyperextension
(fréquent chez les sportifs).
sion de l’articulation. En vis-à-vis
de P1, se situe la base de P2 constituée de deux cavités glénoïdes,
séparées par une crête qui répond
à la gorge intercondylienne, avec,
de chaque côté de sa surface articulaire, la zone d’insertion des ligaments latéraux principaux.
Suite page 5 ◆◆◆
C’est l’inverse en
extension : les ligaments
latéraux accessoires sont
tendus alors que les
ligaments latéraux
principaux sont détendus.
Photo 10
La radio avant réduction reste
de pratique prudente pour
dépister les associations
fracturaires préexistant à la
réduction.
N° 2167 - MARDI 15 JANVIER 2002
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FMC
[ENTORSES ET LUXATIONS DES DOIGTS LONGS]
Photo 11
Vue opératoire d’une
interposition ligamentaire du
ligament latéral radial dans
l’articulation empêchant la
bonne réduction.
◆◆◆Suite de la page 4
Les ligaments latéraux principaux et latéraux accessoires présentent une tension qui ne se modifie
pratiquement pas dans l’arc de
flexion-extension. Ces fibres, du fait
de leur position, sont surtout tendues en flexion.
La plaque palmaire est un fibrocartilage tendu en extension, qui se
plisse en flexion et qui, s’insérant
sur toute la largeur de la base de P2,
constitue le plancher de l’articulation interphalangienne proximale.
Cette structure limite l’hyperextension et la luxation n’est possible que
si ce contexte est rompu en deux
plans différents.
Le consensus semble se faire sur
une position d’immobilisation en
extension qui assure une meilleure
stabilité, avec des possibilités
d’arthrolyse ultérieure plus simple
que sur les enraidissements en
flexion et qui évitent par ailleurs les
interposions après réduction.
Photo 12
Luxation palmaire de
l’interphalangienne proximale.
Notez la composante rotatoire
qui traduit la lésion
systématique complète d’un des
ligaments latéraux.
subluxation palmaire signe une
lésion de l’appareil extenseur.
Des luxations dorsales,
latérales et palmaires
Mobilité active,
stabilité passive
Outre les radiographies systématiques sous de multiples incidences,
l’examen repose surtout sur le testing, réalisé au mieux sous anesthésie locale, permettant d’explorer la
mobilité active et la stabilité passive.
Une mobilité active normale en
flexion-extension autorise une
mobilisation précoce en syndactylie.
Le testing de la stabilité passive
est indispensable en latéralité et en
tiroir antéro-postérieur :
— en flexion latérale, on teste le
ligament latéral principal, alors
qu’en extension latérale on teste le
ligament accessoire et sa jonction
avec la plaque palmaire ;
— lors des manœuvres en tiroir
antéro-postérieur, une hyperextension anormale signe une lésion de
la plaque palmaire, alors qu’une
Les luxations dorsales [photo 8]
sont les plus fréquentes et elles
s’accompagnent nécessairement
d’une rupture complète de la
plaque palmaire et d’au moins un
ligament latéral. Cette rupture est
presque toujours distale. Le traitement reste orthopédique dans la
grande majorité des cas, confié soit
à une attelle « IPP stop » (autorisant
une mobilisation en flexion, mais
limitant l’extension à – 20 degré),
Photo 13
Vue opératoire d’une
interphalangienne proximale
après luxation palmaire avec
arrachement de la bandelette
médiane de l’extenseur et du
ligament latéral cubital tous
deux bien visibles sur des fils
tracteurs avant leur réinsertion.
LES RESULTATS THERAPEUTHIQUES SUR
LES ENTORSES ET LUXATIONS DES IPP NE SONT
BONS QUE DANS 45% DES CAS.
soit à une mise en extension complète de l’interphalangienne proximale, avec mobilisation précoce en
syndactylie à la troisième semaine.
Le traitement chirurgical doit être
réservé aux grosses instabilités ou
aux luxations irréductibles ; il
repose sur la réinsertion de la
plaque palmaire.
Les luxations latérales [photos 9
et 10] sont la conséquence d’un
traumatisme en extension, qui
rompt à la fois le ligament latéral
inséré sur P1 et la plaque palmaire.
Les lésions débutent en dorsal et se
propagent en direction palmaire et
distale. Le traitement est le plus
souvent orthopédique ; il repose sur
une réduction et mise en syndactylie pour quatre semaines. Le traitement chirurgical, exceptionnel,
repose sur la réinsertion ligamentaire et s’adresse aux formes qui se
reluxent lors de la mobilisation
active ou qui restent désaxées après
réduction du fait d’une interposition [photo 11].
Les luxations palmaires [photo
12] sont les plus rares et résultent
d’un mécanisme de compressionrotation sur un doigt demi-fléchi.
Un ligament latéral est toujours
rompu ; l’appareil extenseur est fortement lésé ; une rupture quasi
constante de la bandelette médiane
est associée à la luxation palmaire
d’une bandelette latérale qui peut
s’incarcérer et rendre cette luxation
irréductible. Une fois la réduction
effectuée, il faut tester la bandelette
médiane de l’appareil extenseur,
responsable — lorsqu’elle est rompue — d’un déficit de l’extension
active ou de la persistance d’une
subluxation palmaire, imposant
alors un traitement chirurgical de
résinsertion du tendon extenseur et
du ligament latéral avulsé [photo 13].
Le diagnostic d’entorse est le
plus fréquent mais il reste un diagnostic d’élimination et impose un
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N° 2167 - MARDI 15 JANVIER 2002
testing au moindre doute devant
une grosse articulation douloureuse.
Entorses :
lésion d’un seul plan
Ces entorses sont le fait de la
lésion d’un seul plan, qu’il s’agisse
de la plaque palmaire, de la bandelette médiane ou du ligament latéral.
Leur prise en charge impose de
laisser libres les articulations métacarpo-phalangienne et interphalangienne distale et d’immobiliser préférentiellement l’interphalangienne
proximale en extension.
La mobilisation active précoce
est possible pour les ruptures isolées d’un ligament latéral ou de la
plaque palmaire, avec syndactylie
ou, éventuellement, une attelle de
protection.
Les ruptures sous-cutanées de la
bandelette médiane imposeront une
immobilisation en extension stricte
pendant trois semaines.
Entorses et luxations avec
fractures articulaires ajoutées
Les fractures articulaires de
l’interphalangienne proximale intéressent, par définition, au moins
25 % d’une des surfaces articulaires. Les arrachements marginaux
s’apparentent aux entorses et aux
luxations. Ces fractures sont potentiellement graves, exposant aux
risques de cal vicieux, de raideur et
d’arthrose secondaire.
La rééducation reste fondamentale, fondée sur une mobilisation
immédiate de la métacarpo-phalangienne et de l’interphalangienne
distale et sur une rééducation précoce, active, aidée de l’interphalangienne proximale.
En dehors des formes non déplacées stables, les fractures de la tête
de P1 relèvent plutôt du traitement
chirurgical, alors que les fractures
de la base de P2 relèvent préférentiellement d’un traitement orthopédique. Les fractures de la tête de P1,
qui se subdivisent en fractures unicondyliennes et fractures suscondyliennes et intercondyliennes,
ne font pas partie du sujet des
entorses et luxations. Les fractures
non déplacées de la base de P2 sont
traitées par la mise en place d’une
attelle en rectitude pendant trois
semaines ; le traitement chirurgical,
quand il est nécessaire, se fait par
un abord plutôt dorso-latéral.
Quand elles s’accompagnent
d’une luxation, ces fractures entrent
dans le cadre des luxations-fractures de traitement difficile ; elles
exposent à des séquelles importantes lorsqu’elles concernent la
base de la deuxième phalange.
Deux éléments guident la conduite
thérapeutique : la stabilité de l’articulation après réduction et l’aspect
du fragment palmaire :
— la stabilité dépend directement de la taille du fragment palmaire : lorsqu’il est volumineux, il
peut recevoir toutes les insertions
distales du ligament latéral principal si bien que la base de P2 se luxe
en position dorsale, sous l’action de
la bandelette médiane de l’extenseur et du fléchisseur superficiel ;
l’examen après réduction sous bloc
digital est indispensable pour différencier les formes qui seront
stables après réduction de celles qui
se reluxent ;
— l’aspect du fragment palmaire
est également important à analyser :
est-il unifragmentaire ou plurifragmentaire ? est-il associé ou non à un
enfoncement articulaire ?
Différentes méthodes thérapeutiques pourront alors être mises en
route, visant à corriger le déplacement dorsal et à restaurer une
congruence articulaire (orthopédique par attelle et/ou chirurgicale). ■
FMC
[ENTORSES ET LUXATIONS DES DOIGTS LONGS]
IPD
Ruptures possibles
!Les entorses et luxations de l’interphalangienne distale, articulation particulièrement stable, sont rares. Mais un traumatisme peut
occasionner des lésions tendineuses. Deux cas particuliers : le mallet finger, et le rugbby ou jersey finger.
Luxations
rarement
irréductibles
distale
est une articulation bicondylienne ; sur la portion antérieure de P3, l’insertion du tendon
fléchisseur profond occupe toute la
largeur de la base de la phalange
jusqu’au tiers proximal ; plus
proche de l’articulation, se trouve
l’insertion de la plaque palmaire,
qui est fibro-cartilagineuse.
Sur la face dorsale de l’interphalangienne distale, la capsule articulaire est renforcée par l’insertion de
la bandelette terminale de l’appareil
extenseur ; celle-ci est constituée
d’une très fine lame tendineuse qui
s’insère sur toute la base dorsale de
P3, jusqu’au bord proximal de la
matrice unguéale. L’articulation est
stabilisée latéralement par deux
puissants ligaments collatéraux qui
n’autorisent de mouvement qu’en
flexion-extension.
Les entorses et luxations de
l’interphalangienne distale sont
rares du fait de la stabilité importante de cette articulation
[photo 14].
Réductible, la luxation est traitée
par manœuvre orthopédique. Les
luxations, qui peuvent être dorsales
ou latérales, s’associent fréquemment à une ouverture cutanée du
fait de l’adhérence importante de la
peau au tissu profond à ce niveau.
La luxation peut s’accompagner
d’étirements des paquets collatéraux, avec des troubles neurologiques en cas de réduction tardive.
Généralement, la luxation est facilement réductible par traction dans
l’axe. L’ouverture cutanée impose la
réalisation d’un parage, d’un lavage,
puis d’une fermeture cutanée sans
tension une fois la luxation réduite.
La plaque ne doit pas être réinsérée
si elle est arrachée.
De façon exceptionnelle, les
luxations interphalangiennes distales peuvent être irréductibles
lorsqu’elles sont dorsales, la phalange distale venant se situer en
arrière de la tête de P2. Cette irréductibilité est le plus souvent la
conséquence d’une interposition de
la plaque palmaire qui est avulsée
de son insertion proximale (parfois
en association avec une avulsion
osseuse). Plus rarement c’est le tendon fléchisseur qui s’interpose dans
l’articulation, ce qui suppose une
rupture d’un des ligaments collatéraux et d’une partie de la plaque
palmaire.
Le traitement est, dans ces deux
cas, chirurgical. On agrandit la plaie
lorsqu’elle existe ou on passe par un
abord dorsal dans les formes fermées. Une fois l’interposition levée,
l’articulation est en général stable :
aucune réinsertion, ni des ligaments
latéraux ni de la plaque palmaire,
n’est nécessaire. Le risque reste
celui de la raideur en flexion de
l’articulation, non d’une atteinte de
la stabilité. Une immobilisation
INTERPHALANGIENNE
L’
transitoire reste cependant nécessaire pendant une période de trois
semaines, éventuellement par une
broche axiale.
Extension active
impossible
E doigt en maillet (ou « mallet
finger ») se définit comme une
perte de l’extension active de
l’interphalangienne distale, avec
persistance d’une extension passive
complète. C’est la conséquence
d’une rupture de l’appareil extenseur au dos de l’articulation. Le diagnostic est clinique.
La rupture tendineuse est généralement la conséquence d’un accident en flexion forcée de l’articulation interphalangienne distale, alors
que l’interphalangienne proximale
est en extension. Le traumatisme
passe fréquemment inaperçu au
cours des activités sportives.
Il existe deux types de doigt en
maillet, ceux qui sont la conséquence d’une simple rupture tendineuse et ceux qui correspondent à
un arrachement de l’insertion du
tendon sur la base de la phalange,
emmenant ainsi un fragment
osseux.
L
Simple rupture tendineuse
C’est la forme la plus fréquente
de mallet finger. Les pièces osseuses
sont radiologiquement normales. Le
traitement est orthopédique,
d’abord par une immobilisation en
légère hyperextension, pendant huit
semaines, sans interruption, puis
par une immobilisation uniquement
nocturne pendant un mois. L’articulation interphalangienne proximale
doit être immédiatement rééduquée
en actif. Il est indispensable de ne
pas interrompre cette immobilisation, qui devrait être reprise à son
début en cas de flexion inopportune
prématurée.
Une surveillance cutanée
attentive doit par ailleurs être effectuée pour dépister toute souffrance
cutanée, au dos de l’interphalangienne distale, en regard de la zone
d’arrachement tendineux.
Les résultats de ce type de traitement sont en général très bons et
l’existence d’un déficit de flexion au
troisième mois du traumatisme peut
inciter à la mise en place d’une
orthèse dynamique temporaire.
Avec avulsion de l’insertion
tendineuse
Il existe une fracture articulaire
de la base de la troisième phalange,
consécutive à l’arrachement du
tendon extenseur. Le fait qu’il
s’agisse d’une fracture articulaire est
un facteur de mauvais pronostic
pour la mise en route d’un traite-
ment orthopédique si le fragment est
volumineux. Le traitement chirurgical est donc indiqué lorsque ce
fragment fait plus du tiers de la surface articulaire et s’il est déplacé.
Par ailleurs, l’indication chirurgicale
est formelle s’il existe une subluxation palmaire de P3-P2.
La technique de réinsertion
actuellement la plus en cours est la
technique de Blalock : un fil non
résorbable est passé dans le tendon
extenseur, qui vient traverser P3 en
transosseux, appliquant ainsi, sans
le traverser et risquer de le refendre,
le fragment osseux arraché. L’articulation est ensuite fixée par une
broche temporaire, en position
d’extension Dans tous les autres cas,
le traitement est orthopédique,
comme pour celui des ruptures
sous-cutanées.
Flexion active
impossible
EAUCOUP plus rare que le mallet
B
finger, la rupture de l’appareil
fléchisseur profond (on parle de
« rugby finger » ou de « jersey
finger ») se traduit par la perte brutale, post-traumatique, de la flexion
active de l’interphalangienne distale, avec persistance d’une flexion
passive. L’avulsion sous-cutanée
traumatique du fléchisseur profond
du doigt est une lésion de classique
mauvais pronostic, comme en
témoigne la revue de la littérature,
d’ailleurs peu abondante, sur le
sujet.
Dans plus de la moitié des cas, la
lésion est consécutive à un accident
sportif (le rugby a d’ailleurs donné
son nom à cette pathologie). Mais il
n’est pas rare qu’elle trouve son origine dans les accidents domestiques
ou de travail, ou qu’elle soit la
conséquence d’une agression.
L’annulaire huit fois sur dix
Le mécanisme correspond à une
prise de force contrariée : une
hyperextension brutale de l’interphalangienne distale est responsable d’un arrachement de l’insertion du fléchisseur profond sur la
troisième phalange, emportant ou
non un pavé osseux. En pathologie
sportive, l’avulsion fait suite à une
tentative de plaquage avec agrippement du maillot, comme on peut le
rencontrer dans les sports de contact
tels que le rugby ou le football américain. Le traumatisme entraîne une
douleur traçante du doigt remontant
à l’avant-bras, puis, secondairement,
une ecchymose pulpaire et, bien
sûr, l’absence de flexion active
immédiate de l’interphalangienne
distale. Le diagnostic de la lésion
aiguë est méconnu, dans 50 % des
cas, par le médecin ou le kinésithérapeute de l’équipe : l’un ou l’autre
LES MANŒUVRES ORTHOPEDIQUES SUFFISENT
GÉNÉRALEMENT À TRAITER,
ET L’IMMOBILISATION QUI SUIT DOIT ETRE COURTE.
LA CHIRURGIE DU
« RUGBY FINGER »
Les indications thérapeutiques
Photo 14. Forme tout à fait
sont conditionnées par le délai
exceptionnelle de luxation
dorsale à deux étages,
d’intervention.
interphalangienne
• Dans le cas d’une lésion récente
proximale
et
interphlangienne
(J0 à J8), la chirurgie est systémadistale
tique.
• Lorsqu’il s’agit d’une lésion secondaire (entre J8 et J21), l’indication
chirurgicale est plus nuancée, tenant compte de la gêne fonctionnelle
et du niveau de rétraction, de la possibilité de réinsertion sans induire
de flessum, ou du collapsus du canal digital.
• Si l’avulsion est diagnostiquée tardivement (au-delà de la troisième
semaine), l’indication chirurgicale dépend exclusivement de la gêne
fonctionnelle :
— si elle est nulle ou modérée, l’abstention chirurgicale est l’attitude
la plus raisonnable, à condition que l’interphalangienne proximale soit
parfaitement mobile et l’interphalangienne distale stable ;
— si le patient est demandeur, il est raisonnable de proposer une
résection du fléchisseur profond du doigt (à condition que celui-ci soit
pelotonné et douloureux dans la paume), associée soit à une ténodèse
soit, surtout, à une arthrodèse de l’interphalangienne distale, mesure
certes plus « lourde », mais plus solide et durable.
Pour l’auriculaire, en cas de faiblesse ou d’inefficacité constitutionnelle du fléchisseur superficiel, il faudra renforcer celui-ci par un adossement du fléchisseur profond à la paume.
confondent souvent l’avulsion du
fléchisseur profond du doigt avec
une lésion de la plaque palmaire, le
patient négligeant initialement son
déficit.
Tous les doigts peuvent être
atteints mais l’annulaire est largement majoritaire (80 % des cas de
notre expérience). Les raisons de
cette vulnérabilité sont :
— sa faible indépendance de
flexion qui ne lui permet pas de
lâcher aisément une prise lorsque
médius et auriculaire sont fléchis,
alors que l’auriculaire lâche la prise
en premier ; en effet, les muscles
lombricaux de l’annulaire s’unissent
à ceux du médius et de l’auriculaire
et leurs fléchisseurs communs profonds ont un corps musculaire commun à l’avant-bras ;
— la plus grande fragilité de
l’insertion ostéo-tendineuse du fléchisseur profond sur P3 de l’annulaire, l’insertion la plus résistante
étant celle du médius.
Le siège du moignon tendineux
peut être apprécié par :
— le niveau de la douleur proximale à la palpation du canal digital
ou de la paume, alors que le reste du
canal digital est retrouvé vide ;
— la radiographie qui doit être
systématique à la recherche d’un
fragment osseux tout en se méfiant
de la possible dissociation ostéo-tendineuse ;
— l’échographie, voire l’IRM,
sont rarement nécessaires sauf pour
les traumatismes anciens.
Le traitement est chirurgical
mais non systématique
Le traitement ne peut être que
chirurgical. Le chirurgien est
confronté en peropératoire à l’absence de moignon tendineux distal
utilisable, ce qui explique la variété
des techniques chirurgicales proposées, témoignant de la difficulté du
traitement. Il existe trois facteurs
pronostiques :
— la présence d’une avulsion
osseuse qui est en général un élément favorable ;
— le délai opératoire [voir encadré] : idéalement, la réparation chirurgicale doit être effectuée avant le
huitième jour (mais seuls 50 % des
cas sont diagnostiqués avant ce
délai) ; on n’observe aucun bon résultat après le vingt et unième jour ;
— l’importance de la rétraction
tendineuse qui conditionne la vascularisation résiduelle et donc la
qualité de sa cicatrisation ; à la
rétraction tendineuse instantanée
contemporaine du traumatisme,
s’ajoute, à partir de la troisième
semaine, un raccourcissement de
l’unité motrice par rétraction du
corps charnu à l’avant-bras. ■
N° 2167 - MARDI 15 JANVIER 2002
Dr Eric Roulot
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