M I S E A U P O I N T Démembrement clinique et approche thérapeutique des syndromes rotuliens Clinical analysis and treatment of the patellofemoral syndromes ● P. Le Goux*, P. Hardy** P o i n t s f o r t s ■ Les syndromes rotuliens s’expriment cliniquement par une douleur de la face antérieure du genou. La radio standard est souvent normale, et la prise en charge difficile. ■ On distingue deux grands groupes de syndromes rotu- liens : rotules essentiellement douloureuses, centrées à la radio et pouvant s’accompagner d’une instabilité subjective, et rotules douloureuses instables ou potentiellement instables, souvent associées à des signes radiographiques de dysplasie. ■ Pour évaluer cliniquement une rotule instable, le test de Smilie apparaît comme le plus fiable pour reproduire la situation d’appréhension du patient. ■ La radio standard est incontournable dans les syndromes rotuliens, notamment le cliché de profil, qui recherche le signe du croisement et qui apprécie la situation en hauteur de la rotule. ■ Les syndromes rotuliens douloureux purs relèvent toujours du traitement médical, basé essentiellement sur la rééducation, voire sur l’éducation du patient. ■ Les rotules douloureuses s’accompagnant de critères objec- tifs cliniques et radiographiques d’instabilité peuvent faire l’objet d’un traitement chirurgical. Mots-clés : Syndromes rotuliens - Douleur - Instabilité. Keywords: Patellofemoral syndrome - Pain - Instability. * Praticien attaché, rhumatologue, médecin du sport, service de rhumatologie et de chirurgie orthopédique, hôpital Ambroise-Paré, Boulogne. ** Praticien universitaire et hospitalier, chirurgien des hôpitaux, hôpital Ambroise-Paré, Boulogne, CHU Paris Île-de-France Ouest. La Lettre du Rhumatologue - n° 315 - octobre 2005 L es syndromes rotuliens sont un motif fréquent de consultation, aussi bien en rhumatologie qu’en médecine sportive et en chirurgie orthopédique. Dans bon nombre de cas, la radiologie standard est normale, ce qui pose un problème au praticien, qui se trouve démuni face à la prise en charge de ces patients. Le démembrement clinique et l’approche thérapeutique de ces syndromes passent par la distinction de deux grandes entités, douleur et instabilité, qui peuvent coexister. On distingue ainsi : – les atteintes de l’appareil extenseur du genou pour lesquelles la douleur est l’élément essentiel et prédomine sur l’instabilité. Le traitement dans ce contexte est avant tout médical, et les indications chirurgicales sont rares ; – les atteintes pour lesquelles l’instabilité l’emporte sur la douleur, et où le recours à la solution chirurgicale est possible. Dans la littérature (1), le syndrome rotulien douloureux, appelé “patellofemoral pain syndrome”, se présente cliniquement comme une douleur située topographiquement à la face antérieure du genou dont l’horaire est mécanique. Ce syndrome, encore appelé “anterior knee pain syndrome” par les Anglo-Saxons, s’inscrit dans le cadre d’un dysfonctionnement global du compartiment fémoropatellaire et fait intervenir l’ensemble de l’appareil extenseur du genou, que ce soit les structures articulaires ou les éléments tendinomusculaires. Si l’on exclut les arthropathies de diverses étiologies, les tendinopathies et bursites de l’appareil extenseur, les ostéochondroses et ostéochondrites, on est confronté à des patients ayant des douleurs mécaniques pour lesquelles il existe trois types possibles de facteurs favorisants : – mauvais alignement de l’appareil extenseur, malposition de la rotule ; – déséquilibre musculaire, avec notamment hypotrophie du vaste interne ; – surcharge excessive de travail du compartiment fémoro-patellaire. Rappelons qu’au plan biomécanique la rotule est attirée dans le plan frontal vers l’extérieur, et que cette tendance à la bascule externe est équilibrée par trois éléments : le chef du vaste interne du quadriceps, la berge externe plus haute de la trochlée et les rotateurs internes du squelette jambier (patte d’oie). En ce qui concerne le plan sagittal, la synergie des groupes musculaires antérieurs (quadriceps) et postérieurs (ischio-jambiers) module la pression fémoro-patellaire. Ainsi, pour un même travail quadricipital, cette pression est plus importante en cas de déficience des plans postérieurs. 29 M I S E A U P O I N T La classification de H. Dejour (2) a le mérite d’être simple pour une pathologie compliquée. Elle met ainsi en évidence deux grands groupes de rotules : – la rotule douloureuse qui peut s’associer à une instabilité mais qui reste subjective, et sans épisode de luxation objective. La radio, dans ce contexte, montre une rotule centrée et sans caractère dysplasique. Ce type de syndrome rotulien doit toujours être traité médicalement ; – la rotule essentiellement instable : soit instable vraie, avec d’authentiques épisodes de luxation et assez rapidement confiée au chirurgien, soit potentiellement instable, sans luxation vraie mais avec des signes radiologiques de dysplasie et/ou d’instabilité. Ces rotules potentiellement instables peuvent faire l’objet d’un traitement chirurgical après échec du traitement médical bien conduit, en particulier de la rééducation. EXAMEN CLINIQUE L’examen clinique, devant un syndrome rotulien, est primordial : il s’appuie sur un examen physique performant et un bilan radiographique standard spécifique, centré en particulier sur la recherche de signes dysplasiques de la trochlée et/ou de la rotule et sur la mise en évidence d’une malposition de la rotule, aussi bien en hauteur que dans le plan frontal. Il faut avoir présent à l’esprit l’objectif principal de l’examen : déterminer, parmi les rotules douloureuses pour lesquelles le rhumatologue est consulté, celles qui ont un caractère instable et qui feront éventuellement l’objet d’un traitement chirurgical. Il doit également répondre à certaines questions : – en premier lieu, il doit éliminer toute douleur projetée (cruralgie, coxopathie) et confirmer la souffrance fémoro-patellaire, la localiser précisément par rapport aux autres compartiments du genou, en particulier par rapport aux douleurs de l’interligne (lésion méniscale, par exemple) ; – dans un certain nombre de cas, il doit essayer de faire la part des choses entre une chondropathie et une tendinopathie rotulienne, notamment la tendinite de la pointe de la rotule dans le cadre d’une pratique sportive, pathologies qui peuvent avoir des implications thérapeutiques différentes. On recherchera à l’interrogatoire les éléments qui confirment la souffrance rotulienne. La douleur, initialement unilatérale, peut se bilatéraliser aux deux genoux. Sa localisation est souvent antérieure, parfois médiale, simulant une pathologie méniscale, et plus rarement postérieure, par projection. Dans certains cas, la topographie est imprécise et mal définie par le patient, qui exprime une sensation d’étau ou de gonflement de son genou. Classiquement, la douleur est provoquée par l’accroupissement, la position assise prolongée ou par le fait de se relever d’un fauteuil. Les escaliers sont pénibles à monter et surtout à descendre, avec parfois une sensation d’instabilité et de dérobement de la jambe, en rapport avec un dysfonctionnement quadricipital. Il faut absolument différencier cette instabilité subjective, constatée dans les rotules douloureuses, d’une instabilité vraie avec de véritables épisodes de subluxation rotulienne ou encore de l’instabilité ligamentaire objective de type rotatoire en rapport avec les séquelles de rupture du pivot central du genou (LCA). Néanmoins, la recherche, dans les antécédents, 30 d’épisodes d’entorse avec luxation ou subluxation rotulienne doit être systématique. La notion de blocage est souvent présente dans le cadre des rotules douloureuses potentiellement instables : ce pseudo-blocage sans limitation de l’extension correspond le plus souvent à un défaut d’engagement de la rotule, et peut être accompagné d’un claquement ou d’un ressaut. À l’examen, on évaluera le morphotype des axes des membres inférieurs en recherchant un genu valgum, et notamment un aspect en “baïonnette” (figure 1) de l’appareil extenseur, évocateur d’une bascule externe et d’une instabilité de la rotule. De même, la position en hauteur de celle-ci doit être évaluée, à la recherche d’une dysplasie. On appréciera la trophicité du vaste interne (amyotrophie éventuelle) et la présence ou non d’un épanchement pouvant évoquer une chondropathie. Les différents éléments rotuliens doivent être palpés, en particulier les ailerons (l’externe peut être rétracté), les facettes et la pointe de la rotule, qui peut faire l’objet d’une pathologie d’insertion tendineuse. Une douleur est fréquemment retrouvée sur les bords externe et interne du tendon rotulien, en rapport avec une souffrance du paquet adipeux de Hoffa. Puis l’appareil extenseur est testé contre résistance de la flexion complète à l’extension, à la recherche d’un arc douloureux (tendinopathie, chondro- Figure 1. Aspect en baïonnette. pathie). In fine, au terme de l’examen d’un syndrome rotulien, le test jugé le plus fiable en matière d’instabilité rotulienne est le test de Smilie (figure 2). Il permet de reproduire précisément l’appréhension ressentie par le patient : le genou est placé au départ en extension ; l’examinateur subluxe la rotule en dehors et demande dans le même temps au patient de fléchir progressivement le genou. Le test de Smilie est positif quand le patient retrouve sa sensation d’instabilité dans les 30 preFigure 2. Test de Smilie. miers degrés de flexion. EXAMEN RADIOGRAPHIQUE L’examen radiologique standard est incontournable, et d’une importance fondamentale dans le cadre de la pathologie fémoropatellaire, pour rechercher d’une part des signes de dysplasie de la rotule et/ou de la trochlée et, d’autre part, des anomalies positionnelles de la rotule par rapport à la trochlée. Le bilan radiologique doit comporter un cliché de face et surtout un cliché de profil (3) en faible flexion pour mettre en évidence des aspects dysplasiques de la trochlée (trop plate), reconnaissables au signe du croisement (figure 3) : lorsque au moins l’une des deux lignes des berges La Lettre du Rhumatologue - n° 315 - octobre 2005 M I S E A U P O I N T Figure 3. Signe du croisement. F : fond de la trochlée ; BE : berge externe ; BI : berge interne. vient croiser la ligne de fond de la trochlée, le signe du croisement est présent, et plus les lignes se croisent bas, plus la dysplasie est importante. Le cliché de profil permet également d’apprécier la situation en hauteur de la rotule (figure 4) par la mesure de l’indice de Caton-Deschamps (4). Ce rapport compare la hauteur de la rotule cartilagineuse à la distance entre la partie antérieure du plateau tibial et le point inférieur de la rotule, et doit être proche de 1 en l’absence de malposition. Dans un plan tangentiel, les défilés fémoro-patellaires comparatifs à 30° de flexion (5) permettent de détecter une bascule ou hyperpression externe de la rotule, voire une subluxation. En pratique, les clichés axiaux à 30° sont de réalisation délicate, et, lorsque le degré de flexion est plus important, l’instabilité ne peut être mise en évidence, d’où l’intérêt du cliché de profil en faible flexion précédemment décrit, réalisé au début de l’engagement de la rotule, à 30°. D’autres examens peuvent également être pratiqués : – le scanner, à visée préopératoire essentiellement (avec mesure de la distance TAGT) ; – l’arthroscanner, qui permet d’explorer le cartilage rotulien et trochléen (fissure, ulcération, ostéochondrite) et de diagnostiquer certaines rotules douloureuses avec blocages, par exemple un clapet cartilagineux (figure 5) dans le contexte d’une pathologie Figure 4. Mesure de la hauteur de la rotule. AT : distance entre rotule et rebord antéro-supérieur tibia ; AP : longueur face articulaire de la rotule. La Lettre du Rhumatologue - n° 315 - octobre 2005 Figure 5. Clapet cartilagineux à l’arthroscanner. post-traumatique, voire une plica (seules les plicae internes et médio-patellaires sont pathogènes) ; – l’arthroscopie, de façon exceptionnelle, à titre diagnostique et thérapeutique dans le cadre de ces lésions focales cartilagineuses symptomatiques du compartiment fémoro-patellaire (blocage douloureux, accrochage rotulien). Aspects particuliers des syndromes rotuliens On peut ainsi décrire cliniquement un certain nombre de rotules douloureuses par insuffisance musculaire du quadriceps, par surcharge mécanique liée à un excès pondéral, par hypersollicitation professionnelle. Les douleurs antérieures du genou (6) survenant lors de la pratique de sports comportant des sauts et des réceptions genoux fléchis en charge illustrent bien la surcharge de travail dynamique excentrique de l’appareil extenseur et les contraintes importantes exercées sur le compartiment antérieur du genou. Il est parfois difficile de différencier dans ce cadre une tendinopathie de la pointe de la rotule d’une atteinte cartilagineuse fémoro-patellaire (chondropathie de la rotule et/ou de la trochlée). Les examens complémentaires, notamment la radio, permettent d’affiner le diagnostic, en particulier en cas de rotule douloureuse et instable. Certains syndromes rotuliens, notamment les chondropathies fémoro-patellaires rencontrées en milieu sportif ou posttraumatiques – faisant suite à une contusion – peuvent être explorés, on l’a vu, par arthroscanner, et exceptionnellement sous arthroscopie. C’est le cas également des douleurs rotuliennes associées à un conflit mécanique, avec présence d’un clapet cartilagineux, d’une plica, etc. Dans les tendinopathies de l’appareil extenseur, l’imagerie par résonance magnétique (IRM) peut apporter des précisions diagnostiques. Enfin, dans bon nombre de situations, notamment décrites chez des patientes jeunes, on est face à des rotules douloureuses pures ou “essentielles” sans étiologie évidente et pour lesquelles les explorations sont négatives… 31 M I S E A U P O I N T TRAITEMENT Le traitement des syndromes rotuliens fait souvent appel à la rééducation. Si les rotules douloureuses potentiellement instables doivent faire l’objet, avant toute indication chirurgicale, d’une rééducation classique, laquelle passe souvent par un renforcement en isométrique du vaste interne, le traitement des souffrances de l’appareil extenseur sur rotule centrée, qu’il s’agisse d’une chondropathie ou d’une tendinopathie rotulienne, semble plus délicat. Actuellement, dans les douleurs antérieures du genou, il semble admis que les exercices musculaires dynamiques en chaîne cinétique ouverte et les exercices en chaîne cinétique fermée (30 premiers degrés de flexion) donnent des résultats tout à fait comparables et équivalents à long terme (7). Dans les atteintes de type chondropathie, la rééducation doit être prudente et bien adaptée, en dosant bien les exercices de renforcement du quadriceps en statique et en dynamique, et en pratiquant des étirements de la chaîne musculaire antérieure. Dans les tendinopathies en contexte sportif, on insistera également sur les postures d’étirement, mais on aura plus volontiers recours à un travail de renforcement excentrique (protocole de Stanish). Il est donc primordial d’évaluer correctement chaque patient avant d’entreprendre une rééducation, celle-ci devant être la plus adaptée possible. Il faut faire la part entre la gêne fonctionnelle liée à la douleur et le caractère instable de la rotule, avec dysfonctionnement avéré de l’appareil extenseur. Il est ainsi nécessaire de prendre en considération les éléments suivants pour orienter la rééducation : défaut d’engagement rotulien, insuffisance musculaire du quadriceps et notamment du vaste interne, aspect rétracté du droit antérieur ou des ischio-jambiers, rétraction ou au contraire laxité d’un aileron rotulien avec hypermobilité de la rotule, etc., toutes anomalies accessibles aux techniques de rééducation. Ces techniques de rééducation seront le plus souvent combinées, dans ces syndromes rotuliens, pour apporter une réelle efficacité thérapeutique. L’ordonnance de rééducation pourrait alors se concevoir de la façon suivante : – massage relaxant du quadriceps et physiothérapie antalgique (ultrasons, ionisations) sur les ailerons et/ou le tendon rotulien ; – travail équilibré d’étirement des chaînes musculaires (droit antérieur et ischio-jambiers) ; – renforcement musculaire du quadriceps contre résistance, avec travail statique puis travail dynamique contre résistance, de façon progressive, à partir d’un secteur d’amplitude protégé ne dépassant pas 30° au départ (proche de l’extension) ; – renforcement des ischio-jambiers entre 0° et 60° pour faciliter et soulager le travail du quadriceps ; – reprogrammation neuromusculaire du genou avec travail de contrôle du vaste interne et des rotateurs internes jambiers (rééducation proprioceptive pour lutter contre la tendance à l’instabilité rotulienne). Enfin, le traitement des rotules douloureuses chroniques sans facteur étiologique clairement identifié reste délicat. Il paraît davantage basé sur l’autorééducation et l’éducation du patient que sur 32 la rééducation, qui peut être mal tolérée. Un concept développé assez récemment (8) parle de douleurs par surutilisation des structures fémoro-patellaires anatomiquement normales et de dépassement de la “charge de travail compatible”, avec franchissement d’un seuil au-delà de “l’équilibre homéostasique” pouvant induire l’apparition de lésions cartilagineuses ; ce qui implique sur le plan thérapeutique l’application du principe de restauration de “l’enveloppe de fonction” conforme aux possibilités fonctionnelles articulaires du sujet. Ce dernier doit apprendre à effectuer les activités quotidiennes sollicitant son appareil extenseur sans surmener son genou, en adaptant la charge de travail et en connaissant les limites à ne pas dépasser. Ces limites varient d’un sujet à l’autre et en fonction du type d’activité sportive pratiquée. Aux activités sportives peuvent être schématiquement attribués différents niveaux de risque selon le type d’activité pratiquée, sa durée et son intensité : sport avec sauts et impulsions à forte charge excentrique et contraignant pour l’appareil extenseur ; sport intermédiaire comme le vélo, qui ne semble pas délétère quand il est pratiqué de façon dosée ; enfin, la marche, qui peut être pratiquée sur une durée plus importante en terrain plat sans causer aucune surcharge de travail pour l’appareil extenseur. Le traitement chirurgical des rotules douloureuses doit rester exceptionnel. Les interventions arthroscopiques de shaving cartilagineux (débridement) n’ont qu’un effet “cosmétique” sur le cartilage, et leur efficacité n’a pas été mise en évidence ; en revanche, les suites douloureuses et les algoneurodystrophies sont fréquentes. Les seules indications reconnues sont les résections de clapets cartilagineux, dont la preuve doit être faite sur l’imagerie préopératoire (arthroscanner, voire arthro-IRM). Les ostéochondrites fémoro-patellaires peuvent, elles aussi, bénéficier d’un traitement arthroscopique, à condition que l’imagerie préopératoire montre une lésion ouverte en intra-articulaire avec effraction du cartilage. Les interventions de réparation cartilagineuse ont donné des résultats décevants pour l’articulation fémoropatellaire, qu’il s’agisse de greffe ostéochondrale ou de culture de chondrocyte. Les rotules douloureuses associées à des critères objectifs cliniques et radiographiques d’instabilité peuvent faire l’objet d’un traitement chirurgical. Le bilan radiographique préopératoire, et en particulier l’incidence fémoro-patellaire, doit rechercher subluxation et bascule rotulienne. Ces deux déformations peuvent être isolées ou coexister. Les sections d’aileron externe ne doivent être proposées que dans les bascules isolées sans subluxation, et après échec du traitement conservateur. Les rotules douloureuses et instables peuvent dans de rares cas bénéficier d’un traitement chirurgical. Nous préférons les gestes isolés sur l’appareil extenseur associant recentrage tibial (TTTA) et abaissement rotulien plutôt que les gestes de recreusement trochléen, dont la iatrogénie arthrosique nous semble trop élevée. Dans les instabilités objectives (luxations et subluxations récidivantes), notre préférence va là encore aux gestes de recentrage de l’appareil extenseur ; il est probable que la réparation de l’aileron rotulien interne dès le premier accident permette, en cas de traumatisme inaugural chez un sujet jeune, de prévenir l’évolution vers la chronicité. La Lettre du Rhumatologue - n° 315 - octobre 2005 M En conclusion, le rhumatologue, dans sa pratique courante, face à un syndrome rotulien douloureux, doit essayer d’apprécier le caractère potentiellement instable de la rotule et évaluer par un examen clinique ciblé et des clichés standard adaptés les éléments pouvant faire évoquer une dysplasie rotulienne ou trochléenne. Dans ce cadre, l’indication chirurgicale est possible, mais dans de très nombreux cas le traitement reste médical et basé sur la rééducation la plus appropriée possible. Il ne faut pas méconnaître certaines lésions plus rares responsables de blocage ou d’instabilité, comme le clapet cartilagineux ou les ostéochondrites de la rotule, qui peuvent être explorées notamment par arthroscanner et qui peuvent faire l’objet d’un traitement sous arthroscopie. Enfin, dans les nombreuses situations où l’on a affaire à une rotule centrée douloureuse sans cause évidente, sinon une charge de travail excessive de l’appareil extenseur, l’attitude doit être strictement médicale, consistant à éduquer le patient et à lui indiquer des exercices permettant de diminuer les contraintes sur son compartiment fémoro■ patellaire. I S E A U P O I N T Bibliographie 1. Thomee R, Augustsson J, Karlsson J. Patellofemoral pain syndrome, a review of current issues. Sports Med 1999;245-62. 2. Dejour H. 8es Journées lyonnaises de chirurgie du genou, avril 1995. 3. Maldague B, Malghem J. Apport du profil de genou dans le dépistage des instabilités rotuliennes. Rev Chir Ortho 1985;71(Suppl. 2):5-13. 4. Caton J, Deschamps G, Chambat P, Lerat JL, Dejour H. Les rotules basses : à propos de 128 observations. Rev Chir Ortho 1982;68:317-25. 5. Davies AP, Bayer J, Owen-Johnson S et al. The optimum knee flexion angle for skyline radiography is thirty degrees. 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