Psychogériatrie 11e Rencontre de l’Association internationale de psychogériatrie C ’est dans le cadre de la ville de Chicago que s’est tenue, du 17 au 22 août 2003, la 11e ren- contre de l’Association internationale de P. Delbrouck* psychogériatrie. Cette manifestation regroupait gériatres, neurologues et psy- Parmi les thèmes abordés, plusieurs communications se sont penchées sur la question de la prescription des psychotropes chez les personnes âgées présentant des manifestations de type psychotique. Il s’agit là d’une interrogation de pratique courante qui est souvent complexe, compte tenu des pathologies associées à la vieillesse et des interactions médicamenteuses. Ainsi, le développement du recours aux médicaments procholinergiques dans les différentes formes de la maladie d’Alzheimer (MA) contre-indique l’utilisation des molécules à potentialité anticholinergique, au premier rang desquelles les neuroleptiques classiques ou les antidépresseurs tricycliques, dont la prescription en gériatrie n’a rien d’exceptionnel. Aussi, les recommandations actuelles s’orientent-elles plutôt vers les nouveaux antipsychotiques : rispéridone ou olanzapine (en évitant de dépasser 10 mg/j pour l’olanzapine au risque d’apparition d’effet anticholinergique). En matière d’antidépresseurs, le choix d’une molécule sérotoninergique sans effet cholinergique s’impose. Parmi les thymorégulateurs, la préférence va à l’acide valparoïque, en tenant compte de la protidémie, plutôt qu’au lithium dont la tolérance semble moins bonne chez les personnes âgées notamment en raison des perturbations hydroélectrolytiques fréquentes. * CH de Saint-Nazaire, service psychiatrie 2 Autre sujet abordé : la place de plus en plus importante accordée à la démence à corps de Lewy. Il s’agit d’une affection neurodégénérative se caractérisant par une démence de type cortical, associée à un syndrome parkinsonien. Les troubles de la mémoire ne sont pas majeurs au début. L’atteinte porte essentiellement sur l’attention et les activités intellectuelles de type frontal et visuospatiales. Cette maladie est souvent accompagnée de manifestations psychiatriques : humeur dépressive, troubles du sommeil, idées délirantes, hallucinations auditives ou visuelles, comportements violents ou agressifs. On observe fréquemment de grandes fluctuations dans l’expression de ces symptômes. Sur le plan neuropathologique, les lésions histologiques caractéristiques (les corps de Lewy) sont observées dans le cortex cérébral, en particulier dans les régions limbiques. Il s’agit d’inclusions cytoplasmiques à l’origine de lésions neuronales dégénératives typiques de la maladie de Parkinson et présentes dans la démence, avec ou sans les signes de la maladie de Parkinson. Les corps de Lewy sont composés de neurofilaments de forme rectiligne et d’une longueur de 7 à 20 nanomètres. Ils se rencontrent classiquement dans le locus niger des patients présentant une maladie de Parkinson idiopathique. Le même type d’inclusions est retrouvé dans le cortex des patients déments. Chez les sujets dont le cerveau présente aussi des plaques de substance amyloïde, la maladie prend alors le nom de maladie d’Alzheimer avec corps de Lewy diffus. Act. Méd. Int. - Psychiatrie (21), n° 1-2, janvier-février 2004 chiatres dans une confrontation des pratiques riche autant de ses stratégies consensuelles que de ses oppositions. Les thèmes traités furent nombreux, témoignant du développement exponentiel d’une pratique qui implique chaque jour toujours plus de médecins, compte tenu du vieillissement de la population occidentale. ■ Autrement dit, dans la démence à corps de Lewy, les corps de Lewy sont quelquefois prédominants ou quelquefois mélangés aux anomalies histologiques rencontrées dans la MA. La prévalence exacte de cette pathologie parmi la population générale n’est toujours pas connue. Néanmoins, la démence à corps de Lewy représente la deuxième démence la plus fréquente après la MA. À l’heure actuelle, il n’existe aucun traitement curatif. Il est parfois possible d’en traiter les symptômes, comme la dépression, et d’atténuer les hallucinations à l’aide de médicaments, mais une autre caractéristique de cette pathologie est sa grande sensibilité aux psychotropes. Ainsi, les benzodiazépines aggravent fréquemment la symptomatologie alors que le recours aux neuroleptiques s’accompagne de manifestations extrapyramidales importantes. Dans ces 29 Écho des congrès Écho des congrès conditions, l’abord thérapeutique est souvent délicat. Dans ce contexte, plusieurs intervenants ont rappelé l’intérêt des molécules procholinergiques sur les manifestations hallucinatoires et les troubles du comportement, indépendamment de leur effet cognitif, parfois associées aux antipsychotiques de seconde génération. Enfin, pour terminer sur une note plus futuriste, plusieurs ateliers étaient consacrés à l’utilisation des nouvelles technologies chez les personnes âgées. On passera rapidement sur la déjà “ancienne” réalité virtuelle appliquée à la rééducation des troubles de la marche de la maladie de Parkinson, pour évoquer l’importance prise par la télémédecine. Ainsi, si le recours à la téléconsultation spécialisée pour des patients isolés géographiquement est devenu une pratique presque courante dans certains pays (au Canada, notamment), l’utilisation de la “présence simulée” exposée par une équipe néerlandaise était plus originale. Devant l’intérêt suscité par l’utilisation d’enregistrements audio de familles de patients atteints de MA, les auteurs ont perfectionné leur approche en réalisant des “pseudo-entretiens” vidéo qui sont présentés aux patients déments à leur demande et vécus comme une pré- sence réelle de l’entourage familial. Cette “présence simulée” permet une diminution nette des troubles du comportement en rapport avec l’anxiété et se traduit, selon ces auteurs, par une diminution du recours aux traitements sédatifs. Bien d’autres thèmes furent encore présentés mais il serait impossible de tous les développer de façon exhaustive et synthétique. L’intérêt principal de ce type de rencontre est de permettre un échange entre des spécialistes qui ordinairement se croisent plus qu’ils ne s’écoutent, mais dont les intérêts sont communs : améliorer une fin de vie qui ■ nous attend tous. 30 Écho des congrès Écho des congrès