SYNTHÈSE Quelle imagerie au cours du myélome multiple ? Q. Monzani*, A. Felter* L’ incidence du myélome multiple (MM) est de ­4,7/­100 000 et 80 % des personnes qui en développent un ont ou auront une atteinte osseuse. La mise en évidence de cette atteinte est essentielle pour le diagnostic, la détermination du stade, le pronostic, la décision thérapeutique et, donc, le suivi et la réponse au traitement. Les substances libérées par les plasmocytes malins sont au premier plan de la physiopathologie de l’­a tteinte osseuse du MM. La balance ­o stéoformation/­o stéorésorption est déséquilibrée du fait de l’inhibition des ostéoblastes et de l’activation des ostéoclastes, ces derniers étant Figure 1. Rachis dorsolombaire sans anomalie évidente en dehors d’une déminéralisation diffuse prédominante au rachis dorsal. eux-mêmes activés par des substances telles que l’IL-1 ou le TNFα responsables de la lyse osseuse. Évaluation des différents examens Radiographies standard corps entier Il s’agit du bilan standard comprenant des radiographies du crâne, du rachis entier, du grill costal, des os longs et du bassin. Elles permettent de déterminer le stade selon la classification de Salmon et Durie (1975). Les atteintes osseuses ne sont visibles qu’après une lyse de plus de 30 % de l’os, elles sont donc d’une sensibilité faible et 10 à 20 % des lésions ne sont pas diagnostiquées. Les lésions lytiques les plus fréquemment retrouvées atteignent le rachis (65 % des MM avec atteinte osseuse) et un examen même minutieux sur ces rachis souvent dégénératifs est difficile (figures 1 et 2). La corrélation inter­o bservateur est mauvaise : jusqu’à 32 % de reclassement au sein de la classification de Salmon et Durie après relecture par un radiologue spécialisé. La lésion typique à rechercher est la lyse “à l’emporte-pièce” des os plats, sans réaction scléreuse de l’os adjacent, étant donné l’inactivation des ostéoblastes par les facteurs locaux. Figure 2. Bassin de face : aspect de lésion lytique de l’aile iliaque droite. * Service de rhumatologie, groupe hospitalier de la Pitié-Salpêtrière, Paris. La Lettre du Rhumatologue • Suppl. 1 au n° 360 - mars 2010 | 3 SYNTHÈSE Scanner corps entier (ou Low Dose CT) Il permet de diagnostiquer des lésions infraradiologiques (figures 3 et 4). L’acquisition des images est plus rapide, ne nécessite pas la mobilisation de patients souvent douloureux, et elle rend possible une reconstruction en 3D. L’estimation du risque fracturaire (notamment vertébral) permet de poser l’indication d’une ­ostéosynthèse/­vertébroplastie. Elle aboutit à un changement de stade dans 18 à 30 % des cas. Néanmoins, le scanner n’est pas sans avoir des limites : l’irradiation est importante (cela pouvant être résolu par le recours à des scanners low dose) et, tout comme la ­radiographie, il ne rend pas possible la différenciation des atteintes myélomateuses décalcifiantes diffuses des ostéopathies raréfiantes métaboliques telles que l’ostéo­porose. 19 % des patients avec des radiographies standard normales. On peut visualiser une atteinte de la moelle épinière ainsi que la moelle osseuse. Les atteintes recherchées peuvent être une lésion lytique focale, une infiltration diffuse homogène, l’association d’une infiltration diffuse et d’une atteinte focale ou encore un aspect “poivre et sel” d’une moelle non homogène dans laquelle s’interposent des îlots graisseux. Cet examen aboutit à la classification de Salmon et Durie plus. L’IRM CE a pour principal avantage d’explorer l’­ensemble du squelette en un examen et de remplacer les radiographies standard du squelette entier (figure 7). Au sein des antennes IRM actuelles, la mise en pratique de cet examen crée des problèmes de logistique puisque l’évaluation des différentes séquences proposées prend actuellement plus d’une heure par patient. IRM rachidienne et IRM corps entier (IRM CE) Figure 5. Rachis sagittal en séquence STIR montrant une infiltration diffuse des corps vertébraux, aspect “poivre et sel”. L’IRM rachidienne fait désormais partie de l’imagerie usuelle du MM lors du diagnostic (figures 5 et 6). Elle est réalisée en séquences T1, T2, STIR et T1 avec injection de gadolinium. Les lésions osseuses apparaissent en hyposignal T1, hypersignal T2 et STIR, et seront rehaussées par le gadolinium. L’IRM est particulièrement sensible pour les atteintes rachidiennes et pelviennes. On trouve des lésions osseuses chez Figure 3. Aspect mité du corps vertébral au scanner. Figure 6. IRM T1 du rachis lombaire : perte de signal du corps vertébral par rapport au disque (diminution du contraste) à tous les étages indiquant une atteinte diffuse. Figure 4. Même patient que la figure 2. 4 | La Lettre du Rhumatologue • Suppl. 1 au n° 360 - mars 2010 Figure 7. IRM CE en séquence STIR : hypersignal de plusieurs corps vertébraux. SYNTHÈSE PET scan au 18-FDG Sa sensibilité est de 89,2 %, contre 83,3 % pour l’IRM, 70,4 % pour le scanner (figure 8) et 47,4 % pour les radiographies standard. Cet examen a pour défauts, principalement, son prix, son insuffisante disponibilité et son irradiation. De plus, les faux positifs ne sont pas rares et il n’est pas possible de distinguer l’atteinte myélomateuse de celle d’une infection ou d’une inflammation. L’indication principale, en pratique courante, est le bilan d’extension du plasmocytome solitaire. Scintigraphie au technétium 99 Une imagerie de type IRM CE serait plus précise pour mieux évaluer l’atteinte osseuse, le PET scan et l’IRM CE étant les examens les plus performants. L’accessi­bilité limitée de ces examens rend difficile d’y recourir en pratique courante et si l’IRM CE n’est pas disponible, nous proposons d’associer systématiquement une IRM pelvienne à l’IRM rachidienne, car l’atteinte pelvienne (30 % des atteintes osseuses du MM), mal visualisée sur la radiographie standard est l’une des plus fréquentes. En pratique, quelle imagerie pour le suivi ? En pratique, quelle imagerie pour faire le diagnostic de MM ? L’imagerie n’est pas systématique, et ce sont surtout l’apparition de nouveaux symptômes cliniques et l’aggravation ou la récidive des anomalies biologiques qui posent l’indication. La faible sensibilité des radiographies CE et le fait que ni la radiographie standard ni le scanner ne permettent de visualiser la moelle osseuse rendent inadéquats ces 2 examens. L’IRM, avec une diminution du signal T2, et le PET scan, avec une diminution de la fixation permettant de visualiser l’activité tumorale, peuvent avoir une certaine pertinence pour mesurer la réponse au traitement ou détecter une récidive ainsi qu’une nouvelle atteinte. Actuellement, le bilan le plus pratiqué lors du diagnostic de MM associe radiographie standard corps entier (CE) et IRM du rachis (figure 9). Perspectives d’avenir Son utilité est désormais réduite, sa sensibilité étant médiocre du fait de l’inactivité ostéoblastique (résultant des facteurs locaux) par opposition aux méta­ stases osseuses. Sa prescription est donc limitée aux diagnostics difficiles, afin d’éliminer d’autres pathologies néoplasiques ou infectieuses. IRM CE disponible* Oui Non Radiographie standard CE + IRM rachis et bassin * ou PET scan Figure 9. Algorithme proposé lors du diagnostic de myélome. Figure 8. PET scan : atteinte étagée des corps vertébraux. Les examens les plus sensibles et les plus spécifiques que sont l’IRM CE et le PET scan au 18-FDG, déjà disponibles dans certains centres, vont entrer dans la pratique courante. L’arrivée des nouvelles antennes IRM permettra de diminuer le temps de l’examen (une IRM STIR CE durera alors moins de 9 minutes). Certaines séquences comme l’IRM de diffusion sont actuellement en cours d’étude, notamment dans l’évaluation de la réponse au traitement par la mesure du coefficient de diffusion. ■ Pour en savoir plus… • Delorme S, Baur-Melnyk A. Imaging in multiple myeloma. Eur J Radiol 2009;70:401-8. • Dimopoulos M, Terpose E, Comenzo RL et al. International Myeloma Working Group consensus statement and guidelines regarding the current role of imaging techniques in the diagnosis and monitoring of multiple myeloma. Leukemia 2009; 23:1545-56. • Lütje S, de Rooy JW, Croockewit S, Koedam E, Oyen WJ, Raymakers RA. Role of radiography, MRI and FDG-PET/ CT in diagnosing, staging and therapeutical evaluation of patients with multiple myeloma. Ann Hematol 2009; 88:1161-8. • Winterbottom AP, Shaw AS. Imaging patients with myeloma. Clin Radiol 2009;64:1-11. La Lettre du Rhumatologue • Suppl. 1 au n° 360 - mars 2010 | 5