Arcs-en-ciel - Cercles des Naturalistes de Belgique

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Cet article est tiré de
revue trimestrielle de la
Société royale
Cercles des Naturalistes
de Belgique asbl
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Les pages du
jeune naturaliste
Si nos prés pouvaient accueillir
des arcs-en-ciel…
Texte : Christophe Biesmans
Chargé de mission au Centre Marie-Victorin
Bernard Clesse
Assistant au Centre Marie-Victorin
L’été et ses grandes vacances arrivent, chouette ! Durant ces vacances, qui ne s’est jamais arrêté, au détour d’une promenade en montagne, devant une prairie envahie de toutes les couleurs de
l’arc-en-ciel ?
« Allez, ose, vas-y » me dit une voix dans ma tête. Et, sans m’en rendre compte, je mets un pied
parmi toutes ces fleurs grouillantes de papillons, d’abeilles, de mouches et autres criquets et sauterelles. Première impression : c’est magnifique ! Comment la nature a-t-elle pu réunir autant de couleurs ? Je suis encerclé de blanc, de jaune, de rouge, de violet, de bleu… Je voudrais être une vache !
Mais qu’en est-il de nos prairies ? Elles sont la plupart nettement moins colorées et donc probablement moins riches en diversité ! Vraisemblablement encore une de ces causes humaines dont on
parle si souvent ! Mais cela ne veut pas dire que nos prés sont inintéressants ! Découvrons-en ensemble quelques espèces communes, 16 plus particulièrement…
Le mois d’avril est consacré à la floraison de la cardamine des prés (Cardamine pratensis), tu
sais, cette plante aux fleurs couleur lilas et dont les pétales sont toujours disposés en croix ! ? Ses
feuilles aux nombreuses folioles goûtent la moutarde !
Dès le mois de mai, tu remarques très vite des nuages de parachutes qui s’envolent après ton
passage ou lorsqu’il y a du vent ! Ce sont les fruits d’une plante à fleurs jaunes que tu n’ignores pas :
le pissenlit (Taraxacum sp.), dont le latex (le liquide blanc qui en sort lorsque tu les coupes) te salit
cardamine des prés
(Cardamine pratensis)
Photo B. Clesse
pissenlit
(Taraxacum sp.)
Photo B. Clesse
L'Érable
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Photo B. Clesse
Photo S. Claerebout
crépis des prés (Crepis biennis)
bouton d’or (Ranunculus acris)
Photo B. Clesse
les mains et les vêtements. Tu sais probablement que les feuilles
de cette plante se mangent en salade mais savais-tu que ses racines séchées peuvent faire une boisson ressemblant au café ?
Chacun de ces petits parachutes provient de l’évolution d’une
fleur, c’est dire le nombre de petites fleurs serrées que tu trouves
sur un seul pissenlit !
Dans nos régions, tu remarqueras souvent que le jaune est
la couleur dominante dans les prés de basse altitude : le pissenlit y est pour beaucoup, mais d’autres fleurs ont aussi cette couleur : le crépis des prés (Crepis biennis) et le bouton d’or (Ranunculus acris) y participent également énormément. Si le premier a un réel air de famille avec le pissenlit mais est nettement
plus haut et possède de nombreuses feuilles le long de la tige qui
est très ramifiée dans le haut, tu reconnaîtras le bouton d’or avec
ses 5 pétales formant une coupe jaune avec à sa base, un petit
organe qui produit le nectar, on l’appelle le nectaire et il est fort
visité par nos butineurs ! Mais pourquoi diable après le passage
des vaches, alors que toutes les autres plantes ont été broutées,
reste-t-il autant de boutons d’or sur pied ? Simplement parce que
cette plante toxique pour l’homme l’est aussi pour le bétail et ce
dernier prend garde de ne point en avaler, du moins des plantes
fraîches !
Photo S. Claerebout
Tu apercevras couramment aussi, dans les prairies plus
fraîches voire carrément humides et non encore fauchées, de
grandes plantes, dépassant un mètre de haut. De loin, tu as du
mal à voir la différence, avec leurs tailles semblables, leurs fleurs
blanches, des feuilles très découpées,… entre la reine-des-prés
reine-des-prés (Filipendula ulmaria) (Filipendula ulmaria), l’angélique sauvage (Angelica sylvestris)
Photo B. Clesse
et la berce commune (Heracleum sphondylium). L’angélique et
la berce possèdent des fleurs groupées en ombelles (un peu à la
manière de la structure d’un parapluie), et si tu regardes bien,
ces petites ombelles sont elles-mêmes réunies en un plus grand
parapluie (un parapluie de parapluies donc !). En outre, ces deux
grandes plantes, pouvant atteindre 2 mètres dans certains cas,
ont un autre caractère commun : la présence d’une large gaine
enveloppante à la base de la feuille qui vient soutenir la tige et
angélique sauvage (Angelica sylvestris) protéger celle-ci du vent violent par exemple. Mais comment les
distinguer l’une de l’autre alors ? Regarde les tiges : celle de la
berce est verte, munie de nombreux poils raides (pas agréables
au toucher) et de longues côtes sur toute la longueur ; celle de
l’angélique est souvent violacée, comme couverte d’une petite
poudre blanche (la pruine) que tu peux enlever avec ton doigt, et
tout à fait lisse.
berce commune
(Heracleum sphondylium)
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Je te déconseille cependant de cueillir la berce car un peu
de sève sur ta peau, pourrait en plein soleil t’y provoquer des petites rougeurs. Sa cousine, la berce du Caucase (jusqu’à 3 m de
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haut), provoque des brûlures et des cloques nettement plus
graves qui nécessitent une hospitalisation ! La reine-des-prés est
la seule des trois à ne pas avoir ses fleurs réunies en petites ombelles et a, quant à elle, une tige rougeâtre. Pour être sûr que ce
soit elle, écrase entre tes doigts une de ses feuilles, tu sentiras
une odeur assez forte de concombre. Elle est notamment à l’origine de la découverte de l’aspirine, que tu utilises pour faire tomber la fièvre ! Ses fleurs, plus couleur crème que blanches dégagent une odeur agréable.
pâquerette (Bellis perennis)
Photo D. Hubaut
Nos fleurs mêlent le jaune et le blanc, nous poussons communément dans les prairies, nous faisons partie de la même famille que le pissenlit, l’une fait quelques cm à peine, l’autre atteint 70 cm, qui sommes-nous ? La pâquerette (Bellis perennis)
et la marguerite (Leucanthemum vulgare) pardi !
En t’accroupissant un court instant, tu verras très souvent
des plantes rampantes à fleurs blanches ou roses-rougeâtres et
à feuilles à trois folioles : les trèfle rampant (ou trèfle blanc) et
trèfle des prés (Trifolium repens et Trifolium pratense). Le nec- marguerite (Leucanthemum vulgare)
tar sucré se trouve à la base de chaque corolle ; pour t’en rendre
compte, il suffit de prélever la corolle d’une fleur et d’en sucer
la base. Les abeilles en raffolent et toi ?
Pour le rose, je te conseille de trouver des prairies humides
car les deux espèces suivantes y forment parfois des tapis continus du plus bel effet : il s’agit du lychnis fleur-de-coucou (Lychnis flos-cuculi) et de la renouée bistorte (Polygonum bistorta).
Le premier se distingue facilement par ses fleurs aux pétales découpés en lanières de façon très typique et très esthétique ! La
seconde voit ses fleurs serrées en un épi dense qui n’a rien à envier d’une brosse à dents bien fournie ; son nom de bistorte vient
du fait que sa racine est divisée en deux « branches » principales
et tordues l’une autour de l’autre.
Dans les tons rougeâtres, citons l’oseille des prés (Rumex
acetosa), qui peut teinter de rouge des prairies entières par ses
nombreuses fleurs en grappes allongées ! Ses feuilles en forme
de lance possèdent deux pointes à la base et ont un petit goût
acide, pas désagréable du tout ; on l’utilise d’ailleurs en sauce
ou en potage. Cette oseille est une proche parente d’autres
« Rumex » des prairies, telle la patience à feuilles obtuses (Rumex
obtusifolius) notamment, dont la tige desséchée et brune reste
souvent bien en place après le passage du bétail qui la délaisse
au même titre que les boutons d’or !
Restons sur le rouge avec le compagnon… rouge ! Commun en lisière des bois, sur les talus herbeux mais aussi en prairie, le compagnon rouge ou silène dioïque (Silene dioica) se ca-
Photo B. Clesse
trèfle rampant (Trifolium repens)
Photo B. Clesse
trèfle des prés (Trifolium pratense)
Photo B. Clesse
lychnis fleur-de-coucou
(Lychnis flos-cuculi)
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ractérise notamment par ses beaux pétales profondément divisés, à 5 par corolle, et se prolongeant à l’insu de tous dans un
calice en forme de tube. Ici, impossible de trouver étamines et
pistil dans la même fleur ni même sur la même plante ! Tu auras
donc des compagnons mâles et des compagnons femelles !
Enfin, un petit mot d’encouragement pour le plantain lancéolé (Plantago lanceolata). C’est vrai qu’il ne paie pas de mine
avec ses petites fleurs discrètes, noires et à étamines blanches,
groupées en épi à l’extrémité de la plante, mais quand tu sauras
Photo D. Hubaut
qu’il peut te soulager d’une vilaine piqûre d’ortie (voire de
renouée bistorte (Polygonum bistorta) guêpe !)… Si cela t’arrive, n’hésite pas à écraser vigoureusement
une feuille de la plante (facile à reconnaître avec ses longues nerPhoto B. Clesse
vures parallèles) pour en faire sortir un suc vert que tu appliqueras sur la piqûre, résultat garanti en quelques minutes !
patience à feuilles obtuses
(Rumex obtusifolius)
Photo B. Clesse
compagnon rouge (Silene dioica)
Il est vrai que le contraste entre les prairies multicolores
des montagnes et celles nettement moins colorées de nos régions
est évident. Nos agriculteurs, au fil du temps, ont transformé les
prairies multicolores d’autrefois en y semant des graminées sélectionnées pour leur rentabilité et en utilisant de nombreux engrais pour les faire pousser plus vite, ce qui a entraîné la disparition de quantité de plantes moins résistantes ou tout simplement qui se satisfaisaient de sols pauvres. Ces dernières, avec un
peu de chance, ont pu trouver refuge dans des zones non fertilisées, plus difficilement accessibles par les machines (prairies en
forte pente par exemple, ou trop humides) et dans les prairies en
friche. Mais grâce à la vigilance des naturalistes et de certains
responsables de la Région wallonne, de nombreuses prairies sont
aujourd’hui protégées en ayant le statut de réserves naturelles !
Bien sûr, tu vas trouver d’autres espèces en parcourant les
prés, je ne t’ai parlé ici que de quelques-unes. N’hésite pas, si le
sujet t’intéresse, à prendre avec toi un crayon et des feuilles de
papier (recyclé bien sûr) la prochaine fois que tu retourneras dans
un pré, pour dessiner les plantes dont je ne t’ai pas parlé. Tu
pourras ensuite tenter de les déterminer chez toi, avec une bonne
flore illustrée, sans avoir à couper les fleurs, ce qui est tout de
même bien mieux pour la nature !
Maintenant que tu as fini de lire cet article, profite bien de
tes vacances pour aller te promener et t’entraîner à repérer les
plantes dont je viens de te parler. Pense également à emmener tes
parents avec toi pour leur faire profiter des nouvelles connaissances que tu viens d’apprendre.
Photo B. Clesse
plantain lancéolé
(Plantago lanceolata)
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