Fiche Les corps étrangers du rectum Technique Sous la responsabilité de leurs auteurs Les corps étrangers du rectum L. Abramowitz (Service de gastroentérologie et proctologie de l’hôpital Bichat-Claude-Bernard, Paris) R. Ganansia (Service de proctologie de l’hôpital Léopold-Bellan, Paris) a présence d’un corps étranger intrarectal prête souvent à plaisanter. Cependant, il peut mettre en jeu la vie du patient. La difficulté réside dans son extraction qui peut être périlleuse. Elle doit donc être réalisée avec une méthodologie rigoureuse que nous allons définir. L ORIGINES Un corps étranger rectal peut provenir : ● de la bouche, après déglutition intentionnelle (maladie mentale) ou accidentelle (dentiers, boutons, pièces de monnaie, arêtes, os de poulet, etc.) ; ● de la cavité péritonéale (par migration d’instruments chirurgicaux, textilomes, stérilets, pessaires, etc.) ● de l’anus par introduction : – involontaire : criminelle, violence sexuelle, – volontaire : médicale, utilitaire (planque de cocaïne, etc.) ou à but sexuel (autoérotisme). Figure 1. Corps étranger (pilon), vue en radiographie. CLINIQUE Dans plus de 80 % des cas, les patients sont des hommes. L’insertion étant admise dans seulement un cas sur trois. La symptomatologie dépend du volume et de la consistance des corps étrangers. On peut observer une douleur dans deux tiers des cas, une sensation de pesanteur, des faux besoins, des rectorragies, un abcès, voire une péritonite en cas de perforation rectale. PRISE EN CHARGE Figure 2. Corps étranger, vue en radiographie. ● L’interrogatoire doit préciser le nombre, le type et le temps de présence des corps étrangers. Il importe de faire la part entre une origine criminelle ou volontaire. ● L’examen physique comprend l’inspection de l’anus (plaies ou brèche, béance anale, etc.), un toucher rectal mais également la palpation de l’abdomen à la recherche de signes de péritonite ou d’autres corps étrangers sus-jacents. ● On réalise bien évidemment une anuscopie et une rectoscopie (si elle est techniquement possible). ● Enfin, la radiographie de l’abdomen et du pelvis recherche des signes de perforation et précise les qualités du corps étranger (nombre, siège et forme) (figures 1 et 2). Au terme de ce bilan, on distingue deux groupes : les corps étrangers bas situés dans l’ampoule rectale (76 % des cas) et les corps étrangers hauts situés, proches de la charnière rectosigmoïdienne (24 % des cas). PRINCIPES D’EXTRACTION L’extraction doit toujours se réaliser sous contrôle de la vue avec une anesthésie adaptée permettant une relaxation sphinctérienne suffisante et l’accessibilité au corps étranger. Le premier risque est l’échec, mais le plus grave peut être la perforation rectale secondaire aux manœuvres infructueuses ou au fractionnement de l’objet (verre, etc.). 32 Le Courrier de colo-proctologie (V) - n° 1 - janv-fév-mars 2004 Fiche Les corps étrangers du rectum Technique Sous la responsabilité de leurs auteurs Figure 3. Manœuvres d’extraction de corps étrangers rectaux (schéma J. Lemozy). Figure 4. Manœuvres d’extraction de corps étrangers rectaux (schéma J. Lemozy). Si l’objet est bas situé et tubulaire, l’objectif est de s’en saisir avec une pince au travers d’un anuscope, voire après exposition, au moyen d’écarteurs. Le retrait doit ensuite être doux et lent (figure 3). S’il est volumineux et de forme arrondie, il est parfois nécessaire de neutraliser le vide sus-jacent par injection d’air au travers d’une sonde de Foley, préalablement introduite audessus du corps étranger. Puis, on gonfle le ballonnet en amont et on effectue une traction progressive et prudente (figure 4). Si l’objet est haut situé, il peut être nécessaire de l’abaisser au travers d’un rectoscope ou avec un rectosigmoïdoscope en pratiquant si besoin est une manipulation abdominale (figure 5). Figure 5. Manœuvres nécessaires pour extraire un corps étranger haut situé. APRÈS EXTRACTION Il est prudent de réaliser une rectosigmoïdoscopie à la recherche de lacération muqueuse et d’hospitaliser le patient 24 heures en cas de lésion muqueuse. Une laparotomie est indispensable lorsque l’extraction par voie basse est techniquement impossible, ou du fait Le Courrier de colo-proctologie (V) - n° 1 - janv-fév-mars 2004 d’une complication telle qu’une perforation ou une hémorragie. Ces extractions de corps étrangers sont à chaque fois une nouvelle expérience en rapport avec la grande fantaisie des patients, devant laquelle l’opérateur doit faire preuve d’imagination et de bon sens. ■ 33