Les explora-

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Les explorations microcirculatoires
dans les acrosyndromes
vasculaires
François Becker*
uid des explorations vasQ
culaires dans les acrosyndromes vasculaires liés au
froid ? G. Mégret avec son
allant contumier me demande
un article free style sur le
sujet et plus particulièrement
sur les explorations microcirculatoires. Exercice périlleux
car, doppler de poche et
capillaroscopie péri-unguéale
mis à part, je ne fais quasi
plus d’exploration instrumentale dans les acrosyndromes
vasculaires en dehors de cas
très particulirs (protocole
d’évaluation thérapeutique,
expertise).
* Service d’Angiologie, Hôpital du Bocage,
CHU, 21034 Dijon Cedex.
Dans la forme anatomo-clinique type
des acrosyndromes vasculaires des
mains sans lésion occlusive sur les gros
troncs artériels (pouls normalement
perçus, auscultation sous-clavio-axillaire normale), je cois qu’en routine l’exploration fonctionnelle vasculaire est
en pratique d’abord et essentiellement
d’ordre clinique.
– Saluer le patient en lui tendant la
main est source d’informations précieuses : main chaude et sèche ou froide et moite, tonique ou molle... autant
d’informations sur le tonus vasomoteur
de base et la personnalité du patient. Un
regard sur les mains note érythrose,
pâleur, acrocyanose, ou un patchwork
de ces états. Une petite pression du
pouce sur le dos de la main du patient
renseigne sur les modalités de recoloration de la pastille ainsi réalisée et la
tonicité des plexus veinulaires cutanés
et sous-cutanés. En quelques secondes
une première évaluation fonctionnelle
est réalisée.
– L’interrogatoire précis, sans être trop
orienté, permet de classer l’acrosyndrome en permanent ou (et) paroxystique,
avec vasconstriction ou vasodilatation,
avec ou sans sudation. L’inspection fine
des pulpes et des rebords unguéaux
recherche des stigmates de lésions
ischémiques pulpaires ou cutanées.
– La manœuvre d’Allen élargie à l’étude globale de la main permet d’évaluer
le tonus vasoconstricteur, le potentiel
de vasodilatation réactionnelle et l’existence de lésions occlusives des artères
digitales par analyse de la recoloration
cutanée en hyperémie réactionnelle
post-ischémique.
1) On demande au patient de lever la
poing en l’air et/ou de serrer très fort le
poing pour vidanger les veines, puis on
comprime la radiale et la cubitale au
poignet.
2) On demande au patient de faire une
dizaine de mouvements d’ouverture et
de fermeture de la main jusqu’à ce
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qu’elle devienne assez uniformément
pâle.
3) La main et l’avant-bras étant ramenés à l’horizontale sans effort musculaire, on libère alors la compression
radiale et cubitale déclenchant une
hyperhémie réactionnelle qui progressera plus ou moins vite en fonction de
la résistance à l’écoulement.
4) La progression de la vague d’érythrose délimitera alors les éventuelles
oblitérations de collatérales digitales).
Le jeu des arcades palmaires est évalué
selon le même principe en gardant
comprimée une artère et en libérant
l’autre (compression de la radiale, libération de la cubitale pour le jeu cubitopalmaire - compression de la cubitale,
libération de la radiale pour le jeu
radio-palmaire). Outre le fonctionnement des arcades palmaires, une oblitération de la cubitale au canal de Guyon
apparaît également clairement par ce
simple test.
– Si l’interrogatoire oriente vers une
symptomatologie positionnelle, ou de
principe, la recherche d’un syndrome
de la traversée thoraco-brachiale s’appuie d’abord sur l’auscultation sus et
sous-claviculaire en abduction-rotation
externe du bras en position assise (complétée en remplaçant le stéthoscope par
une sonde doppler 4 MHz) et sur la
manœuvre du chandelier de Baujean.
Etant très sceptique sur les relations
acrosyndromes/traversée thoraco-brachiale, je ne vais pas plus loin si la
manœuvre d’Allen est normale, c’est-àdire en l’absence d’artériopathie digitale, surtout si la palpation du creux susclavier n’apporte pas d’argument en
faveur d’une côte cervicale, plus rare
mais à risque plus élevé qu’une simple
pince costo-claviculaire (en cas de
doute, on demande une radiographie de
la région thoraco-cervicale à la
recherche d’une de ces côtes cervicales
en crochet source de traumatismes
répétés de la sous-clavière, directement
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ou par l’intermédiaire de ses puissants
ligaments costo-pleuraux).
– Si l’acrosyndrome est un phénomène
de Raynaud, voire en cas d’acrocyanose
atypique, l’examen est poursuivi par une
capillaroscopie au lit de l’ongle à la
recherche d’anomalies pouvant orienter
vers une maladie de système. La cible
essentielle de cette indication de capillaroscopie étant la recherche d’un signe de
sclérodermie, je crois comme Ranfdt que
l’inspection du lit de l’ongle à l’aide
d’une loupe ou d’un ophtalmoscope a
quasi même valeur pour la recherche de
mégacapillaires.
– Dans le cas particulier de travailleurs
manuels exposés aux traumatismes répétés de la paume ou du talon de la main, si
la symptomatologie est celle d’un phénomène de Raynaud et/ou d’une ischémie
pulpaire limités à certains doigts comme
l’index, si la manœuvre d’Allen oriente
vers une artériopathie digito-palmaire ou
seulement digitale, un examen écho-doppler couleur est réalisé à la recherche d’un
anévrysme sur la distalité de l’artère cubitale. Il s’agit pratiquement, dans mon
expérience, de la seule indication d’échodoppler couleur dans les acrosyndromes.
Au quotidien, je ne vais pas plus loin
dans les investigations vasculaires. En
ce qui concerne le diagnostic d’artériopathie digitale, la mesure de pression
digitale, quelle qu’en soit la méthode,
ne m’apporte rien de plus que la
manœuvre d’Allen qui, sous réserve du
respect du protocole d’examen, est très
compétitive vis-à-vis de l’artériographie de la main (par ailleurs tout aussi
sujette aux conditions d’examen).
Dans quelques cas, il est nécessaire de
faire la preuve d’un acrosyndrome vasculaire au froid et/ou de quantifier la
réaction au froid. Des examens longs et
délicats tentent de répondre à ces questions avec plus ou moins de pertinence.
Le plus simple d’entre eux pourrait être
le déclenchement d’un phénomène de
Raynaud par stress ou par exposition au
Act. Méd. Int. - Angiologie (14) n° 240, Février 1998
froid. En fait, le déclenchement d’un
phénomène de Raynaud est assez aléatoire et il n’est rien de plus irritant que
d’avoir essayé vainement de déclencher
un phénomène de Raynaud et de voir la
patiente en déclencher un superbe sur le
pas de la porte en vous quittant...
La mise en évidence d’une hypersensibilité au froid est plus intéressante, même si la
multiplication des tests et des protocoles
tend à montrer qu’aucun n’est parfait. Le
principe de base est de soumettre la main
et les doigts au froid humide, soit par bain
d’eau froide (de 10-12° à la température
de la glace fondante) soit par chambre
thermique, puis de mesurer et suivre la
vasoconstriction cutanée ou le vasospasme digital par thermométrie cutanée (gradient température digitale vs température
ambiante), par mesure de pression digitale (cooling), par capillaroscopie au lit de
l’ongle, voire par laser-doppler. L’ampleur
de la variation négative du paramètre
testé, la forme de la courbe de retour à la
normale et le temps de retour à 90 % des
valeurs basales mesurent l’intensité de la
réaction au froid et peuvent parfois même
orienter sur l’étiologie du trouble vasomoteur (dans un travail ancien utilisant la
thermométrie cutanée, le vasospasme
idiopathique était en règle violent et de
récupération rapide alors qu’en cas de
maladie de système la chute thermique
était moins violente mais de récupération
plus lente. De même, en cas de phénomène de Raynaud secondaire à un traumatisme digital, ce doigt se démarquera nettement des autres quant à l’intensité de la
réponse négative au froid, il pourra même
être le seul à présenter une réaction anormale).
Au niveau des pieds, le problème est
moins fréquent, souvent plus simple,
mais parfois également plus compliqué.
Le plus souvent, il s’agit de sensation de
pied froid unilatéral en rapport avec une
épine irritative lombaire, d’une acrorhigose, d’une acrocyanose (souvent associée à une adipocyanose) voire d’enge-
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lures ou de microtraumatismes digitaux
qui ne nécessitent qu’un peu de rigueur
clinique. Parfois, il sera difficile de différencier une engelure ou un trouble trophique par microtraumatisme d’un
trouble trophique ischémique par lésions
artérielles in situ ou d’origine embolique. La manœuvre d’Allen du pied et
une pléthysmographie digitale, réalisées
très méthodiquement, seront alors de
premier intérêt, parfois il faudra aller au
bout des examens non invasifs et rechercher une lésion emboligène en échodoppler sans oublier de vérifier la crase
sanguine pour trancher.
Enfin, il me paraît utile d’évoquer les
troubles vasomoteurs du pied chez certains patients porteur d’une artériopathie
des membres inférieurs qu’il s’agisse de
formes débutantes avec instabilité vasomotrice ou de lésions plus évoluées
compensées par une bonne adaptation
du réseau microcirculatoire à la chute de
pression distale. Les extrémités concernées sont souvent assez sensibles aux
variations climatiques. Si l’on a pris soin
d’évaluer la microcirculation cutanée de
ces membres dans des conditions normales (mesure des gradients de pression
cheville-orteil, thermométrie cutanée,
évaluation du tonus vasomoteur en pléthysmographie et en laser-doppler) il est
relativement fréquent de constater par
temps froid et humide une aggravation
des signes fonctionnels sans chute de
pression à la cheville, aggravation qui
pourra être réduite en agissant sur le
chaussant (chaussettes et chaussures
sans synthétique).
Au total, comme il est dit que la “culture
c’est ce qui reste quand on a tout oublié”,
les explorations microcirculatoires en
matière d’acrosyndromes vasculaires liés
au froid me paraissent d’abord ce qui
reste quand on a tout oublié des aléas et
des déboires de trop d’examens peu utiles
voire inutiles au quotidien, c’est-à-dire
leur substratum physiopathologique
appliqué à la clinique.
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