Chapitre X : Torseurs Après une étude attentive de ce chapitre, vous serez capable de : • définir une application linéaire symétrique ou antisymétrique • définir la matrice d’une application linéaire et de trouver ses valeurs propres. • effectuer les opérations de dérivation des vecteurs. • énoncer les principales propriétés des torseurs • montrer que le champ des vitesses d’un solide en mouvement est un torseur Mathématiques pour les Sciences Physiques 122 I Applications linéaires 1°- Définition Soit f une application de E3 dans E3 . f est linéaire si : ∀ u, v ∈ E3 , f(u+v)=f(u)+f(v) ∀ λ ∈ R , ∀ u ∈ E3 , f(λu)= λ f(u) 2°- Matrice d’une application linéaire Soit (e 1 , e 2 , e 3 ) une base orthonormée directe de E3 et f une application linéaire de E3 dans E3 3 Soit u ∈ E , on peut écrire : u = ∑ ui e i 3 i =1 D’après la linéarité de f on peut écrire : 3 3 f ( u) = f ∑ ui e i = ∑ ui f ( e i ) i =1 i =1 Ainsi, pour connaître l’application linéaire f, il suffit de connaître les images par f de chacun des vecteurs de base. 3 En notant : f ( e j ) = ∑ a ij e i , on peut écrire la relation précédente i =1 sous forme matricielle pour obtenir la matrice colonne de f(u) sur la base (e 1 , e 2 , e 3 ): a 11 [ f (u)] = a 21 a13 a12 a 22 a 23 a13 u1 a 23 u2 ou a 33 u 3 [ f (u )] = A[ u] La matrice A associée à f est la matrice dont les colonnes sont les coordonnées dans la base (e 1 , e 2 , e 3 ) des images de e 1 , e 2 et e 3 . Torseurs 123 3°- vecteurs propres et valeurs propres Un vecteur non nul u de E3 est un vecteur propre de f si il existe λ tel que : f ( u) = λu λ est la valeur propre associée à u. Pour trouver les valeurs propres d’une application linéaire, il suffit de résoudre f ( u) − λu = 0 avec u≠0, ce qui s’écrit matriciellement : a11 a 21 a13 a12 a 22 a 23 u1 0 a13 u1 a 23 u 2 − λu2 = 0 u 3 0 a 33 u3 a11 soit : a 21 a 13 a12 1 0 0 u1 0 a13 a 23 − λ0 1 0 u2 = 0 0 0 1 u 3 0 a 33 a 22 a 23 ceci ne pouvant être réalisé avec (u1 , u2 , u3 ) ≠ (0,0,0) qu’en annulant le déterminant de ce système, c’est à dire en annulant le polynôme caractéristique de f : det( A − λI) = 0 4°- Applications symétriques et antisymétriques Soit h une application de E3 dans E3 . h est symétrique si ∀ u, v ∈ E3 u⋅⋅h(v)=v⋅h(u) h est antisymétrique si ∀ u, v ∈ E3 u⋅⋅h(v)=-v⋅h(u) propriétés : une application nécessairement linéaire. symétrique ou antisymétrique est 124 Mathématiques pour les Sciences Physiques 5°- Propriétés des applications linéaires symétriques Soit hs une application symétrique (et donc linéaire) de E3 dans E . Notons AS la matrice de hs dans une base orthonormée directe (e 1 , e 2 , e 3 ). 3 n AS=ASt où ASt est la matrice transposée a11 q matrice de hs est symétrique : A S = q a 22 r s de AS. Autrement dit, la r s a 33 n Les valeurs propres de hs sont réelles. n Il existe au moins une base orthonormée constituée de vecteurs propres de hs . Dans cette base, la matrice de hs est diagonale : λ1 0 0 0 λ2 0 0 0 λ3 Remarque : quand on effectue la recherche des valeurs propres et des vecteurs propres d’une application linéaire et que l’on exprime sa matrice dans une base propre (c’est-à-dire une base constituée de vecteurs propres), on dit que l’on diagonalise l’opérateur. n enfin, si hs est une application linéaire symétrique définie positive, c’est-à-dire si : ∀ u ∈ E3 , u⋅hs (u)>0 alors les valeurs propres de hs sont strictement positives. 6°- Propriétés des applications linéaires antisymétriques Soit ha une application antisymétrique (et donc linéaire) de E3 [ ] dans E3 . Notons A A = a ij la matrice de ha dans une base orthonormée directe (e 1 , e 2 , e 3 ). L’antisymétrie de ha conduit à : ∀ i, e i ⋅ha (e i )=- e i ⋅ha (e i ), soit aij =0 ∀ i,j , e j⋅ha (e i )=- e i ⋅ha (e j), soit aij =-aji Torseurs 125 La matrice de ha s’écrit donc : A A 0 = r3 − r2 r2 − r1 et on peut 0 − r3 0 r1 vérifier alors la propriété fondamentale : 0 ∀ u ∈ E 3 , [ha ( u) ] = A A [u ] = r3 − r2 − r3 0 r1 r2 u1 r1 u1 − r1 u2 = r2 × u2 0 u 3 r3 u 3 On voit qu’il existe un unique vecteur R de E3 appelé vecteur de l’application linéaire antisymétrique qui permet d’écrire : ∀ u ∈ E 3 , ha (u ) = R × u 7°- dérivation composée des vecteurs En physique, pour décrire l’évolution spatio-temporelle des objets étudiés (mobiles, champs, etc.) on utilise un repère spatial matérialisé par des axes de coordonnées et x3 un repère temporel ou chronologie. L’ensemble est appelé référentiel. M Ainsi, un événement se produisant en M dans un référentiel R est repéré par trois coordonnées spatiales (x 1 , x 2 , x 3 ) et une coordonnée temporelle t, soit un quadruplet (x 1 , x 2 , x 3 , t) Considérons deux référentiels R et R’ en mouvement relatif et soit u un vecteur fixe de R’, c’est à dire dont les coordonnées (x 1 ’, x 2 ’, x 3 ’) ne dépendent pas de t. La dérivée de u par rapport à R’ est nulle : du =0 dt R ' e1 e3 O x2 e2 x1 x3 x3 ’ u x2 ’ e1 x1 e3 O x1’ e2 x2 126 Mathématiques pour les Sciences Physiques Nous cherchons à étudier le mouvement de u par rapport à R, c’est-à-dire en pratique à calculer la dérivée temporelle de u dans R. Celle ci est a priori non nulle puisque R’ est en mouvement par rapport à R. A l’aide des coordonnées, nous avons : dx 1 dt du dx2 = dt dt R dx 3 dt mais nous cherchons une méthode plus efficace de calcul. Considérons l’application φ qui à un vecteur u fixe de R’ associe sa du dérivée par rapport à R : φ : u a dt R Soient maintenant u, v deux vecteurs fixes de R’. Le produit scalaire d dv du ( u • v ) R = 0 = u • + v • , ce qui u⋅⋅v est une constante. Donc dt dt dt avec l’application φ s’écrit : u • φ(v ) = − v • φ( u ) Ceci montre que l’application φ est antisymétrique. Il existe donc un unique vecteur Ω tel que : φ(u)=Ω Ω ×u. du Soit : = Ω × u . dt R Le vecteur Ω s’appelle le vecteur rotation de R’ par rapport à R Généralisation : Etudions maintenant le cas d’un vecteur u mobile par rapport à R’ et a priori aussi par rapport à R. Nous avons : u = x1, e 1, + x 2, e ,2 + x 3, e ,3 Torseurs 127 donc : ( d , , du = x e + x 2, e ,2 + x 3, e ,3 dt R dt 1 1 ) dx1, , dx 2, , dx 3, , , de ,1 de ,2 de ,3 , , = e1 + e + e +x + x2 + x3 dt 2 dt 3 1 dt dt dt dt Le première parenthèse est la dérivée de u par rapport à R’, tandis que la seconde représente la dérivée par rapport à R d’un vecteur fixe de R’, quantité dont nous maîtrisons maintenant le calcul. On en déduit la formule fondamentale : du du = +Ω × u dt R dt R ' II Torseurs 1°- Définition Soit V un champ de vecteurs, c’est-à-dire une application de l’espace affine euclidien E3 (ou d’une partie de E3 ) dans l’espace vectoriel E3 : V: E 3 → E 3 M a V( M ) Le champ de vecteurs V est antisymétrique si il existe un vecteur R tel que : ∀ P, M ∈ E 3 , V( M ) = V ( P ) + R × PM On dit alors que le champ de vecteur V est un torseur. Pour connaître complètement un torseur, il suffit de connaître sa résultante, c’est à dire son vecteur R, et son moment en un point, c’est à dire sa valeur V(P) en un point P particulier. 128 Mathématiques pour les Sciences Physiques R Le couple constitue les éléments de réduction en P du V( P ) torseur. 2°- équiprojectivité Un champ de vecteur est équiprojectif si : ∀ P, M ∈ E 3 , V( M ) ⋅ PM = V( P) ⋅ PM Théorème : un champ de vecteur équiprojectif est antisymétrique et réciproquement V(P) Géométriquement, l’équiprojectivité traduit l’égalité des projections des deux moments V(M) et V(P) sur la droite PM. P M V(M) 3°- comoment de deux torseurs Soient deux torseurs V1 et V2 . On définit le comoment de ces deux torseurs par le scalaire : P R 1 R 2 = V1 ⊗ V2 = ⊗ = R 1 • V2 ( P) + R 2 • V1 ( P) V1 ( P ) V2 ( P ) Bien noter dans cette définition que le calcul s’effectue prenant les éléments de réduction au même point P pour les deux torseurs. Exercice : montrer que la valeur de P ne dépend pas du point P choisi pour exprimer les éléments de réduction des deux torseurs. 4°- axe central d’un torseur C’est l’ensemble des points P de l’espace en lesquels le moment V(P) est parallèle au vecteur R. On montre que c’est une droite et que sur cette droite, le torseur garde une valeur constante. La norme du torseur est en outre minimum sur cette droite. Torseurs 129 5°- couple Un couple est un torseur qui a sa résultante nulle. Propriété : le moment d’un couple est indépendant du point où on le calcule. Un couple n’a pas d’axe central. 6°- glisseur Un glisseur est un torseur dont le moment s’annule en un point G. La droite (G,R) est alors l’axe central du glisseur et le torseur y prend des valeurs nulles. 7°- torseur associé à un ensemble de vecteurs liés On appelle vecteur lié le couple (A,u) ∈ E3 ×E3 Soit un ensemble de n vecteurs liés (Ai , ui ) i=1..n. On définit le torseur associé à ces n vecteurs liés par ses éléments de réduction en P : n R = ∑ u i i =1 V = n V( P ) = ∑ PA i × u i i =1 Exemple : Soit une plaque matérielle soumise à deux forces F1 et F2 opposées et appliquées respectivement en A1 et A2 . A1 F2 A2 O Le « torseur des actions » exercées sur la plaque est : R = F1 + F2 = 0 F= G( O) = OA 1 × F1 + OA 2 × F2 = A 1 A 2 × F2 = G F1 130 Mathématiques pour les Sciences Physiques O est un point quelconque de l’espace. Le torseur est un couple et on vérifie que son moment est indépendant de O. 8°- torseur associé à un champ de vecteurs Soit F un champ de vecteurs défini sur un domaine D de E3 . On définit le torseur associé au champ de F par ses éléments de réduction en P : R = ∫∫∫ F( A)dτ A A∈D V = V( P) = ∫∫∫ AP × F ( A) dτ A A∈D exemple : torseur des actions de pesanteur Soit un système matériel défini sur un domaine D de E3 . Un élément de volume dτA centré en A est soumis à la force de pesanteur : dP(A)= ρ(A) g dτA Autrement fit, la densité volumique de force de pesanteur en A est F(A) = ρ(A) g Evaluons les éléments de réduction en G du torseur associé aux actions de pesanteur : R = ∫∫∫ F( A)dτ A = ∫∫∫ ρ( A)gdτ A = ∫∫∫ ρ( A) dτ A g = Mg A∈D A∈D A∈D P= Γ ( G) = ∫∫∫ GA × F( A) dτ A = ∫∫∫ ρ( A) GA dτA × g = 0 A ∈D A∈D On constate que le torseur associé aux actions de pesanteur est un glisseur dont l’axe passe par le barycentre G du système matériel. Torseurs 131 9°- torseur cinématique d’un solide en mouvement Considérons le mouvement d’un solide par rapport à un référentiel R. On attache à ce solide un référentiel R’ : le solide est immobile dans R’. Soit P un point du solide, ou plus généralement un point fixe de R’. On cherche le vecteur vitesse de P par rapport à R. x3 ’ x3 P x2 ’ O’ e1 e3 O x1’ x2 e2 x1 dOP V ( P) R = dt R Passons par le point O’ lui aussi fixe dans R’ : dOP dOO'+O' P dO' P V ( P) R = = = V( O' ) R + dt R R dt R dt dO' P Or O’P est un vecteur fixe de R’ et donc : = Ω × O' P dt R où Ω désigne le vecteur rotation du solide (en fait de R’) par rapport à R. Le champ des vitesses d’un solide vérifie : V( P) R = V (O' ) R + Ω × O' P C’est un torseur appelé torseur cinématique du solide. 132 Mathématiques pour les Sciences Physiques Exercices sur les applications linéaires Vecteur d’un opérateur antisymétrique Soit ha une application linéaire antisymétrique. Montrer que 1 3 son vecteur s’écrit :R = ∑ e i × ha ( e i ) 2 i =1 Application linéaire symétrique définie positive On considère un solide Σ occupant un domaine D de E3 et un point O de E3 . On note IO l’application définie par : u ∈ E 3 a I O ( u) = ∫ OP × (u × OP )dm P∈D Montrer que IO est une application linéaire, symétrique définie positive. Exercices sur les torseurs Invariant vectoriel R Soit un torseur donné par ses éléments de réduction en P : V( P ) Montrer que la quantité I = R • V ( P) R 2 R ne dépend pas de P. Torseurs 133 Espace vectoriel des torseurs Montrer que l’ensemble des torseurs forme un espace vectoriel Condition d’antisymétrie On considère dans E3 le champ de vecteurs défini par : Vx = 1 + 3 y − tz Vt ( P) = V y = −3 x + 2tz Vz = 2 + tx − t 2 y 1. Pour quelles valeurs de t ce champ est-il un torseur ? 2. Lorsque c’est un torseur, calculer son vecteur. Réponse : 1. t=0 ou -2 R=-4ex-2ey-3ez 2.Si t=0, R=-3ez Si t=-2, 134 Mathématiques pour les Sciences Physiques