E n t retien avec le Dr Isabelle Moley-Massol*,

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Entretien avec le Dr Isabelle Moley-Massol*,
auteur de “L’annonce de la maladie,
une parole qui engage”**
Propos recueillis par F. Arnold-Richez***
Le
malade
montre
la
voie
Il n’est pas un soignant qui n’ait un jour
été confronté à cette épreuve relationnelle des plus délicates, celle de l’annonce
d’une maladie grave, invalidante...
Profondément déstabilisante pour le
malade, sidéré, l’annonce perturbe aussi
celui qui doit la faire. Et parfois, faute de
savoir-faire ou de “savoir-être”, c’est l ’ a nnonce elle-même qui détruit celui ou celle
qui la reçoit au moment où elle est faite.
Ou même, longtemps après. Dans
l’après-coup. Bien sûr, il est difficile de
d resser la liste de tous les effets délétère s
possibles d’une annonce, maladroite,
b rutale, mal formulée, et de proposer un
vade-mecum du meilleur comport e m e n t
face à une telle situation. Isabelle
Moley-Massol, médecin qui pratique la
psychologie médicale et la psycho-oncologie clinique, récuse d’emblée la pertinence de recettes ou de “fiches-pro t ocoles” de la meilleure annonce, mais elle
connaît les formules, les mots, les
d é m a rches à éviter. Elle propose dans cet
ouvrage, à la fois pratique et très humain,
des pistes, des attitudes, des cheminements de communication qui permettent
au malade d’aborder cette nouvelle vie
bouleversée, mais non dénuée de la possibilité de reconstru i re autour de la maladie
ou du handicap. Et avec eux.
Son ouvrage comprend deux parties : la
p re m i è re est consacrée à l’appréhension
des principes fondamentaux de l’annonce
d’une mauvaise nouvelle, et la seconde
envisage la spécificité de cette annonce
* [email protected]
** Collection Le Pratique. Puteaux : éditions DaTeBe, 2004, 244 pages.
*** Journaliste médicale.
en fonction des diverses spécialités m é d icales : les cancers, les psychoses, les maladies rhumatismales, cardiaques, digestives,
sexuellement transmissibles, le VIH, les
hépatites, les “mauvaises nouvelles” périnatales... Un ouvrage de référence à lire
absolument !
Existe-t-il une bonne façon d’annoncer
une mauvaise nouvelle ?
Isabelle Moley-Massol : Non, il n’y a pas
une façon idéale, ni même “bonne”
d’annoncer une mauvaise nouvelle, et nul
ne peut faire l’économie de la souffrance
éprouvée par le sujet au moment de
l’annonce d’une maladie, d’un handicap,
d’un traitement lourd ou d’une interv e ntion chiru rgicale... En revanche, l’attitude du
médecin, du soignant, joue un rôle c o n s idérable à ce moment si sensible de l ’ i n f o rmation sur le diagnostic ou le traitement,
et certaines règles fondamentales sont à
connaître.
Un
seul
mot-clé
:
l’empathie
Quelles sont-elles ? Pouvez-vous
nous en donner des exemples ?
IMM : Le médecin doit entendre la souffrance du malade et en accuser réception.
Il doit éviter de camper sur ses certitudes,
ses a priori, ses propres représentations de
soignant. Nous ne pouvons pas anticiper la
réaction du patient, car elle dépend de son
histoire, de sa personnalité, des événements de vie qu’il est en train de traverser. Il
n’existe pas d’annonce anodine, et son
impact dépend de la subjectivité de la personne qui la reçoit. Dans le cas d’un cancer, par exemple, le traumatisme p s ychique pour le malade ne se situe pas forcément à la place attendue par le médecin. La représentation de la maladie, de
Supplément à La Lettre de l’hépato-gastroentérologue - n° 3 - vol. VII - mai-juin 2004
l ’ o rgane atteint, la peur des traitements
envisagés et de leurs conséquences, la
perte des cheveux notamment, peuvent
bouleverser le malade plus profondément
encore que la sévérité de la maladie et les
données “objectives” s’y référant. Il existe
alors un risque de décalage entre l’appréciation que le médecin a de la maladie et
celle qu’en a le malade, décalage qui nuit
considérablement à la relation médicale
et à la commun ication entre ces part enaires de soins. La position du médecin la
plus a p p ropriée est celle de l’empathie, ce
qui signifie une grande qualité d’écoute,
sans jugement ni projection de ses pro p re s
croyances et certitudes, et un ajustement
de son discours sur celui du malade. “Le
malade montre la voie”, a dit Georges
Bataille.
Toute annonce d’une mauvaise nouvelle –
je préfère le terme d’“information”, car il
s’agit d’un processus continu, jamais fini,
jamais figé, à reprendre et à réajuster sans
cesse – engendre, comme nous l’avons
vu, un traumatisme psychique plus ou
moins sévère, en fonction de chaque personne et de la résonance qu’elle produit
dans l’histoire du patient.
Dans de nombreuses pathologies, on
constate une distorsion entre la perception de la sévérité de l’affection que le
médecin peut avoir et celle que le patient
en a. Un diabète, une hypertension art érielle ne représentent pas a priori des diagnostics difficiles pour le médecin, alors
qu’ils peuvent être reçus avec une grande
angoisse par le malade, en fonction de la
représentation qu’il s’en fait ou de sa
connaissance subjective de la maladie. Un
tel diagnostic bouleverse sa vie et remet
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en cause la vision qu’il a de son existence,
de son rapport au monde et à la mort, de
ses projets de vie, de ses liens sociaux et
familiaux. La blessure narcissique est toujours au cœur de la mauvaise nouvelle
que constitue la maladie ou le handicap,
pour soi-même, son enfant, un proche.
Quelle vérité dire au malade ? Peut-il
tout entendre ?
IMM : C’est là une question fort complexe à laquelle on ne peut donner une
réponse unique. De quelle vérité parle-t-on ?
De celle du médecin, du malade, du pronostic, des données statistiques, d’aujourd’hui
ou de demain ? Lorsque l’on a tout dit,
a-t-on dit l’essentiel ? La vérité n’est pas la
somme des réalités. La vérité est celle du
malade, de son ressenti, dans toute sa subjectivité. Il convient de partir de son point
de vue, pour s’approcher au plus près de sa
vérité à lui. Si l’information fait partie du soin
que le médecin doit au malade et constitue un devoir inscrit dans le code de déontologie médicale, le malade a aussi le droit
de ne pas vouloir savoir. Au médecin de
décrypter sa demande, ses besoins, et d’y
r é p o n d re pas à pas en fonction de ses ressources, dans une relation de confiance e t
de sincérité. Si seule la vérité peut être
dite, jusqu’où aller dans la révélation,
comment et à quel rythme ? Voilà ce qui me
paraît constituer la question fondamentale.
✁ À découper et à nous retourner
Il peut être utile de demander au malade :
“Que savez-vous de la maladie dont vous
souffrez, et que souhaiteriez-vous savoir ?”.
Que dire alors à l’entourage ?
IMM : La famille joue souvent un rôle
essentiel. Elle est informée si le malade le
souhaite. Il n’est, en effet, pas question
de livrer à la famille des informations auxquelles le malade n’aurait pas accès (sauf
situations pathologiques particulières et
spécifiques). Le malade en ressentirait un
sentiment d’exclusion qui renforcerait son
isolement et sa souffrance.
En pratique : qu’est-ce qu’il ne faut
surtout pas faire ?
IMM : Dans la première partie du livre, un
chapitre est consacré à un certain nombre
de conduites à tenir pour faciliter le moment
de l’information sur la maladie ou le handicap. Quelques pistes : choisir un lieu adapté
qui permette une grande disponibilité, dans
le bureau du médecin ou la chambre du
malade ; éteindre la télévision ou la radio ;
ne prendre aucune communication téléphonique ; s’asseoir pour parler, face à face, sans
séparation (par un bureau par exemple).
Un diagnostic ne devrait jamais être
donné par téléphone, par courrier ou par
l’intermédiaire d’un laboratoire.
Par ailleurs, une annonce se prépare. On
peut ainsi proposer au patient de venir
BON DE COMMANDE
Je souhaite recevoir
Merci d’écrire nom et adresse en lettres majuscules
Nombre d’exemplaires
L’annonce de la maladie (29 e)
Infirmières (– 20 %) (23,20 e)
Tarif spécial abonnés (15 e)
Frais de port (3,80 e)
soit un total de
Total
Dr, M., Mme, Mlle
e
MODE DE PA I E M E N T
Date d’expiration
❐ par virement bancaire à réception de facture
(réservé aux collectivités)
❐ par chèque (à établir à l’ordre de DaTeBe S.A.S.)
......................................................
Prénom
...............................................................
Adresse
...............................................................
........................................................................
........................................................................
Code postal
❐ par carte Vi s a
N°
ou Eurocard Mastercard
Signature :
avec un proche lors de la remise de r é s u ltats, pour deux raisons essentielles : d’une
part, le proche apporte un soutien, un
étayage, et, d’autre part, il sera un relais
utile de l’information après la consultation. Souvent le malade, sidéré par la
mauvaise nouvelle, n’entend plus ce qui
lui est dit, expliqué, il ne perçoit plus le
sens des mots et des phrases. Il ne retient
pas les paroles mais garde un souvenir
précis de leur musique, du sentiment général de ce moment douloureux où l’information “est tombée”. L’émotion p rend
toute la place. Un proche, présent au cours
de cette consultation d’annonce, permettra de reprendre les termes employés par le
médecin et de pours u i v re la communication. Une deuxième consultation avec le
praticien est très souhaitable dans tous
les cas.
Je tiens à terminer en disant que l’ann o nce d’une maladie exige du temps : du
temps à donner au malade pour l’écouter,
l’entendre, recevoir ses émotions et y
répondre ; du temps pour le patient afin d e
dépasser le traumatisme psychique, la b l e ssure narcissique, faire le deuil de son “être
en bonne santé”, “invincible”, de ses
projets de vie, de son corps parfois amputé au niveau d’un organe, et qui s’affiche
aux yeux des autres ; du temps pour se
laisser traverser par l’épreuve et se
reconstruire.
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Ville
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Pays
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Tél.
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E-mail
Fax
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