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Intérêt de l’analgésie contrôlée par le patient
dans les douleurs non cancéreuses
● A. Langlade*
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éveloppée dès les années 60 pour traiter les douleurs postopératoires, l’analgésie contrôlée par le
patient (ACP), ou PCA des Anglo-Saxons
(patient controlled analgesia), est une technique d’administration des morphiniques qui permet au patient d’adapter luimême sa consommation à ses besoins. La PCA est plus rarement utilisée dans le traitement des douleurs chroniques
bénignes. Néanmoins, le principe même de la technique laisse
envisager certaines circonstances où la PCA peut aider à la
prise en charge thérapeutique de ces douleurs.
PRINCIPE DE LA PCA
C’est en 1965 que Sechzer (1) conçut cette technique par
laquelle le patient peut contrôler la dose de morphinique qu’il
reçoit. D’un point de vue pharmacocinétique, la PCA permet
au patient de maintenir la concentration plasmatique de morphinique qui est efficace pour lui. Cela sous-entend que cette
concentration plasmatique efficace (CPE) est d’abord établie
(phase de titration), puis maintenue par le patient lui-même
(PCA). Ainsi, dès qu’il ressent une douleur, le patient appuie
sur un bouton poussoir, relié à un pousse-seringue informatisé,
déclenchant l’administration intraveineuse d’une faible dose
de morphinique.
UTILISATION DE LA PCA
Cette technique d’administration a surtout été développée pour
traiter les douleurs postopératoires. Appliquée à la voie intraveineuse, la PCA permet de remplacer l’administration souscutanée de morphine d’un manière avantageuse : il a en effet
été démontré qu’elle offre une meilleure qualité d’analgésie et
une plus grande satisfaction des patients que celles observées
lors d’une administration sous-cutanée (2).
Concernant le traitement des douleurs chroniques, l’emploi de
la PCA est plus limité. L’indication la plus fréquente est le
traitement des douleurs chroniques cancéreuses. En effet,
* Centre de la douleur, hôpital Tenon, Paris. Présidente de la Société francophone d’étude de la douleur (SOFRED).
La Lettre du Pneumologue - Vol. II - n° 5 - octobre 1999
quand le contrôle d’un traitement administré par voie orale est
devenu impossible à réaliser et/ou s’il existe une incapacité à
employer des patchs transdermiques de fentanyl, le passage à
l’administration parentérale de morphine selon la technique de
PCA représente la solution thérapeutique.
Le traitement de douleurs chroniques bénignes fait rarement
appel au traitement morphinique. On est parfois amené à le
proposer pour traiter certaines douleurs échappant aux traitements conventionnels : c’est le cas, en particulier, des douleurs
neuropathiques et des douleurs d’origine rhumatologique (3,
4). On peut individualiser deux situations où la technique de
PCA peut aider à la réalisation du traitement antalgique :
❏ lorsqu’il s’agit de traiter un épisode aigu douloureux ayant
nécessité une hospitalisation ;
❏ lorsqu’il faut initier avec précision un traitement morphinique, qui sera ensuite administré par voie orale.
MODALITÉS D’UTILISATION
Peu d’éléments existent dans la littérature, et les quelques
règles énoncées ici découlent de la pratique de la PCA dans le
traitement des douleurs postopératoires.
Les morphiniques
Dans le domaine des douleurs aiguës postopératoires, il a été
démontré que l’administration de morphiniques liposolubles
(fentanyl, sufentanil), comparée à celle de la morphine, n’augmente pas la qualité de l’analgésie, ni la satisfaction des
patients. C’est dire que tous les morphiniques peuvent être
employés dans une PCA.
Concernant les douleurs chroniques bénignes, les seuls traitements qui pourront assurer le relais sont les morphines à libération prolongée administrées par voie orale (Moscontin®, Skenan®, Kapanol®). En effet, Durogesic® (patch transdermique de
fentanyl) ne possède pas encore l’AMM pour le traitement des
douleurs chroniques non cancéreuses.
Compte tenu de ces deux remarques, la morphine est le médicament qu’il faut employer en PCA pour traiter les douleurs
chroniques non cancéreuses. Après l’obtention d’un soulagement complet, une conversion peut être réalisée entre la dose
administrée par voie parentérale et celle qui sera prescrite par
voie orale.
Il conviendra également d’ajouter du dropéridol (Droleptan®)
dans la seringue de morphine pour réduire l’incidence des nau181
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sées et vomissements (5). À la dose de 0,05 mg par milligramme de morphine, le dropéridol permet de réduire la sévérité et l’incidence des effets secondaires sans induire de somnolence. Cet aspect de l’utilisation de la PCA est important à
considérer dans la mesure où la survenue de tels effets indésirables conduit le patient à limiter sa consommation de morphine, donnant ainsi des renseignements erronés sur ses réels
besoins en antalgiques.
La voie d’administration
La morphine employée selon la technique de PCA peut être
administrée soit par voie intraveineuse, soit par voie sous-cutanée. Du fait de la réabsorption, on peut s’attendre à ce que la
voie sous-cutanée n’offre pas les mêmes avantages que la voie
intraveineuse, à savoir un délai d’action rapide, un contrôle
plus rapide et plus facile de l’efficacité du produit employé. Il
faut donc, chaque fois que cela est possible, privilégier la voie
intraveineuse.
La titration
Que le patient soit hospitalisé ou qu’il soit traité à domicile,
l’initiation du traitement morphinique par voie intraveineuse
selon la technique de PCA nécessite de réaliser une titration.
La titration permet d’établir rapidement, pour le patient considéré, la concentration plasmatique de morphine qui sera efficace. Il suffit d’injecter, par voie intraveineuse, 3 à 5 mg de
morphine toutes les 10 minutes, jusqu’à obtenir soit une somnolence, soit un soulagement coté en dessous de 4 sur une
échelle visuelle analogique (EVA). Une fois que cette concentration est établie, le patient pourra maintenir cette qualité
d’analgésie en appuyant sur son bouton poussoir, qui délivrera
la dose bolus prescrite.
Les paramètres de la pompe
Le patient gère sa douleur, mais il reste sous le contrôle du
médecin qui a prescrit la PCA. En effet, celui-ci doit fixer les
valeurs de la dose bolus, de la période d’interdiction et de la
dose limite des 4 heures.
• La dose bolus est la dose que reçoit le patient quand il appuie
sur le bouton poussoir. Elle ne doit pas être trop importante
pour éviter l’apparition d’effets secondaires comme la somnolence. Elle doit être suffisante pour que le patient puisse ressentir les bénéfices de l’injection. La dose de 1 mg de morphine permet d’obtenir un bon niveau de soulagement pour la
majorité des patients (6).
• La période d’interdiction est le temps pendant lequel, même
si le patient appuie sur son bouton poussoir, il ne reçoit aucune
injection de morphine. Elle correspond au délai d’obtention du
pic d’analgésie du morphinique employé. Elle ne doit être ni
trop prolongée, pour éviter l’insatisfaction du patient, ni trop
courte, afin d’éviter les surdosages (7).
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• La dose limite horaire ou des 4 heures permet plus de surveiller que de limiter la consommation de morphine dans le
temps. Son utilisation n’est pas obligatoire, mais c’est un paramètre de contrôle permettant de renforcer la sécurité de la
technique. Elle peut être fixée à 5-6 mg/heure, soit 20-24 mg
pour 4 heures, et doit pouvoir être modifiée rapidement.
La durée du traitement par PCA
On peut considérer deux cas de figure :
• Le patient est traité pour un épisode aigu de sa maladie :
dans ce cas, on peut laisser la pompe jusqu’à la fin de cet épisode, si celui-ci est court. La fin de l’épisode est annoncée par
une diminution de la consommation de morphine. Sinon, on
assurera un relais par une prise orale de morphine.
• Le patient a bénéficié d’une PCA pour initialiser un traitement par voie orale qui durera plusieurs mois, le but étant de
déterminer la posologie journalière.
Dans les deux cas, dès que le patient est stabilisé, la dose journalière de morphine administrée par voie orale sera calculée à
partir de la dose journalière injectée par voie intraveineuse, en
la multipliant par 3.
Cette dose orale sera fractionnée en deux prises si l’on utilise
Skenan® ou Moscontin® ; elle ne sera pas fractionnée dans le
cas de Kapanol®. Si la PCA a jusque-là été utilisée par voie
sous-cutanée, le facteur de conversion est de 2.
CONCLUSION
L’utilisation de la PCA dans le traitement des douleurs chroniques bénignes est réduite. Cependant, les renseignements
qu’elle peut fournir concernant les besoins en morphine des
patients sont précieux, car adaptés à chaque cas. Il faut penser
à recourir à cette technique chaque fois que le contrôle de la
douleur est difficile à obtenir.
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1. Sechzer P.H. Objective measurement of pain. Anaesthesiology 1968 ; 29 :
209-10.
2. Ballantyne J.C., Carr D.B., Chalmers T.C. et coll. Postoperative patientcontrolled analgesia : meta-analysis of initial randomized controlled trials. J
Clin Anesth 1993 ; 5 : 182-93.
3. Stein C. Opioid treatment of chronic nonmalignant pain. Anesth Analg 1997 ;
84 : 912-4.
4. Nisell R., Arner S., Ekblom A. et coll. Pain analysis is vital in rheumatic
diseases. The pain is often the patient’s worst problem. Lakartidningen 1998 ;
95 (11) : 1130-2, 1135-6, 1138-9.
5. Sharma S.K., Davies M. Patient-controlled analgesia with a mixture of morphine and droperidol. Br J Anaesth 1993 ; 71 : 435-6.
6. Love D.R., Owen H., Isley A.H. A comparison of variable-dose patientcontrolled analgesia with fixed-dose patient-controlled analgesia. Anesth Analg
1996 ; 83 : 1060-4.
7. Ginsberg B., Gil K.M., Muir M. et coll. The influence of lockout intervals and
drug selection on patient-controlled analgesia following gynecological surgery.
Pain 1995 ; 62 : 95-100.
© La Lettre du Rhumatologue n° 252
La Lettre du Pneumologue - Vol. II - n° 5 - octobre 1999
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