HGE-EBM maq. 14/01/03 9:07 Page 349 Nutrition Comment nourrir un malade avant un acte de chirurgie digestive programmé pour cancer ? ce qu’il faut retenir Chez les malades sévèrement dénutris (indice de Buzby ! "#$%)$ un support nutritionnel par voie entérale ou parentérale (tube digestif non fonctionnel ou inaccessible) de & à '( jours est associé à une réduction de la mor) bidité postopératoire (complications infec) tieuses)* Niveau de preuve 1 Chez des malades non dénutris$ une supplé) mentation nutritionnelle orale préopératoi) re de % jours avec une diète immunomodu) latrice réduit les complications infectieuses postopératoires et la durée d’hospitalisa) tion* Le Nutritional Risk Index de Buzby (3) NRI = (1,519 x albumine plasmatique, g/l) + 41,7 x (poids actuel/poids habituel) > 97,5 : non dénutris, 83,5-97,5 : dénutrition modérée, < 83,5 : dénutrition sévère _ a réponse à cette question peut paraître bien simple puisque des experts se sont clairement prononcés à l’issue de la conférence de consensus nutrition artificielle périopératoire en chirurgie programmée de l’adulte (1). Le jury, s’appuyant sur de nombreuses études de la littérature, dont la fameuse étude des vétérans (2), recommande de ne pas utiliser la nutrition artificielle (entérale ou parentérale), dans la période périopératoire (2 semaines avant et 2 semaines après la chirurgie), chez les sujets non ou peu dénutris et qui peuvent, dans la semaine suivant l’intervention, reprendre une alimentation couvrant 60 % des besoins énergétiques. Il recommande, en revanche, la nutrition artificielle préopératoire chez les malades sévèrement dénutris devant subir une intervention chirurgicale majeure. La dénutrition sévère est définie idéalement par un indice de Buzby (Nutritional Risk Index) inférieur à 83,5 (3) (encadré). Des études postérieures à cette conférence de consensus confirment que, chez des malades porteurs d’une affection néoplasique, l’assistance nutritive préopératoire, lorsqu’elle est correctement réalisée, améliore la morbidité postopératoire et même, pour l’une d’entre elles, la mortalité postopératoire (4). Deux études récentes (5, 6) suggèrent que l’immunonutrition périopératoire (préopératoire par voie orale et postopératoire intrajéjunale) à l’aide d’un mélange nutritif enrichi en arginine, huile de poisson et nucléotides, réduit les complications postopératoires et la durée d’hospitalisation comparativement à une supplémentation standard. Cependant dans ces études, il n’y avait pas de groupe contrôle, les malades n’étaient pas stratifiés selon l’état nutritionnel, et la part revenant à l’intervention nutritionnelle pré- ou postopératoire est impossible à définir. Gianotti et al. (7) ont randomisé 305 malades non sévèrement dénutris (perte de poids inférieure à 10 %) devant subir une chirurgie digestive programmée pour cancer (œsogastrique, pancréatique ou colique). Le groupe 1 (n = 102) recevait un support nutritionnel pré-opératoire (1 000 ml par jour d’un mélange enrichi en arginine, huile de poisson et nucléotides) par voie orale pendant 5 jours. Le groupe 2 (n = 101) recevait la même supplémentation La lettre de l’hépato-gastroentérologue - n° 6 - vol. V - novembre-décembre 2002 349 HGE-EBM maq. 14/01/03 9:07 Page 350 Xä | w x Ç v x @ u t á x w Å x w | v | Ç x préopératoire plus une nutrition entérale intrajéjunale débutée dès la douzième heure postopératoire et poursuivie jusqu’à la reprise de l’alimentation. Les malades du groupe 3 (n = 102) n’avaient aucune supplémentation pré- ou postopératoire et constituaient le groupe contrôle. En intention de traiter, l’incidence des complications infectieuses postopératoires était de 13,7 % dans le groupe 1, 15,8 % dans le groupe 2 et 30,4 % dans le groupe 3 (p = 0,006 versus groupe 1 ; p = 0,02 versus groupe 2). La durée d’hospitalisation était de 11,6 ± 4,7 jours dans le groupe 1, 12,2 ± 4,1 jours dans le groupe 2 et 14,0 ± 7,7 jours dans le groupe 3 (p = 0,008 versus groupe 1 ; p = 0,03 versus groupe 2). Cette étude, menée de manière particulièrement rigoureuse, démontre qu’en intention de traiter, une supplémentation orale avec un mélange nutritif enrichi en immunonutriments dans les 5 jours qui précèdent un acte de chirurgie digestive pour cancer chez un malade non dénutri, réduit la morbidité postopératoire et la durée d’hospitalisation. Compte tenu de la simplicité et de l’innocuité de l’intervention nutritionnelle proposée, on voit mal la raison qui empêcherait de la généraliser. R 1. É F É R E N C E S Société francophone de nutrition entérale et parentérale. Conférence de consensus sur la nutrition artificielle péri-opératoire en chirurgie programmée de l’adulte : Recommandations du jury. Nutr Clin Metab 1995 ; 9 (Suppl 1) :13-22. 2. Veterans affairs TPN Cooperative study group. Perioperative total parenteral nutrition in surgical patients. N Engl J Med 1991 ; 325 : 525-32. 3. Buzby G, Mullen J, Matthews D et al. Prognostic nutritional index in gastrointestinal surgery. Am J Surg 1980 ; 139 : 160-7. 350 4. Bozzetti F, Gavazzi C, Miceli R et al. Perioperative total parenteral nutrition in malnourished, gastrointestinal cancer patients : a randomized clinical trial. JPEN 2000 ; 24 :7-14. 5. Braga M, Gianotti L, Radaelli G et al. Perioperative immunonutrition in patients undergoing cancer surgery. Results of a randomized double-blind phase 3 trial. Arch Surg 1999 ; 134 : 428-33. 6. Senkal M, Zumbotel V, Bauer KH et al. Outcome and cost-effectivenes of perioperative enteral immunonutrition in patients undergoing elective upper gastrointestinal tract surgery : a prospective randomized study. Arch Surg 1999 ; 134 : 1309-16. 7. Gianotti L, Braga M, Nespoli L et al. A randomized controlled trial of preoperative oral supplementation with a specialized diet in patients with gastrointestinal cancer. Gastroenterology 2002 ; 122 : 1763-70. Autres ? uestions non résolues ◆ Chez les sujets sévèrement dénutris, l’assistance nutritive préopératoire utilisant des mélanges nutritifs immunomodulateurs est-elle supérieure à un support nutritionnel standard ? ◆ Quel type de supplémentation nutritionnelle préopératoire faut-il proposer aux sujets modérément dénutris (83,5 < NRI < 97,5) ? ◆ La stratégie nutritionnelle préopératoire est-elle identique chez un sujet jeune et chez un sujet âgé ? La lettre de l’hépato-gastroentérologue - n° 6 - vol. V - novembre-décembre 2002