Progrès en urologie (2013) 23, 1327—1341 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com Les médicaments antibiotiques en urologie Antibiotic treatments in urology H. Chaussade a,b, S. Sunder a, L. Bernard a,b, P. Coloby c, L. Guy d, G. Karsenty e,f, C. Bastide e,g, F. Bruyère b,h,∗ a Service de maladies infectieuses, CHU de Tours, 37044 Tours, France Université François-Rabelais de Tours, PRES Centre-Val-de-Loire université, 37000 Tours, France c Service d’urologie, centre hospitalier René-Dubos, 95000 Pontoise, France d Service d’urologie, université d’Auvergne, hôpital G.-Montpied, 63003 Clermont-Ferrand cedex 1, France e Aix-Marseille université, 13284 Marseille, France f Service d’urologie et transplantation rénale, hôpital de la Conception, Assistance publique—Hôpitaux de Marseille, 13385 Marseille cedex 5, France g Service d’urologie, hôpital Nord, Assistance publique—Hôpitaux de Marseille, 13385 Marseille cedex 5, France h Service d’urologie, CHRU de Bretonneau, 2, boulevard Tonnellé, 37044 Tours cedex, France b Reçu le 3 septembre 2013 ; accepté le 5 septembre 2013 MOTS CLÉS Antibiotiques ; Bêtalactamines ; Quinolones ; Cotrimoxazole ; Fosfomycine ; Nitrofurane ; Aminosides ; Glycopeptides ∗ Résumé Objectif. — Définir les modalités de prescription des antibiotiques en urologie. Matériel et méthode. — Une recherche bibliographique a été effectuée sur la base MEDLINE concernant tous les antibiotiques utilisables en urologie. Les molécules ont été classées par famille. Le mode d’action, les indications en urologie ainsi que les effets indésirables ont été détaillés. Les dossiers d’AMM ont été consultés puis complétés par l’analyse de la littérature. Résultats. — Environ 8 classes d’antibiotiques sont utilisables en urologie de façon régulière. Les modes d’action, les indications et les effets indésirables sont discutés. Conclusion. — Compte tenu de l’augmentation des résistances des germes impliqués dans les infections urologiques aux quinolones, il est indispensable de maîtriser la prescription d’environ 8 classes d’antibiotiques. © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (F. Bruyère). 1166-7087/$ — see front matter © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. http://dx.doi.org/10.1016/j.purol.2013.09.001 1328 KEYWORDS Antibiotics; Betalactamines; Quinolones; Cotrimoxazole; Fosfomycine; Nitrofuranes; Aminosides; Glycopeptides H. Chaussade et al. Summary Objective. — To define prescription modalities for the use of antibiotics in urology. Methods. — A bibliographic research was performed using the MEDLINE database concerning all the antibiotics usable in urology. Treatments were classified by families; modes of action, indications in urology and adverse events have been detailed. Administrative files for commercial use have been consulted and associated with literature analysis. Results. — About 8 classes of antibiotics are usable in urology in a routine use. How they work, indications in urology and adverse events are discussed. Conclusion. — Knowing that bacterial resistance to quinilones is increasing dramatically, it seems imperative to control the use of 8 classes of antibiotics. © 2013 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. Introduction L’antibiothérapie des infections urinaires a pour but l’éradication des germes dans le tractus urinaire normalement stérile. Pour être efficace, l’antibiotique choisi doit remplir plusieurs critères : l’efficacité microbiologique sur la bactérie en cause (identifiée via un examen cytobactériologique des urines [ECBU]) et la bonne diffusion dans le site de l’infection (vessie, parenchyme rénal, prostate). Il doit aussi être bien toléré, peu toxique, d’administration facile et si possible peu onéreux. Initialement le choix de l’antibiothérapie est souvent probabiliste : il tient compte de l’épidémiologie bactérienne habituelle des infections communautaires ou associées au soin de l’appareil urinaire (type de bactérie, sensibilité aux antibiotiques), des traitements antérieurs reçus par le patient et des données cliniques (existence de signes de gravité, facteurs de risque de complications ou non, site de l’infection). Après identification du germe, le choix de l’antibiotique doit être adapté à l’antibiogramme en choisissant un antibiotique efficace, à bonne diffusion et avec un spectre le plus étroit possible. Les pourcentages de sensibilité des bactéries les plus fréquemment rencontrées lors des infections urinaires communautaires sont présentés dans le Tableau 1. Pharmacologie La connaissance à la fois de la pharmacodynamie et de la pharmacocinétique est essentielle afin de comprendre les effets des médicaments. La pharmacodynamie (PD) est l’étude détaillée de l’action des médicaments, la pharmacocinétique (PK) étudie l’absorption, la distribution, le métabolisme et l’excrétion des médicaments (Fig. 1). C’est l’interaction entre les propriétés pharmacocinétiques et pharmacodynamiques qui détermine le niveau d’activité du médicament. Une souche bactérienne est dite sensible à un antibiotique quand la concentration minimale inhibitrice (CMI) de cet antibiotique pour cette souche est nettement inférieure aux concentrations usuelles de cet antibiotique obtenues in vivo lors d’un traitement par cet antibiotique administré aux doses habituelles. Elle est dite intermédiaire quand la CMI est inférieure mais proche des concentrations usuelles de cet antibiotique obtenues in vivo, et résistante sinon. Un antibiotique est dit bactériostatique lorsqu’il inhibe la croissance bactérienne et bactéricide lorsqu’il tue la bactérie (Fig. 2). En pharmacocinétique, les paramètres importants sont : la concentration au pic (Cmax), le temps d’exposition qui est le temps pendant lequel la concentration de l’antibiotique est au-dessus de la CMI (t) et l’aire sous la courbe (ASC) donnant la mesure globale de la quantité totale du médicament auquel est exposé l’organisme (Fig. 3). Les rapports Cmax/CMI ou ASC/CMI sont prédictifs de l’activité sur un germe donné. Le rapport de la concentration au pic (Cmax) sur la concentration minimal inhibitrice (Cmax/CMI) ou bien de l’aire sous la courbe (ASC) sur la CMI (ASC/CMI) est prédictif de l’activité sur un germe donné (Fig. 3). Sont alors définis des antibiotiques temps-dépendants lorsque leur activité dépend principalement de t (bêtalactamines, glycopeptides) ou concentration-dépendants si leur activité dépend principalement du rapport Cmax/CMI (fluoroquinolones, aminosides). Cette activité bactéricide temps-dépendant ou concentration-dépendant est variable non seulement en fonction de l’antibiotique mais aussi en fonction de la bactérie. Par exemple, les fluoroquinolones sont bactéricides concentration-dépendant pour les Bacille Gram négatifs (BGN) et temps dépendant pour les bactéries Gram positifs. Bêtalactamines Les bêtalactamines comprennent entre autres les aminopénicillines, les amidinopénicillines, les carboxypénicillines, les uréidopénicillines, les céphalosporines et les carbapénèmes (Tableau 2). Elles ont un pouvoir bactéricide en inhibant la synthèse du peptidoglycane (Fig. 4). Les cibles sont des enzymes appelées protéines liant la pénicilline (PLP) présentes sur la membrane cytoplasmique qui permettent l’assemblage des chaînes peptidiques. Les bêtalactamines ont des affinités différentes et donc des spectres différents pour les PLP. Pour les bactéries Gram positif, elles atteignent les PLP facilement ; pour les bactéries Gram négatif, elles atteignent ces enzymes après pénétration à travers les canaux porines de la membrane externe. Ce sont des antibiotiques bactéricides dont l’action est tempsdépendante. Les mécanismes de résistance naturels ou acquis sont la présence d’une bêtalactamase (pénicillinase, céphalosporinase, bêtalactamase à spectre élargi [BLSE]), la modification des PLP ou la modification de perméabilité Les médicaments antibiotiques en urologie 1329 Tableau 1 Pourcentage de sensibilité des bactéries les plus fréquemment rencontrées lors des infections urinaires communautaires. E. coli P. mirabilis K. pneumoniae S. saprophyticusa E. faecalis Amoxicilline (%) 41 à 57 53 R naturelle ND 94 à 99 Amoxicilline + ac Clavulanique 70 90 81 97 94 à 99 C3G 92 à 96 97 à 100 85 ND R naturelle Imipénème 100 100 100 Non recommandé 94 à 99 Fluoroquinolones 80 à 82 71 à 89 63 à 87 100 Non recommandé Fosfomycine 99 ND ND R naturelle 33 Nitrofurantoïne 95 R naturelle ND 100 5 ND 99 Non recommandé b TriméthoprimeSulfaméthoxazole 64 à 76 74 Aminosides 95 97 90 100 83 (100 % bas niveau de résistance) Vancomycine R naturelle R naturelle R naturelle 100 100 Les sources : ONERBA ; ND : non documenté. a S. saprophyticus : Staphylococcus saprophyticus isolés d’examens cytobactériologiques urinaires en ville : épidémiologie et sensibilité aux antibiotiques (étude Label Bio Elbeuf — novembre 2007—juillet 2009) Fabre R. b Mahamat et al. Profils de résistance des souches urinaires de Proteus mirabilis de 1999 à 2005 au CHU de Nîmes (donc data 2005). (imperméabilité au niveau des porines ou mécanisme d’efflux pour Pseudomonas aeruginosa). Certaines bêtalactamines peuvent être associées à un inhibiteur de bêtalactamase qui permet de restaurer l’activité antibactérienne en servant de cible à l’hydrolyse des bêtalactamases. Il s’agit de l’amoxicilline + acide clavulanique (Augmentin® ), de la ticarcilline + acide clavulanique (Claventin® ) et de la pipéracilline + tazobactam (Tazocilline® ). Figure 1. Courbes de pharmacodynamie et de pharmacocinétique expliquant l’efficacité des antibiotiques en fonction de la dose ou en fonction du temps. 1330 Tableau 2 Principales molécules antibiotiques avec leur année de mise sur le marché, leur mode d’action et les mécanismes de résistances. Famille d’ATB Principales molécules Mécanismes d’action Mécanismes de résistance -lactamines Pénicillines Pénicilline G : benzylpénicilline : Pénicilline G® forme retard : Extencilline® Pénicilline V : Oracilline® (1958) Pénicilline M : oxacilline : Bristopen® (1963), cloxacilline : Orbenine® (1976) Pénicilline A : ampicilline : Totapen® (1965), amoxicilline : Clamoxyl® , bacampicilline : Penglobe® , pivampicilline : Proampi® Pénicilline A + inhibiteurs de b-lactamases (IBL) : amoxicilline + acide clavulanique : Augmentin® (1984), ampicilline + sulbactam : Unacim® Amidino-pénicilline : pivmécillinam : Sélexid® (1982) Carboxy-pénicilline : ticarcilline : Ticarpen® (1981) Carboxy-pénicilline + inhibiteur de b-lactamases : ticarcilline + acide clavulanique : Claventin® Uréidopénicilline : pipéracilline : Pipérilline® (1980), mezlocilline : Baypen® Uréidopénicilline + inhibiteurs de b-lactamases : pipéracilline + tazobactam : Tazocilline® (1992) Céphalosporines Céphalosporines de 1re génération (C1G) Injectables : céfalotine : Kéflin® , céfapirine : Céfaloject® , céfazoline : Céfacidal® (1976) Orales : céfalexine : Kéforal® (1970), céfadroxil : Oracéfal® (1976), céfaclor : Alfatil® (1981), céfatrizine : Céfaperos® (1983), céfradine : Kelsef® Inhibition de la synthèse du peptidoglycane par analogie de structure avec le substrat des PLP (D-ALA—D-ALA) et agissent donc par inhibition compétitive. Elles possèdent une activité bactéricide temps-dépendante Enzymes inactivatrices Pénicillinase (haut et bas niveau), TRI (pénicillinase résistant aux inhibiteurs), céphalosporinase, céphalosporinase déréprimée, b-lactamase à spectre élargie, carbapénémases... Modification de la cible Mutation sur les PLP : PLP2a des SARM PLP1a, 2x, 2a... des pneumocoques Hyperproduction de PLP : PLP5 des entérocoques (E. faecium) Imperméabilité Mutation de la porine D2 (P. aeruginosa) Efflux P. aeruginosa H. Chaussade et al. Céphalosporines de 2e génération (C2G) Céfamandole : Kéfandol® (1979), céfuroxime : Zinatt® (1988) Céphamycines : céfoxitine : Méfoxin® (1978), céfotétan : Apacef® (1985) (Suite) Famille d’ATB Principales molécules Mécanismes d’action Mécanismes de résistance Inhibition de la synthèse du peptidoglycane par fixation sur le résidu D-ALA—D-ALA empêchant l’action des PLP par encombrement stérique Inhibition de la synthèse d’un précurseur du peptidoglycane par inhibition compétitive par analogie de substrat de la pyruvyl-transférase Le franchissement de la membrane plasmique se fait par un système de transport spécifique (glp T, uhp T) Modification de la cible Remplacement du résidu D-ALA—D-ALA par D-ALA—D-SER ou D-ALA—D-Lac Inhibition de la synthèse des bases puriques Les sulfamides sont des analogues compétitifs de la dihydroptéroate synthétase Les 2,4 diaminopyridines sont des analogues compétitifs de la dihydrofolate réductase Mutation de la cible Hyperproduction des enzymes cibles Céphalosporines de 3e génération (C3G) Injectables : céfotaxime : Claforan® (1980), ceftriaxone : Rocéphine® (1985), ceftazidime : Fortum® (1986), cefsulodine : Pyocéfal® Orales : céfopérazone : Céfobis® , céfotiam : Texodil® , céfixime : Oroken® (1991), cefpodoxime : Orelox® Oxacéphème : latamoxef : Moxalactam® Céphalosporine à large spectre ou céphalosporine de 4e génération (C4G) Céfépime : Axépim® (1993), cefpirome : Céfrom® Monobactams : Aztréonam : Azactam® Carbapénèmes : Imipènème : Tiénam® (1993) Méropénème : Méronem® Ertapénème : Invanz® Glycopeptides Vancomycine : Vancocine® (1985) Téicoplanine : Targocid® (1988) Fosfomycine Fosfomycine : Fosfocine® (1980), Uridoz® , Monuril® (1990) Sulfamides et 2,4 diaminopyridines Sulfamides Sulfadiazine : Adiazine® (1945) Sulfaméthisol : Rufol® (1949) 2,4 diaminopyridines Triméthoprime (+ sulfaméthoxazole) : Bactrim® (1971) Pyriméthamine (+ sulfadoxine) : Fansidar® Les médicaments antibiotiques en urologie Tableau 2 Défaut de transport de l’antibiotique Enzymes inactivatrices Glutathion transférase, hydrolase. . . 1331 1332 Tableau 2 (Suite) Famille d’ATB Principales molécules Mécanismes d’action ® Nitrofuranes Nitrofurantoïne : Furadantine (1971) Nifuroxazide : Ercéfuryl® (1972) Altération de l’ADN après réduction du groupement NO2 5 nitroimidazolés Métronidazole : Flagyl® (1971) Coupure des brins d’ADN par formation de radicaux libres Mécanismes de résistance Métronidazole + spiramycine : Rodogyl® (1972) Quinolones de 1re génération Acide nalidixique : Négram® (1968) Acide pipémidique : Pipram® (1975) Quinolones de 2e génération ou fluoroquinolones Péfloxacine : Péflacine® (1985) Norfloxacine : Noroxine® (1986) Ofloxacine : Oflocet® (1987) Ciprofloxacine : Ciflox® (1988) Énoxacine : Enoxor® Levofloxacine : Tavanic® (1988) Moxifloxacine : Izilox® (2000) Inhibition des étapes de réplication et de transcription de l’ADN Les quinolones forment un complexe avec l’ADN et la gyrase ou la topoisomérase IV (enzymes assurant le déroulement ou le surenroulement de l’ADN) Antibiotiques à activité bactéricide Oxazilidones Linézolide : Zyvoxid® (2001) Inhibition de la phase d’initiation de la synthèse protéique Rifampicine Rifampicine : Rifadine® (1969) Inhibition de la transcription par inhibition de l’ARN polymérase ADN dépendante Cyclines Tétracycline : Hexacycline® (1966) Doxycycline : Vibramycine® (1970) Minocycline : Minocine® ; Métacycline : Lysocline® ; Lymécycline : Tetralysal® ; Tigécycline : Tigacyl® Fixation irréversible sur la sous-unité 30S du ribosome et inhibition de la phase d’élongation de la synthèse protéique Antibiotique à activité bactériostatique Mutation de la cible ADN gyrase (gyrA, gyrB) topoisomérase IV (parC, parE) Imperméabilité Déficit de l’expression des porines Efflux H. Chaussade et al. Quinolones (Suite) Famille d’ATB Principales molécules ® Mécanismes d’action Mécanismes de résistance Aminosides Streptomycine : Streptomycine Kanamycine ; Tobramycine : Nebcine® , Tobrex® (1974) Gentamicine : Gentalline® Amikacine : Amiklin® (1976) Dibékacine : Débékacyl® ; Nétilmicine : Nétromycine® (1982) Spectinomycine : Trobicine® (1974) Fixation sur les sous-unités 30S ± 50S du ribosome et inhibition de toutes les étapes de la synthèse protéique : initiation, élongation, terminaison Activité bactéricide rapide et concentration-dépendante Synergie d’action avec les antibiotiques détruisant la membrane Enzymes inactivatrices Aminosides phospho-transférases (APH) Aminosides nucléotidyl-transférases (ANT) Aminosides acétyltransférases (AAC) Il existe plusieurs sous groupes de chaque enzyme Imperméabilité Modification du LPS, diminution des porines Modification de la cible Modification du ribosome MLS Macrolides Macrolides à 14 atomes : Érythromycine : Érythrocine® (1979) Roxithromycine : Rulid® (1987) Clarythromycine : Zéclar® (1994), Naxy® Dirithromycine : Dynabac® Macrolides à 15 atomes : Azithromycine : Zithromax® (1994) Macrolides à 16 atomes : Josamycine : Josacine® (1980) Spiramycine : Rovamycine® (1972) Spiramycine + métronidazole : Rodogyl® Midécamycine : Mosil® Lincosamides Lincomycine : Lincocine® (1966) Clindamycine : Dalacine® (1972) ; Synergistines Pristinamycine : Pyostacine® (1973) Dalfopristine + quinupristine : Synercid® (2000) Kétolides Télithromycine : Ketec® Fixation sur la sous-unité 50S du ribosome et blocage de l’élongation Les macrolides et les lincosamides possèdent une activité bactériostatique Les synergistines sont bactéricides Modification de la cible Méthylation de la sous-unité 50S (erm) Enzymes inactivatrices Acétyltransférase, hydrolase, acétylase Efflux Phénicolés Chloramphénicol : Tifomycine® Thiamphénicol : Thiophénicol® Inhibition de la phase d’élongation de la synthèse protéique par fixation sur la sous-unité 50S du ribosome Enzymes inactivatrices Chloramphénicol acétyltransférase Acide fusidique Acide fusidique : Fucidine® (1965) Inhibition de la phase d’élongation de la synthèse protéique par formation d’un complexe avec le ribosome Polymyxines B et colistine Colistine : Colimycine® Altération de la membrane plasmatique par formation de pores Les médicaments antibiotiques en urologie Tableau 2 MLS : macrolides—lincosamides—synergistines. 1333 1334 Figure 2. H. Chaussade et al. Effet bactériostatique ou bactéricide des antibiotiques. Les amidinopénicillines diffèrent des autres pénicillines par la substitution d’une liaison méthylène en C6 sur le noyau péname. Cette substitution les rend très actives sur les entérobactéries des voies urinaires, avec une affinité particulière pour les PLP2 d’Escherichia coli, mais peu actives sur l’ensemble des bactéries à Gram positif. Le pivmécillinam, ester oral du mécillinam, est la seule amidinopénicilline actuellement disponible. En l’absence de résistance acquise, le spectre d’action utile des bêtalactamines dans les infections urinaires comprend : • pénicillines du groupe A ou aminopénicillines (amoxicilline) : Enterococcus spp., entérobactéries du groupe 1 (Escherichia coli, Proteus mirabilis) ; • amidinopénicilline (pivmecillinam = Selexid® ) : entérobactéries (dont 90 % de sensibilité sur les souches d’E. coli BLSE) ; • carboxypénicillines (ticarcilline ± acide clavulanique = Ticarpen® et Claventin® ) : Pseudomonas aeruginosa (environ 65 % des souches nosocomiales restent sensibles, mais les données varient selon l’épidémiologie de chaque service [1]), entérobactéries ; • uréidopénicillines (pipéracilline ± tazobactam = Tazocilline® ) : entérobactéries, Enterococcus spp., P. aeruginosa ; • céphalosporines de troisième génération (C3G) dont ceftriaxone (Rocéphine® ), céfotaxime (Claforan® ) et céfixime (Oroken® ) actives sur les entérobactéries et ceftazidime (Fortum® ) active sur environ 85 % des souches de P. aeruginosa [1] ; • carbapénèmes (imipénème [Tienam® ], ertapénème [Invanz® ], méropénème [Meronem® ]) : entérobactéries, P. aeruginosa (environ 80 % de souches sensibles [1]), Enterococcus spp, SAMS. Le taux de BLSE communautaires chez E. coli, responsable d’une résistance aux bêtalactamines en dehors des carbapénèmes était estimé de 1,3 à 2,5 % entre 2005 et 2008 [2,3]. Des résultats similaires sont recueillis par le réseau ONERBA avec respectivement 1 et 1,8 % de BLSE pour E. coli communautaire en 2008 et 2009. La bonne diffusion des bêtalactamines dans les voies urinaires permet leur utilisation en urologie. Pour les prostatites, la diffusion prostatique de céfixime, amoxicilline et amoxicilline + acide clavulanique est par Figure 3. Aire sous la courbe (AUC) au-dessus de la CMI décrite par la courbe de la concentration en fonction du temps. Les médicaments antibiotiques en urologie contre insuffisante pour les recommander dans cette indication (en dehors de l’amoxicilline à Enterococcus spp.). L’acide clavulanique a une moins bonne diffusion que l’amoxicilline à laquelle il est associé : Dans les 6 heures qui suivent son administration, la proportion d’amoxicilline excrétée dans les urines est de 50 à 70 % contre 25 à 30 % pour l’acide clavulanique [4—6]. La tolérance clinique des bêtalactamines est bonne. Avant toute prescription il faut s’assurer de l’absence d’allergie. Les réactions allergiques peuvent être immédiates (anaphylactiques), survenant dans l’heure que suit l’administration. Elles regroupent l’urticaire, l’angiœdème ou le bronchospasme. Les autres manifestations sont retardées et correspondant à un rash maculopapuleux. Il ne faut pas confondre allergie et intolérance et en cas de doute demander une consultation d’allergologie pour réalisation de tests cutanés. En cas d’allergie à la pénicilline, il existe une allergie croisée aux céphalosporines dans 5 à 10 % des cas, ce qui contre indique leur utilisation en cas d’allergie grave immédiate, leur utilisation restant possible en cas d’allergie retardée chez un patient hospitalisé. Les autres effets indésirables les plus fréquents et les plus graves sont : • les troubles digestifs dont se plaignent fréquemment les patients surtout avec l’association amoxicilline + acide clavulanique ; • la cytolyse hépatique principalement avec les C3G (par précipitations de sels calciques de ceftriaxone dans la vésicule biliaire et les voies biliaires pouvant causer des obstructions de la voie biliaire). La cytolyse est plus fréquente avec l’acide clavulanique à fortes doses ; • les convulsions en cas d’administration de C3G à fortes doses (non indiqué pour les infections urinaires) ou de carbapénèmes et principalement d’imipénème en raison de son association avec la cilastatine ; • les rares manifestations cutanées telles que syndrome de Stevens Johnson ou Lyell qui imposent l’arrêt immédiat et définitif de l’antibiotique. La posologie des bêtalactamines s’adapte à la clairance de la créatinine [7]. Les indications d’utilisation des bêtalactamines sont larges. Les C3G par voie intraveineuse (IV) sont indiquées en traitement probabiliste des infections urinaires hautes, relayées ensuite pour les pyélonéphrites par amoxicilline ou céfixime selon l’antibiogramme (ou par une autre classe d’antibiotique). Pour les cystites compliquées, elles sont indiquées après obtention de l’antibiogramme ou en traitement probabiliste pour le céfixime. Le pivmécillinam est indiqué dans le traitement des cystites aiguës compliquées, selon les données de l’antibiogramme. Il pourrait être intéressant en cas d’infection urinaire basse à E. coli BLSE. Cette molécule aujourd’hui inconstamment disponible dans les officines françaises n’est pas remboursée. Compte tenu de l’augmentation des résistances, de l’intérêt accru de cette molécule et de son insertion dans les recommandations nationales sur les infections urinaires communautaires de l’adulte. Hélas la Commission de transparence a rendu un avis défavorable au remboursement en juillet 2013 [8]. Les molécules telles que les carboxypénicillines, uréidopénicillines ou carbapénèmes sont à réserver aux infections à bactéries multirésistantes (BMR), à entérobactéries du groupe 3 (Enterobacter 1335 cloacae. . .) ou à Pseudomonas aeruginosa rencontrées principalement en contexte nosocomial. Leur prescription doit être adaptée aux données de l’antibiogramme. En cas d’utilisation des carbapénèmes, l’ertapénème présente l’avantage d’une injection unique IV ou SC quotidienne qui peut faciliter le traitement ambulatoire. Il faut toujours tester spécifiquement la sensibilité de l’ertapénème sur l’antibiogramme, même en cas de sensibilité aux autres carbapénèmes. Quinolones — fluoroquinolones Il existe 2 grandes classes de quinolones : • quinolones de première génération (acide nalidixique = Negram® , acide pipemidique = Pipram® ) ; • fluoroquinolone (FQ) ou quinolones de 2e génération et plus (norfloxacine = Noroxine® , ciprofloxacine = Ciflox® , ofloxacine = Oflocet® , levofloxacine = Tavanic® et moxifloxacine = Izilox® ) (Tableau 2). Les quinolones agissent en bloquant la réplication bactérienne par inhibition de la synthèse d’ADN bactérien. Elles ont deux cibles, enzymatiques : l’ADN gyrase (cible préférentielle chez les bactéries à Gram négatif) et la topoisomérase IV (cible préférentielle chez les bactéries à Gram positif) (Fig. 4). Ce sont des antibiotiques bactéricides et concentration-dépendants vis-à-vis des bactéries Gram négatif. L’absorption digestive des quinolones est excellente, leur usage par voie orale est considéré comme équivalent à la voie intraveineuse. Parmi les FQ, la norfloxacine et la ciprofloxacine ont les biodisponibilités les plus faibles (50 % et 60—80 % respectivement). La diffusion de l’acide nalidixique est mauvaise, à l’exception du tractus urinaire. Les FQ ont une bonne diffusion tissulaire, y compris dans la prostate, avec des concentrations tissulaires et intracellulaires élevées [5]. Leur élimination est essentiellement rénale. La ciprofloxacine a un métabolisme mixte (urinaire et biliaire). Le spectre d’action des quinolones va en s’élargissant avec les générations. Les quinolones de première génération sont seulement efficaces sur les bacilles à Gram négatifs de la famille des entérobactéries. Les FQ de 2e génération (norfloxacine, ciprofloxacine et ofloxacine) sont également efficaces sur les germes intracellulaires, les staphylocoques, le bacille pyocyanique (ciprofloxacine) et les mycobactéries. La lévofloxacine et la moxifloxacine ont une activité antipneumococcique (et anti-anaérobie pour la moxifloxacine). Les trous du spectre des quinolones sont les entérocoques, la plupart des staphylocoques méti-R, les germes anaérobies (sauf pour la moxifloxacine). La moxifloxacine n’a pratiquement aucune diffusion et élimination urinaire. Son usage doit être proscrit dans les infections urinaires. Les bactéries ont développé plusieurs mécanismes de résistance aux quinolones (modification de cible, efflux, imperméabilité). Depuis plusieurs années, la résistance des entérobactéries aux quinolones ne cesse de croître. Actuellement, les taux de résistance d’E. coli à l’acide nalidixique et à la ciprofloxacine sont respectivement de 20 % et 15 % [1]. En cas de résistance à l’acide nalidixique, l’utilisation 1336 Figure 4. H. Chaussade et al. Mode d’action des antibiotiques. des fluoroquinolones doit être évitée, même si elles sont rendues sensibles sur l’antibiogramme (risque d’apparition de résistance sous traitement) [9]. Plusieurs études ont démontré les facteurs de risque de résistance aux quinolones dans les infections urinaires. Les facteurs associés à une résistance en analyse multivariée étaient la prescription récente de quinolones dans 6 à 12 mois précédant, la résidence en maison de retraite, une hospitalisation récente, un geste invasif sur les voies urinaires, l’âge des malades [10,11]. La tolérance des fluoroquinolones est bonne. Il faut prévenir les patients du risque de photosensibilisation et de tendinopathie (devant faire arrêter le traitement). La moxifloxacine peut être responsable de QT long. Une récente étude a mis en évidence un sur-risque d’insuffisance rénale aiguë lié aux FQ. L’association avec des médicaments néphrotoxiques est donc à éviter si possible [12]. Les indications des FQ dans les infections urinaires sont résumées dans le Tableau 3. Face à une résistance d’E. coli supérieure à 10 % en communautaire, leur utilisation sans documentation microbiologique et sans confirmation de leur sensibilité doit être évitée, surtout devant des tableaux avec signe de gravité. Elles constituent des molécules de choix dans le traitement de relais par voie orale des pyélonéphrites et prostatites à entérobactérie, avec des durées de traitement plus courtes que pour les autres classes d’antibiotiques (7 jours pour la PNA et 15 jours pour la prostatite non compliquées) [9,13—15]. La norfloxacine ne doit pas être utilisée dans les prostatites du fait d’une mauvaise diffusion tissulaire. Elles peuvent être utilisées en traitement monodose ou de 5 jours dans les cystites, toutefois l’usage de la fosfomycine par voie orale est à privilégier quand cela est possible [9,16]. Leur usage en monothérapie sur le staphylocoque doit être proscrit du fait d’un risque élevé d’apparition de résistance. Dans les infections urinaires à Pseudomonas aeruginosa, une association avec une bêtalactamine ou un aminoside est recommandé dans les 48—72 heures de traitement. Association triméthoprime sulfaméthoxazole (Bactrim® ) Elle inhibe de façon synergique l’action d’enzymes (la dihydrofolate synthétase et la dihydrofolate réductase) nécessaires à la synthèse de tétrahydrofolate qui participe au métabolisme des purines (Fig. 4) (Tableau 2). Les mécanismes de résistance acquise comprennent l’hyperproduction ou la modification des enzymes cibles et l’imperméabilité membranaire. Les médicaments antibiotiques en urologie Tableau 3 1337 Indication, posologies et durée de traitement des principaux antibiotiques en urologie. Molécules Posologie Cystite Pyélonéphrite Prostatite Amoxicilline (± acide clavulanique) 1 g × 3/j 5 j PO 10 à 14 jours PO NIa Ticarcillineb 5 g × 3/j NI 1O à 21 jours IV 14 à 21 jours IV Piperacillineb (± tazobactam) 4 g × 3/j NI 10 à 21 jours 14 à 21 jours IV Céfixime 200 mg × 2/j 5 j PO 10 à 14 jours PO NI Ceftriaxone 1 g/j NI 10 à 14 jours IV, IM ou SC 14 à 21 jours IV, IM ou SC Céfotaxime 1 g × 3/j NI 10 à 14 jours IV, IM ou SC 14 à 21 jours IV, IM ou SC Ceftazidimeb 2 g × 3/j ou 4 g IVSE NI 14 à 21 jours IV 21 jours IV Imipénèmeb 1 g × 3/j NI 14 à 21 jours IV 14 à 21 jours IV 1 g/j NI 10 à 14 jours IV ou SC 14 à 21 jours IV ou SC Norfloxacine 400 mg × 2/j 3 à 5 j PO NI NI Ofloxacine 400 mg × 1/j 200 mg × 2/j 1 j PO 3 j PO NI 7 à 10 jours PO NI 14 jours Ciprofloxacinec 500 mg × 1/j 250 mg × 2/j 500 à 750 mg × 2/j 1 j PO 3 j PO NI NI NI 7 à 14 jours PO NI NI 14 à 21 jours PO Triméthoprime + sulfaméthoxazole 800/160 mg × 2/j 5 j PO 10 à 14 jours PO 14 à 21 jours PO Nitrofurantoïne 100 mg × 3/j 5 à 7 j PO NI NI Fosfomycine + trométamol 3 g × 1/j 1j NI NI 30 à 40 mg/kg/j NI 14 jours IV 21 jours IV 6 mg/kg/j NI 14 jours IV ou SC 21 jours IV ou SC Ertapénème b Vancomycine d Téicoplanined D’après les recommandations de l’AFU 2008 et de l’AFSAAPS et SPILF 2008. IV : intra-veineux ; PO : per os ; IM : intra-musculaire ; SC : sous-cutané ; NI : non indiqué. a À l’exception de la prostatite à entérocoque. La posologie d’amoxicilline est alors de 4 à 6/j PO. b À réserver aux infections à entérobactéries résistantes ou multirésistantes ou à Pseudomonas aeruginosa. c Posologie de Ciprofloxacine 500 mg × 2, sauf pour Pseudomonas aeruginosa : 750 mg × 2/j. d Dose de charge à réaliser initialement (15 mg/kg sur 1 heures pour la vancomycine et 6 mg/kg/12 les 5 premières injections pour la teicoplanine). Le Bactrim® est actif sur les entérobactéries et Staphylococcus spp. La biodisponibilité est excellente (équivalence entre prise per os et IV). La diffusion tissulaire est excellente, notamment dans la prostate [5]. Les effets indésirables sont principalement l’allergie cutanée et les réactions d’hypersensibilité qui peuvent être graves et dont il faut informer le patient, les troubles digestifs, les hépatites cholestatiques et les cytopénies en cas de traitement prolongé. La posologie s’adapte à la clairance de la créatinine lorsqu’elle est inférieure à 30 mL/min. Les indications comprennent la cystite compliquée (notamment à Staphylococcus saprophyticus), la pyélonéphrite et la prostatite en relais oral après obtention de l’antibiogramme. Il peut aussi trouver sa place dans les infections nosocomiales à S. aureus. Fosfomycine La fosfomycine est un antibiotique bactéricide dérivé de l’acide phosphonique, qui inhibe la synthèse des 1338 précurseurs du peptidoglycane constituant la paroi bactérienne (interférence avec la pyruvate-UDP-Nacétylglucosamine transférase) (Fig. 4) (Tableau 2). L’adjonction de trométamol (formant ainsi le Monuril® ) permet l’absorption digestive de la fosfomycine en formant une paire d’ions. Les mécanismes de résistance sont la diminution du passage intracytoplasmique par altération des systèmes de transport ou la modification de l’affinité de la pyruvate-transférase pour la fosfomycine. Son spectre comprend les entérobactéries, Staphylococcus spp. (hormis S. saprophyticus qui présente une résistance naturelle) et P. aeruginosa. Les effets indésirables sont hydroélectrolytiques pour la forme injectable en raison de la grande quantité de sodium contenu dans les flacons, responsable d’un risque de surcharge et d’insuffisance cardiaque. La posologie s’adapte à la fonction rénale au-dessous de 60 mL/min de clairance. Les indications de la fosfomycine sont restreintes au traitement probabiliste monodose des infections urinaires basses non compliquées. Quatre-vingt dix pour des E. coli producteurs de BLSE restent sensibles à la fosfomycine, ce qui fait du Monuril® une alternative intéressante pour les cystites à BLSE [17]. Son spectre large en fait la molécule de choix pour le traitement probabiliste des infections urinaires basses [16]. La fosfomycine par voie IV peut être utilisée pour les infections du haut appareil urinaire à BMR communautaires ou nosocomiales mais toujours en association avec un autre antibiotique pour éviter l’émergence de mutants résistants et sur données de l’antibiogramme (un avis infectiologique est recommandé). Nitrofuranes Les nitrofuranes acquièrent leur activité antibactérienne après la réduction enzymatique de leur fonction nitro, catalysée par des réductases bactériennes, ce qui assure leur spécificité d’action (Fig. 4) (Tableau 2). Le mécanisme d’action relève ensuite d’interactions avec l’ARN ribosomal et l’ADN bactérien en inhibant la déshydrogénase bactérienne et la synthèse protéique. Une réduction de l’activité de la réductase bactérienne confère la résistance croisée à l’ensemble des nitrofuranes. Les nitrofuranes ont pour seul représentant la nitrofurantoïne (Furadantine® ). Le spectre comprend E. coli, Enterococcus faecalis et Staphylococcus saprophyticus. Habituellement Proteus, Serratia, Providencia et Pseudomonas aeruginosa sont résistants. Les effets indésirables pulmonaires (pneumopathies interstitielles, fibrose) et hépatiques (cytolyse, hépatite chronique active, cirrhose) [18] sont rencontrés lors de son utilisation prolongée, ce qui a conduit l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) à publier en 2011 une lettre aux professionnels de santé recommandant de ne plus utiliser la nitrofurantoïne en traitement prophylactique. Une enquête de pharmacovigilance a été décidée par le comité technique de pharmacovigilance le 4 mai 2004. Au total 480 effets indésirables ont été recensés dont 17,5 % d’effets pleuro-pulmonaires, 15,8 % d’hypersensibilité, 15,6 % d’effets neurologiques ou musculaires, 15 % d’effets cutanés et 14 % d’effets hépatobiliaires. En estimant la prescription annuelle les taux H. Chaussade et al. d’atteintes pulmonaires seraient de 1/68 000 prescriptions et de 1/50 000 pour les atteintes hépatiques. En cas de traitement de plus d’un mois on estime à 1/7600 les atteintes hépatiques ou pulmonaires. Le Comité conclut son travail par « Aussi, compte tenu d’une efficacité très limitée et du risque d’effets indésirables pulmonaires et hépatiques liés à l’utilisation de la nitrofurantoïne en traitement prolongé continu ou intermittent, le rapport bénéfice—risque de cet antibiotique en traitement prophylactique ne peut plus être jugé comme favorable. Cette utilisation doit donc être bannie des pratiques, attitude qui n’exposera pas les patients à des difficultés de prise en charge ». Cette conclusion un peu hâtive concernant son inefficacité a conduit à sa quasi éviction des recommandations en cours. Les indications sont donc restreintes aux traitements courts de 5 à 7 jours : cystites aiguës simples ou récidivantes et bactériurie asymptomatique chez la femme enceinte [16]. Comme la fosfomycine, les furanes gardent une activité contre les E. coli producteurs de BLSE dans 94 % des cas, rendant leur utilisation intéressante pour les cystites [17]. Leur pénétration intra prostatique a été étudiée chez le chien avec des concentrations atteintes très inférieures aux seuils thérapeutiques [19]. Aminosides Les aminosides agissent en inhibant la synthèse protéique des bactéries par fixation sur le ribosome 30 S (Fig. 4). Ce sont des antibiotiques bactéricides et concentrationdépendant (cf FQ) (Tableau 2). N’étant pas absorbés par voie orale et mal absorbés par voie intra-musculaire, ils ne s’utilisent quasiment que par voie intraveineuse (utilisation sous forme d’aérosol dans quelques situations). Ils ont un volume de distribution très faible avec une mauvaise diffusion tissulaire notamment dans la prostate, le système nerveux central et les sécrétions bronchiques [5]. En revanche, les concentrations dans le cortex rénal sont élevées. Leur élimination se fait exclusivement par voie urinaire. Le spectre d’action des aminosides touche les bacilles à Gram négatif aérobies (entérobactéries et Pseudomonas aeruginosa), les staphylocoques, les bacilles à Gram positif (Listeria monocytogenes), les mycobactéries (amikacine et streptomycine). Ils ne sont pas efficaces sur les streptocoques et l’entérocoque (mais en cas de bas niveau de résistance, il existe une synergie avec les bêtalactamines). Ils ne sont pas actifs sur les bactéries anaérobies. Les mécanismes de résistance aux aminosides sont multiples mais rares. En cas d’infection communautaire, la gentamycine est efficace dans la plupart des cas. En cas d’infection associée au soin, l’amikacine est indiquée dans les infections à bacille à Gram négatif et la gentamycine en cas d’infection à cocci à Gram positif. Les principaux effets indésirables des aminosides sont la néphrotoxicité et l’ototoxicité. L’ototoxicité (atteinte cochléo-vestibulaire) est cumulative (avec d’autres traitements ototoxique tels que le furosémide) et irréversible. La néphrotoxicité (atteinte tubulaire proximale) est cumulative (avec d’autres traitements néphrotoxiques tels que les anti-inflammatoire non stéroïdiens ou les produits de contraste iodée) et réversible. Ces effets indésirables Les médicaments antibiotiques en urologie sont prévenus par l’utilisation de l’aminoside en dose unique journalière (DUJ), par un traitement court, en évitant l’association à des médicaments oto- ou néphrotoxiques. Pour les traitements de plus de 3 jours ou en cas d’insuffisance rénale, il faut réaliser un dosage plasmatique en résiduelle de l’aminoside afin d’autoriser l’injection de la dose suivante (objectif < 0,5 mg/L pour la gentamicine et 2,5 mg/L pour l’amikacine). Dans la grande majorité des cas, les aminosides doivent être employé en DUJ (effet pic de la concentration et moindre toxicité). Ils sont perfusés en 30 minutes par voie IV. Leurs indications sont restreintes dans les infections urinaires : • infection urinaire avec critères de gravité clinique (sepsis sévère ou choc septique) : gentamicine si infection communautaire ou amikacine si infection associée aux soins ; • infection urinaire suspectée ou confirmée à Pseudomonas aeruginosa, en bithérapie avec une bêtalactamine anti-pyocyanique (ou la ciprofloxacine après avis référent) pendant 48—72 heures. Il faut privilégier l’amikacine si l’antibiogramme n’est pas disponible ; • infection urinaire à bactérie multirésistante sans autre alternative thérapeutique et sur avis référent en antibiologie. La posologie de la gentamicine est de 3 à 8 mg/kg et celle de l’amikacine de 20 à 30 mg/kg (privilégier la posologie la plus élevée en cas de gravité clinique) [20]. Glycopeptides Les deux principaux glycopeptides utiles dans les infections urinaires sont la vancomycine et la téicoplanine (Tableau 2). La cible des glycopeptides est la paroi de la bactérie. Ils inhibent la synthèse du peptidoglycane en empêchant les étapes de transpeptidation par encombrement stérique du pentapeptide (Fig. 4). Ce sont des antibiotiques lentement bactéricides, avec une action temps-dépendante (le pourcentage de temps où la concentration de l’antibiotique est supérieure à la CMI de la bactérie sur une journée est prédictif de son activité, avec pour objectif théorique > 50 %). L’absorption par voie orale est nulle. La vancomycine ne s’utilise que par voie IV, la téicoplanine peut également être utilisée par voie IM ou SC. La diffusion tissulaire des glycopeptides est bonne dans les séreuses, modeste dans la plèvre et le poumon. La diffusion prostatique des glycopeptides a été peu étudiée mais sur un modèle de rat de prostatite, la vancomycine atteignait des concentrations prostatiques équivalentes aux concentrations sériques [21]. Elles sont peu métabolisées et leur excrétion urinaire est importante. Le spectre des glycopeptides est relativement étroit puisqu’il est limité aux bactéries à Gram positif (staphylocoques, streptocoques, entérocoques, corynébactéries, Clostridi, Propionibacterium acnes). Ils n’ont pas d’action sur les bactéries à Gram négatif aéro- et anaérobies. La résistance du staphylocoque, du streptocoque et de l’entérocoque est rare. Toutefois, plusieurs cas groupés de colonisation et d’infection à entérocoque résistant à la vancomycine ont déjà été rapportés. Le principal mécanisme 1339 de résistance aux glycopeptides est la modification de la cible (changement d’un acide aminé du peptide empêchant l’encombrement stérique par le glycopeptide). Afin d’atteindre plus rapidement des taux sériques efficaces, l’administration de glycopeptides doit initialement débuter par une ou plusieurs doses de charge. La vancomycine peut être perfusée toutes les 12 heures ou en perfusion continue après une dose de charge sur 1 heure. La téicoplanine s’utilise initialement en perfusion toutes les 12 heures (doses de charge) puis en une perfusion par 24 heures (entretien). Les principaux effets indésirables des glycopeptides sont : • le Red Man Syndrome lié à la vancomycine (prévenu par la perfusion lente) : 5 % ; • la néphrotoxicité (surtout en cas de médicament néphrotoxique associé, prévenue par la surveillance des taux sériques pour éviter un surdosage) : 0—7 % ; • la veinotoxicité (vancomycine surtout) : 13 %. Afin de pouvoir ajuster la posologie des glycopeptides, il faut connaître la CMI du staphylocoque ou de l’entérocoque vis-à-vis de la vancomycine et de la téicoplanine et surveiller leur résiduelle (ou taux sérique si perfusion continue) avec pour objectif dans les infections urinaires une résiduelle (ou un plateau) de 20 à 25 mg/L. Les indications des glycopeptides dans les infections urinaires sont limitées : • pyélonéphrite ou prostatite à entérocoque en cas de résistance ou de contre-indication à l’amoxicilline ; • pyélonéphrite ou prostatite à staphylocoque en cas de résistance à la méticilline et d’absence d’autre alternative (cotrimoxazole, clindamycine. . .) : principalement infections associées au soin (postopératoire, présence de sonde. . .). Les posologies sont indiquées dans le Tableau 2. Les cyclines Les cyclines sont utilisées en urologie dans les infections sexuellement transmissibles (Tableau 2). Les molécules utilisées sont la doxycycline et la tétracycline. Mode d’action Les tétracyclines sont des antibiotiques bactériostatiques dont le spectre d’activité s’étend à de nombreuses bactéries Gram positif et Gram négatif, aérobies et anaérobies, aux mycoplasmes, aux chlamydies, et aux rickettsies. Des résistances se sont cependant développées chez de nombreuses bactéries aérobies et anaérobies. Les mycobactéries, et les genres Proteus et Pseudomonas sont naturellement résistants. Les tétracyclines agissent par inhibition de la synthèse protéique en interférant avec la sous-unité 30 S ribosomale (Fig. 4). Leur effet bactériostatique est optimal en milieu acide. La biodisponibilité orale des tétracyclines est bonne. Seules les plus liposolubles, comme la doxycycline, atteignent des concentrations efficaces dans la prostate. L’élimination de la doxycycline est indépendante de la 1340 filtration glomérulaire ce qui permet son utilisation en cas de troubles rénaux. Contre-indications et effets indésirables La doxycycline est contre-indiqué chez les patients présentant une hypersensibilité connue aux tétracyclines ; chez les patients présentant des troubles sévères de la fonction hépatique. L’emploi de doxycycline chez les femmes enceintes n’a pas été étudié. Cependant, il existe des indices évidents de risque pour le fœtus humain. La doxycycline ne doit pas être administrée pendant la grossesse, sauf nécessité absolue. Les tétracyclines passent dans le lait maternel. La concentration de la doxycycline dans le lait maternel atteint 30 à 40 % de la concentration plasmatique maternelle. Par conséquent, la doxycycline ne doit pas être administrée à la femme qui allaite. Si l’administration de doxycycline est nécessaire, l’allaitement doit être arrêté. Les effets indésirables suivants ont été observés chez des patients traités par tétracycline, y compris la doxycycline : (occasionnel [de > 0,1 % à < 1 %], rare [de > 0,01 % à < 0,1 %] et très rare [< 0,01 %]). Infections et infestations Elles sont comme suit : • fréquentes (de > 1 % à < 10 %) : nausées ; • occasionnelles (de > 0,1 % à < 1 %) : trouble de la coagulation et hématurie ; céphalées ; vomissements, diarrhées, glossite, inflammations de la muqueuse buccale et pharyngienne, enrouement, troubles de la déglutition et dans des cas isolés, langue noire pileuse ; prurit, exanthèmes, y compris exanthèmes maculopapuleux et érythémateux, photosensibilisation ; • rares (de > 0,01 % à < 0,1 %) : mycoses, colite pseudomembraneuse ; Affections hématologiques et du système lymphatique (anémie hémolytique, thrombocytopénie, neutropénie, éosinophilie, lymphocytopénies, lymphadénopathies, lymphocytes atypiques et granulation toxique des granulocytes), réactions d’hypersensibilité, y compris choc anaphylactique, hypotension, péricardite, œdème angioneurotique, exanthème généralisé, exacerbation d’un lupus érythémateux systémique, dyspnée, maladie du sérum, œdèmes périphériques, tachycardie et urticaire ; bombement des fontanelles et hypertension intracrânienne bénigne chez l’adulte. Des symptômes tels que céphalées, vertiges, fatigue, diplopie peuvent représenter les premiers signes de l’apparition d’une hypertension intracrânienne. Paresthésies, tachycardies, agitation et états anxieux. Un trouble et la perte de la faculté olfactive et gustative ont été décrits qui, seuls dans quelques cas et également en partie, étaient réversibles ; acouphènes ; rougeur faciale ; douleurs abdominales, perte d’appétit, altération du goût, dyspepsie, entérocolite ; hépatite, hépatotoxicité ; dermatite exfoliative, érythème polymorphe, syndrome de Stevens-Johnson, nécrolyse épidermique toxique, photoonycholyse. arthralgie, myalgie ; élévation de l’azote uréique sérique ; • très rares (< 0,01 %) : convulsions. H. Chaussade et al. Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article. Références [1] ONERBA. ONERBA rapport annuel; 2011 [www.onerba.org/ spih.php?article122]. 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