Médecine vasculaire plus

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Article paru dans Métabolismes-Hormones-Nutrition vol. VI, n°2, mars-avril 2002
Le traitement pharmacologique des obésités :
données actuelles et perspectives
O. Ziegler*, M. Floriot*, P. Böhme*, D. Quilliot*
Le traitement médicamenteux n’a pas encore trouvé
sa véritable place dans la prise en charge de l’obésité,
car les médicaments de l’obésité ont longtemps souffert de la mauvaise réputation des amphétamines et de
leurs dérivés. De plus, jusqu’à une période récente,
peu de molécules étaient disponibles. L’Organisation
mondiale de la santé a réuni un groupe de travail,
l’International Obesity Task Force (IOTF) (1) qui a
publié en 1998 un guide de bonnes pratiques cliniques. Parallèlement, de nombreux groupes d’experts
ont proposé des recommandations. Les premières
publiées ont été celles des Écossais, d’autres ont suivi
en France, au Royaume-Uni et aux États-Unis. Le but
de cette revue générale n’est pas de présenter dans le
détail les médicaments de l’obésité, mais plutôt de
proposer un schéma thérapeutique cohérent, en plein
accord avec les recommandations françaises, récemment validées par l’ANAES (Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé) (2).
Les grands principes
Une aide thérapeutique
Le traitement médicamenteux “ne guérit” pas
l’obésité, qui est une maladie chronique à la physiopathologie si complexe qu’on en parle volontiers
au pluriel pour mettre en exergue cette caractéristique. La prise en charge ne peut donc se résumer à
la prescription d’une “pilule miracle” (3). En
revanche, les médicaments de l’obésité sont utiles
pour aider le patient à adhérer plus facilement aux
mesures thérapeutiques de base (diététique et exercice physique) et à modifier durablement ses
conduites alimentaires (4).
Perte de poids et stabilisation pondérale
Il est essentiel d’expliquer au sujet obèse que la prise
en charge de sa maladie comporte schématiquement
une phase d’amaigrissement et une phase de stabilisation pondérale. Que le traitement soit diététique, médicamenteux ou même chirurgical, la perte de poids
diminue avec le temps (figure 1, partie A). La courbe
pondérale se stabilise en plateau quand un nouvel état
d’équilibre du bilan énergétique est atteint (figure 1,
partie B).
Le médicament est habituellement prescrit pour obtenir une certaine perte de poids en quelques semaines.
Mais l’expérience montre que son principal intérêt est
POIDS
de faciliter la
stabilité pon- 160 (kg)
dérale après
140
cette phase
120
initiale (5-8).
PLATEAU PONDÉRAL
En effet, spon100
tanément, la
80
plupart des paD
C
A
B
60
tients repren40
nent du poids,
plus ou moins
20
DURÉE DU TRAITEMENT
rapidement. Il
0
faut bien cons12
0
-3
9
[3-6]
tater que c’est
TEMPS (mois)
l’évolution
naturelle de la Figure 1. Interprétation de l’effet d’un médicament de l’obésité. A : le
maladie ! De médicament facilite la perte de poids qui est d’autant plus rapide que le
déficit énergétique est plus important (poids ou glycémie) ; B : la phase
n o m b r e u x de plateau, un nouvel équilibre est atteint mais le poids n’est habituellemécanismes ment pas dans la zone normale ; C : le plateau se prolonge tant que le
biologiques ou médicament est pris ; D : échappement à l’arrêt du traitement.
psychologiques tendent à ramener le poids (ou la masse grasse)
à sa “valeur de consigne” selon la théorie du pondérostat. “Ne pas regrossir” est un objectif difficile, qui
implique la mise en place de stratégies thérapeutiques
multiples.
Médecine vasculaire plus
Médecine vasculaire plus
L’objectif pondéral
Aborder avec le patient le problème de l’objectif pondéral du traitement est souvent délicat ! L’opinion du
soignant et celle du soigné sont habituellement très différentes. La règle générale selon l’IOTF est d’envisager une perte de poids de 5 à 15 % par rapport au poids
initial (1). On ne parle plus de “poids idéal” ou de
“poids normal”, mais plutôt de poids “raisonnable”,
c’est-à-dire d’un objectif que l’on peut atteindre au prix
de contraintes acceptables et qui a suffisamment d’effets bénéfiques sur la santé. Une diminution supérieure à 10 % est souvent difficile à obtenir. Elle est pourtant considérée comme très insuffisante par de nombreux patients, qui espèrent en moyenne une baisse de
20 % (données personnelles) ! En réalité, maintenir le
poids à sa valeur actuelle, c’est-à-dire éviter l’aggravation de l’obésité, est déjà un objectif d’un intérêt certain pour de nombreux patients, dont l’obésité est
en phase dynamique.
La notion de “patients répondeurs”
Les bons répondeurs à un traitement médicamenteux
Le Courrier de Médecine Vasculaire (2), n° 1, janvier, février, mars 2002
* Service de diabétologie, maladies métaboliques, nutrition, hôpital
Jeanne-d’Arc, CHU de
Nancy, Toul.
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Médecine vasculaire plus
Médecine vasculaire plus
de l’obésité sont, par consensus, les sujets qui perdent
à terme (c’est-à-dire avec un recul d’un an au moins) 5
à 10 % de leur poids initial. Curieusement, il n’a jamais
été possible de prévoir la réponse thérapeutique a priori, quels que soient les critères utilisés. En revanche,
plusieurs études suggèrent que la perte de poids au
cours des premiers mois a une bonne valeur prédictive.
Un délai de 1 à 3 mois semble raisonnable pour reconnaître les répondeurs. Quel seuil pondéral faut-il choisir ? Scheen et Lefebvre (9) proposent une diminution
de 2 kg au bout de 4 à 8 semaines. Il faut cependant
tenir compte de la spécificité de chaque médicament :
le critère “perte de 2 kg le premier mois” a une bonne
sensibilité et une bonne spécificité dans les études sur
la sibutramine ; il en va de même pour le critère “perte
de 5 kg pendant les trois premiers mois” lorsqu’il s’agit
de l’orlistat.
En pratique, nous considérons qu’un amaigrissement de plus de 5 % au cours des 3 à 6 premiers
mois, période diététique initiale incluse, permet
d’envisager la poursuite du traitement médicamenteux (figure 2). Si les résultats sont insuffisants, il
faut interrompre la prescription, car le rapport
bénéfices/risques peut devenir défavorable, le
patient pouvant souffrir des effets indésirables du
médicament sans en avoir les avantages.
La reprise de poids à l’arrêt du médicament
Une reprise de poids est habituellement constatée à l’arrêt du traitement pharmacologique (figure 1, parties C
et D). Ce fait ne doit pas être interprété comme un échec
thérapeutique mais, au contraire, comme une preuve
d’efficacité ; selon l’adage bien connu, “un médicament
n’est efficace que si le patient le prend”. En conséquence, il faut préparer le sujet à cette éventualité en l’aidant
à modifier durablement son comportement alimentaire,
son activité physique et, plus généralement, son mode
de vie. C’est là le but essentiel d’un suivi médical régulier lors de la phase de stabilisation.
TRAITEMENT PHARMACOLOGIQUE DE L'OBÉSITÉ
Au maximum 2 ans
MESURES HYGIÉNODIÉTÉTIQUES SEULES
3 à 6 mois
Succès :
perte de poids
>5%
Indication ?
Poursuite
du traitement
Si reprise
de poids
prise en
charge
Échec :
perte de poids
< 5-10 %
Médicament
de
l'obésité
Évaluation
du rapport
bénéfices/
risques
Échec :
perte de poids
<5%
L’utilisation au long cours
Envisager un traitement de longue durée, comme pour
le diabète ou l’hypertension artérielle est parfaitement
logique, car l’obésité est une maladie chronique, fautil le rappeler ? Il n’a pas été constaté d’échappement
sous traitement, pour la dexfenfluramine, l’orlistat et la
sibutramine, comme cela a pu être le cas pour la
fluoxétine. Mais, habituellement, le recul ne dépasse
pas un an. De rares études dont la durée est plus longue
(de 2 ans ou plus) semblent le confirmer. Il existe toutefois une petite tendance à la reprise pondérale dans
l’étude multicentrique européenne sur l’orlistat (5) et
dans l’étude STORM sur la sibutramine (8), qui s’explique probablement par une certaine lassitude des
patients et par une diminution de leur adhésion aux
mesures diététiques. La durée optimale du traitement
médicamenteux n’est donc pas encore clairement établie. Par prudence, on est amené à ne pas dépasser
deux ans dans l’état actuel des connaissances sur le
rapport bénéfices/ risques des médicaments de l’obésité. Mais ce principe de précaution est-il appliqué aux
autres médicaments ?
La durée minimale n’est pas plus facile à déterminer !
Un traitement d’un an a l’avantage de permettre de
confronter le sujet aux difficultés posées par les multiples événements de la vie familiale et sociale : fêtes
de fin d’année, anniversaires, voyages, vacances… Les
traitements de courte durée n’ont que peu d’intérêt,
sauf cas particulier, la reprise de poids étant rapide et
quasi inéluctable à l’arrêt du traitement.
Que faire en cas de rechute, lorsque la courbe pondérale est à nouveau ascendante ? Les experts britanniques recommandent d’interrompre le traitement
pharmacologique si le poids du sujet augmente de plus
de 3 kg, car ils considèrent que le rapport bénéfices/risques n’est plus favorable (10).
La question d’un traitement intermittent mérite d’être
posée. Prescrire un médicament de l’obésité pendant
quelques mois, puis proposer une fenêtre thérapeutique
et la reprise du médicament en cas d’évolution pondérale défavorable est une stratégie thérapeutique qui
peut paraître intéressante. Elle a été testée sans beaucoup de succès par Weintraub et al. (11) : la majorité
des sujets reprennent du poids dans les 3 mois qui suivent l’arrêt du médicament. Cette option thérapeutique
favorise probablement la survenue d’oscillations pondérales (“syndrome du yoyo”). Il semble donc préférable d’être prudent vis-à-vis de cette stratégie, même
si une étude récente semble plus convaincante (12).
Arrêt du
traitement
Classes thérapeutiques
Sélection des répondeurs
12 semaines
Figure 2. Traitement pharmacologique de l’obésité : proposition d’arbre décisionnel. La perte de poids est évaluée à partir du poids initial mesuré au début de la prise
en charge.
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Le Courrier de Médecine Vasculaire (2), n° 2, avril/mai/juin 2002
L’IOTF classe les médicaments de l’obésité en deux
catégories en fonction de leur action périphérique ou
centrale. Le choix thérapeutique est réduit en France
car seuls l’orlistat et la sibutramine sont disponibles
Médecine vasculaire plusM
Orlistat
L’orlistat ou tétrahydrolipstatine (Xenical®) a un effet
inhibiteur puissant sur les lipases gastriques et pancréatiques en se fixant sur un résidu sérine du site actif de
ces enzymes (13). La molécule agit dans la lumière du
tube digestif en diminuant l’hydrolyse des triglycérides
alimentaires. Il en résulte une malabsorption des lipides
qui est dose-dépendante. Des travaux ont montré que
l’orlistat pouvait entraîner une baisse de l’absorption
des lipides de 30 % et une stéatorrhée de 20 à 30 g/j
(avec un maximum de 50 g/j) (13). Dans les conditions
d’utilisation habituelle, le médicament crée donc un
déficit énergétique d’environ 200 à 300 kcal/j par rapport au régime seul. L’orlistat est peu absorbé par la
muqueuse intestinale et son élimination est essentiellement fécale.
◗ Modalités de prescription
La dose optimale est de 120 mg trois fois par jour. La
gélule peut être prise avant ou pendant le repas et jusqu’à 2 heures après. Il est recommandé de suivre un
régime hypocalorique et hypolipidique apportant
moins de 30 % des calories sous forme de lipides, pour
assurer un déficit énergétique suffisant et pour augmenter la compliance. En effet, les effets indésirables
sont dominés par la stéatorrhée et dépendent directement de la dose du produit et de la quantité de lipides
ingérés. Ces effets gastro-intestinaux (inconfort digestif, selles grasses, selles impérieuses, incontinence
fécale, diarrhée, douleurs abdominales, etc.) sont en
général transitoires et sont rarement à l’origine d’un
arrêt du traitement. Cela prouve que les sujets sont, la
plupart du temps, capables d’adapter leur régime alimentaire. En cela, l’orlistat a un effet régulateur favorable sur le comportement alimentaire. Certains ont
parlé d’“effet antabuse” ou de “rééducation diététique”.
L’orlistat est susceptible de provoquer une malabsorption des vitamines liposolubles (vitamines A, D, E et
K) et des caroténoïdes. Leur taux plasmatique peut
diminuer, notamment en ce qui concerne la vitamine D
et la vitamine E dans certaines études (5, 14), tout en
restant dans les limites de la normale. Il faut donc
veiller à ce que les apports alimentaires de ces vitamines soient suffisants, sous la forme de fruits, de
légumes et d’huiles végétales.
Sibutramine
La sibutramine (Sibutral®) est un anorexigène, dérivé
de la phényléthylamine, qui a à la fois une action noradrénergique et sérotoninergique (15). En effet, elle
diminue la “recapture” de la sérotonine et de la noradrénaline au niveau des terminaisons nerveuses, sans
affecter la libération de ces neurotransmetteurs. Chez
les rongeurs, la sibutramine inhibe la prise alimentaire
en augmentant la satiété et stimule la thermogenèse
(15). Il s’agit d’une activation centrale du système
sympathique dont les efférences stimulent les récepteurs bêta 3-adrénergiques du tissu adipeux brun. Chez
l’homme, l’action anorexigène semble prédominante,
même si une petite augmentation de la thermogenèse a
été décrite.
La sibutramine est bien absorbée par voie orale. Elle
est métabolisée lors du premier passage hépatique. Ses
deux dérivés M1 et M2, qui ont une action pharmacologique, ont une demi-vie d’élimination de 14 à 16
heures et sont éliminés par voie hépatique. Les autres
métabolites, inactifs, sont excrétés principalement par
le rein.
édecine vasculaire plus
actuellement, les fenfluramines ayant été retirées de la
vente en 1997.
◗ Modalités de prescription
Le médicament peut être donné en une prise. L’effet est
dose-dépendant de 5 à 30 mg/j. La dose optimale est de
10 à 15 mg/j. La tolérance clinique est bonne (15). Les
effets secondaires centraux sont relativement banaux :
sécheresse de la bouche, nausées, constipation, fatigue,
sensations vertigineuses, insomnie, etc. En revanche, il
faut bien connaître les effets cardiovasculaires de type
adrénergique. La tension artérielle augmente en
moyenne de 1 à 3 mmHg et la fréquence cardiaque de
3 à 6 battements par minute. Il est donc nécessaire de
mesurer régulièrement ces paramètres. La sibutramine
est contre-indiquée en cas d’hypertension artérielle
mal contrôlée, d’antécédent d’accident vasculaire
cérébral ou d’insuffisance coronaire avérée et, par
conséquent, chez les sujets à haut risque vasculaire.
Effets bénéfiques du traitement
pharmacologique
Perte de poids
Les traitements diététiques sont souvent décevants à
moyen et, plus encore, à long terme, il faut bien en
convenir ! On admet que 30 à 60 % des sujets reprennent du poids au cours de la première année et que ce
taux atteint 95 % au bout de 5 ans. Dans le groupe placebo des grandes études pharmacologiques, la perte de
poids est en moyenne de 4 à 5 kg au bout d’un an (1,8
à 8 kg selon les moyens mis en œuvre). Les patients
traités par un médicament de l’obésité perdent en
moyenne 0,20 à 0,25 kg de plus par semaine que les
patients traités par le placebo au cours des 6 premiers
mois du suivi (16). Mais seules les études en double
aveugle, d’une durée minimale d’un an sont véritablement intéressantes. La perte de poids est en moyenne
de 9 à 10 kg (4,8 à 10,9 kg) sous dexfenfluramine,
sibutramine ou orlistat, pour des sujets dont le poids de
départ est de 90 à 100 kg (contre 6 kg environ pour
67
Médecine vasculaire plus
Médecine vasculaire plus
les sujets sous placebo) (9). Le pourcentage de
patients dont la perte de poids dépasse 10 % du
poids initial est le critère de succès thérapeutique le
plus pertinent. Toutes les études sont concordantes
sur ce point (figure 3) : les médicaments de l’obésité sont deux à trois fois plus efficaces que le placebo dans les analyses en intention de traiter, soit
environ 30 % de bons résultats (20 à 39 %), contre
15 % sous placebo (7 à 18 %) (9).
Effets sur les comorbidités
La perte de poids a un effet bénéfique significatif sur
les comorbidités de l’obésité. Des études à court ou
moyen terme ont montré qu’une perte pondérale de 10
% entraîne une baisse de 10 mmHg de la pression artérielle systolique, de 20 mmHg de la pression artérielle
diastolique, de 10 % du cholestérol total plasmatique,
de 15 % du cholestérol-LDL, de 30 % des triglycérides
et une augmentation de 8 % du cholestérol-HDL. De
plus, certains médicaments de l’obésité pourraient
avoir une action antidiabétique ou hypolipémiante,
indépendante de leur effet sur le poids. À l’évidence, il
s’agit là d’un avantage supplémentaire pour justifier
leur prescription au long cours. Ainsi, l’orlistat diminue le cholestérol-LDL de 5 à 10 % (5, 13).
Qualité de vie
Améliorer la qualité de vie est désormais un objectif
prioritaire du traitement de l’obésité. Seule la chirurgie
de réduction gastrique a fait réellement la preuve de
son efficacité dans ce domaine, car elle peut entraîner
une perte de poids de 20 à 40 kg chez des sujets atteints
d’obésité massive. L’effet d’un amaigrissement plus
modeste sur la qualité de vie est actuellement à l’étude,
les premiers résultats sont encourageants (17).
Effet sur la mortalité
L’effet du traitement pharmacologique de l’obésité sur
Pourcentage de patients
50
Placebo
Placebo
Placebo
Dexfenfluramine
Orlistat
Sibutramine
360 mg
40
30 mg
35
30
360 mg
360 mg
28
29
15 mg
39
34
10 mg
20
17
17
17
20
18
10
7
0
n=
418 404
114 114
224 668
340 343
163 161 161
Figure 2. Évaluation de l’efficacité de la dexfenfluramine, de l’orlistat et de la sibutramine selon Scheen et Lefebvre (9). Le critère retenu est le pourcentage de patients
obèses ayant perdu plus de 10 % de leur poids initial dans une étude en double
aveugle ayant duré un an. L’analyse est en “intention de traiter”, pour tenir compte
des sorties d’étude. Le nombre de patients étudiés dans chaque groupe et la posologie du médicament sont indiqués dans la figure.
68
Le Courrier de Médecine Vasculaire (2), n° 2, avril/mai/juin 2002
le risque de mortalité n’a pas été étudié. Un tel essai
thérapeutique serait difficile à réaliser pour des raisons
à la fois financières et méthodologiques.
La prescription
Indications
Le traitement médicamenteux ne peut être envisagé que
pour les patients véritablement obèses (IMC ≥ 30 kg/m2)
pour lesquels le traitement hygiéno-diététique a donné
des résultats insuffisants au bout de 3 à 6 mois (2).
Il peut être également indiqué pour des patients en surpoids (IMC ≥ 25 kg/m2) ayant un risque élevé de
morbi-mortalité lié à des pathologies comme le diabète de type 2, les dyslipidémies, l’hypertension artérielle ou le syndrome des apnées du sommeil, pour lesquelles l’obésité joue un rôle pathogénique déterminant (2). L’appréciation du seuil de risque varie selon
les pays ; les autorités américaines ont choisi un
IMC ≥ 27 kg/m2 et les experts français un IMC ≥
25 kg/m2. Il est amusant de constater que, dans cette
situation, l’orlistat a une AMM lorsque l’IMC est ≥
28 kg/m2 et la sibutramine pour un IMC de 27 kg/m2.
Le syndrome X d’insulino-résistance, ou syndrome
métabolique, qui associe intolérance au glucose, dyslipidémie, hypertension artérielle et obésité androïde,
pourrait être une bonne indication, car la perte de poids
en constitue le traitement le plus logique. La prévention du diabète de type 2 serait également une cible de
choix (18).
Seules les indications médicales peuvent être retenues,
ce qui exclut l’usage de ces médicaments chez des
sujets sans excès de poids, à des fins uniquement esthétiques. L’utilisation des médicaments n’est pas recommandée chez l’enfant car les données sont insuffisantes quant à leurs effets pendant la croissance et la
puberté, ou quant à leur action à long terme sur le comportement alimentaire. Mais des études sont en cours
dans les formes sévères.
Choix du médicament
Le choix thérapeutique repose sur de multiples critères, dont les principaux sont la disponibilité (en
France, l’AMM), le coût financier, l’efficacité, les
effets secondaires, mais surtout l’expérience du
prescripteur, car il n’existe pas de consensus international à ce sujet. Certains proposent de choisir un
médicament d’action centrale, comme la sibutramine, chez les patients qui reconnaissent avoir du mal
à contrôler leurs apports alimentaires ; l’orlistat
peut sembler plus intéressant chez les patients forts
consommateurs de lipides que chez ceux suivant
déjà un régime hypolipidique sévère. Mais ces
arguments sont relatifs, si l’on considère la difficulté habituelle à estimer les apports alimentaires
des personnes obèses.
Médecine vasculaire plusM
Cadre thérapeutique
Le traitement médicamenteux ne constitue qu’un
moyen thérapeutique parmi d’autres, dans une stratégie
de prise en charge à long terme, adaptée à chaque
patient. Il fait donc partie d’un projet thérapeutique qui
doit clairement définir les objectifs recherchés et le
“calendrier” de la perte de poids. Ce projet est ajusté à
chaque consultation, en fonction des résultats obtenus,
des attentes du patient, de ses propres conceptions visà-vis de sa santé (croyances de santé), des “efforts”
qu’il est capable de faire, ainsi que de l’expérience du
médecin. Le carnet de santé pourrait en être le support.
Il importe, en effet, que l’évolution du poids et celle
des facteurs de risque vasculaire soient relevées de
même que les difficultés du patient. Si un médecin spécialiste est à l’origine de la première prescription médicamenteuse, des informations précises devraient être
transmises au médecin traitant sur les effets attendus,
les complications éventuelles, les paramètres à surveiller, etc. Une fois l’objectif atteint, il est indispensable qu’un programme de soutien soit mis en place
pour éviter la “rechute”. Il comporte des mesures
simples : pesée régulière du patient au cabinet médical
par le médecin traitant (tous les 3 mois par exemple),
un entretien diététique plusieurs fois par an, des
conseils pour augmenter l’activité physique dans la vie
quotidienne, une analyse du comportement alimentaire dans les situations de stress, etc.
Évaluation du rapport bénéfices/risques
La réalisation d’études de longue durée reste indispensable, afin de mieux évaluer, d’une part, l’efficacité sur
le poids et les comorbidités et, d’autre part, les risques
des médicaments de l’obésité, l’évaluation de ce rapport bénéfices/risques étant une préoccupation
constante (16). Pour les molécules utilisées en France
(orlistat et sibutramine), ce rapport est considéré
comme bon. Mais les effets de la sibutramine sur la fréquence cardiaque et la tension artérielle méritent d’être
soigneusement évalués, en particulier chez les patients
à risque cardiovasculaire avéré. En ce qui concerne
l’orlistat, il est important de surveiller à long terme le
statut vitaminique, compte tenu des multiples fonctions cellulaires des vitamines liposolubles et des caroténoïdes en particulier.
Perspectives
De nouvelles molécules seront disponibles pour le clinicien dans les années à venir, car les connaissances
scientifiques ont beaucoup évolué au cours des années
1990 dans les domaines de la neurobiologie du comportement alimentaire, du métabolisme de l’adipocyte
ou du métabolisme énergétique (19). Il sera alors possible de choisir pour chaque patient le médicament le
plus adapté en fonction de son profil d’action sur la
prise alimentaire (faim, satiété, rassasiement, impulsivité, dépendance, etc.), le métabolisme (absorption
intestinale, stockage des nutriments, etc.) et sur les
dépenses énergétiques (oxydation des acides gras, rendement métabolique, etc.).
Nous prendrons deux exemples. Augmenter les
dépenses énergétiques en “brûlant” les acides gras au
niveau des muscles (via la protéine découplante UCP
3) ou créer un petit gaspillage dans certaines voies
métaboliques permettrait d’équilibrer plus facilement
le bilan énergétique. Modifier les signaux d’adiposité
(hormones ou neuromédiateurs qui renseignent le
centre sur les réserves de la périphérie, comme par
exemple l’insuline ou la leptine) ou leurs actions sur le
cerveau donnerait la possibilité de régler le pondérostat
à une valeur plus basse et d’éviter les rechutes.
édecine vasculaire plus
L’absence de réponse à une classe thérapeutique peut
amener à proposer une molécule d’une autre classe.
L’association d’un médicament d’action centrale à un
deuxième d’action périphérique est logique en théorie,
mais non recommandée en pratique, faute de données.
Il faut rappeler dans ce domaine que l’association de
deux anorexigènes est interdite en France.
Conclusion
L’obésité est désormais reconnue comme une maladie,
le fait mérite d’être souligné, car elle peut mettre en
cause le bien-être, au sens large, des patients. Il est
donc normal que le traitement pharmacologique de
l’obésité soit considéré comme un traitement comme
les autres, par les médecins et par les malades.
Les “bonnes pratiques cliniques” ont été définies au
plan international et adaptées à la situation française en
1998. La prescription médicamenteuse s’intègre dans
un projet thérapeutique qui prend en compte l’ensemble des problèmes, qu’ils soient somatiques, psychologiques ou sociaux. Cette démarche n’est pas facile pour le médecin qui doit analyser et comprendre le
comportement de son patient et le contexte dans lequel
il vit. Elle est difficile aussi pour le patient, qui est
amené à remettre en cause son mode de vie.
Le coût financier, qui est totalement à la charge du
patient, reste malheureusement en France un problème
majeur. Bien des patients en surpoids qui pourraient
bénéficier d’un tel traitement – car ils sont diabétiques
ou hypertendus – ne peuvent manifestement pas supporter longtemps cette charge financière. Il y a là
une réelle injustice…
Les références sont disponibles auprès de la rédaction de la revue :
DaTeBe, Brigitte Hulin, 62-64, rue Jean-Jaurès, 92800 Puteaux.
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