Correction du baccalauréat blanc du 17 avril 2015 Remarques générales → La moyenne acceptable de la classe (en légère hausse par rapport au premier bac blanc) est en trompe l’œil: 1. La moyenne de l’épreuve composée est très faible, plus faible qu'au premier bac blanc. 2. Il y a une grande dispersion dans les notes : les notes basses sont plus basses qu'habituellement, inversement les bonnes notes sont, pour certaines, vraiment excellentes. → Cette situation est le résultat d'un travail de révision insuffisant pour une moitié des élèves, qui les a conduit à faire des impasses, et à avoir une connaissance superficielle du cours. Ces élèves ont été contraints de prendre un sujet, sans être réellement capables pourtant de le traiter, étant totalement incapables de traiter l'autre. Ainsi, il y a de nombreuses copies où toutes les questions de l'EC n'ont pas été traitées. → Il vous faut donc mesurer l'ampleur du travail de révision. La principale difficulté dans le baccalauréat ES est l'ampleur du travail que nécessite sa révision. Épreuve composée Première partie Dans l'ensemble, cette première partie a été désastreuse. Le cours n'étant pas connu, ou connu superficiellement, il n'y a soit pas de réponse, soit des réponses hors sujet, ou sans élément de cours. Question 1 : « Dans le cadre de l'Union européenne, présentez deux avantages de l'union économique et monétaire ? » Un très grand nombre d'élèves n'ont tout simplement pas compris que cette question leur demandait de réciter deux éléments (au choix) du II du chapitre 8. Ceux qui ont été capables de se souvenir d'un élément ont été souvent incapables d'expliquer les mécanismes d'action. Rappel : l'économie est l'analyse de mécanismes causaux (les flèches). Dire qu'il y a une flèche, sans expliquer comment elle fonctionne, c'est donc à peu près ne rien dire. La réponse est donc simple : il faut donner deux raisons pour lesquelles la monnaie unique (l'euro) a des avantages. Je donnais 0,5 points pour la raison et 1 point pour l'explication de son mécanisme. Par grande générosité, j'ai également considéré comme correcte les réponses qui m'expliquaient pourquoi le marché unique a des avantages. Le plus simple était donc de donner les avantages micro-économiques de la monnaie unique (pas de coût de change, transparence du marché, pas de risque de change). Question 2 : « Montrez à partir d'un exemple comment les inégalités économiques peuvent être à l'origine d'inégalités sociales ». Il n'y a presque aucune réponse vraiment correcte à cette question, en raison de réponses hors sujet ! La question implique, en effet, de montrer qu'une inégalité économique provoque des inégalités sociales (c'est-à-dire autres qu'économiques). Or, dans presque toutes vos réponses vous expliquez comment les inégalités culturelles, qui ne sont pas des inégalités économiques (faut-il le dire ?) provoquent d'autres inégalités sociales (le plus souvent de réussite scolaire). Le fait que les ouvriers aient moins de capital culturel que les cadres est une inégalité culturelle, pas économique. De très rares copies font au moins l'effort de dire que cette inégalité culturelle a une cause économique, le plus souvent de manière naïve : en expliquant que les ouvriers n'ont pas les moyens d'aller au théâtre, mais regardent la télévision. Or, tout le but de Bourdieu, dans son analyse des inégalités de capital culturel, est de montrer que les ouvriers n'ont pas les mêmes pratiques culturelles pour des raisons proprement culturelles et non pas économiques (ils ne vont pas au théâtre parce que 1 cela ne les intéresse pas, faute qu'ils en aient les « clés » de lecture, pas parce que cela coûte cher). Une réponse simple à cette question pouvait consister à montrer comment, en raison de leur faible revenu, les ouvriers vivent dans des quartiers pauvres où les écoles sont moins performantes, ne peuvent pas donner les mêmes moyens à leurs enfants pour le travail scolaire (chambre à soi, cours particuliers) et vont avoir tendance à moins les « pousser » dans leurs études faute de pouvoir les aider économiquement aussi longtemps. Les inégalités économiques génèrent donc des inégalités de réussite scolaire. Le barème était : 1 point pour l'exemple, 2 points pour l'explication du mécanisme causal. Deuxième partie Les trois quart de la classe n'ont pas eu plus de 1,5/4, c'est-à-dire presque aucun point en plus du point attribué à la description du document. En effet, le document a été lu comme un tableau de destinée, alors qu'il s'agit d'un tableau de recrutement. Son titre est, en effet, clair : origine sociale des nouveaux bacheliers dans les filières de l'enseignement supérieur. Il indique donc de quelles CSP viennent les étudiants de chaque filières, et non pas ce que deviennent les enfants de chaque CSP. Par exemple, il faut lire que « 10,2 % des étudiants en droit, économie, etc. ont pour parents des agriculteurs, artisans, commerçants, chefs d'entreprise » (Autre formulation : « 10,2 % des étudiants en droit, économie, etc. ont pour CSP d'origine agriculteurs, artisans, commerçants, chefs d'entreprise ».) La réponse pouvait s'organiser en trois points, suivis d'une conclusion : 1. Les enfants de cadre sont les plus nombreux dans l'enseignement supérieur (27,8 % de l'ensemble des étudiants). Au contraire, les enfants des autres CSP ont une présence à peu près semblable (environ 14% chacun). Les enfants d'ouvriers sont donc particulièrement sous représentés, puisque les ouvriers représentent environ 25 % de l'ensemble des actifs, et les enfants de cadre sont particulièrement sur représentés, puisque leur parents représentent environ 15 % des actifs). 2. La sur-représentation des enfants de cadres et la sous représentation des enfants d'ouvriers est particulièrement forte en CPGE (48,8 % contre 6,4%) et en Santé (42,1 % contre 10%). 3. Au contraire, les STS sont la seule section où les enfants d'ouvrier sont sur-représentés (premier groupe avec 21,6 % des élèves) et les enfants de cadre sous-représentés (seulement 13,6 %, deux fois moins que dans l'ensemble). => Au final, il y a donc une sur-représentation des enfants de cadre et une sous-représentation des enfants d'ouvriers de manière générale dans le supérieur. En outre, plus une section est prestigieuse, plus cette sur-représentation des cadres et cette sous-représentation des ouvriers est forte (et réciproquement). Troisième partie : Cette partie était très facile. Elle consiste à réciter le A du III du chapitre 7 (en expliquant bien les mécanismes des avantages comparatifs vus dans le II). Il n'y a strictement aucun piège : il faut dire pourquoi le libre-échange peut être positif, et c'est tout. Par conséquent 1. étaient hors sujet les devoirs qui expliquent les défauts du libre-échange ou l'avantage du protectionnisme. 2. étaient également hors sujet, tous les devoirs qui n'ont toujours pas compris la différence entre les I, II et III du chapitre 7 et le IV, c'est-à-dire entre le libre-échange portant sur les échanges commerciaux (les importations et exportations de marchandises) et la division internationale du processus de production à laquelle se livrent les FMN. Parler des FMN étaient totalement hors-sujet. 2 Lecture des documents Le premier document explique les principaux mécanismes qui font que le libre-échange génère de la croissance économique (en particulier, il rappelle la théorie des avantages comparatifs), et montre que c'est en l'appliquant que les pays asiatiques ont connu leur croissance économique exceptionnelle. Le deuxième document, quantitatif, est une « preuve » de l'analyse du premier. Il montre, en effet, que la croissance des économies en développement décolle dans les années 1990, qui sont celles où elles s'ouvrent au commerce international (ainsi le TCAM du PIB/hab y passe de 1,28 % à 3,01 % entre les années 1980 et 1990, tandis que, dans les années 1990, la place des exportations passent de 25,4 % à 34,6 % du PIB). De la même manière, les PMA commencent à connaître de la croissance dans les années 2000, au moment où leurs économies s'ouvrent (les exportations passent de 23 à 31 % du PIB). Le troisième document rappelle les avantages du libre échange pour les consommateurs, tout en relativisant l'impact négatif qu'il peut avoir sur l'emploi. Plan: I) Le libre-échange génère de la croissance économique A) La spécialisation dans les avantages comparatifs produit des gains de productivité (doc 1) 1. Grâce au libre-échange, les pays peuvent se spécialiser dans leurs avantages comparatifs, en exportant leur production dans cette activité, et en achetant au reste du monde ce qu'ils ne produisent plus. 2. En se spécialisant dans cet avantage comparatif, qui est l'activité où leur productivité est la plus forte (ou la moins faible), ils accroissent la productivité de l'ensemble de l'économie : il y a donc de la croissance (c'est cela que veut dire la phrase « c'est en effet un moyen d'améliorer l'allocation des ressources en les concentrant vers les activités où le pays possède un avantage comparatif ». L'allocation des ressources c'est la manière dont les facteurs de production (les travailleurs et le capital) sont répartis dans telles ou telles activités.) B) Le libre échange permet la croissance grâce à d'autres mécanismes (doc 1) 1. Diffusion du savoir et de la technologie 2. Accroissement de la concurrence qui conduit les entreprises à accroître leur productivité C) L'exemple des PVD (doc 1 et 2) II) Le libre échange est avantageux pour les consommateurs, sans nuire aux travailleurs (doc 3) A) Des produits aux prix plus bas et de meilleure qualité 1. Des prix plus bas. Le mécanisme par lequel les prix sont plus bas n'a souvent pas été compris : les prix sont plus bas parce que 1. ils ne sont pas alourdis par les droits de douane propres au protectionnisme 2. les consommateurs peuvent acheter les produits étrangers moins chers que ceux de leur pays. Ils ne sont plus contraints d'acheter les produits nationaux dans les activités où il n'y a pas d'avantage comparatif et où, par conséquent, la production coûte plus cher qu'à l'étranger. 2. Des produits plus divers et de meilleure qualité B) Qui ne nuisent pas aux travailleurs → Le protectionnisme permet de protéger les travailleurs des secteurs en déclin, non concurrentiels (c'est-à-dire des secteurs qui ne sont pas des avantages comparatifs), et qui sont donc concurrencés par les importations. → Toutefois, c'est une protection illusoire, parce que les pays étrangers vont répliquer en augmentant leurs droits de douanes dans les secteurs où l'économie a des avantages comparatifs : par conséquent, l'économie ne pourra pas s'y spécialiser et y créer des emplois. « Ainsi, en protégeant les emplois dans les secteurs d'importation, on en sacrifie d'autres dans les secteurs d'exportation » (doc 3). 3 Dissertation La dissertation a été beaucoup mieux réussie que l'EC. Toutefois, les notes y sont particulièrement hétérogènes. Le sujet est classique : la redistribution suffit-elle à assurer la justices sociale ? → Il s'agit, bien sûr, d'un sujet « dialectique ». La réponse doit être : I) Oui ; II) mais. → La justice sociale correspond à la recherche d'une distribution plus égale des ressources dans une société. Or, cette égalité peut prendre trois formes : égalité de droit ; égalité de situation ; égalité des chances. La redistribution agit principalement sur l'égalité de situation et pas sur l'égalité des chances (l'égalité des droits est largement réalisée dans notre société). Par conséquent l'argumentation suivie sera la suivante : la redistribution rend possible plus de justice sociale en favorisant l'égalité de situation, car elle diminue les inégalités de revenu (documents 1 et 2) (I). Toutefois, la redistribution ne favorise pas l'égalité des chances, notamment parce qu'elle n'a pas d'impact sur les discriminations (documents 3 et 4). En outre, la redistribution ne permet pas d'agir complètement sur l'égalité des situations (document 2) (II). Plusieurs points n'ont pas été compris : 1. Beaucoup de copie ne comprennent pas pourquoi la TVA est un impôt en théorie proportionnel (c'està-dire que quelque soit son revenu, on paye une proportion identique de celui-ci en TVA), mais en réalité dégressif (c'est-à-dire que la TVA représente une partie d'autant plus importante du revenu que l'on est plus pauvre). La raison tient dans le fait que plus on est pauvre, moins on épargne, et plus on consomme : par conséquent, plus on paye une partie importante de son revenu en TVA, qui est un impôt sur la consommation. 2. Beaucoup de copies ne comprennent pas que les prestations que présente le document 1 sont les prestations qui relèvent soit de la logique d'assurance (notamment les allocations familiales), soit de la logique d'assistance (notamment les minima sociaux). Ainsi dans ces copies, une longue explication sur le document 1 est suivie d'une explication sur les prestations sociales comme si les deux n'avaient aucun rapport. 3. Certaines copies ne comprennent pas que les services publics sont un des mécanismes de la redistribution, faute de comprendre ce qu'est la redistribution. La redistribution consiste a. à prendre des ressources aux individus sous la forme de prélèvements obligatoires b. à les redonner soit sous la forme de revenu (prestations sociales), soit sous la forme de services gratuits ou quasi gratuits (services publics). 4. Certaines copies n'ont pas compris que les documents 3 et documents 4 mettent en évidence des discriminations. Or, les discriminations correspondent à une violation de l'égalité des chances sur laquelle la redistribution ne peut pas agir directement. En effet, quelque soit leur revenu, les femmes ou les individus étrangers ou d'origine étrangère font face à ces discriminations. Analyse des documents Premier document. Il a été vu en cours. Il montre l'importance de la diminution des inégalités de revenu en raison de la redistribution verticale en France. Grâce à la redistribution, le revenu des 10 % les plus pauvres est plus que doublé (+135%), tandis que celui des 10 % les plus riches baisse de 21 %. Cette diminution est d'avantage due aux prestations qu'aux prélèvements. Deuxième document. Il montre comment les services publics permettent de diminuer les inégalités de revenu, en conduisant les ménages les plus riches à financer les services qu'utilisent les ménages les plus pauvres (et qu'ils auraient du mal à s'offrir sans cela), en particulier l'école. En effet, en moyenne, ce sont les ménages les plus pauvres qui ont des enfants (notamment parce que le revenu augmente avec l'âge, et que l'on a des enfants quand on est encore relativement jeune). Le document montre, toutefois, que ce mécanisme s'inverse dans certains cas, comme l'enseignement supérieur, qui est plus 4 fréquenté par les enfants de ménages riches que pauvres (comme le montre d'ailleurs l'EC2). → Ce document est donc à utiliser pour le I et pour le II. Troisième document. Les spécialistes sciences-po ont travaillé sur le mécanisme du document. Le document montre que : 1. Les femmes sont minoritaires dans le monde politique, malgré la loi sur la parité qui impose qu'il y ait autant de candidats femmes que d'hommes pour toutes les élections, sauf les présidentielles. 2. C'est particulièrement le cas à l'Assemblée nationale (18,5%) et au Sénat (22%), c'est-à-dire des assemblées où l'on accède grâce à des élections individuelles (« uninominales ») et non pas de listes (comme les conseils régionaux, les plus égalitaires (48%)). 3. En outre, les femmes sont encore moins nombreuses dans les postes de pouvoir auxquels on accède dans ces assemblées : elles sont ainsi 35 % des conseillers municipaux, mais seulement 13,8 % des maires. → Les femmes font donc face à des discriminations dans le champ politique, qui est encore largement contrôlé par les hommes. Quatrième document. Il montre que plus forte est l'origine étrangère d'un individu, plus forte est la discrimination qu'il subit sur le marché du travail. En effet, un Marocain aura 4,7 % de chance d'avoir un entretien d'embauche pour être serveur, un Français ayant un nom et un prénom marocain 6 %, un Français n'ayant que le nom marocain 10,7 % et un Français avec un nom et un prénom français 16,6 %. En outre, cette discrimination à l'embauche est plus forte pour les emplois de comptable que ceux de serveur (un Français a 13,25 fois plus de chance qu'un Marocain d'avoir un entretien pour le métier de comptable, contre 3,5 pour le métier de serveur). On peut en déduire que la discrimination est d'autant plus forte que le métier requière des qualifications élevées (et offre une rémunération élevée). Plan I) La redistribution permet une plus grande justice sociale en diminuant les inégalités de situation A) Une forte diminution rendue possible grâce aux prélèvements et prestations sociales (doc 1) B) Les services publics contribuent également à une diminution des inégalités (doc 2) II) La redistribution ne peut toutefois, à elle seule, assure la justice sociale A) La redistribution n'assure pas toujours moins d'inégalités de situations 1. Les prélèvements obligatoires, en France, sont élevés, mais très faiblement progressifs. Ils ne diminuent donc que faiblement les inégalités, puisque les pauvres en payent presque autant que les riches, proportionnellement à leur revenu. Il n'y a qu'un seul impôt vraiment progressif : l'impôt sur le revenu. Les autres prélèvements sont proportionnels, voire même dégressifs (comme la TVA, en théorie proportionnelle, en fait dégressive) (document 1 et cours). 2. La sécurité sociale française reste fondée sur une logique d'assurance (bismarkienne), ce qui induit une redistribution horizontale, qui n'a pas d'effet sur les inégalités. La logique d'assistance, qui permet la redistribution verticale, se développe toutefois (cours). 3. En outre, les services publics conduisent parfois à une redistribution inversée, comme c'est le cas pour les services publics (document 2). B) La redistribution ne permet pas de lutter contre les discriminations pour favoriser l'égalité des chances → Les individus, quelque soit leur revenu, sont confrontés à des discriminations qui entravent l'égalité des chances. 1. Les discriminations liées au genre (document 3) 2. Les discriminations liées à l'origine (document 4) 3. Ces discriminations impliquent la mise en œuvre de politiques agissant soit en amont (comme les ZEP), soit en aval (comme la loi sur la parité), qui sont fondées sur le principe d'équité (donner plus à ceux qui ont moins). Ces politiques ne relèvent généralement pas de la redistribution (ex : loi parité). 5