> ACTUALITÉS neurosciences > Behavioural Brain Research > European Journal of Neuroscience > Nature > NeuroImage > Neuron > Molecular psychiatry > Science > Trends in Neuroscience > Neurobiology > D. Hannequin*, D. Campion* of Learning and Memory > Rovelet-Lecrux A, Hannequin D, Raux G et al. APP locus duplication causes autosomal dominant early-onset Alzheimer disease with cerebral amyloid angiopathy. Nat Genet 2006;38(1):24-6. > PNAS Duplication du gène de l’APP ACTUALITÉS neurosciences et maladie d’Alzheimer 20 E n 1984, Glenner et Wong découvraient que le peptide Aβ était le constituant de la substance amyloïde présente au niveau des vaisseaux méningés des patients souffrant de maladie d’Alzheimer (MA) et de trisomie 21. Cette découverte inaugura une succession de travaux qui allaient bâtir l’hypothèse amyloïdergique selon laquelle l’accumulation de peptide Aβ serait le primum movens de la MA. Le peptide Aβ résulte du clivage de la protéine précurseur de l’amyloïde (APP), codée par le gène APP, localisé sur le chromosome 21. Cette localisation a donc fait attribuer la prévalence élevée de la maladie d’Alzheimer chez les patients trisomiques 21 (> 50 % entre 50 et 60 ans) à la copie supplémentaire du gène APP. De même, c’est logiquement dans l’APP que furent identifiées en 1991 les premières mutations responsables des formes autosomiques dominantes de la MA. En 1995, des études de linkage identifiaient des mutations sur les gènes des présénilines 1 et 2 (PSEN1/PSEN2) qui permirent de mieux comprendre les voies de maturation de l’APP. En effet, les présénilines se sont avérées être des partenaires du complexe gamma-sécrétase qui clive l’APP au niveau de la terminaison transmembranaire du peptide Aβ. Un argument principal en faveur de l’hypothèse amyloïdergique est que à la fois * Inserm U614, faculté de médecine, et CMRR de Rouen. La Lettre du Neurologue - Suppl. Les Actualités au vol. X - n° 6 - juin 2006 les mutations de l’APP et celles de PSEN1/PSEN2 ont comme conséquence commune une surproduction du peptide Aβ, notamment de sa forme la plus longue, Aβ42, qui possède un potentiel d’agrégation fibrillaire beaucoup plus important que le peptide Aβ40. Grâce à la collaboration de plusieurs équipes de neurologie et de neuropathologie françaises, nous recherchons les mutations des gènes APP et PSEN1-2 dans les familles atteintes de formes autosomiques dominantes de la MA. Nous disposions ainsi de 12 familles dans lesquelles aucune mutation sur APP et PSEN1-2 n’avait été identifiée. Nous avons donc décidé de rechercher dans ces familles une modification du dosage génique de l’APP en utilisant une méthode semi-quantitative fondée sur une PCR multiplex de courts fragments fluorescents (QMPSF). Cette méthode a permis d’identifier cinq duplications du locus APP de taille différente, variant de 0,58 à 6,7 Mb, et contenant de 5 à 12 gènes. Dans chacune des 5 familles, la duplication était retrouvée chez chaque patient et était absente chez les apparentés indemnes âgés de plus de 60 ans. Aucun des patients ne présentait de retard mental, de signes dysmorphiques ou de pathologies classiquement associées à la trisomie 21. Le phénotype dans ces familles était caractérisé par une angiopathie amyloïde cérébrale (AAC) sévère. La démence débutait entre 42 et 59 ans. Dans 4 familles, alors que la majorité des patients répondait aux critères de MA probable, un patient au moins présentait une démence vasculaire au décours d’un hématome intracérébral. Les examens anatomopathologiques de 5 cerveaux appartenant à trois familles (dont celle indemne d’hématome) ont révélé une AAC sévère, des dépôts amyloïdes diffus et sous forme de plaques ainsi que des dégénérescences neurofibrillaires correspondant à un stade V-VI de Braak. L’angiopathie était extensive dans toutes les régions, touchait les vaisseaux leptoméningés, les artérioles superficielles et intraparenchymateuses, les capillaires et veinules. Les immunomarquages ont montré que l’AAC était majoritairement composée de peptide Aβ40 alors que les plaques avaient un centre marquant fortement Aβ42, entouré d’un marquage Aβ40. Ce travail fournit un argument majeur à l’hypothèse amyloïdergique, puisqu’il démontre qu’une augmentation de l’expression de l’APP suffit à déclencher la MA. Il s’agit d’une nouvelle illustration montrant qu’un mécanisme purement quantitatif peut causer une maladie neurodégénérative, au même titre que des duplications ou des triplications du gène de l’α-synucléine sont responsables de certaines formes autosomiques dominantes précoces de la maladie de Parkinson. Ce type de mécanisme, mais de moindre ampleur, pourrait également s’appliquer aux formes communes de MA. En effet, une copie supplémentaire de l’APP suffisant à causer une forme précoce de MA, il paraît licite de suggérer qu’une augmentation plus limitée de l’expression de l’APP, par exemple par le biais de mécanismes régulateurs, puisse causer ou favoriser une forme tardive de la maladie. Ces résultats valident l’imputabilité de la copie supplémentaire d’APP dans la MA associée à la trisomie 21, car la plus petite duplication ne concerne que 4 gènes en dehors de l’APP. La preuve absolue serait apportée par la découverte d’une MA causée par duplication limitée au seul gène APP. Le phénotype de nos observations, caractérisé par la fréquence des hématomes, devrait être proche de celui affectant les patients trisomiques 21 âgés de plus de 50 ans. En fait, les hématomes intracérébraux causés par l’angiopathie amyloïde sont rarement rapportés chez les patients trisomiques 21 atteints de MA. Une espérance de vie moyenne estimée actuellement à 60 ans et des causes de décès non liées à la démence pourraient expliquer cette différence de prévalence. Il paraît donc nécessaire de collecter une série plus importante de patients porteurs de duplications de l’APP pour déterminer la possible variabilité de la sévérité de l’AAC et la fréquence des hématomes intracérébraux. Une AAC sévère s’exprimant essentiellement par des hématomes, parfois par des accidents ischémiques, et associée à des anomalies de la substance blanche ou à des microbleeds en IRM est connue dans de rares cas de mutations ponctuelles de l’APP, au niveau de la région codante du peptide Aβ. Dans la plupart des cas, cette AAC coexiste avec les lésions caractéristiques de MA (plaques séniles et dégénérescences neurofibrillaires), comme dans les présentes observations causées par des duplications de l’APP. En revanche, des mutations aux codons APP 692-693 sont responsables d’une AAC associée à des dépôts intraparenchymateux de peptide Aβ, mais sans dégénérescence neurofibrillaire, et la mutation APP L705V cause une démence due à la seule AAC sans dépôt parenchymateux. Il reste donc à comprendre les mécanismes selon lesquels les peptides Aβ42 et Aβ40 se déposent préférentiellement au niveau du parenchyme cérébral ou des parois vasculaires, avec une palette d’expression de l’AAC pouvant être sévère et isolée, sévère et associée à la MA, comme dans nos présentes observations, ou limitée comme celle habituellement observée dans les formes communes de MA. Enfin, soulignons combien la description de telles observations dépend des interactions entre spécialistes de la pathologie vasculaire et des démences. Ainsi, en pratique clinique, chez un patient de moins de 60 ans atteint d’un hématome intracérébral spontané, l’enquête familiale doit rechercher à la fois des cas similaires et une pathologie démentielle répondant aux critères de MA. De même, chez un patient atteint de MA précoce, l’existence d’anomalies de la substance blanche ou d’AVC chez un apparenté incite à rechercher une duplication de l’APP. ■ La Lettre du Neurologue - Suppl. Les Actualités au vol. X - n° 6 - juin 2006 21