Décolonisation - Formation Mixte

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Décolonisation
1. Aux origines de la décolonisation
La décolonisation est issue des mouvements nationalistes qui sont apparus dès la fin de la Première
Guerre mondiale dans les différents empires coloniaux et se sont développés, en se radicalisant,
après la Seconde Guerre mondiale.
1.1. L'affaiblissement des puissances coloniales
Conscients de l'affaiblissement des puissances coloniales, après les défaites que leur ont infligées
l’Allemagne et le Japon entre 1940 et 1942, les leaders des mouvements de libération, issus des
élites occidentalisées, réclament l'application du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes,
proclamé par l’article 1er de la Charte des Nations unies en 1945.
1.2. L’hostilité
colonialisme
des
deux
superpuissances
au
Ils y sont aussi encouragés par l'hostilité au système colonial des deux nouvelles puissances
dominantes : les États-Unis et l'URSS.
 L'attitude des États-Unis
En effet, même s'ils ont annexé, à la fin du XIXe siècle, des restes de l'Empire espagnol, les Philippines
ou Porto Rico, même si leurs relations avec leurs communautés noire et surtout indienne demeurent
tout à fait inégalitaires et ambiguës, les États-Unis n'ont cessé – au nom du passé des treize colonies
fondatrices – de proclamer leur anticolonialisme doctrinal et d'appuyer plus ou moins concrètement
les efforts de libération des pays colonisés.
En pleine guerre, en août 1941, F. D. Roosevelt a imposé à ses alliés la signature de la Charte de
l'Atlantique, dont le chapitre 3 fixe au nombre des buts de guerre le rétablissement des « droits
souverains et du gouvernement autonome de ceux qui en ont été dépossédés par la force ».
 Le rôle de l'URSS
De son côté, bien qu'ayant absorbé, sous des formes subtiles de colonisation, les pays Baltes, des
morceaux du territoire finlandais à l'occasion de la Seconde Guerre mondiale, mais aussi les
« démocraties populaires » – Pologne, Tchécoslovaquie, Roumanie, Bulgarie, Hongrie – où,
jusqu'après 1980 les interventions militaires soviétiques ont été particulièrement violentes –, l'URSS
n'a cessé, depuis la conférence de Bakou de 1920, d'associer les prolétaires du monde industrialisé
et les populations tombées sous le « joug colonial ». L'action idéologique soviétique a été
particulièrement profonde et a conduit à quelques formes spectaculaires de « libération » dans le
monde : celle de la Chine en 1949, par exemple.
Pour Nikita Khrouchtchev, toute forme de lutte pour l'indépendance est révolutionnaire et l'URSS
l'appuie, même s'il faut courir le risque, comme à Cuba en 1961, d'un affrontement direct avec les
États-Unis ; elle doit mobiliser, dans le monde entier, les « forces progressistes » qui vont répéter
pendant des décennies que l'impérialisme est, selon la formule de Lénine, le stade suprême du
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capitalisme, et, plus tard, que le néocolonialisme est le dernier stade, le dernier soubresaut de
l'impérialisme. Ainsi va-t-on penser qu'il suffit de « vaincre le capitalisme » pour que le
développement des « pays exploités » s'ensuive. Largement influencés par l'idéologie marxiste, les
leaders anti-colonialistes peuvent compter sur le soutien des partis communistes et de l'URSS.
1.3. L’émergence des mouvements de libération
nationale
L’apparition ou la consolidation des mouvements de libération nationale n’a pas toujours été aisée,
la prise de conscience étant parfois enrayée par l’œuvre d’assimilation culturelle entreprise par les
colons après la conquête, et le tracé de frontières artificielles faisant vivre ensemble des ethnies
parfois antagonistes. Malgré ces difficultés, des mouvements nationalistes naissent ou se
confirment, moins précocement en Afrique qu’en Asie du Sud et du Sud-Est, du fait d’une influence
européenne plus discrète et de cadres locaux prêts ici à prendre la relève. Ces mouvements sont
souvent d’inspiration à la fois nationaliste et socialiste (parti du Congrès en Inde, parti communiste
indochinois). Mais ils peuvent aussi veiller à la restauration des valeurs traditionnelles et religieuses,
comme l’Istiqlal marocain du sultan Muhammad V.
1.4. Les réactions des puissances coloniales
Si le Royaume-Uni accepte la décolonisation comme un fait inéluctable, la France, quant à elle,
considère son empire – conquis pour compenser la défaite de 1870 et qui a beaucoup contribué à la
Libération – comme immuable.
Parmi les puissances moyennes, alors que la Belgique, dont l’économie est saine, manifeste peu
d’intérêt pour le Congo, les Pays-Bas, qui ont énormément souffert de la guerre, restent attachés
aux Indes néerlandaises (ou orientales), de même que le Portugal à ses colonies africaines, dernier
vestige de sa grandeur passée.
2. Le processus de décolonisation
2.1. Conditions générales
 Les deux phases de la décolonisation
Les grandes étapes de la décolonisation
La première phase s'étend de 1945 à 1954 et intéresse avant tout le continent asiatique, où les
puissances coloniales sont confrontées aux régimes nationalistes issus de l'occupation japonaise.
La seconde, de 1955 à 1966, touche essentiellement l'Afrique. L'évolution politique de ce continent
est profondément influencée par les événements survenus en Asie et par l'émergence d'un
mouvement tiers-mondiste favorable aux indépendances, dirigé notamment par les leaders
nationalistes du monde arabe et du Sud-Est asiatique (dont Nasser et Sukarno). La conférence afroasiatique de Bandung (avril 1955), qui condamne le colonialisme, est, à cet égard, essentielle.
 Entre négociation et confrontation
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Le Commonwealth, mis en place en 1931 par la Grande-Bretagne, sert de cadre à la décolonisation
des anciens territoires britanniques. La France crée, dans le même but, l'Union française (1946),
remplacée en 1958 par la Communauté.
Mais ces structures ne permettent pas toujours aux anciennes puissances d'éviter les guerres
coloniales, surtout dans les régions que la métropole a cherché à assimiler par une politique de
peuplement (Algérie française, Mozambique portugais).
2.2. La décolonisation de l'Asie
Coups d'envoi (1945-1946)
L'Indépendance et la partition de l'Inde
En Asie, dès la fin de la guerre, la Chine récupère les concessions acquises par l'Europe au XIXe siècle,
ne laissant subsister que Hongkong et Macao ; elle reprend aussi Formose (Taïwan) et la
Mandchourie. Les États-Unis mettent fin à leur domination sur les Philippines en 1946.
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La même année, sur la façade opposée du continent, la France reconnaît la pleine souveraineté de la
Syrie et du Liban.
 La décolonisation réussie des Britanniques
À la suite de la République indienne et du Pakistan, formé après l'indépendance et la partition de
l'Inde en 1947, la Birmanie et Ceylan (1948), puis la Fédération malaise (1957), acquièrent leur
indépendance et acceptent de conserver des liens étroits avec la Grande-Bretagne.
C’est bien plus tard que la Grande-Bretagne se retire de la péninsule arabique, entre 1961-1962
(indépendance du Koweït et du protectorat d’Aden, devenu Yémen du Sud) et 1971 (formation des
Émirats arabes unis, dont renoncent à faire partie le Qatar et Bahreïn, qui forment deux États
distincts).
 Les décolonisations violentes
L'accession de l'Indonésie à l'indépendance est plus mouvementée : proclamée par Sukarno en
1945, elle n'est reconnue par les Néerlandais qu'en 1949, au terme d'une guerre d'indépendance
sanglante, dans le cadre d'une Union néerlando-indonésienne, elle-même dénoncée en 1954 par les
Indonésiens.
La décolonisation s'avère beaucoup plus difficile dans la péninsule indochinoise, qui devient un
enjeu âprement disputé à partir de 1945 entre les camps socialiste et occidental (guerre
d'Indochine). En 1954, la conférence de Genève, où l'entrée en scène de la Chine communiste
marque le profond changement des rapports de forces, aboutit à l'indépendance définitive des pays
de l'ex-Indochine (Cambodge, Laos) et à la partition du Viêt Nam.
2.3. La décolonisation en Afrique
 Colonies britanniques
Le Soudan anglo-égyptien, après avoir été tenté en 1953 par l’union avec l’Égypte, est reconnu
indépendant en 1956.
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La décolonisation en Afrique, 1936-1990
Suivant l'exemple de la Côte-de-l'Or (Gold Coast), qui accède à l'indépendance sous le nom de Ghana en 1957,
les colonies britanniques s'émancipent dans le cadre du Commonwealth : Nigeria (1960), Sierra Leone (1961),
Tanganyika (1961) réuni à Zanzibar en 1964 sous le nom de Tanzanie, Ouganda (1962), Kenya (1963),
Nyassaland, devenu Malawi (1964), Gambie (1965), Rhodésie du Nord devenue Zambie (1964), Bechuanaland
devenu Botswana (1966), Basutoland devenu Lesotho (1966), Swaziland (1968), île Maurice (1968) Seychelles
(1976).
En Rhodésie du Sud, la minorité blanche n'abandonne le pouvoir aux Noirs qu'en 1980 pour devenir le
Zimbabwe, tandis que la Namibie ne s'émancipe de la tutelle sud-africaine qu'en 1990.
 Colonies italiennes et belges
Après avoir renoncé à la Libye en 1951, l'Italie émancipe la Somalie en 1960, date à laquelle le Congo
belge proclame également son indépendance ; celle de ses mandats au Rwanda et au Burundi
intervient en 1962.
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 Colonies françaises
La conférence de Brazzaville de 1944, tenue à l'initiative du général de Gaulle, avait promis une
large autonomie aux colonies françaises tout en leur refusant l'indépendance. En 1946, la
IVe République croit trouver une réponse en créant l'Union française, formée par la République
française et les territoires et États associés d'outre-mer.
Profondément rénovée par la loi Defferre de 1956, l'Union française devient en 1958 la
Communauté qui va mener en 1960 à l’indépendance des anciens territoires d'Afrique-Occidentale
française et d'Afrique-Équatoriale française : Sénégal, Mauritanie, Haute-Volta (actuel Burkina),
Dahomey, devenu Bénin, Soudan français, devenu Mali, Niger, Côte d'Ivoire, Gabon, Tchad,
Oubangui-Chari, devenu République centrafricaine, Congo-Brazzaville et Madagascar ; ainsi que des
mandats du Togo et du Cameroun, à l'exception de la Guinée qui s'est émancipée dès 1958, des
Comores, indépendantes en 1975, et de la Côte française des Somalis qui, devenue Territoire
français des Afars er des Issas en 1967, n'accède à l'indépendance, sous le nom de République de
Djibouti qu'en 1977.
Au Maghreb, en revanche, si la Tunisie et le Maroc obtiennent leur indépendance en 1956, l'Algérie
n'y accède qu'en 1962, au terme d'une guerre meurtrière avec la France (→ guerre d'Algérie).
 Colonies portugaises et espagnoles
Les colonies portugaises (Guinée-Bissau, îles du Cap-Vert, São Tomé et Príncipe, Angola et
Mozambique) deviennent, quant à elles, indépendantes en 1974-1975.
Après la Guinée équatoriale en 1968, l'Espagne abandonne en 1975 par consentement, à l'exception
de quelques points d'appui au Maroc (Ceuta, Melilla) les fragments d'empire qui lui restent et qui
constituent le Sahara occidental, incorporé au Maroc, mais dont le Front Polisario revendique
toujours l'indépendance.
2.4. La décolonisation aux Antilles et dans le
Pacifique
 Les Antilles britanniques
Alors que la France y a conservé l’essentiel de ses territoires (Guadeloupe, Martinique, Guyane,
Nouvelle-Calédonie, Wallis et Futuna, Polynésie), le Royaume-Uni a renoncé à sa domination directe
sur les espaces antillais et pacifique entre le début des années 1960 et celui des années 1980.
Précédées par Trinidad et Tobago (1962), la Jamaïque (1962) et la Barbade (1966), les divers
archipels des Antilles sous domination britannique (Bahamas, Grenade, Dominique, Sainte-Lucie,
Saint-Vincent et les Grenadines, Antigua et Barbuda, Saint-Christophe et Nevis) accèdent à
l’indépendance entre 1973 et 1983, de même que, sur le continent, le petit Honduras britannique,
devenu Belize (1981).
 Le Pacifique britannique et américain
C’est selon un calendrier voisin que la Grande-Bretagne se retire de l’océan Pacifique, à l’exception
de Pitcairn, et permet l’accession à l’indépendance de ses différentes possessions (Nauru, Tonga,
Fidji, Papouasie-Nouvelle-Guinée, îles Salomon, îles Ellice, devenues Tuvalu, îles Gilbert, devenues
Kiribati) entre 1968 et 1980, date à laquelle les Nouvelles-Hébrides, qu’elle détenait en
condominium avec la France, s’émancipent également sous le nom de Vanuatu. Dès 1962, la
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Nouvelle-Zélande
indépendantes.
avait
renoncé
à
l’administration
des
Samoa
occidentales,
devenues
Bien qu’ayant gardé divers point d’appui dans la région (Samoa, Guam, Wake, Mariannes du Nord),
les États-Unis ont suivi le processus de retrait de la Grande-Bretagne, en permettant l’indépendance
de la Micronésie et des îles Marshall (1979), puis de l'archipel des Palaos(1994).
3. Le développement du néocolonialisme
3.1. Émancipation politique et dépendance
économique
Un certain nombre d'États ont voulu non seulement acquérir l'indépendance nationale, mais aussi
procéder à de véritables révolutions sociales afin de mieux rompre avec l'ancien ordre colonial. Tout
en se réclamant un temps du socialisme, ils ont tous promu des valeurs nationales et rejeté la lutte
des classes. Mais très peu de pays décolonisés, qu'ils aient opté pour des systèmes étatiques,
socialistes ou libéraux, sont devenus économiquement souverains, comme en témoigne
l’assujettissement aux cours mondiaux, variant au gré des intérêts des pays développés, des prix des
cultures et produits d’exportation : caoutchouc, cuivre, coton, café, cacao, thé. Les formes les plus
durablement persistantes du néocolonialisme sont donc d'ordre économique et financier.
3.2. Le rôle trompeur des leaders charismatiques
La conférence de Bandung affirmait dans son acte final l'égalité de toutes les races et l'égalité de
toutes les nations, petites ou grandes. On est loin aujourd'hui encore d'avoir vu se réaliser le rêve de
Bandung. Il est vrai que les dissensions ont parfois été vives chez les colonisés luttant pour leur
libération. Dans certains cas, des leaders charismatiques – tels Gandhi, assassiné en 1948, puis Nehru
en Inde, Kenyatta, grand vainqueur des élections de 1963 au Kenya, après les terribles soubresauts
des années 1950, Nyerere au Tanganyika (Tanzanie), Senghor au Sénégal, Houphouët-Boigny en
Côte-d'Ivoire – ont, au moins pour un temps, dissimulé la gravité des situations internes.
3.3. Les conflits postcoloniaux
Il n'en a pas été toujours ainsi. À peine indépendant, l'Angola a vu s'affronter (1975) dans une
longue guerre civile trois coalitions d'intérêts et d'options politiques opposés, maîtresses de trois
territoires. La libération du Zimbabwe ne s'est pas faite sans remous entre partisans avoués des
États-Unis ou de l'URSS et colons blancs désireux de maintenir l'ancien état des choses. Au Zaïre (exCongo belge et actuelle République démocratique du Congo), au Nigeria, en Asie du Sud-Est (guerre
du Viêt Nam, génocide cambodgien), les réalités religieuses ou politiques ont abouti à des
sécessions spectaculaires (Katanga, République du Biafra), la dernière en date étant l'indépendance
du Soudan du Sud en 2011. L’Afrique est aujourd’hui déchirée par la multiplicité des conflits à
caractère ethnique.
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