> Europe : actualités professionnelles psychiatriques

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professionnelle
> Europe : actualités
professionnelles
psychiatriques
>
H. Sontag, psychiatre libéral, Strasbourg.
Suisse : l’OMS montre l’exemple
après le quotidien suisse
Le Temps, publié à
Genève, une manifestation a été organisée par
les 700 salariés de l’OMS, dont le siège
est à Genève. Elle a consisté à cesser
le travail pendant une heure et à défiler autour des locaux de l’organisation, pour protester contre une longue
série de décisions prises par la Direction. Selon les manifestants, ces décisions vont à l’encontre de l’intérêt
non seulement des employés, mais de
l’institution tout entière ; cela a
amené le directeur général Lee Jong
Wook à menacer de licenciement
toutes les personnes susceptibles de
participer à ce mouvement (!).
La révélation du Temps qui semble
avoir mobilisé beaucoup de gens
consiste en celle de la présence de
deux questions inhabituelles dans les
formulaires que les candidats à l’embauche doivent désormais remplir
avant d’obtenir un rendez-vous :
“Fumez-vous, consommez-vous des
produits de tabac, et êtes-vous disposé à un sevrage en cas d’intégration
au sein de l’OMS ?”
Ceux qui avoueraient leur tabagisme,
et qui ne manifesteraient aucune
volonté particulière pour quitter cette
mauvaise habitude une fois devenus
D’
employés de l’OMS, verraient leur candidature automatiquement rejetée.
Cette disposition semble être très
solide juridiquement et Alain Simpson,
porte-parole de l’OMS, affirme que
cette décision ne peut être considérée
comme discriminatoire, et se justifie
par la volonté qu’a l’institution de servir d’exemple. Un avocat suisse spécialiste de ces questions, Charles Poncet, interrogé par Le Temps, ne peut
que confirmer avec regret : “la loi
n’est enfreinte que s’il est avéré qu’il y
a eu discrimination selon des critères
raciaux, ethniques ou religieux”, avant
de fustiger “une manifestation de plus
du délire politiquement correct dans
lequel nous vivons”.
Déjà d’autres voix s’élèvent. Citée par
Le Figaro, Manuela Tomei, membre du
Bureau international du travail, qui
siège aussi à Genève, n’est pas aussi
certaine que cette disposition ne
pourrait pas être attaquée pour discrimination, le fait de fumer en privé
n’étant en rien lié à l’aptitude à réaliser les tâches requises.
Il faut rappeler que de nombreuses
sociétés américaines se sont déjà
engagées dans cette voie et que 5 %
des employeurs américains refusent
les candidats s’avouant fumeurs.
Par exemple, Alaska Airways dépiste le
taux de nicotine dans le sang des postulants, la compagnie d’assurance
Weyco décidant pour sa part en janvier 2005 de taxer de 50 dollars par
mois ses employés fumeurs et les
menaçant de licenciement s’ils ne s’arrêtaient pas. Des considérations économiques sont systématiquement
invoquées par toutes ces compagnies
pour justifier leurs décisions.
Le rédacteur du Temps, qui a un certain humour, conclut en disant que,
cette mesure étant justifiée par l’OMS
par le comportement exemplaire que
se doivent d’avoir, selon elle, ses
employés, dans un domaine comme la
lutte antitabac où l’organisation est à
la pointe du combat, il reste à mettre
en place un contrôle de la fidélité
conjugale et de l’orthodoxie sexuelle
(puisque la lutte contre les maladies
sexuellement transmissibles
[MST] est également une priorité de cet organisme), un engagement sur l’honneur de ne pas boire
d’alcool pendant le week-end (le
combat contre l’alcoolisme n’étant pas
à négliger), et à refuser tous les
sujets dont l’indice de masse corporelle est supérieur à 30 (l’obésité
étant en phase de devenir la première
cause de mortalité prématurée dans
les pays développés)...
■
La Lettre du Psychiatre - Suppl. Les Actualités au vol. II - n° 1 - mars 2006
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> Vie
professionnelle
Italie : état de la psychiatrie près de 25 ans après Basaglia
n peut se poser la question
de savoir ce que sont devenus les malades mentaux en
Italie, près de 25 ans après
la révolution Basaglia. Les répercussions humaines ont souvent été abordées, et l’exemple italien actuel
semble avoir permis aux patients et
aux professionnels de trouver un équi-
O
libre à la suite de la diminution des
dépenses de santé, sans que cela soit
préjudiciable à qui que ce soit.
Pour mémoire : à partir de 1980, l’Italie
s’est débarrassée de ses hôpitaux
psychiatriques en les remplaçant par
des structures d’accueil légères,
ouvertes 24 h/24, dotées de quelques
lits de secours. Le but était d’obtenir
que le malade mental puisse
bénéficier d’un logement,
d’un travail autant que faire
se peut, tout en lui laissant
une grande liberté. Actuellement, le pays compte en tout
et pour tout cinq établissements psychiatriques qui
sont des établissements judi-
Espagne : démographie
et retraite des médecins
Espagne, qui jusqu’à présent avait connu un fort développement de son nombre de médecins en raison d’un
effort très important dans le développement de la
santé publique entre les années 1960 et 1970, présente actuellement le même profil que de nombreux pays de
l’Union européenne. On assiste à un vieillissement des médecins, ainsi qu’à une pénurie de professionnels de santé dans
certaines provinces. Devant cet état de fait, les autorités sanitaires de la région de Madrid ont récemment décidé de permettre aux professionnels de santé actuellement en poste de
retarder leur départ à la retraite, avec une limite d’âge passant
de 65 à 70 ans pendant une période transitoire, tant que le
manque de personnel ne sera pas résolu.
Pour faire face à la pénurie, l’Espagne est obligée d’augmenter
le quota des médecins venant d’Amérique latine, ce qui, surtout
pour la psychiatrie, ne pose pas de problèmes majeurs si l’on
ne tient pas compte des formations qualitativement très
inégales selon les pays latino-américains, étant donné la
connaissance de la langue et l’existence de relations bilaté■
rales traditionnelles.
L’
14
La Lettre du Psychiatre - Suppl. Les Actualités au vol. II - n° 1 - mars 2006
ciaires, réservés aux sujets socialement
dangereux, et les auteurs de crimes
présentant des troubles mentaux reçoivent des soins en milieu carcéral.
Suivant l’exemple de Basaglia, les Italiens auraient jugé que l’hôpital psychiatrique ne soigne pas ; quant aux
pouvoirs publics, ils ont alors mis l’accent sur une diminution des dépenses.
Les structures légères ont entraîné une
diminution de moitié des crédits
alloués à la santé mentale et les prescriptions de psychotropes ont été divisées par trois. Cet exemple semble
intéresser particulièrement la Commission européenne, qui cherche, par tous
les moyens, à réduire les dépenses
sans diminuer la qualité des soins. ■
Union européenne :
la question des examens
européens
e Conseil de direction de l’Union
européenne des médecins spécialistes (UEMS) a discuté récemment
de la question des examens européens et, sur proposition des délégués des
différentes sections, il a été convenu de
tenir une session de travail en mai 2006 sur
ce point. Cette session se penchera sur
divers enjeux d’intérêts pour les médecins
spécialistes européens, comme notamment
l’harmonisation de la qualité dans la formation médicale. Cette réunion visera à clarifier la situation des examens conduits au
niveau européen, notamment vis-à-vis des
standards nationaux, tout en reconnaissant
que ces examens ne doivent pas avoir de
valeur au plan juridique, ni supplanter les
■
certifications nationales.
L
Tchéquie :
études médicales
Union européenne :
définition de l’acte médical
ors de sa dernière réunion à Munich, les 21 et 22 octobre 2005, le
Conseil de direction de l’Union européenne des médecins spécialistes a adopté une définition européenne de l’acte médical. Cette
définition, qui recouvre un large éventail d’actions réalisées par les
médecins spécialistes, constituant la spécificité des activités professionnelles
des spécialistes, se base sur une définition précédente adoptée en 1996.
Cette mise à jour avait été sollicitée par un certain nombre de sections de
l’UEMS, afin d’établir clairement la description des tâches des spécialistes.
Cet acte médical a été défini par le Conseil de l’UEMS comme suit :
“L’acte médical comprend toutes les actions professionnelles, les
démarches scientifiques d’enseignement, de formation et de pédagogie,
cliniques et médico-techniques, accomplies afin de promouvoir la santé,
prévenir les maladies, fournir un diagnostic ou un soin thérapeutique aux
patients, individus, groupes ou communautés et ressort de la responsabilité d’un docteur en médecine reconnu et peut toujours être accompli par
celui-ci ou sous sa supervision directe et/ou prescription.”
Ce texte a été transmis aux autres organisations médicales européennes
pour information.
■
L
Parlement européen :
directive sur les services
l’occasion d’une réunion à
Bruxelles du 21 au 23 novembre 2005, la Commission marché intérieur et
protection du consommateur a
examiné le projet de rapport d’Evelyne Gebhardt concernant les services dans le marché intérieur. Ce
projet de directive avait fait couler
beaucoup d’encre, puisque, bien
qu’il ait déjà été annoncé depuis
2002, il avait été présenté, par les
adversaires de l’idée d’une constitution européenne lors du référendum en France, comme “liberticide”. Il avait été agité comme une
mainmise de Bruxelles sur les services, et il concernait aussi la
santé.
Après de nombreux reports, le
texte a finalement été voté par le
Parlement européen et, alors que
À
les services d’intérêt économique
général ont été inclus dans le
champ d’application de la directive, les eurodéputés ont convenu
d’en exclure les services de santé
et les services publics.
Le texte du rapport final doit
maintenant être approuvé en
séance plénière. Il sera revu par la
Commission et le Conseil européens puis repassera en deuxième
lecture au Parlement avant adoption.
Ce vote met actuellement entre
parenthèses le risque que la santé,
et particulièrement la santé mentale, soit tenue pour un service
comme les autres, sans considération d’aucune spécificité, faisant
des malades des consommateurs,
avec toutes les conséquences négatives que cela pourrait entraîner. ■
a Tchéquie, après avoir
réformé son système d’enseignement supérieur, attire de
plus en plus d’étudiants étrangers. Certaines disciplines comme la
médecine ou la musique sont particulièrement prisées, et, associé à un bon
niveau d’études universitaires, le faible
coût de la vie en Tchéquie favorise l’afflux d’étudiants étrangers (de 9 300 à
la rentrée 2001 à plus de 18 000 l’an
dernier). Le problème de la langue n’en
est plus un, comme le souligne le
Centre français de recherche en
sciences sociales de Prague, car, pour
ceux qui sont incapables de comprendre la langue tchèque, de nombreuses universités ont créé des
filières en anglais. Pour la médecine,
l’université Charles, qui est l’une des
plus anciennes d’Europe, et dont le
cycle de médecine en anglais connaît
un énorme succès : depuis sa création
en 1993, il est passé de 17 inscrits à
quelque 120 aujourd’hui. Du fait du
développement d’Internet, les informations sont faciles à trouver, et le
charme de Prague et sa réputation festive contribuent beaucoup à ce succès.
Même les Britanniques viennent en
grand nombre puisque Londres reconnaît
le diplôme tchèque sans examen ni validation supplémentaire. Les Allemands
sont également très présents, un accord
leur permettant maintenant de commencer leur cursus en République
tchèque pour le terminer dans leur pays.
Les inscriptions du cycle anglais sont
devenues le principal revenu de la
première faculté de médecine de
Tchéquie et représentent 15 à 20 %
de son budget. Ces filières anglaises
sont payantes, mais leur suivi ne
coûte que 8 000 à 8 500 euros par an,
ce qui est relativement peu par rapport aux universités payantes d’Europe, et il y a toujours la possibilité
d’apprendre le tchèque, auquel cas la
formation universitaire est gratuite.■
L
La Lettre du Psychiatre - Suppl. Les Actualités au vol. II - n° 1 - mars 2006
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> Vie
professionnelle
Harmonisation européenne :
conséquences du décret du 19 avril 2005
es conséquences du remboursement des frais médicaux
avancés par les patients au
sein de l’Union européenne
ont donné lieu à un décret en France
le 19 avril 2005 dans le but d’harmoniser ces remboursements. Jusqu’à
présent, si un assuré français choisissait de consulter un médecin de
l’Union européenne, la Sécurité sociale
se devait de le rembourser. Or, le remboursement reposait sur le tarif dit
“d’autorité” – car, par la force des
choses, le médecin européen n’était
pas conventionné –, et ce tarif d’autorité était de 50 cents à un euro pour
une consultation. Ce remboursement
discriminatoire constituait à l’évidence
une distorsion de concurrence propre
à interdire aux médecins européens
l’accès de la clientèle française.
Ce décret règle donc actuellement ce
problème. Il dit en substance que
“les caisses d’assurance maladie procèdent au remboursement des frais de
soins dispensés aux assurés sociaux et
L
à leurs ayants droit dans un État
membre de l’Union européenne ou lié
à l’accord sur l’Espace économique
européen, dans les mêmes conditions
que si les soins avaient été reçus en
France”, et la circulaire d’application
confirme que “le principe général de
la prise en charge des soins reçus
dans l’Union européenne, notamment
pour les consultations des professionnels de santé, est qu’elle s’effectue
sur la base des tarifs conventionnels
et non plus des tarifs d’autorité”. Si
l’on s’en tient au droit, les patients
français qui consultent à l’étranger
seraient remboursés sur le tarif habituel des caisses de maladie françaises
mais, par extension, ceux qui consultent des médecins français non
conventionnés aussi.
En effet, ce règlement communautaire
s’applique, bien sûr, en Europe mais
aussi en France, et les patients bénéficient également d’une prise en
charge sur la base des tarifs conventionnels et non plus des tarifs d’auto-
rité. Dans le cas contraire, il s’agirait
d’une discrimination fondée sur la
nationalité, spécifiquement interdite
dans l’Union européenne, et l’on peut
penser qu’il se trouvera probablement
(comme pour la mise en concurrence
de la Sécurité sociale) des institutions
pour nous expliquer que ces textes ne
concernent que les cas marginaux, les
frontaliers ou les touristes. On trouvera aussi probablement des juges ou
des fonctionnaires de l’ordre judiciaire
qui feindront d’ignorer le plus longtemps possible que le droit européen
est un droit interne qui a pour seule
particularité d’être commun à plusieurs pays alors qu’il s’impose aux
États.
Enfin, la liberté de choix du patient
sera enfin respectée et un médecin
lassé de la convention pourrait la
dénoncer sans crainte de perdre une
partie de sa clientèle. Un début d’application vient d’être confirmé par la
Caisse régionale de l’assurance maladie
d’Alsace-Moselle. Elle offre en effet la
possibilité de recourir à des soins dans
l’Union européenne dans les mêmes
conditions qu’en France. Cette position est renforcée par l’accord cadre
franco-allemand du 22 juillet 2005. ■
Pays-Bas : influence de l’organisation des soins
sur la prescription médicamenteuse
ne étude pilotée par l’INSERM, réalisée à partir d’entretiens semi-directifs et
d’observations de généralistes néerlandais en comparaison
avec des praticiens français, s’est
révélée être très instructive. En effet,
la modification du système de santé
avec la réforme de la Sécurité sociale
va accentuer l’importance du médecin
généraliste pour l’accès aux soins
mentaux, même si celle-ci, pour le
U
16
moment, n’est pas encore codifiée. Or,
le système néerlandais privilégie le
passage par le médecin généraliste
pour l’accès, par exemple, au psychiatre. La sociologue Sophia Rosman,
d’origine néerlandaise, tire les enseignements de cette étude : “En France,
la facilité d’accès aux généralistes
favorise chez les patients une
demande de réparation immédiate
sous forme de médicaments et la pression porte le plus souvent sur les
La Lettre du Psychiatre - Suppl. Les Actualités au vol. II - n° 1 - mars 2006
médicaments dits de confort mais
rarement, voire jamais, sur le traitement de longue durée.”
Aux Pays-Bas, les choses se déroulent
autrement, puisque le contact avec le
médecin généraliste passe par l’intermédiaire d’une assistante médicale qui filtre
les demandes, évalue la gravité des
symptômes, établit et donne des conseils
téléphoniques si ceux-ci lui semblent
mineurs. L’accès au psychiatre se fait par
le passage obligé chez le généraliste.
Ce système est caractérisé par le phénomène de la gradation des responsabilités relevant apparemment du
médecin généraliste, voire du spécialiste, et celles-ci sont aujourd’hui de
plus en plus déléguées aux professionnels paramédicaux qui exercent
dans les cabinets de médecine générale. Ils prennent en charge le suivi
des maladies chroniques ou des pathologies courantes, ce qui contribue à
limiter les prescriptions.
Les patients sont inscrits sur une liste
auprès des généralistes et le praticien
ne risque pas de perdre un patient s’il
ne prescrit pas à la fin de la consultation, celle-ci ne donnant pas lieu à une
rémunération de la part du patient.
En France, le système est tout à fait
différent. La rémunération à l’acte et
la transaction financière directe entre
médecin et patient favorisent un
échange reposant sur le don et le
“contre-don”, comme si cet échange
devait obligatoirement passer par la
remise d’une ordonnance matérialisant
la compassion du médecin pour son
patient.
Il existe non seulement une différence
dans l’organisation des soins, mais
aussi des différences culturelles. Si le
patient français comprend souvent que,
chez le psychiatre, il n’est pas obligé
d’avoir une prescription, il le comprend
encore plus facilement aux Pays-Bas,
où la consultation, plus courte qu’en
France, repose davantage sur la parole
que sur l’écrit : expliquer, rassurer,
informer, éduquer sont les termes qui
caractérisent les rencontres médecin/patient, alors qu’en France la trace
laissée par le médecin est l’ordonnance,
celle-ci devenant par là même autant
un acte social qu’un acte médical.
Les médecins néerlandais sont habitués depuis longtemps à la constitution de groupes de pairs dans lesquels
ils réfléchissent à leur pratique de
prescription et, de ce fait, exercent un
certain contrôle social sur la prescription de leurs confrères.
La prudence des médecins, quand elle
ne consiste pas en une réserve vis-à-
vis du médicament, semble être à
mettre au compte de la formation initiale, car en France les étudiants des
facultés de médecine ne sont pas formés aux alternatives aux médicaments, la non-prescription n’y étant
pas enseignée.
Aux Pays-Bas, les médecins exercent
dans une logique de restriction où il
ne convient pas de prescrire un médicament, sauf si, avec évidence, la
pathologie ne peut pas évoluer favorablement sans traitement médicamenteux. Cette logique, fondée sur la
perception de la capacité d’autoguérison du corps, est confortée par une
recommandation de bonnes pratiques
qui est très suivie aux Pays-Bas.
Par ailleurs, le médicament peut même
être perçu comme un produit potentiellement nocif, en cas de mésusage. Il
garde son pouvoir, précisément parce
qu’on y a peu recours, ce qui va totalement à l’encontre des habitudes françaises et expliquerait la consommation
tout à fait exponentielle et exagérée de
médicaments par les Français.
Le problème se pose d’autant plus qu’en
psychiatrie la France a une consommation de psychotropes parmi les plus
fortes de l’Union européenne, généra■
listes et psychiatres confondus.
Commission européenne :
livre vert de l’Union européenne sur la santé mentale
a Commission européenne
entend améliorer la prise en
charge des malades mentaux,
après consultation publique
des populations des 25 pays de
l’Union européenne. Elle a récemment
adopté un “Livre Vert” ou “Green
Book” à la suite de la communication
de M. Kyprianou, commissaire européen en chage de la santé et de la
protection du consommateur.
L
Pour prendre quelques exemples de sa
communication : les placements d’office
sont 40 fois moins nombreux au Portugal qu’en Finlande (à population
égale) ; en Slovaquie la part du budget
réservé à la santé mentale est de 20 %
du budget de la santé et au Luxembourg
de 13 % (mais avec une population
15 fois moindre). Les troubles psychiques touchent plus d’un européen
adulte sur 4 (27 % d’après une étude
récente) et représentent 52 000 suicides
sur 58 000 suicides recensés. Toujours
d’après ce rapport, les conséquences
économiques de ces pertes humaines
peuvent représenter jusqu’à 4 % du produit national brut selon les états.
Le niveau de santé mentale est également supposé avoir une influence
importante sur le bien-être économique et social de la société. Pourtant, jusqu’à récemment, d’autres
La Lettre du Psychiatre - Suppl. Les Actualités au vol. II - n° 1 - mars 2006
17
> Vie
professionnelle
questions de santé publique, comme
le cancer ou les toxicomanies, ont
éclipsé l’importance de la santé mentale ; c’est pourquoi la Commission
cherchait à initier un large débat sur
la question afin d’examiner les
meilleurs moyens d’élaborer une stratégie communautaire globale sur la
santé mentale. Ce livre vert adopté
par la Commission propose trois
domaines d’actions concernant l’Union
européenne :
✓ Ouverture d’un dialogue avec les
États membres en vue de convenir d’un
plan d’action sur la santé mentale ;
✓ Lancement d’une plate-forme de
l’Union européenne sur la santé mentale ;
✓ Renforcement des moyens d’information sur la santé mentale à l’échelon de l’Union européenne.
Ces propositions s’inscrivent dans le
suivi donné par la Commission à la
conférence ministérielle sur la santé
mentale organisée par l’OMS à Helsinki en janvier 2005. Le processus de
consultation a été lancé le 24 octobre
2005 lors d’une conférence qui s’est
tenue à Luxembourg.
Les gouvernements, les ONG, les parties prenantes et les citoyens sont
invités à formuler leurs commentaires sur les domaines d’intervention
proposés dans le livre vert et sur le
rôle à jouer par l’Union européenne
dans la problématique de la santé
mentale.
La consultation se poursuivra jusqu’au
30 avril 2006, après quoi la Commission s’appuiera sur les réponses reçues
afin d’élaborer une proposition de
stratégie communautaire en matière
de santé mentale.
■
Pour en savoir plus…
◆ Livre vert : Promouvoir la santé mentale de la population et stratégie européenne sur la santé mentale.
◆ Discours de Markos Kyprianou, commissaire européen en charge de la santé et de la protection du consommateur :
Towards Strategy on Mental Health for the EU - Luxembourg 24 octobre 2005.
Parlement européen :
développer les médicaments pédiatriques
e Parlement européen a
adopté un nouveau règlement
sur les médicaments pédiatriques afin d’encourager leur
développement, leur recherche et leur
commercialisation. Depuis deux ans,
l’UE prépare un règlement spécifique
sur les médicaments pédiatriques pour
répondre à une lacune de la politique
pharmaceutique européenne. En effet,
l’Union compte plus de 100 millions de
jeunes de moins de 18 ans, et la quasitotalité des médicaments administrés
aux enfants de tous âges est constituée de médicaments pour adultes
dont les dosages sont réduits en fonction du développement de l’enfant, ce
qui entraîne des traitements imparfaits, inadaptés, et des effets secondaires graves qui pourraient être évités grâce à des produits spécifiques
mis au point pour les enfants, comme
c’est le cas en psychiatrie.
Ce projet de directive avait déjà été
annoncé il y a quelques mois et les
L
18
États-Unis ont commencé depuis
longtemps à mettre en pratique ce
type de recherches, ce qui leur donne
une avance considérable sur l’Europe,
avec plus d’une centaine de produits
déjà commercialisés et surtout testés
pour être adaptés aux enfants.
Compte tenu du coût élevé qui risque
d’apparaître pour la mise au point, la
recherche et le développement de
médicaments pédiatriques, un comité
pédiatrique sera créé au sein de
l’Agence européenne du médicament à
Londres pour évaluer les besoins dans
ce domaine. On évitera aussi les essais
cliniques redondants, ce qui permettrait d’accélérer la mise au point de
ces nouveaux produits, et lors des
recherches portant sur les médicaments de l’adulte, des recherches spécifiques devront avoir lieu concernant
les enfants, sans retarder l’élaboration
du produit adulte. Un financement par
un fonds de recherches sur ces études
concernant les médicaments déjà tom-
La Lettre du Psychiatre - Suppl. Les Actualités au vol. II - n° 1 - mars 2006
bés dans le
domaine
public représente là aussi
un nouveau motif
d’intérêt. Sur le plan pratique, les
industriels seraient incités financièrement à développer ces médicaments,
grâce à une prolongation de six mois
du certificat complémentaire de leur
brevet, ce qui leur permettra de compenser leur investissement qui, jusqu’à
présent, ne peut dépasser 15 ans.
Ce nouveau règlement ne devrait pas
voir le jour avant 2006, car il doit être
suivi d’une seconde lecture au Parlement européen, puis d’un nouveau vote.
Ces dispositions risquent d’augmenter
le prix des médicaments de 0,7 à 1 %,
mais la commercialisation de médicaments mieux adaptés aux enfants permettra d’accroître leur efficacité et de
diminuer les effets indésirables, ce
qui, en fin de compte, serait écono■
miquement rentable.
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