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Médecine
& enfance
Les diabètes monogéniques :
les formes MODY
FMC DE NÎMES
R. Salet, service de pédiatrie,
CHU Carémeau, Nîmes
Le diabète se traduit par l’existence d’une hyperglycémie chronique. Les deux
formes les plus fréquentes sont le diabète de type 2 (80 %), dont l’étiologie
est multifactorielle, et le diabète de type 1 (15 %), d’origine auto-immune par
destruction des cellules pancréatiques sécrétant l’insuline. Le diabète MODY
(maturity onset diabetes of the young), qui représente 2 à 5 % des diabètes [1],
est une forme monogénique familiale du diabète de type 2, de transmission
autosomique dominante et à début précoce, survenant chez l’enfant, l’adolescent ou l’adulte jeune. Au cours des années 1990, six gènes associés à ce type de diabète ont été identifiés [2, 3]. Ils sont tous impliqués dans la cascade
d’événements aboutissant à la sécrétion d’insuline. Les formes les plus fréquentes sont les MODY 2 et 3. Le diagnostic peut rester longtemps méconnu
en raison de l’hyperglycémie modérée et non symptomatique, mais les complications à long terme sont identiques à celles observées dans le diabète autoimmun de type 1, d’où la nécessité de reconnaître ce type de diabète pour permettre sa prise en charge précoce.
Rubrique dirigée par T.A. Tran, service
de pédiatrie, CHU Carémeau, Nîmes
CAS CLINIQUE
Morgane, accompagnée de sa maman,
se présente à la consultation de diabétologie pédiatrique pour exploration
d’une hyperglycémie postprandiale autour de 1,5 g/l. Elle est née à terme, eutrophique, et n’a pas d’antécédents personnels particuliers. Sa maman est suivie pour un diabète de type MODY 2,
confirmé par l’analyse génétique (mutation constitutionnelle sur la séquence
codante du gène GCK). Elle n’a pas de
traitement particulier et respecte une
alimentation équilibrée. Le grand-père
de Morgane a également un diabète
MODY 2, confirmé, traité par antidiabétiques oraux. L’oncle maternel a aussi
un diabète MODY 2 non traité.
Morgane est en très bon état général. Le
bilan sanguin effectué trouve une hémoglobine glyquée à 6,8 % (N : 4-6 %).
Les anticorps anti-GAD, anti-îlots de
Langerhans et anti-IA2 sont négatifs. La
prise en charge du diabète de Morgane
passe par des conseils diététiques
simples : manger équilibré et éviter les
excès de glucides. La confirmation du
diabète MODY 2 est obtenue par la mise
en évidence de la délétion du gène de la
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glucokinase identifiée chez la maman et
le grand-père maternel. L’hémoglobine
glyquée de Morgane restera égale à
6,5 % avec de simples mesures diététiques. Sa croissance est satisfaisante et
elle n’a pas d’hyperglycémies matinales
ou postprandiales.
Cette présentation clinique est fréquente en France, en raison de la prédominance du MODY 2 ; le diagnostic est
souvent fortuit ou posé lors d’un bilan
génétique dans une famille connue porteuse de la mutation.
CRITÈRES DIAGNOSTIQUES
DU DIABÈTE MODY
Le diabète MODY est défini comme
étant une forme familiale juvénile de
diabète de type 2 qui apparaît dans l’enfance, l’adolescence ou chez l’adulte
jeune [4].
Le diagnostic se fonde sur cinq critères
majeurs :
첸 hyperglycémie diagnostiquée avant
l’âge de vingt-cinq ans chez un ou deux
membres d’une même famille ;
첸 hérédité : transmission autosomique
dominante sur trois générations ;
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첸 pas de traitement par insuline cinq
ans après le diagnostic ou taux de peptide C important chez un patient sous insuline ;
첸 insulinémie normale ou anormalement basse par rapport à l’hyperglycémie ;
첸 absence de surpoids ou d’obésité.
LES DIFFÉRENTS TYPES
DE MODY ET LEUR PRISE
EN CHARGE
Les gènes du diabète MODY
Type de MODY
Anomalies génétiques
Anomalies génétiques
Localisation
chromosomique
Année
de découverte
MODY 1
MODY 2
MODY 3
MODY 4
MODY 5
MODY 6
Mutations du gène HNF4a
Mutation du gène de la glucokinase
Mutation du gène HNF1a
Mutation du gène IPF1
Mutation du gène HNF1b
Mutation NeuroD1
Chromosome 20
Chromosome 7
Chromosome 12
Chromosome 13
Chromosome 17
Chromosome 2
1991
1992
1994
1997
1997
1999
HNF : hepatocyte nuclear factor
IPF : insulin promoter factor
NeuroD1 : neurogenic differenciation factor 1
MODY 1
Manifestations cliniques et traitement
Ce type de diabète est dû à des mutations hétérozygotes du gène HNF4a et
représente 20 % des diabètes MODY en
France. Il apparaît entre sept et quarante
ans. L’hyperglycémie à jeun est présente
chez 95 % des sujets porteurs de la mutation. Cliniquement, ce diabète ne se
distingue pas du MODY 3. La mutation
entraîne un trouble de la sécrétion d’insuline par les cellules b de Langerhans
ainsi que du transport intracellulaire du
glucose et de son métabolisme [5, 6].
La mutation HNF4a serait associée à
une macrosomie néonatale et à un
poids de naissance élevé, ce qui établit
le rôle du HNF4a dans la régulation in
utero de la sécrétion pancréatique d’insuline et dans la détermination du poids
de naissance [7].
Type
de MODY
MODY 1
Premières
conséquences
Phénotype
clinique
Clinique
et premières
anomalies
Traitement
Pancréas
Hyperinsulinisme
néonatal
Diabète
Complications
micro- et macrovasculaires
Traitement
hypoglycémiant
MODY 2
10 à 60 %
France
et Italie
Pancréas
et foie
Hyperglycémie
modérée
et tardive
Prévalence faible
des complications
microvasculaires
Alimentation
équilibrée
MODY 3
20 à 65 %
Angleterre
Pancréas
et rein
Diabète
Complications
micro- et macrovasculaires
Traitement
hypoglycémiant
Sulfamide
hypoglycémiant
Insuline
MODY 4
Pancréas
Diabète
MODY 5
Rein
et pancréas
Diabète
Hypoplasie
pancréas
Insuline
MODY 2
Le diabète MODY 2 représente 50 % des
diabètes monogéniques ; c’est la forme
la plus fréquente en France. Il est dû à
une mutation à l’état hétérozygote du
gène de la glucokinase, enzyme responsable de la transformation dans les cellules b de Langerhans et dans le foie du
glucose en glucose-6-phosphate. Ce mécanisme régule la sécrétion de l’insuline. Plus de cent cinquante mutations
ont été décrites à ce jour.
Dans ce type de diabète, le seuil de glycémie qui déclenche la sécrétion d’insuline est élevé, d’où l’hyperglycémie modérée mais permanente [8].
Le diagnostic repose sur l’histoire familiale. La pénétrance de la mutation est
Fréquence
complète : tous les porteurs de la mutation ont une hyperglycémie.
Dans le cas où ce diabète est méconnu
dans une famille, le diagnostic est souvent posé de façon fortuite lors d’un bilan sanguin, en l’absence de tout signe
clinique. Certaines situations de stress
(chirurgie, fièvre, maladies infectieuses
ou corticothérapie) peuvent révéler l’hyperglycémie et conduire au diagnostic.
MODY 3
Moins fréquent que le MODY 2 en France, où il représente 20 % des diabètes
génétiques du jeune, son incidence serait de 60 % au Royaume-Uni et de
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50 % aux Etats-Unis. Il est dû à une mutation à l’état hétérozygote du gène
HNF1a, dont l’expression phénotypique
peut être différente d’un individu à
l’autre : dans une même famille, certains sujets porteurs de la mutation
peuvent être normoglycémiques alors
que leurs frères et sœurs ou cousins
peuvent être hyperglycémiques [9]. Le
diagnostic se fait généralement à la période postpubertaire ; il est souvent précédé d’un syndrome polyuro-polydipsique avec perte de poids.
MODY 4
Très rare en France, le MODY 4 est dû à
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une mutation du gène IPF1 à l’état hétérozygote. Ce gène associé à celui de l’insuline a un rôle fondamental dans le développement des cellules β du pancréas. En cas de mutation à l’état homozygote, une agénésie pancréatique responsable de diabète néonatal et d’une
insuffisance pancréatique exocrine est
possible [10-11]. Le MODY 4 se révèle
plus tardivement que les formes habituelles de MODY.
MODY 5
Le MODY 5, dû à des mutations du gène
HNF1β, est associé à des anomalies rénales constantes, morphologiques et
fonctionnelles (kystes, insuffisance rénale chronique progressive), ainsi qu’à
certaines anomalies du développement
génital [12].
MODY 6
Très rare, il est dû à une mutation NeuroD1, le facteur primordial dans le développement du pancréas et du système
nerveux central. Il régule l’expression
du gène de l’insuline, et son déficit entraîne une anomalie de sécrétion [13].
QUAND FAUT-IL ÉVOQUER
LE DIABÈTE MODY ?
Le diagnostic génétique du MODY n’est
pas de pratique courante. Il s’agit d’une
analyse coûteuse et fastidieuse. Le diagnostic doit être évoqué dans des situations spécifiques : diabète survenant chez
des sujets ayant une histoire familiale
concernant trois générations, de révélation précoce, en l’absence de surpoids.
L’histoire clinique oriente ensuite vers le
gène à étudier : MODY 2 en cas d’hyperglycémie modérée, MODY 3 en cas de
présentation sous forme d’acidocétose,
MODY 5 en cas d’anomalies rénales.
L’identification de ces gènes permet une
amélioration de la prise en charge des
patients, fondée sur la connaissance du
pronostic, des complications au long
cours et du traitement adapté.
첸
Références
[1] FAJANS S.S., BELL G.I., POLONSKY K.S. : « Molecular mechanisms and clinical pathophysiology of maturity-onset diabetes of
the young », N. Engl. J. Med., 2001 ; 345 : 971-80.
[2] PEARSON E.R., VELHO G., CLARK P. et al. : « ß-cell genes
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and diabetes : quantitative and qualitative differences in the pathophysiology of hepatic nuclear factor-1α and glucokinase mutations », Diabetes, 2001 ; 50 : S101-7.
[3] VELHO G., FROGUEL P. : « Maturity-onset diabetes of the
young (MODY), MODY genes, and non-insulin-dependent diabetes mellitus », Diabetes Metab., 1997 ; 23 (suppl. 2) : 34-7.
[4] VAXILLAIRE M., FROGUEL P. : « Monogenic diabetes in the
young, pharmacogenetics and relevance to multifactorial forms
of type 2 diabetes », Endocr. Rev., 2008 ; 29 : 254-64.
[5] STOFFEL M., DUNCAN S.A. : « The maturity-onset diabetes
of the young (MODY) transcription factor HNF4α regulates expression of genes required for glucose transport and metabolism », Proc. Natl Acad. Sci. USA, 1997 ; 94 : 13209-14.
[6] GUPTA R.K., VATAMANIUK M.Z., LEE C.S. et al. : « The MODY1 gene HNF-4α regulates selected genes involved in insulin
secretion », J. Clin. Invest., 2005 ; 115 : 1006-15.
[7] PEARSON E.R., BOJ S.F., STEELE A.M. et al. : « Macrosomia
and hyperinsulinaemic hypoglycemia in patients with heterozygous mutations in the HNF4α gene », PLoS Med., 2007 ; 4 : e118.
[8] VELHO G., PETERSON K.F., PERSEGHIN G. et al. : « Impaired
hepatic glycogen synthesis in glucokinase-deficient (MODY-2)
subjects », J. Clin. Invest., 1996 ; 98 : 1755-61.
[9] VAXILLAIRE M., PUEYO M.E., CLEMENT K. et al. : « Insulin secretion and insulin sensitivity in diabetic subjects with hepatic
nuclear factor-1α (maturity-onset diabetes of the young 3) mutations », Eur. J. Endocrinol., 1999 ; 141 : 609-18.
[10] STOFFERS D.A., FERRER J., CLARKE W.L. et al. : « Early-onset type-II diabetes mellitus (MODY4) linked to IPF1 », Nat. Genet., 1997 ; 17 : 138-9.
[11] MAESTRO M.A., CARDALDA C., BOJ S.F. et al. : « Distinct
roles of HNF1β, HNF1α, and HNF4α in regulating pancreas development, β-cell function and growth », Endocr. Dev., 2007 ; 12 :
33-45.
[12] HAUMAITRE C., BARBACCI E., JENNY M. et al. : « Lack of
TCF2/vHNF1 in mice leads to pancreas agenesis », Proc. Natl
Acad. Sci. USA, 2005 ; 102 : 1490-5.
[13] LIU L., FURUTA H., MINAMI A. et al. : « A novel mutation,
Ser159Pro, in the NeuroD1/β2 gene contributes to the development of diabetes in a Chinese potential MODY family », Mol.
Cell. Biochem., 2007 ; 303 : 115-20.
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