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Atelier 5 Climat et biodiversité, des enjeux liés
pour des solutions communes et complémentaires
Vanessa Laubin
Il faut reconnaître une dialectique
entre l’impact social des changements
climatiques et l’impact climatique
des changements sociaux. Repenser
la consommation d’énergie en fonction
à la fois de l’habitat et de l’environnement
est une nécessité.
Par exemple, une étude montre que
la consommation électrique d’un
réfrigérateur peut passer du simple au
triple en cas d’obsolescence, en incluant
un risque sanitaire. Leur rénovation à
grande échelle en France permettrait des
économies substantielles et prouve
d’ailleurs la caducité du tarif social de
l’énergie, qui infuse jusqu’à 340 millions
d’euros par an dans une consommation
qui inclut des pertes colossales d’énergie
participant à une pollution de
l’environnement.
Il en est de même dans le Tiers-Monde,
dont l’énorme potentiel en énergies
renouvelables doit être exploité au
mieux dans une politique qui repenserait
profondément les usages énergétiques
domestiques. Cette priorité se traduit
d’ailleurs dans certaines contributions
nationales à la COP 21, et implique
un besoin d’investissement par le prêt
et le don qui doit être pensé en amont.
Cet atelier a été organisé par la
Fondation Albert Ier Prince de Monaco.
Chris Bowler,
directeur de recherche CNRS
à l’Institut de Biologie de l’ENS
et Paris Sciences et Lettres,
Coordinateur Scientifique de Tara Oceans,
et membre du Comité Scientifique
de la Plateforme Océan et Climat
Pierre-Edouard Guillain,
président de la Fondation
pour la Recherche sur la Biodiversité
Alain Chabrolle,
représentant de l’Association Orée
et vice-président
de la région Rhône-Alpes
Modérateur
Alexia Tye,
Directrice administrative
et financière de la Fondation
Albert Ier Prince de Monaco
Les enjeux de biodiversité sont intiment
liés à ceux du climat. Nous devons agir
sur les émissions de gaz à effet de serre
pour limiter les effets du changement
climatique sur l’environnement
planétaire (niveau des océans, forces et
fréquence des intempéries, sécheresse,…)
mais aussi pour permettre à l’ensemble
des espèces, y compris l’homme, qui
forment le tissu vivant de la planète
de s’adapter. Mais nous devons garder
à l’esprit que pour que cette adaptation
des espèces, et au-delà des écosystèmes,
puisse se faire, il faut en préserver les
mécanismes de réponse et d’adaptation
et donc limiter les pressions qui
s’exercent sur la biodiversité et peuvent
altérer sa capacité à évoluer et à s’adapter
à un environnement changeant
rapidement.
Chris Bowler
Tout en soulignant que le climat relève
de la science, et qu’il est un sujet très
complexe, Chris Bowler ne peut qu’insister
sur l’importance des interactions
du monde politique et de la société civile,
et notamment des fondations, avec
les scientifiques, afin de mieux saisir les
enjeux liés aux changements climatiques.
Spécialiste des océans et de leur
biodiversité, Chris Bowler a insisté
sur l’importance de ceux-ci. Car, tout
d’abord, les océans ont un rôle protecteur
non négligeable. Ils sont une sorte
de thermostat face au réchauffement
climatique, puisqu’ils sont une pompe à
carbone, dissolvant une part importante
du dioxyde produit. On peut considérer
que les océans ont absorbé jusqu’à 25%
du CO2 produit par l’homme depuis
la Révolution industrielle.
C’est le plancton, qui représente 95%
de la biomasse des océans qui est
le principal composant de la pompe
biologique à carbone et qui génère
50% de l’oxygène de la planète depuis
1 milliard d’années
Qui plus est, les océans permettent la
sédimentation de fossiles, donc de créer
des formations géologiques essentielles, à
l’origine d’ailleurs des énergies fossiles.
Mais l’océan est menacé. L’augmentation
du CO2 atmosphérique, de l’ordre
d’un septième en plus en 30 ans, a pour
conséquence une augmentation
de la quantité de bicarbonate et acidifie
les océans en en modifiant l’équilibre
biochimique. Toutes les mesures
de pH réalisées concordent dans ce sens.
La baisse du pH pourrait altérer
la calcification des organismes marins
notamment, et donc limiter le phénomène
de sédimentation évoqué plus haut.
Corollairement l’oxygène se raréfie dans
les océans et leur température augmente.
L’élévation du niveau de la mer qui
en découle, redoublé par la disparition
de récifs coralliens et des mangroves,
met en danger les cotes.
Globalement donc, l’océan s’acidifie,
perd sa teneur en sel et se réchauffe.
L’affaiblissement conséquent en
nutriments ferait entrer les océans dans
un cercle vicieux, destructeur pour sa
faune. Les organismes dans les océans
devraient ainsi migrer toujours
plus loin vers les pôles à la recherche
de températures favorables.
Cependant l’océan doit aussi être vu
comme une solution : l’océan est une
source d’alimentation, d’énergie
renouvelable et de nouvelles technologies,
comme par exemple la nanotechnologie.
Chris Bowler érige donc comme
recommandation de considérer
comme indissociables les problématiques
climatiques et océaniques. D’où la
nécessité primordiale de les intégrer
dans les négociations climatiques.
Une seconde priorité doit être le
développement équitable des ressources
et services provenant des écosystèmes
marins. La répartition doit être équitable
dans l’accès aux ressources océaniques
et à leurs bénéfices.
Pour cela, il faut donc développer
les connaissances scientifiques
pour mieux évaluer les effets cumulatifs.
Pierre-Édouard Guillain
Trois faits sont importants pour comprendre
les enjeux liés à la biodiversité :
la biodiversité change et fait partie
du système climat, pour cette raison, les
sociétés humaines vont devoir s’y adapter.
Tout d’abord la biodiversité change.
Par nature, elle s’adapte en permanence,
dans une perspective évolutionniste.
Ce qui pose problème est l’accélération
du rythme des changements climatiques
et environnementaux liés à l’activité
humaine, qui dépasse les capacités
d’adaptation de la biodiversité. Certaines
espèces, plus particulièrement sensibles
à l’accélération de ces changements,
en sont les premières victimes.
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Atelier 6 Climat et citoyenneté,
vers un mouvement mondial pour la justice climatique
Dans un second temps, il est nécessaire
de relever que la biodiversité fait partie
du système climat. Et plus des points
de basculement sont atteints an matière
climatique, plus on complexifie cette
adaptation. En effet la biomasse participe
à la précipitation du carbone. Et la
biomasse n’est rien sans la biodiversité,
puisque la capacité à stocker du carbone
se fait par l’écosystème dans sa globalité
et sa diversité. Il faut comprendre par-là
que le climat dépend de la biomasse,
qui elle s’adapte à ses changements dans
la mesure de ses capacités naturelles.
Mais la technologie naturelle qui permet
cet échange est un équilibre fragile
et peine à suivre le rythme imposé par les
activités humaines.
Il faut donc changer notre perception
de la biodiversité. C’est une dynamique
du vivant très importante pour sa propre
perpétuation. En conservant les espèces,
on conserve le bricolage du vivant et de
son évolution. Une conservation à tout
prix n’est pas souhaitable pour autant, car
elle biaiserait aussi la sélection naturelle.
Ce qui est important de conserver c’est
la capacité d’adaptation de l’écosystème,
dont beaucoup de mécanismes nous sont
encore inconnus.
Ne rendons pas la tâche encore plus
difficile au vivant. Ne rajoutons
pas de contraintes Ne fragmentons pas
des milieux, ne les surexploitons pas.
La biodiversité est l’éternelle bénévole
de l’homme, dont il dépend beaucoup.
Pensons à la société que nous aurons
demain si la biodiversité change trop :
la mer pourrait devenir peuplée
exclusivement de méduses.
Alain Chabrolle
L’association Orée a pour but de développer
une réflexion commune sur les meilleures
pratiques environnementales et mettre
en œuvre des outils pratiques pour une
gestion intégrée de l’environnement
à l’échelle des territoires. Elle a érigé
comme un de ses trois axes prioritaires
de réflexion “Biodiversité et économie”.
Elle organise des travaux prospectifs,
de recherche et plus particulièrement
relatifs à la filière du bâtiment.
Derrière ces réflexions, une première série
d’enjeux climatiques liés aux perturbations
de la dynamique du climat. Une deuxième
série d’enjeux est relative à la biodiversité,
et l’érosion du tissu vivant planétaire.
Un des chercheurs lié à Orée appelle
à créer une « biodiversité » des activités
économiques et sociales, qui prendrait
donc en compte la biodiversité naturelle
en prenant exemple sur elle.
Lutter contre le changement climatique
impose de repenser sa dépendance aux
ressources fossiles, par conséquence
des opportunités de nouvelles activités
apparaissent. L’association Orée tâche
donc de promouvoir la compatibilité entre
la défense de la biodiversité et une
économie prospère en guise de transition.
Cette promotion passe par la mise en
place d’outils d’aide à la décision, comme
la labellisation par exemple.
Cet atelier a été organisé
par la Fondation Charles Léopold Mayer
pour le Progrès de l’Homme,
la Fondation After-FACT,
la Fondation Un Monde par Tous,
la Fondation Monde Solidaire,
CCFD – Terre Solidaire.
Txtex Etcheverry,
co-fondateur d’Alternatiba
Varinia Vinay-Forga,
déléguée générale
du Collectif Transition Citoyenne
Kerim Didier Salifou,
coordinateur national du Mouvement
Alliance Paysanne du Togo (MAPTO)
Modérateur
Nicolas Krausz,
Responsable de programme
à la Fondation Charles Léopold Mayer
pour le Progrès de l’Homme.
On peut dresser une typologie des
manières dont les fondations travaillent
sur le sujet du climat. Il existe en effet :
• Les « climate funders » (aux États-Unis
principalement) qui financent des
expertises et vont conseiller les États
ou le secteur privé sur leur participation
aux négociations internationales.
• Des fondations réussissant à lier
le climat à leur secteur de prédilection :
agriculture, logement, énergies, etc.
Exemple : fondation Carasso.
• Des fondations s’intéressant aux
changements climatiques par le prisme
de la nécessité d’un changement
systémique, d’où un engagement
citoyen.
Dans cette dernière catégorie, le mot
d’ordre serait « changer le système
pas le climat ». Et ceci par la création
d’un mouvement citoyen pour la justice
climatique, qui est en train d’émerger
et de s’organiser en vue de la COP21
de Paris. L’implication des citoyens dans
la lutte contre le changement climatique
est décisive à plusieurs niveaux:
• mobiliser les populations pour faire
pression sur les gouvernements
et les organisations internationales
en vue d’obtenir un accord universel
et juridiquement contraignant à Paris.
• montrer que des solutions concrètes
pour le climat sont déjà disponibles,
à portée du quotidien de tous et
esquissent une alternative systémique
• défendre une approche de solidarité
internationale qui place la justice et la
question du modèle de développement
au cœur de l’enjeu climatique
Txetx Etcheverry
Dans cette catégorie, Txetx Etcheverry,
à travers son association Bizi! et les
Alternatibas qu’elle organise est un
modèle. Le dernier événement en date
a été une traversée de la France à vélo.
À chaque étape, des rencontres avec
les citoyens, la presse, les élus locaux,
des conférences, des événements ont été
organisés presque spontanément, de
façon décentralisée, preuve qu’un projet
de réappropriation des problématiques
climatiques est mobilisateur.
Parti de ce constat, Txtetx Etcheverry nie
toute crise du militantisme. Il suffit de
proposer des perspectives mobilisatrices
et de les inscrire dans la durée.
À travers l’apothéose de cet événement
à Paris, sur une place de la République
bondée, la solution à cette inscription
dans la durée est venue d’elle-même.
En effet ce meeting a réuni des acteurs
locaux et internationaux, dont des
interlocuteurs rencontrés sur la route.
Il préfigure ainsi ce qui est envisagé pour
l’avenir : poser les bases d’un mouvement
pour le climat à travers la rencontre
d’acteurs présents à différentes échelles.
Ces événements ont permis l’apparition
d’une nouvelle génération de militants.
Et plusieurs actions permettent
de continuer à atteindre le tout à chacun,
comme par exemple la rédaction d’un
livret « alternativez-vous ». Il faut avant
tout lier local et global pour donner sens
à l’ensemble et encourager le renouveau
d’une mobilisation citoyenne plus
transversale.
Alternatiba repose sur l’idée qu’il faut un
socle massif, une mobilisation citoyenne
large pour obtenir des avancées sur
les problématiques climatiques, sans
pour autant nier le rôle important des
négociations étatiques. Aussi il faut que
l’action citoyenne entoure la COP 21, sans
que l’un ne puisse éclipser ou l’autre, mais
bien plutôt dans le sens d’une émulation
mutuelle.
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