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Les structures de prise en charge
de la douleur chronique en 1998
La douleur : une priorité
de santé publique ?
a dix à quinze ans, les premières structures de prise en charge
Idansldeynotre
la douleur chronique rebelle ouvraient leurs portes
pays. Il s’agissait d’une initiative médicale de terrain, dévelop-
La prise de conscience des pouvoirs publics
s’est matérialisée par un certain nombre de rapports et de textes officiels (voir encadré).
pée avec le soutien des communautés médicales locales, sans l’aide
d’une réglementation administrative sur laquelle s’appuyer ou de textes
juridiques permettant de donner sinon une officialisation, du moins
une reconnaissance à cette activité nouvelle. En fait, tout était lié
à la bonne volonté de chacun, tout fonctionnait grâce à la générosité
des services d’accueil, l’un prêtant des locaux, l’autre des vacations
ou des heures de secrétariat ; le plus souvent, la personnalité de celui qui
en prenait l’initiative comptait pour beaucoup.
La douleur a été, et reste toujours, un des premiers motifs d’appel au médecin. La douleur est donc l’affaire de tous “les acteurs de notre système de
soins”, et il faut, dans la plupart des cas, que le médecin puisse diagnostiquer et traiter la douleur. Les centres de la douleur ne doivent prendre en
charge que les douleurs chroniques rebelles, celles qui ne répondent pas
aux traitements habituels et qui ont mis en échec un grand nombre de thérapeutiques. Ce sont celles qui nécessitent une démarche diagnostique et thérapeutique particulière adaptée au cas par cas, l’élaboration d’un programme de soins, un savoir-faire particulier et une stratégie thérapeutique
qui impose l’intervention d’une équipe pluridisciplinaire. La réponse en
première ligne doit être organisée. Si l’une des réponses reste la formation
universitaire et postuniversitaire, la solution ne peut être trouvée qu’avec la
constitution de réseaux de soins.
– Au fil des années, les structures de prise en charge de la douleur chronique se sont multipliées de façon anarchique sans aucun contrôle de qualité, n’offrant pas forcément des garanties de soins identiques en fonction
des régions. Ces structures ont été dénommées de différentes façons : centre
anti-douleur, unité d’évaluation, unité de prise en charge, unité de diagnostic et de traitement, département ou encore clinique de la douleur... Il est
difficile aux patients, comme aux médecins d’ailleurs, de s’y retrouver. Il y
avait là une nécessité évidente de clarification afin de pouvoir parler de la
“même chose”.
– La plupart des médecins travaillant dans ces différentes structures dépendent de leur service d’origine et ont, pour certains d’entre eux, une activité
propre à leur spécialité initiale réduite à la moitié, au quart, voire inexistante, avec une activité anti-douleur inversement proportionnelle. L’activité
anti-douleur est réalisée au détriment de celle pour laquelle ces médecins
ont été nommés et grâce à la bonne volonté de leurs collègues. Cette situation de fait aurait dû être avalisée, facilitée ou empêchée.
● Le rapport du groupe d’études de la
Direction générale de la Santé “La douleur
chronique : les structures spécialisées dans
son traitement”, Bulletin Officiel n° 3 bis
1991.
● Soulager la souffrance ; fascicule spécial n° 86-32 bis du Bulletin Officiel
(ministère des Affaires sociales, de la
Santé et de la Ville).
● Le rapport général “La santé en France”
du Haut Comité de Santé publique.
● La circulaire DGS/DH n° 3 du 7 janvier
1994 relative à l’organisation des soins et
à la prise en charge des douleurs chroniques.
●
L’enquête nationale de la Direction
générale de la Santé conduite en 1994 et
publiée en 1995 : “Les structures de prise
en charge de la douleur”.
●
Le rapport “Prendre en charge la douleur” du groupe sénatorial d’études sur la
douleur, conduit par Lucien Neuwirth
(octobre 1994).
●
Les recommandations de l’ANDEM :
élaboration de critères permettant de
reconnaître la qualité des structures de
prise en charge de la douleur.
● La loi n° 95-116 du 4 février 1995 por-
tant diverses propositions sociales, avec
insertion au Code de santé publique, qui
précise que “les établissements de santé
mettent en œuvre les moyens propres à
prendre en charge la douleur des patients
qu’ils accueillent. Ces moyens sont définis par le projet d’établissement”.
● La refonte du Code de déontologie médi-
cale par un décret du 6 septembre 1995
(décret n° 95-100).
● La nomination d’un chargé de mission
sur la douleur auprès du secrétaire d’État
à la Santé (1996).
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Plusieurs mesures ont été prises, ou vont être
proposées, qui devraient modifier la prise en
charge de la douleur.
1 L’identification ou labellisation
des structures de prise en charge de
la douleur chronique
L’identification, ou la labellisation, de ces
structures est nécessaire, tant pour les patients
que pour les médecins. Elle définit trois
niveaux de prise en charge selon la complexité
du service rendu, allant de la consultation spécialisée pluridisciplinaire au centre anti-douleur disposant d’un plateau technique complet :
– La consultation, où est adressé par son médecin de ville le malade souffrant de douleurs
chroniques, doit disposer des compétences de
trois médecins, dont un neurologue, un psychiatre et un médecin somaticien de discipline
différente.
– L’unité dispose, outre les compétences médicales précédentes, d’un plateau technique
adapté et de la possibilité d’hospitaliser des
patients, dans des lits soit mis à disposition,
soit appartenant en propre à la structure.
– Le centre de prise en charge de la douleur
dispose des moyens de l’unité et doit assurer
l’enseignement et la recherche.
Cette procédure vise à reconnaître l’existence
de structures disposant de tout l’éventail des
techniques et des compétences indispensables
à une bonne prise en charge de la douleur. Elle
consacre la mission d’un établissement et
d’une équipe de référence vis-à-vis des professionnels et de l’ensemble de la population
de sa zone d’attraction, car les structures reconnues doivent être de véritables animateurs d’un
réseau constitué avec les autres équipes de la
région. Les agences régionales de l’hospitalisation procéderont à cette identification avant
la fin du premier semestre 1998.
Principes de l’identification
Cette reconnaissance de l’activité médicale des
équipes, travaillant parfois depuis de nombreuses années dans des conditions difficiles
pour prendre en charge la douleur chronique,
est nécessaire pour permettre aux médecins et
aux malades de situer les structures de qualité.
❏ Elle doit reconnaître le service rendu par les
équipes existantes.
❏ Elle doit s’accompagner d’une mise en place
ou d’un renforcement de leur individualité afin
de recentrer l’activité des praticiens, d’éviter
leur départ ou leur récupération par les services
d’origine, de structurer les moyens en person-
nel et en matériel, d’individualiser et d’améliorer le recueil d’activité, d’individualiser les
dépenses et recettes.
Cela peut être envisagé par la mise en place
d’une organisation transversale structurée
visant à regrouper toutes les compétences et les
savoir-faire, quel que soit l’établissement de
santé (CHU, CRLCC, CH, établissements privés), telle une fédération par exemple.
❏ Elle doit s’assurer de la pérennité des structures de prise en charge de la douleur par une
prise en compte de l’activité au sein du PMSI,
par une intégration des codes diagnostiquesactes en rapport avec la prise en charge de la
douleur chronique, et par une adaptation des
points ISA pour les consultations pluridisciplinaires et les premières consultations.
❏ Elle concerne les seules structures ouvertes
sur l’extérieur et prenant en charge la totalité
des pathologies douloureuses chroniques
rebelles (céphalées d’allure migraineuse, algoneurodystrophies, cancers, lombalgies chroniques, sida...).
❏ Elle doit tendre à l’amélioration de la prise
en charge globale de la douleur par une diffusion de la “culture douleur” dans l’établissement de santé et le développement de programmes d’assurance-qualité.
2 Le schéma régional d’organisation des soins
Ces démarches doivent être complétées par
l’élaboration d’un volet spécifique du schéma
régional d’organisation sanitaire consacré à la
lutte contre la douleur chronique rebelle structurée en réseau, et aux dispositifs mis en place
dans chaque établissement conformément à la
loi. Naturellement, l’offre en direction des
enfants et des personnes âgées qui expriment
le plus difficilement leur besoin fera l’objet
d’une attention particulière. Ce schéma régional permettra de prendre acte de l’existant,
d’évaluer pour chaque région les moyens
consacrés à cette activité et de les renforcer
lorsque cela sera nécessaire. Ces moyens,
notamment en personnel, constitueront une
base incompressible qui sera renforcée en 1998
dans le cadre des priorités de la politique hospitalière.
3 Les contrats d’objectifs et de
moyens
De même, la lutte contre la douleur doit trouver sa place dans les clauses relatives à la qualité et à la sécurité des soins des contrats d’objectifs et de moyens qui seront passés entre les
établissements et les agences régionales de
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l’hospitalisation. Cette directive a été donnée
à ces agences.
En parallèle à ces mesures, plusieurs initiatives
se sont concrétisées :
La capacité d’évaluation et de traitement de la
douleur. Quatorze universités ont été habilitées
à délivrer la capacité. Cette capacité vient en
remplacement du DIU ; à la différence d’un
diplôme d’université, elle est reconnue par
l’Ordre des médecins comme une compétence.
La nomenclature. La liste des libellés des actes
diagnostiques et thérapeutiques est actuellement en cours d’élaboration. Un chapitre “douleur” y sera individualisé ; plusieurs dizaines
de libellés qui n’existaient pas auparavant ont
été rajoutés. Cette liste se substituera à terme
à celle du Catalogue Des Actes Médicaux
(CDAM), utilisé dans le cadre du Programme
de Médicalisation des Systèmes d’Information
(PMSI), et à celle de la Nomenclature Générale des Actes Professionnels (NGAP), utilisée, schématiquement, pour la définition des
honoraires des praticiens du secteur privé.
Il n’y aura plus ainsi qu’une seule liste d’actes,
commune à tous les secteurs d’activité, qui servira de support à un codage unique et qui permettra la définition :
– d’une part, des indices de coût relatif (ICR)
et des groupes homogènes de malades (GHM)
pour le PMSI,
– d’autre part, des cotations pour les honoraires
du secteur privé.
Cette Nomenclature Commune des Actes
Médicaux (NCAM) a donc un double objectif : la description de l’activité médicale et sa
valorisation.
Le Collège des médecins de la douleur a été
créé en 1997. Il a pour but l’organisation de la
prise en charge de la douleur dans tous ses
aspects, en concertation avec tous les interlocuteurs et les organismes concernés, privés et
publics, la contribution au développement des
grands axes de recherche en matière de douleur, la définition, l’actualisation, la validation
et l’accréditation des formations universitaires,
des formations continues postuniversitaires,
des formations des praticiens en exercice et
l’harmonisation des formations avec les différents pays européens.
Cet ensemble de mesures devrait être de nature
à améliorer significativement la prise en charge
de la douleur et la réponse aux attentes légitimes des patients et de leur famille.
Conclusion
Les structures de traitement de la douleur chronique se multiplient de façon spontanée depuis
quelques années, et correspondent à un besoin
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indiscutable. Elles répondent à une demande
pressante à la fois des patients et des praticiens.
Leur existence ne vient pas multiplier les
consultations spécialisées ni les actes médicaux. Ces centres ou consultations s’inscrivent
dans une meilleure connaissance des douleurs
rebelles et traduisent un changement de mentalité, ouvrant la voie à une véritable “culture
anti-douleur”.
La création de ces structures répond à plusieurs
objectifs :
1. Assurer une approche pluridisciplinaire pour
appréhender les diverses composantes du syndrome douloureux chronique et proposer une
combinaison des techniques pharmacologiques, physiques, psychologiques et chirurgicales.
2. Décider d’une thérapie adaptée après bilan
complet et comprenant la réévaluation du dia-
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gnostic initial, cela en collaboration étroite
avec le médecin traitant.
3. Obtenir du malade sa confiance, sa coopération avec l’équipe soignante, son adhésion au
traitement et, en cas d’insuccès partiel ou total,
lui apprendre à vivre avec sa douleur.
4. Prendre en compte l’environnement familial, culturel et social du patient.
5. Pratiquer régulièrement une évaluation
rétrospective du travail accompli par l’équipe.
La prise en charge de la douleur chronique peut
reprendre à son compte les règles des drames
classiques : “unité de lieu, unité de temps,
unité d’action”.
Le changement d’attitude face à la douleur est
en train de se produire ; la douleur n’est plus
une fatalité, comme en témoignent les équipes
des structures de prise en charge de la douleur
: elle doit être combattue. Cependant, il est clair
que toutes les douleurs ne peuvent être soulagées, et, comme dans toutes les disciplines
médicales, les échecs sont une condition nécessaire du progrès.
Les contraintes financières, l’augmentation de
la durée de vie moyenne rendant statistiquement plus fréquente la survenue d’algies chroniques, les impératifs socio-professionnels
(données épidémiologiques, reclassement professionnel, absentéisme) sont autant d’arguments qui rendent impérative une évaluation
de la charge sociale que représentent de telles
structures dans notre système de santé.
Dr Alain Serre
Vice-Président du Collège national
des médecines de la Douleur
P.H. Centre de la Douleur, Hôpital Lariboisière,
2, rue Ambroise-Paré, 75010 Paris
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La Lettre du Rhumatologue - n° 238 - février 1998
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