Le Groupe d’oncologie thoracique du réseau Report at three years

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Le Groupe d’oncologie thoracique du réseau
Onco-LR : Bilan à 3 ans
Thoracic oncology group-onco LR network :
Report at three years
● J.L. Pujol*, D. Castera**, Xavier Quantin*, S. Lacombe***
n cancérologie, les réseaux de soins poursuivent des
objectifs très précis : la continuité de la prise en charge
entre différentes structures ; la pluridisciplinarité des
décisions ; l’homogénéité de l’orientation des soins.
Ces objectifs sont consubstantiels à l’amélioration de la qualité
des soins, particulièrement de ceux réalisés au quotidien à proximité du domicile du malade.
E
LES MOYENS
Le groupe d’oncologie thoracique du réseau Onco-LR s’est fixé
une charte. À la différence d’un règlement, la charte définit
l’ensemble des principes librement consentis par les participants.
Les moyens d’élaboration de cette charte ont été la coopération
et la concertation volontaire de différents acteurs de santé, dont
les modes d’exercice étaient jusque-là très hétérogènes :
– oncologues et pneumologues des CHU de Montpellier et
Nîmes ;
– oncologues et radiothérapeutes du Centre régional de lutte
contre le cancer de Montpellier,
– oncologues et pneumologues des Centres hospitaliers généraux ;
– oncologues, radiothérapeutes et pneumologues libéraux.
La pluridisciplinarité est mise à profit, à l’échelle de la région, pour
la concertation de l’évolution des pratiques et, à l’échelle du
malade, pour la garantie d’une qualité des soins. Cela impose des
schémas écrits de prise en charge et la constitution d’un thésaurus
des bonnes pratiques cliniques. À terme, la création d’une convention formelle entre les différents acteurs du réseau est envisagée.
Dans son esprit, la charte s’est inspirée de l’ordonnance 96.346
du 24 avril 1996 de la réforme de l’hospitalisation publique et
privée. Celle-ci indique “qu’en vue de mieux répondre à la satisfaction des besoins de la population tels qu’ils sont pris en compte
* Service maladies respiratoires, CHU Arnaud-de-Villeneuve, 371, avenue
Doyen-Gaston-Giraud, 34295 Montpellier Cedex 5.
** Clinique Saint-Pierre, 1, rue Jean-Galia, 66000 Perpignan.
*** Centre de biostatistiques et d’épidémiologie, institut universitaire de la
recherche clinique, faculté de médecine, 34000 Montpellier.
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par la carte sanitaire et par le schéma d’organisation sanitaire, les
établissements de santé peuvent constituer des réseaux de soins
spécifiques à certaines installations et activités de soins (...) ou à
certaines pathologies”.
Le réseau de soins est donc distinct de la filière de soins. Le réseau
est un ensemble organisé et agréé d’établissements ou de structures publiques ou privées, reliés par des liens contractuels et
concourant au diagnostic, au traitement et à l’accompagnement
des malades atteints de maladies cancéreuses thoraciques dans le
secteur géographique limité par la région Languedoc-Roussillon.
Le parcours suivi par le malade dans tout ou partie du réseau selon
la nature ou le stade de sa maladie cancéreuse thoracique est
défini comme la filière de soins.
LES ACTEURS DU RÉSEAU
Des réunions régulières ont permis le rapprochement d’acteurs
de santé, concourant tous au traitement des malades atteints
d’affection cancéreuse du thorax, mais selon des modes d’exercice souvent différents. Le rapprochement des points de vue, la
concertation sur les bonnes pratiques, la création d’un dossierpatient unique et sa mise en ligne sécurisée ont été facilités par
les nombreux liens professionnels individuels déjà établis dans
la région et par une atmosphère de considération mutuelle. Tous
les établissements publics de santé, tous les établissements privés mais aussi un très grand nombre de médecins libéraux, se sont
réunis pour créer le groupe “Oncologie thoracique” du réseau
Onco-LR. Ce groupe a pour but d’agréger tous les organismes à
vocation sanitaire, prenant en charge les malades atteints de cancer thoracique, particulièrement lorsque des soins de proximité
sont nécessaires, mais aussi les travailleurs sociaux et les services
de soins et d’hospitalisation à domicile.
CHAMP D’ACTION DU GROUPE D’ONCOLOGIE THORACIQUE
DU RÉSEAU ONCO-LR
Les pathologies prises en charge par ce groupe sont les cancers
bronchiques à petites cellules, les cancers bronchiques non à
La Lettre du Cancérologue - Volume XII - no 1 - janvier-février 2003
petites cellules, les mésothéliomes, les tumeurs germinales du
médiastin, les thymomes, les adénocarcinomatoses pleuropulmonaires de primitif indéterminé, les sarcomes de paroi et les
tumeurs rares.
Nous avons exclu de notre champ d’action les maladies hématopoïétiques touchant les organes lymphoïdes ou le poumon, considérant que l’élaboration des bonnes pratiques cliniques dans ce
domaine relevait de la compétence du groupe “Hématologie” du
réseau Onco-LR.
Les domaines ciblés sont le diagnostic, le traitement, la coordination des modalités thérapeutiques, les modalités de surveillance, la mise en jeu adéquate des soins de soutien (particulièrement des soins à visée antalgique). Il est de la responsabilité
du groupe et du réseau d’évaluer les effets de ses propres actions.
Nous estimons qu’il revient également à ce groupe la responsabilité de la maîtrise des innovations thérapeutiques, en particulier, la mise en place de nouvelles méthodes diagnostiques ou la
bonne prescription de nouveaux traitements anticancéreux (notamment les thérapies ciblées). Ce travail ne peut se faire qu’en
collaboration étroite avec l’Agence régionale de l’hospitalisation.
ÉTAPES DE LA MISE EN PLACE DU RÉSEAU
Nous avons défini six étapes successives. Les cinq premières
sont achevées. Elles ont grandement bénéficié de l’expérience
acquise par le réseau Onco-LR dans le domaine du cancer du sein.
1. Réflexion sur les guides communs à toutes les pathologies.
2. Réflexion sur les guides spécifiques de chaque pathologie.
3. Acception de ces guides par les acteurs potentiels du réseau.
4. Mise en place d’un dossier commun constitué d’une fiche
informatique comportant quatre volets essentiels : les variables
pronostiques importantes au moment du diagnostic, le programme thérapeutique planifié, le programme thérapeutique réellement appliqué, les données du suivi post-thérapeutique.
5. Mise en ligne de ce dossier sécurisé et anonymisé ; il est accessible aux médecins possédant une autorisation (médecins adhérents à Onco-LR) ; chaque patient détient son code d’accès, permettant une sécurisation complète des données et leur consultation
multidisciplinaire, interétablissements, en temps réel.
6. L’ensemble du réseau Onco-LR sera soumis à un agrément par
l’Agence régionale de l’hospitalisation. La définition de la périodicité du renouvellement des données est réalisée tous les ans.
cussion phrase par phrase du caractère consensuel des pratiques
proposées. Certains sous-groupes du groupe “Oncologie thoracique” ont en charge un aspect particulier du thésaurus et font
régulièrement des propositions de modifications, en fonction de
l’évolution de la littérature et de l’apparition des innovations thérapeutiques ou diagnostiques. La troisième version du thésaurus
a été mise en ligne en juin 2002. Nous invitons le lecteur à consulter ce site et à nous faire part de toute réflexion qu’il jugerait utile
par courriel à [email protected].
La base de données de la “fiche thorax” du réseau Onco-LR
La mise en ligne du dossier commun du malade a débuté pendant l’été 2000 grâce au volontariat d’un petit nombre des acteurs
concernés par le réseau Onco-LR. Elle s’étend progressivement
à tous les acteurs, au fur et à mesure de l’organisation et de la
formation de chacun des centres à cette pratique. Il est cependant
possible, sur la base des premières années d’exercice, d’effectuer
une première analyse intermédiaire.
À la date du 24 juin 2002, 798 malades ont été inclus dans la base
de données, plus de la moitié par le CHU de Montpellier, les
autres se répartissant entre les Centres hospitaliers généraux, le
Centre régional de lutte contre le cancer, d’une part, et le secteur
d’hospitalisation privée et l’activité libérale, d’autre part.
Si l’on considère les patients qui souffrent de cancer bronchique,
un certain nombre de caractéristiques de la population traitée en
routine dans ces différents centres se dessinent, en particulier la
fréquence des comorbidités : l’obésité, l’âge supérieur à 75 ans,
les affections respiratoires concomitantes (BPCO), les antécédents de néoplasies d’autres sites, les antécédents cardiovasculaires, l’insuffisance rénale, le diabète ou l’énolisme affectent une proportion importante de patients. Douze pour cent des
patients seulement n’ont aucun de ces facteurs de comorbidités.
La proportion de malades ayant deux facteurs de comorbidité ou
plus atteint 60 % (figure 1). On note là une difficulté majeure du
traitement des cancers bronchiques, bien connue de ceux qui les
Facteurs de comorbidité
RÉSULTATS
Le thésaurus des bonnes pratiques cliniques
Ce thésaurus est accessible pour tout internaute, sans aucun droit
d’accès ou autorisation. Nous avons souhaité qu’il puisse être lu
par les malades que nous prenons en charge et par toute personne
intéressée de connaître notre conception des bonnes pratiques en
matière de cancérologie thoracique. Il est accessible à l’adresse
www.oncolr.org, en suivant les liens hypertextes “liste des fiches
d’organe”, puis “accès à la fiche poumon”, enfin “thésaurus”.
Il n’est pas possible, dans le cadre limité de cet article, de décrire
l’ensemble des chapitres développés, car ils constituent, imprimés, un polycopié de 54 pages. Le thésaurus résulte d’une disLa Lettre du Cancérologue - Volume XII - no 1 - janvier-février 2003
facteurs
16 %
facteurs
12 %
facteurs
16 %
facteurs
28 %
facteurs
28 %
Figure 1. Répartition du nombre de facteurs de comorbidité.
27
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prennent régulièrement en charge : en routine, les facteurs de
comorbidité sont des éléments limitant, empêchant régulièrement l’application des traitements de référence. En effet, les
recommandations concernant les traitements de référence sont
souvent établies sur la base des grands essais multicentriques randomisés, dont les critères d’éligibilité excluent régulièrement les
malades à fortes comorbidités.
Le deuxième enseignement de cette base de données porte sur
la fréquence des facteurs de mauvais pronostic, dans une population générale de malades traités selon les recommandations
en cours (et hors du cadre de la recherche clinique). Nous avons
considéré comme facteurs pronostiques putatifs : un mauvais
indice de performance selon l’OMS, la présence de métastases,
un indice de masse corporelle inférieur à 19, et un certain
nombre de critères biologiques, parmi lesquels l’hyponatrémie,
l’hypercalcémie, l’hypoalbuminémie, l’élévation des phosphatases alcalines, des LDH, du CYFRA 21-1 ou de la NSE. Un
taux de leucocytes élevé ou une thrombopénie sont également
considérés par notre groupe comme des facteurs pronostiques
défavorables.
Nous observons là aussi que notre population des malades
atteints de cancer bronchique en Languedoc-Roussillon est
caractérisée par la fréquence et l’accumulation des facteurs de
risque de décès. Treize pour cent seulement des malades ne présentent aucun des facteurs de risque sus-mentionnés. La proportion de malades présentant deux facteurs de mauvais pronostic ou plus est de 77 % (figure 2). Nous avons ici la
démonstration d’une différence importante entre la description
des populations incluses dans les essais thérapeutiques présentant usuellement moins de facteurs de mauvais pronostic et
moins de comorbidités, et celles traitées dans la réalité des faits
au quotidien.
L’impact sur la survie de la présence de deux facteurs de comorbidité atteste de l’importance de cette observation clinique. Ainsi,
la médiane de survie du groupe des malades affectés de 0 ou 1 facteur de comorbidité est de 12 mois. Celle des malades affectés
de deux facteurs de comorbidité ou plus est de 10,5 mois.
L’impact sur la survie est beaucoup plus perceptible avant 6 mois
qu’après un an où la différence semble s’estomper (Wilcoxon :
p = 0,02 ; Log-rank p = 0,2 ; figure 3). La survenue de décès précoces dans le groupe des malades atteints des facteurs de comorbidité peut être interprétée comme l’impact négatif de toxicités
thérapeutiques présumées plus élevées dans ce groupe.
PERSPECTIVES
L’essentiel du travail est à venir. Le thésaurus est en évolution
permanente. Les modifications ponctuelles peuvent être apportées de manière continue après validation par le groupe. Le thésaurus est reconsidéré en totalité tous les ans.
28
Facteurs de comorbidité
facteurs
26 %
facteurs
13 %
facteurs
20 %
facteurs
18 %
facteurs
23 %
Figure 2. Répartition du nombre de facteurs de risque de décès.
Probabilité de survie
R
1
0,9
0,8
0,7
0,6
0,5
0,4
0,3
0,2
0,1
00
< 2 facteurs
≥ 2 facteurs
0,5
1
1,5
2
Délai en année
2,5
3
Figure 3. Survie des malades atteints de cancer bronchique en fonction
du nombre de facteurs de comorbidité.
La base de données constituée ne doit pas servir seulement à des
analyses pronostiques. Elle a pour but primaire de vérifier la
congruence entre le thésaurus des bonnes pratiques cliniques, le
projet thérapeutique proposé aux différents sous-groupes de
malades (groupement tenant au stade de la maladie, à l’histologie, etc.), et le traitement réellement appliqué.
Dans cette philosophie, il sera essentiel de confronter les données de survie observées dans cette base de données, avec celles
rapportées par la littérature. Il faut également surveiller leur évolution dans le temps en fonction de l’introduction de thérapies
innovantes.
■
Remerciements : Les auteurs sont très reconnaissants à Mlle
Raphaëlle Bories-Azeau pour son aide à la préparation du
manuscrit, et à M. Dominique Jean, de Eli-Lilly France, pour le
support logistique des réunions du groupe d’oncologie thoracique du réseau Onco-LR.
La Lettre du Cancérologue - Volume XII - no 1 - janvier-février 2003
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