Réunion R éunion XIIe Congrès des actualités du Pharo* M ême si les XIIes Actualités du Pharo étaient en principe dévolues aux rétroviroses humaines tropicales, d’autres sujets tropicaux ont été abordés comme les helminthiases, le paludisme et le Chikungunya. HELMINTHIASES : NOUVELLES STRATÉGIES THÉRAPEUTIQUES Un symposium a été consacré à la prise en charge des helminthiases. L Nouveautés thérapeutiques dans les traitements antihelminthiques (d’après la communication de X. Bohand, Clamart) L’accent a d’emblée été mis sur le peu de moyens dont bénéficie la recherche de nouveaux traitements contre les helminthiases, maladies qui concernent pourtant au moins 25 % de la population mondiale. Mais un grand progrès a été réalisé avec l’arrivée de l’ivermectine, du praziquantel et des benzamidazolés. De nouvelles voies thérapeutiques s’ouvrent en outre avec deux nouvelles molécules (tribendimidine, nitazoxamide), l’utilisation d’associations de plusieurs molécules, l’étude de plantes traditionnelles et l’élaboration de vaccins (ankylostomiase). L Alternatives thérapeutiques en cas d’échec d’un premier traitement dans les helminthiases intestinales (d’après la communication de P. Rey, Metz) Parmi les 342 espèces d’helminthes retrouvées chez l’homme, seules quelques-unes sont pathogènes au niveau intestinal : ascaris, ankylostomes, oxyures, anguillules, trichocéphales, schistosomes, tænia, etc. Avant de parler d’échec d’un traitement antihelminthique (les états d’immunodépression ne sont pas pris en compte ici), une démarche rigoureuse doit être mise en œuvre, et il faut répondre à quatre questions : Le diagnostic parasitaire n’est-il pas erroné ? La confusion entre un parasite et un élément non pathogène (fibre alimentaire, parasite autre) peut être facile (plusieurs diapositives en ont témoigné). Par ailleurs, certains parasites, saprophytes et pathogènes, se ressemblent beaucoup. La parasitose en cause a-t-elle réellement été identifiée ? Il faut se méfier du polyparasitisme et ne pas hésiter à répéter les examens (jusqu’à 6 fois !). Le traitement proposé a-t-il été bien adapté ? L’enquête doit porter sur la compliance, la prise par rapport aux repas, l’existence de signes de malabsorption, l’adaptation des doses au poids du patient. Une recontamination serait-elle en cause ? En pays d’endémie, cela peut survenir rapidement. * 7-9 septembre 2006, Marseille. 230 En tout dernier lieu, on évoquera une résistance parasitaire, mais rien ne pourra objectiver cette notion. Les traitements possibles dépendent de l’helminthiase en cause (mais l’ivermectine et l’albendazole ont un spectre très large) : Strongyloïdoses : ivermectine en une seule fois. En cas d’échec, répéter la dose une fois à J15. En cas d’infection sévère, traiter à la même dose trois jours de suite (le traitement par albendazole est plus controversé). Ankylostomiases : association de mébendazole 500 mg + lévamizole 80 mg ou ivermectine 200 μg/kg + albendazole 400 mg en une prise ; l’efficacité de l’oxibendazole reste à confirmer. Tæniases : pour Taenia saginata et Taenia solium, le praziquantel 10-20 mg/kg en une prise unique (mais hors AMM !) est efficace. Sinon, l’albendazole (400 mg/j pendant 3 jours) ou le niclosamide (2 ou 3 grammes en cure unique) sont des alternatives efficaces. Seules les graines de courge fraîches (30100 grammes) sont possibles en cas de grossesse. Pour Hymenolepsis nana, le praziquantel (25 mg/kg en dose unique) est efficace dans 90 % des cas. L’alternative est le nitazoxamide (3 g/j, en dose unique). Fascioloses : l’efficacité du triclabendazole (10 mg/kg par dose) est augmentée en doublant la dose sur deux jours ; le nitazoxamide (500 mg/j/7 jours) et le métronidazole (1,5 g/ j/21 jours) offrent une alternative possible. Schistosomiases : le praziquantel est efficace avec une seconde cure à J15 ou J21. MActualités des impasses parasitaires (d’après la communication de J.F. Magnaval, Toulouse) Ces pathologies sont émergentes chez les voyageurs. Leur prévention est efficace et facile : abstention de la consommation de chairs crues d’invertébrés ou de vertébrés poïkilothermes (poissons, batraciens, etc.). Angiostrongyloïdose : seuls Angiostrongylus cantonensis et Angiostrongylus costaricensis sont en impasse parasitaire, parmi les 20 espèces d’Angiostrongylus connues. L’homme est contaminé par A. cantonensis en ingérant des crudités souillées et mal lavées, ou en consommant des hôtes paraténiques crus ou peu cuits (crabes, crevettes d’eau douce). Cette parasitose est endémique aux Antilles, dans les Caraïbes, en Extrême-Orient, en Océanie et en Amérique centrale. Le tableau caractéristique est celui d’une méningite fébrile hyperéosinophilique. Le diagnostic sérologique n’est pas performant. Le traitement est symptomatique (corticoïdes, antihelmintiques controversés). A. costaricensis est retrouvé des États-Unis à l’Argentine, ainsi que dans les Caraïbes. La contamination se fait lors d’ingestion de crudités souillées et mal lavées, par contacts directs manuportés avec le mucus des gastéropodes parasités ou par ingestion accidentelle de ces derniers. Les larves se localisant La Lettre de l’Infectiologue - Tome XXI - n° 5 - septembre-octobre 2006 dans la circulation mésentérique humaine se fixent in situ dans les parois intestinales et provoquent des granulomes à éosinophiles. Le diagnostic est fait a posteriori sur l’anatomopathologie postopératoire. La sérologie croise très souvent avec celle des autres nématodes. L’efficacité des antihelmintiques n’est pas prouvée. Les cas décrits augmentent. Anisakiases : ce sont de grands nématodes dont les hôtes définitifs sont les grands mammifères marins, dont les excréments contaminent des crustacés. Puis la contamination des poissons pélagiques survient, jusqu’à 50 à 100 % d’entre eux ! Or ces larves se logeront dans la chair du poisson si la découpe après la pêche n’est pas correctement faite ; elles résistent par ailleurs à la fumaison, aux vinaigres faibles ou à la conservation pendant une semaine à - 20 °C. Les manifestations sont d’ordre digestif par fixation des larves dans les parois intestinales (pseudo-ulcère, granulomes et occlusion) ou d’ordre allergique (présence de paramyosine, allergène thermostable et cryostable) du simple urticaire au choc, ou sous forme de pseudo-allergie au poisson. Le diagnostic se fera sur des pièces anatomopathologiques, sur l’identification du parasite et/ou sur des recherches d’IgE spécifiques. L’albendazole ou l’ivermectine seront prescrits quelle que soit la manifestation incriminée, éventuellement en association à de la chirurgie, aux antiallergiques et à l’éviction définitive des poissons de mer frais consommés crus. Cette pathologie émergente a justifié l’implantation d’un centre de recherche (IFREMER) à Boulogne-sur-Mer. Ancylostoma caninum : il est endémique dans le Nord-Est de l’Australie, mais a été retrouvé en Louisiane, en Espagne ou en Égypte. Le passage est transcutané de façon active (pas de dermatite rampante) et provoque souvent une gastroentérite à hyperéosinophiles ; le diagnostic est sérologique (quand on dispose d’un test), endoscopique et anatomopathologique. Le traitement consiste en l’ablation des vers par voie endoscopique ou chirurgicale intestinale, associé à la prise d’albendazole ou de mébendazole. Gnathostomose : l’aire géographique concernée comprend quelques pays d’Amérique latine et la zone Indo-Pacifique, Asie du Sud-Est principalement. L’homme est contaminé en ingérant les hôtes intermédiaires (poissons, reptiles, oiseaux, crustacés) non ou insuffisamment cuits. La symptomatologie de la phase invasive est inconstante et se traduit par des signes généraux (fièvre, manifestations digestives, allergie) survenant dans les 24 à 48 heures après la contamination. Plus tard, apparaissent dans la majorité des cas des signes cutanés (cordon cutané induré serpigineux = dermatite rampante, et/ou un œdème sous-cutané migrateur = panniculite à éosinophiles, œdème segmentaire de membres). Tous les organes peuvent être atteints, mais ce sont les localisations neurologiques qui sont le plus à craindre. Le diagnostic se fera sur l’anamnèse, l’anatomopathologie (la sérologie performante n’est possible, en Europe, qu’à Bâle (Suisse) ; le centre de référence est le département d’helminthologie de la faculté de médecine de l’université de Mahidol à Bangkok (Thaïlande). Le traitement est l’albendazole à 400-800 mg/j pendant 21 jours ou l’ivermectine à 200 μg/kg en dose unique ou répétée un à deux jours plus tard. La Lettre de l’Infectiologue - Tome XXI - n° 5 - septembre-octobre 2006 Sparganose : elle est due à un cestode (Sparganum) dont le plus fréquent est Spirometra erinacei-europaei, qui est retrouvé dans toute l’Eurasie septentrionale et en Asie du Sud-Est. L’homme est infecté en ingérant la chair crue ou peu cuite des seconds hôtes intermédiaires (batraciens, poissons d’eau douce, reptiles). La symptomatologie cutanée s’exprime par des tuméfactions ou des nodules fixes. Une atteinte des organes profonds et du névraxe est possible. Le traitement chirurgical permet la cure et le diagnostic. Le praziquantel est utilisé pour les formes profondes, sans preuve d’efficacité néanmoins. Réunion R éunion L La lutte contre les filarioses : porte d’entrée pour le contrôle des autres helminthiases ? [d’après la communication de M. Boussinesq, Paris] Les trois programmes de lutte antiparasitaire (deux antifilarioses) en cours actuellement dans le monde ont été présentés : contre l’onchocercose, touchant 50 millions de personnes (programme APOC), contre la filariose lymphatique (visant 40 millions de personnes) et contre les schistosomes et autres nématodes intestinaux (13 millions de personnes concernées). Des efforts sont déployés pour associer ces différents programmes, soit entre eux, soit à d’autres programmes : distribution de vitamine A, de moustiquaires, de traitements antituberculeux, campagnes de vaccination. Néanmoins, de telles associations ont des limites : – les différentes pathologies ne se superposent pas de manière stricte (signes cliniques, lieux géographiques, âges des populations concernées…) ; – l’innocuité de la coadministration de l’ivermectine, de l’albendazole et du praziquantel doit être vérifiée ; – on risque de surcharger le personnel de ces programmes, les gouvernements, de provoquer des conflits d’intérêts, etc. RÉTROVIROSES HUMAINES TROPICALES : VIH, SIDA ET HTLV1 L L’Agence nationale de recherche sur le sida et les hépatites virales (ANRS) [d’après la communication de J.F. Delfraissy, Paris] L’action de l’ANRS s’inscrit dans le panorama de l’infection par le VIH dans le monde. Fin 2005, 40,3 millions de personnes étaient séropositives pour le VIH et/ou au stade de sida dans le monde. L’épidémie pédiatrique se poursuit. En France, 88 % des patients sont traités, dont 76 % sont en succès virologique, et la situation est plutôt favorable : limites connues des traitements antirétroviraux (toxicité, nécessité d’une compliance parfaite, inefficacité sur l’ADN proviral), perspectives thérapeutiques (nouveaux inhibiteurs de protéase, d’entrée, d’intégrase, de maturation du VIH) et perspectives de recherche (cohorte asymptomatique à long terme ou ALT, qui concerne 1-2 % de la file active des patients séropositifs VIH en France ; rôle de l’interleukine 2 à préciser). Il en va tout autrement de la situation dans les pays en développement. L’ANRS consacre 20 à 25 % de son budget pour des 231 Réunion R éunion recherches en partenariat avec les pays du Sud : efficacité prouvée de l’association de génériques Triomune® (C. Laurent, Lancet 2004), essai TRIVACAN d’interruption thérapeutique des antirétroviraux (ARV) même si cette modalité de prise en charge est un échec (C. Danel et al. Lancet 2006;17,367(9527):1981-9), recherche du moment optimal du début des ARV chez des patients en cours de traitement antituberculeux (essai CAMELIA) au Cambodge, diminution prouvée de la transmission du VIH après circoncision, efficacité prouvée des mesures pour diminuer la transmission materno-fœtale (DITRAME PLUS, F. Dabis, 2006). Malgré cela, moins de 10 % des femmes enceintes séropositives bénéficient d’une prise en charge adéquate en Afrique. LDiversité du VIH : origine, évolution et conséquences (d’après la communication de F. Barin, Tours) Du fait des pressions de sélection, le virus VIH présente une très forte diversité interpatient, mais aussi intrapatient, provoquée par les capacités importantes de mutations, de réplication chez les patients non traités et du fait de la chronicité de l’infection. En outre, les possibilités de recombinaisons entre différents virus s’ajoutent. Le VIH-1 comprend trois groupes (O, d’abord au Cameroun et dans les pays voisins, N et M). Le groupe M, ayant provoqué la pandémie de sida, se divise en 9 sous-types de A à K. Le sous-type E correspond en fait à des virus “mosaïques” formes circulantes recombinantes (CRF), dont le nombre dépasse la trentaine. Le VIH-2 présente des sous-types allant de A à H. L’analyse rétrospective de l’évolution du VIH, menée par B. Krober (publiée en 2006), conclut à des mutations probables du SIV dans les années 1930 pour devenir le VIH. Le virus SIV-cpz (virus infectant les chimpanzés) provient lui-même de recombinants de deux SIV, infectant les cercopithèques, proies des chimpanzés. La question demeure de savoir comment s’est réalisé le passage des différents virus entre le cercopithèque, le chimpanzé et l’homme. Les mouvements de population humaine expliquent la répartition géographique mondiale des sous-types M du VIH1 : le sous-type C prédomine en Asie, l’Afrique centrale présente une très grande diversité virale, les sous-types A, D et C sont majoritaires en Afrique de l’Est. Par ailleurs, des CRF 02AG (trouvés essentiellement en Afrique de l’Ouest) ont des capacités réplicatives meilleures que les sous-types A ou G. Le VIH-2 et le VIH-1-O sont naturellement résistants aux analogues non nucléosidiques de la transcriptase inverse. La quantification virale peut par ailleurs être prise en défaut selon le sous-type concerné. L La détection précoce de l’ADN proviral au cours de cinétiques in vitro montre une différence majeure entre VIH-1 et VIH-2 (d’après la communication de F. Simon, Paris) Les charges virales plasmatiques du VIH-2 sont beaucoup plus faibles que celles du VIH-1, à stade clinique équivalent. On a comparé in vitro et in vivo l’ADN proviral et les formes 2LTR circulaires non intégrées du VIH-1 et du VIH-2. L’étude a eu lieu à partir de cultures de cellules infectées par du VIH-1 ou du VIH-2, puis à partir de prélèvements effectués chez 45 patients naïfs d’ARV séropositifs VIH-1 ou VIH-2. Le pic d’ADN proviral !" # $ % ! & ' "( ) $! *+ ! *+ ! % ( & " # & $ , & * & ," - . $ " . $ * &/ & 0 1 )! * ) 2 + % * 1 /1 / 1 1 1 3 "2 & + $1 /1 /"2 1 $1 1 " & &0$1 3 " 1 & 1 & $"2 $ " ! & ,$" $ * &/ & ," . 4 0$ ! ! % % ) " # # !# # # $ ! # !# %&''! # (' #)'!* !! # # +",# - # .# , /0 56 7 5567#7& 0 8 & 7 8 78 78 78 & 78 !78 78 0 79/ / 7& 0 7- 378 ( ) & & 0 .:-8778 & 7 5 7- !7& 0 && 7 8 . 0-;#<8= . 0 #. 4 0 >0? 4 0 >0? @& 8 1 86- ' A84 ( 4 ' *BC*(C*( D "#4@$( -#<C B=< # ! ' <B1 -6A ' <1( % # & ,E 8! E0 FF) G E& E % 1 =9HE1 IH:- 1 & 8%J <8;E E&(1 9#B(( 5 F -!6 =C= @0( ! K # ,1 @8% % & , -5% 4 <= > % 0? C+ BJL1 / , , @ A 0 >>> 232 La Lettre de l’Infectiologue - Tome XXI - n° 5 - septembre-octobre 2006 Réunion R éunion >>> observé après infection des cellules est plus précoce avec le VIH-1 (6 heures de culture) qu’avec le VIH-2 (72 heures) et, à 96 heures, la quantité d’ADN proviral est identique chez les deux virus. Les formes 2LTR sont toutefois plus abondantes pour VIH-2 que pour VIH-1. Par ailleurs, l’étude in vivo montre une différence significative du taux d’ADN proviral VIH-1 par rapport au taux VIH-2 chez les patients ayant plus de 300 CD4/mm3. L’effectif est insuffisant pour être concluant chez les patients ayant moins de 300 CD4. La transcriptase inverse serait-elle moins efficace chez le VIH-2 ? Il est probable que le VIH-2 s’intègre moins bien dans le génome cellulaire que le VIH-1, ce qui expliquerait le taux plus important de formes non intégrées. Problèmes nutritionnels et solutions proposées (d’après la communication de J.C. Melchior, Garches) La dénutrition protéique provoque une immunodépression. Or la dépense énergétique de repos des personnes séropositives est augmentée de 10 % par rapport à la population générale. Quatre-vingt-dix pour cent des patients déclarant une infection au stade sida en Afrique ont un wasting syndrome (diarrhée et/ou asthénie et/ou fièvre, sans autre cause inflammatoire et associée à une perte de poids de plus de 10 %). Cela concerne 15 à 33 % des personnes sous traitement antirétroviral en 2001 aux États-Unis. Paton, en Tanzanie (Medicine, 2006), a démontré que les patients dénutris au moment de la mise sous ARV ont une espérance de vie moins élevée que ceux ayant un index de masse corporelle normal. Les possibilités thérapeutiques sont représentées par la renutrition parentérale pour permettre la récupération de masse maigre. Sinon un apport nutritionnel équilibré (dénommé RUFT) de longue conservation, à haute valeur biologique protéique, de faible coût et bien toléré, a permis la prise de poids et la diminution de la mortalité dans le groupe d’enfants (séropositifs VIH ou non) qui en ont bénéficié (Manary MJ et al. J Health Popul Nutr 2005;23[4]:351-7). Peu d’études sont publiées dans ce domaine chez les adultes séropositifs VIH dans les pays en développement (résultats prometteurs en attente au Burundi). L Le sida en Afrique et l’organisation de la lutte (d’après la communication de C.A. Diop, Dakar, Sénégal) L’Afrique comprend 10 % de la population mondiale, mais 72 % des personnes séropositives VIH et 80 % des femmes séropositives VIH. L’historique précis de la mise en place des différents programmes a été relaté : création des Comités nationaux de lutte contre le sida en Afrique (CNLS) en 1985, ONUSIDA en 1992 et initiatives nationales d’accès aux ARV en 1998. Mais les investigations doivent se poursuivre afin d’évaluer l’impact des mesures prises et d’augmenter leur efficacité. Le dépistage de l’infection par le VIH nécessite d’être amélioré. Deux types d’enquête sont en cours dans les pays du Sud : les unes, dites démographiques, sont faites à partir de gouttes de sang sur papier buvard, avec un taux d’acceptation de 80 % (qui pourrait être amélioré) ; les autres, dites sentinelles (maternité, donneurs de sang, consultations pour MST), donnent des taux de prévalence supérieurs (tableau). L 234 Tableau. Chiffres de prévalence de l’infection par le VIH selon le type d’enquêtes en Afrique en 2001. Enquête Sentinelles Démographiques Sénégal donnée manquante 0,7 Kenya 9 7 Burkina Faso 4,8 1,8 Mali 3 1,7 L Leucémie-lymphome à cellules T de l’adulte due au HTLV-1 (ou ATL), à propos de 8 observations (d’après la communication de G. Nieng, Dakar, Sénégal) Le virus HTLV-1 est endémique au Japon, en Afrique, en Asie, aux Caraïbes et en Amérique. La transmission se fait par l’allaitement, le contact sanguin et les relations sexuelles. La symptomatologie est une leucémie à lymphocytes T aiguë, chronique ou lymphomateuse, une paraparésie spastique tropicale ou une dermatite infectieuse (5 cas ont été décrits récemment au Sénégal par A. Mahé). L’ATL est rarement décrite en Afrique, malgré un fort taux de prévalence du HTLV-1, tandis que 2,5 %/an de leucémie sont décrites parmi les patients porteurs de HTLV-1 au Japon. Huit patients de Dakar atteints d’ATL sont décrits. La mortalité à un an est de 62 %, sans chimiothérapie efficace (dont seul un malade a pu bénéficier). La prévention de la transmission du HTLV-1 est nécessaire et passe avant tout par le dépistage des femmes enceintes et l’interdiction, dans la mesure du possible, de l’allaitement maternel pour les séropositives. PALUDISME MPaludisme à Plasmodium falciparum dans une zone de transmission élevée en République de Côte d’Ivoire (d’après la communication de C. Rapp, Saint-Mandé) Une étude prospective a concerné initialement des enfants de moins de 15 ans, consultant pour fièvre. Six cent dix enfants ont été vus ; 40 % d’entre eux (soit 246) avaient un paludisme (frottis, et/ou goutte épaisse et/ou test de diagnostic rapide [TDR] immunochromatographique positif à P. falciparum) et ont donc été inclus dans l’étude. Soixante-dix-huit pour cent de ces 246 enfants avaient moins de 5 ans (âge moyen de 37 mois). Six pour cent d’entre eux avaient une forme grave de paludisme selon les critères de l’OMS. Les signes cliniques étaient dans 50 à 80 % des cas de la fièvre, des céphalées et/ou des frissons. On notera une toux présente chez 35 % des enfants avec paludisme simple (n = 231). Un traitement en ambulatoire a pu être conduit pour les 231 enfants ; 14 cas graves ont été traités par quinine i.v. Un décès est survenu chez un bébé de 6 mois à J2. Soixante-six pour cent des enfants ont été revus à J28 et le taux d’échec thérapeutique tardif (dont le décès) est de 4 %. Le TDR a son importance dans une zone d’endémie intense pour aider au diagnostic. La Lettre de l’Infectiologue - Tome XXI - n° 5 - septembre-octobre 2006 MDiversité, multiplicité des infections et résistances aux anti- paludiques de P. falciparum dans un essai contrôlé de moustiquaires imprégnées d’insecticides en zone de forte endémie (d’après la communication de H. Bogreau, Marseille) À Damane, en Côte d’Ivoire, on a constaté un taux d’environ 300 piqûres infestantes/personne/an. Trois groupes de trois villages chacun ont été constitués : le premier sans intervention, le second avec distribution de moustiquaire imprégnée à longue durée et le troisième avec moustiquaire non imprégnée. Plus de 400 isolats de P. falciparum prélevés de façon aléatoire ont été effectués chez les enfants des 9 villages à un an d’intervalle, avant et après intervention. Aucune différence entre les trois groupes concernant la diversité, la multiplicité des infections et les marqueurs de résistance n’a été retrouvée avant intervention. On constate une baisse significative du nombre de piqûres allant de 80 % avec l’utilisation des moustiquaires simples à 97 % avec les moustiquaires imprégnées. L’incidence du paludisme a diminué de 50 % avec les premières et de 21 % avec les secondes. L’analyse génétique des différents loci des P. falciparum (marqueurs de résistance aux différents antipaludiques et autres loci microsatellites) a permis de constater l’absence de changement significatif avant et après l’intervention antivectorielle. MÉpidémie de paludisme dans un groupe de touristes au Burkina Faso (d’après la communication affichée de S. Sicard, Marseille) Une analyse rétrospective des mesures de prévention antipaludique chez 26 touristes français concernés (LAV, chimioprophylaxie) a permis de mettre en évidence le fait que le principal facteur de risque de paludisme (ayant concerné 9 des 26 personnes) était l’absence de chimioprophylaxie antipaludique adaptée et bien conduite. MY a-t-il encore du paludisme à Djibouti ? (d’après la communication affichée de S. Gidenne, Djibouti) Une étude rétrospective, menée de 1998 à avril 2006, confirmerait la tendance de la disparition du paludisme endémique en République de Djibouti. CHIKUNGUNYA Actualité oblige, l’épidémie de Chikungunya (CHIK) a été à l’honneur avec une session entière qui a permis de faire le point sur la situation. Au cours de la discussion, la symptomatologie douloureuse articulaire persistante, après l’infection par le virus, a été considérée comme corticodépendante et sensible à la moindre baisse de dose, mais à un faible niveau. On ne retrouve pas de réaction croisée entre la sérologie de la dengue et celle de la CHIK, et leurs symptomatologies ne sont pas aggravées lors de coïnfection par les deux virus. MPrévalence et clinique du Chikungunya materno-néonatal dans le Sud de la Réunion (d’après la communication de P. Gérardin, la Réunion) Toutes les naissances survenues après 22 semaines d’aménorrhée entre juin 2005 et mars 2006 au groupe hospitalier Sud-Réunion La Lettre de l’Infectiologue - Tome XXI - n° 5 - septembre-octobre 2006 (GHSR) ont été analysées. Un antécédent de CHIK pendant la grossesse ou lors de l’accouchement a été confirmé dans 97 % des cas par RT-PCR ou par sérologie. La prévalence retrouvée chez les femmes enceintes a donc été de 7 % (251/3441), ce qui est proche de celle retrouvée dans la population générale. L’analyse des cas des 19 enfants contaminés permet de comprendre que la transmission virale survient au terme de la grossesse, lorsque la mère développe une fièvre moins de 7 jours de l’accouchement, ce qui représente un taux de transmission materno-fœtal (TMF) vertical de 36 %. En revanche, si l’infection maternelle par le Chikungunya se manifeste plus de 7 jours avant l’accouchement, il n’y a pas de TMF. Onze enfants ont développé une forme grave (encéphalite, sepsis sévère, CIVD), et les signes cliniques apparaissent 3 à 7 jours en postnatal. Le mode de transmission serait pré-partum, plutôt que per-partum, plutôt par voie transplacentaire que par voie basse (Langlet, 2006, sous presse). Aucun enfant n’est décédé, mais deux auront des séquelles neurologiques à moyen terme et deux autres en auront probablement. Le tropisme neurologique du CHIK avec des formes potentiellement sévères fait craindre des séquelles sur le long terme pour les enfants infectés lors d’une TMF et nécessite donc une surveillance supplémentaire de ceux pour lesquels une régression des signes cliniques et d’imagerie (IRM) a été avérée en postnatal. Réunion R éunion MInfection par le virus Chikungunya et cryoglobulinémie (d’après la communication de M. Oliver, Marseille) Devant l’existence d’un acrosyndrome et la persistance d’arthropathies, sans présence virale après une infection cliniquement symptomatique, la recherche de cryoglobulines a été effectuée grâce à une technique sensible. Cinquante-six patients ayant eu une symptomatologie évocatrice de CHIK, au retour d’une zone d’endémie, ont été prélevés et sont suivis. Dix-sept d’entre eux ont pu être suivis jusqu’à M3 et M6. Pour éviter les erreurs d’interprétation, les patients ont été prélevés au laboratoire afin que les tubes restent à 37 °C jusqu’à décantation. Des IgM anti-Chikungunya ont été retrouvés chez 40 des 56 patients initiaux (âge entre 21 et 78 ans). Chez 92,5 % de ces derniers, la recherche de cryoglobulines a été positive, alors que chez les 16 patients sans IgM anti-Chikungunya, seuls 43,7 % en avaient (âge entre 21 et 75 ans) : la différence est significative entre les deux groupes. En revanche, aucune différence significative n’est retrouvée concernant : – la prévalence de cryoglobuline selon le sexe ; – la présence de cryoglobuline selon l’âge ; – la présence de cryoglobuline de type IIA selon le groupe IgM anti-Chikungunya positif ou négatif ; – la concentration moyenne de cryoglobuline selon le groupe IgM positif ou non. On retrouve un lien significatif entre les ténosynovites lors de l’infection et la présence de cryoglobuline (p = 0,015), mais seules 4 personnes ont développé un acrosyndrome, ce qui ne peut permettre une analyse statistique. On ne retrouve pas de lien entre efficacité de la corticothérapie et présence de la cryoglobulinémie. Les recherches sont à poursuivre quant au rôle que pourrait jouer la cryoglobuline dans la symptomatologie de l’infection, 235 Réunion R éunion et peut-être dans la thérapeutique. Mais cela pourrait expliquer les sérologies Chikungunya négatives chez des patients ayant eu des CHIK cliniques. MTraitement antiviral : du laboratoire aux essais cliniques (d’après la communication de R. Charrel, Marseille) Les charges virales de Chikungunya sont très importantes (et très résistantes in vitro), mais les virémies sont très courtes, de l’ordre de 72 heures. Les analyses génotypiques retrouvent trois souches similaires à la Réunion, un peu différentes des souches africaines ou asiatiques. Mais la souche qui sévit actuellement en Inde est très proche de celles de la Réunion. La chloroquine a prouvé une activité antivirale contre un autre alphavirus (virus Sinbis, Cassel, 1984) et contre le coronavirus (SRAS) in vitro. Des cellules infectées par du Chikungunya du type de celui présent à la Réunion ont été soumises à des doses croissantes de chloroquine. On a ainsi défini un IC50 entre 1 à 9,1, sachant que les personnes sous chloroquine ont des concentrations entre 1 et 2. Comme aucun modèle animal n’est disponible, deux essais avec de la chloroquine sont en cours : CuraCHIK, s’adressant à des personnes ayant eu une preuve virologique de CHIK, et PrevenCHIK, concernant des sujets qui n’ont pas eu de CHIK mais vivent dans l’entourage d’une personne l’ayant développée. Ainsi, le rôle éventuel de la chloroquine sur la symptomatologie persistante et/ou sur un bénéfice préventif de la CHIK devrait pouvoir être connu. MMaîtrise du risque vectoriel (d’après la communication de D. Fontenille, Montpellier) Aedes albopictus est trouvé depuis son expansion dans les années 1980 en Amérique, en Afrique centrale et dans le Sud de l’Europe (dont la France). Son cycle nécessite des collections d’eau (gîtes naturels, coquilles, etc..), des artificiels péridomestiques (pneus, boîtes de conserves, etc.), mais aussi domestiques (vases de fleurs, soucoupes de pots, etc.). Les œufs d’A. albopictus sont extrêmement résistants (dessication plusieurs mois possible !) et le moustique est plutôt exophile, avec une durée de vie de quelques semaines à un mois. Tous ces éléments expliquent l’échec de la lutte antivectorielle (LAV) qui a été menée à la Réunion, en dépit de son intensité. Les insecticides devront être moins toxiques, plus efficaces et moins polluants. Par ailleurs, il faut arriver à convaincre la population de détruire et d’empêcher tous les gîtes potentiels domestiques. Les répulsifs cutanés sont de première importance pour éviter d’être piqué, mais aussi pour empêcher la contamination du moustique si on est virémique. Il a été prouvé que la prévalence de l’infection baissait avec l’augmentation de l’utilisation des répulsifs. 236 BILHARZIOSES MTrois cas de bilharziose invasive avec manifestations neu- rologiques (d’après la communication affichée de S. Jauréguiberry, Paris) Il s’agissait de 2 personnes du retour du Mali et une de Madagascar. Pour une personne, la sérologie bilharzienne est revenue positive 3 semaines après le début des signes cliniques, pour les deux autres, 4 mois plus tard. Les signes neurologiques sont expliqués par une vascularite cérébrale, sur la foi de l’imagerie cérébrale par IRM et des signes cliniques (hémorragies sous-unguéales en flammèche) et biologiques associés. Cette vascularite serait induite par la toxicité des éosinophiles. La corticothérapie a permis la régression des symptômes neurologiques. Le praziquantel est à éviter en période invasive car il aggrave les signes cliniques dans 40 % des cas et il est de surcroît inefficace (Grandiere-Perez L, Am J Trop Med Hyg 2006;74:814-8). MBilharziose intestinale au retour d’une randonnée touris- tique en Guinée-Bissau (d’après la communication affichée de C. Raccurt, Amiens) Le séjour du touriste a duré 8 jours. Les sérologies bilharziennes ont été négatives jusqu’à trois mois après le bain infestant. Une hyperéosinophilie a entraîné la réalisation de 6 examens parasitologiques des selles, dont seul le dernier a permis, 3.5 mois après le bain infestant, de découvrir Schistosoma mansoni (alors qu’en Guinée-Bissau les foyers connus sont à Schistosoma haematobium). Les examens parasitologiques des urines furent négatifs. TYPHOÏDE ML’hémogramme au cours de la fièvre typhoïde (d’après la communication affichée de N. Lefebvre, Strasbourg) Une étude rétrospective menée à l’hôpital principal de Dakar (Sénégal) a concerné 70 patients ayant eu une fièvre typhoïde prouvée bactériologiquement entre 1995 et 2002. Soixantedouze pour cent des patients avaient des leucocytes compris entre 4 000 et 10 000/mm3. Ceux qui ont eu une complication avaient de façon significative (p < 0,05) des leucocytes plus élevés (7 800 ± 4 600/mm3 versus 6 400 ± 2 900/mm3). P. Campa, Paris La Lettre de l’Infectiologue - Tome XXI - n° 5 - septembre-octobre 2006