Par Remi Coutin . Le Charançon des tamaris s'obtient facilement en récoltant les coques nymphales à l'aspect de petites graines que l'on trouve sous les tamaris et qui contiennent les larves, puis les nymphes. Cliché R. Coutin-OPIE Graines et pois sauteurs Nombreux sont les insectes qui, à l'état larvaire ou à l'état imaginal, se déplacent en sautant. Viennent aisément à l'esprit des noms comme : sauterelles, criquets, puces, cicadelles, altises ou puces de terre, taupins, parmi les plus connus. Plus curieux, les mouvements brusques des larves qui font rouler sur elles-mêmes, basculer et sauter à plusieurs centimètres de haut les graines qu’elles habitent et dévorent… P armi les plus célèbres de ces “graines sauteuses” figurent les “pois sauteurs”, qui sont en réalité les graines d'une Euphorbiacée mexicaine contenant chacune une chenille du Carpocapse des euphorbiacées Laspeyresia saltitans Westwood. La jeune chenille s'introduit et se développe dans les capsules à trois loges de l'Euphorbiacée mexicaine : Sebastiana palmeri dont le fruit rappelle celui de notre Épurge (Euphorbia lathyris). Lorsqu'elle a consommé la graine et qu'il ne reste plus que la légère enveloppe du fruit, la chenille se détend brus- quement dans sa loge, ce qui provoque le détachement et le saut du fruit hors de la capsule à une certaine distance, d'où son nom com- Adulte de l'Anthonome de l'aubépine Cliché R. Coutin-OPIE Insectes 26 n°132 - 2004 (1) mun, aux États-Unis, de “Mexican jumping bean moth”. Ces détentes sont répétées jusqu'à ce que le fruit soit arrivé dans un site favorable. La chenille se nymphose alors à l'abri de sa “prison”. Au Chili, une autre Tordeuse : Grapholita motrix Bergm., se développe aux dépens des fruits d'autres euphorbiacées arbustives du genre Colliguaya : C. odorifera, C. brasiliensis et C. integerrima. Trois charançons (Coléoptères Curculionidés) séminivores européens, tous de petite taille, constituent chacun une curiosité biologique. Le premier d'entre eux est l'Anthonome de l'aubépine, Anthonomus pedicularis L. Sa larve se développe à l'intérieur des boutons floraux de l'aubépine ou du prunellier. Vous avez décoré votre maison d'une brassée de branches d'aubépine. Quelques jours plus tard, les fleurs sont fanées. Vous vous apprêtez à les jeter et quel transformés en petites galles. L'évolution larvaire terminée, la galle tombe au sol et c'est elle que l'on voit effectuer des bonds jusqu'à ce qu'elle se soit insérée à l'ombre dans une fente du sol. Graine d'une Euphorbe mexicaine montrant l'exuvie nymphale du Carpocapse des euphorbiacées qui l'a consommée. Cliché R. Coutin-OPIE n'est pas votre étonnement de voir de petits boutons floraux brunis non épanouis tombés sur le meuble, qui roulent sur euxmêmes, animés de l'intérieur ! En effet, à la fin de la croissance de l'insecte, l'organe mortifié se détache et tombe au sol. On peut alors voir ces petites boules brunes sauter de temps en temps sous l'influence des détentes brusques de la larve qu'elles contiennent. La femelle du Charançon des tamaris, Corimalia (= Nanophyes) tamarisci pond dans les fleurs de Tamarix gallica et de T. africana. La larve en dévore l'intérieur, puis, à la fin de sa croissance, se laisse tomber au sol. Elle utilise alors des débris de fleurs pour se fabriquer une coque sphérique ayant l'aspect d'une graine. Repliée sur ellemême dans cet abri, elle se détend brusquement, aidée en cela par une forte gibbosité dorsale extensible et rétractible du second segment abdominal, et fait exécuter des bonds non orientés à sa cellule tant qu'elle n'a pas réussi à lui faire gagner une cavité à l'ombre. Alors les bonds cesseront et l'évolution normale de la larve, en nymphe, puis en adulte, se poursuivra. Ce charançon est répandu et commun dans la zone de l'olivier. Il est particulièrement abondant dans la vallée de la Siagne à partir de mai et dans toute la région du littoral méditerranéen, sauf Corse. Corimalia pallidus, espèce voisine, n'utilise pas de débris floraux. Le développement de sa larve se fait aux dépens des fruits qui sont Le pois sauteur du Mexique Le pois sauteur du Mexique (graine d'euphorbe occupée par une larve de Laspeyresia saltitans) a été largement popularisé auprès de toute une génération de lecteurs par le magazine Pif Gadget. Le numéro 137 du 4 octobre 1971 qui proposait cet étrange cadeau atteindra le tirage record de 1 million d'exemplaires. La formule sera reprise plus tard, notamment dans des éditions régionales. Pour en savoir plus : www.pif-collection.com/dossier_gadget_7.htm Le Charançon des tamaris. Dessin A. Hoffmann Le Charançon des fleurs de phillyrea. Dessin A. Hoffmann Corimalia pallidus - Dessin A. Hoffmann Insectes 27 n°132 - 2004 (1) Le Charançon des fleurs de phillyrea, Cionellus gibbifrons Kiesenwetter, dont la biologie est voisine de celle du précédent, pond ses œufs à la fin d'avril dans les boutons floraux des Phillyrea angustifolia et P. media. La larve dévore les anthères avant l'ouverture de la corolle. Elle se nymphose dans un cocon fabriqué de débris de feuilles sur le sol. Ce cocon se déplace par des mouvements brusques et rapides de la larve qu'il contient, jusqu'à ce qu'il arrive dans un site propice assez humide où la transformation en nymphe pourra avoir lieu. On peut rencontrer l'adulte toute l'année. Un Hyménoptère térébrant appartenant à la vaste famille si diverse des Cynips, célèbres par les galles provoquées sur les chênes, le Cynips à galle sauteuse, Neuroterus saliens Kollar, a un mode de vie analogue à celui de l'Anthonome de l'aubépine décrit plus haut. La galle formée sur la nervure principale de la feuille de chêne, à la face inférieure, se détache en octobre et tombe au sol. Par des contorsions, la larve provoque, par contrecoup, le déplacement et le saut des galles qui finissent par s'insinuer dans la litière des feuilles ou les fentes du sol. Aux États-Unis, d'autres espèces provoquent ainsi le saut des galles détachées, dans lesquelles leur évolution s'est poursuivie : Trisoleniella saltatus Ashmead, le “jumping ribbed gall” et Neuroterus saltatorius Weld, “jumping bullet gall” ou “flea seeds”. Examinons enfin la très curieuse Tenthrède mineuse des feuilles d'érable, Heterarthrus aceris Kaltenbach. Sa larve mineuse de feuilles de sycomore (Acer pseudoplatanus) ou d'érable champêtre (Acer campestre) se fabrique une Papillon du Carpocapse des euphorbiacées - Cliché R. Coutin-OPIE coque discoïdale tissée et caduque qui tombe au sol. Tant que l'emplacement ne convient pas à la larve, celle-ci s'agite dans sa coque au point de la faire sauter, jusqu'à ce qu'elle parvienne en un point favorable. Tous ces insectes sont fort passionnants à étudier. Quoique de en bref… Lu pour vous © The Trustees of the National Museums of Scotland Cliché W.R.B. Crichton ■ Pionnier Long d'un centimètre à peine, vieux de 420 millions d'années, Pneumodesmus newmani, trouvé (fossilisé) à Stonehaven, en Écosse, est le premier animal terrestre connu. La présence de stigmates indique qu'il respirait dans l'air. C'est un Myriapode (mille-pattes), cousin des ancêtres des insectes. Mike Newman, son découvreur, est chauffeur d'autobus à Aberdeen - et paléontologue amateur. D'après, notamment, Fossil Millipede found to be oldest land creature, lu le 26 janvier 2004 sur Yahoo! News à news.yahoo.com Insectes très petite taille, 2 à 4 mm, sauf L. saltitans qui mesure 9 mm, ils fournissent les uns et les autres matière à l'un des chapitres les plus extraordinaires du comportement et de la biologie des insectes. Nous invitons tous les curieux de la nature à les observer pour parfaire nos connaissances à leur sujet. r ■ Le chemin des insectes par les mots Les lecteurs d’Insectes se souviennent d’une rubrique, le Glossaire progressif, apparue avec le n°111 (fin 1998) et suspendue après le n°123 (fin 2001) : une paire de brefs articles commençant par la même lettre et traitant l’un d’un genre d’insectes et de ses représentants les plus connus, l’autre d’un terme du vocabulaire entomologique. Les éléments successifs de ce feuilleton (une quarantaine de binômes) ont rejoint, l’un après l’autre, avec quelques “inédits”, la grande page de même nom, toujours disponible sur Internet à www.inra.fr/opieinsectes/glossaire.htm. Ce Glossaire progressif en ligne - très fréquenté aura une troisième vie, après une profonde métamorphose et un développement important, sous forme de cet ouvrage, proposé par les mêmes auteurs. Dans l’ordre alphabétique, y sont présentés les termes de morphologie, de biologie et les divers ordres avec les principales familles. Avec 300 figures - des dessins au trait tirés d’ouvrages classiques - et un index des articles développés - encyclopédiques - de biologie, une originalité dans ce genre d’usuel, ce glossaire se veut un bréviaire complet pour l’entomologiste. De quel niveau ? Celui du lecteur d’articles de vulgarisation, par exemple, des textes présentés dans Insectes et sur le site /opie-insectes/ où l’on s’efforce d’éviter tout terme trop spécialisé mais où les termes précis sont employés à leur place. Des termes dont on peut n’être pas sûr, des notions méritant une révision… Ce glossaire, qu’on pourra parcourir en curieux, en papillonnant, sera un compagnon utile pour le naturaliste curieux d’entomologie comme pour le professionnel de la gestion des milieux, de la santé des plantes, de la protection des denrées, pour l’enseignant, le formateur comme pour l’étudiant, amenés à consulter livres, magazines, vidéogrammes, sites Internet et cédéroms traitant d’entomologie. Glossaire entomologique par Jacques d'Aguilar et Alain Fraval ; préf. de Gilbert Jolivet, président de l'OPIE, 2004. - 224 p. - Delachaux et Niestlé - 18, rue Séguier, 75006 Paris Tél. : 01 56 81 11 40 - Fax : 01 56 81 11 49 - Sur internet à www.delachaux-niestle.com/ 28 n°132 - 2004 (1)