Carrefour de la douleur - A.S. D O U 28/04/04 L 14:43 Page 42 E U R Les structures de prise en charge de la douleur chronique en 1998 La douleur : une priorité de santé publique ? a dix à quinze ans, les premières structures de prise en charge Idansldeynotre la douleur chronique rebelle ouvraient leurs portes pays. Il s’agissait d’une initiative médicale de terrain, dévelop- La prise de conscience des pouvoirs publics s’est matérialisée par un certain nombre de rapports et de textes officiels (voir encadré). pée avec le soutien des communautés médicales locales, sans l’aide d’une réglementation administrative sur laquelle s’appuyer ou de textes juridiques permettant de donner sinon une officialisation, du moins une reconnaissance à cette activité nouvelle. En fait, tout était lié à la bonne volonté de chacun, tout fonctionnait grâce à la générosité des services d’accueil, l’un prêtant des locaux, l’autre des vacations ou des heures de secrétariat ; le plus souvent, la personnalité de celui qui en prenait l’initiative comptait pour beaucoup. La douleur a été, et reste toujours, un des premiers motifs d’appel au médecin. La douleur est donc l’affaire de tous “les acteurs de notre système de soins”, et il faut, dans la plupart des cas, que le médecin puisse diagnostiquer et traiter la douleur. Les centres de la douleur ne doivent prendre en charge que les douleurs chroniques rebelles, celles qui ne répondent pas aux traitements habituels et qui ont mis en échec un grand nombre de thérapeutiques. Ce sont celles qui nécessitent une démarche diagnostique et thérapeutique particulière adaptée au cas par cas, l’élaboration d’un programme de soins, un savoir-faire particulier et une stratégie thérapeutique qui impose l’intervention d’une équipe pluridisciplinaire. La réponse en première ligne doit être organisée. Si l’une des réponses reste la formation universitaire et postuniversitaire, la solution ne peut être trouvée qu’avec la constitution de réseaux de soins. – Au fil des années, les structures de prise en charge de la douleur chronique se sont multipliées de façon anarchique sans aucun contrôle de qualité, n’offrant pas forcément des garanties de soins identiques en fonction des régions. Ces structures ont été dénommées de différentes façons : centre anti-douleur, unité d’évaluation, unité de prise en charge, unité de diagnostic et de traitement, département ou encore clinique de la douleur... Il est difficile aux patients, comme aux médecins d’ailleurs, de s’y retrouver. Il y avait là une nécessité évidente de clarification afin de pouvoir parler de la “même chose”. – La plupart des médecins travaillant dans ces différentes structures dépendent de leur service d’origine et ont, pour certains d’entre eux, une activité propre à leur spécialité initiale réduite à la moitié, au quart, voire inexistante, avec une activité anti-douleur inversement proportionnelle. L’activité anti-douleur est réalisée au détriment de celle pour laquelle ces médecins ont été nommés et grâce à la bonne volonté de leurs collègues. Cette situation de fait aurait dû être avalisée, facilitée ou empêchée. ● Le rapport du groupe d’études de la Direction générale de la Santé “La douleur chronique : les structures spécialisées dans son traitement”, Bulletin Officiel n° 3 bis 1991. ● Soulager la souffrance ; fascicule spécial n° 86-32 bis du Bulletin Officiel (ministère des Affaires sociales, de la Santé et de la Ville). ● Le rapport général “La santé en France” du Haut Comité de Santé publique. ● La circulaire DGS/DH n° 3 du 7 janvier 1994 relative à l’organisation des soins et à la prise en charge des douleurs chroniques. ● L’enquête nationale de la Direction générale de la Santé conduite en 1994 et publiée en 1995 : “Les structures de prise en charge de la douleur”. ● Le rapport “Prendre en charge la douleur” du groupe sénatorial d’études sur la douleur, conduit par Lucien Neuwirth (octobre 1994). ● Les recommandations de l’ANDEM : élaboration de critères permettant de reconnaître la qualité des structures de prise en charge de la douleur. ● La loi n° 95-116 du 4 février 1995 por- tant diverses propositions sociales, avec insertion au Code de santé publique, qui précise que “les établissements de santé mettent en œuvre les moyens propres à prendre en charge la douleur des patients qu’ils accueillent. Ces moyens sont définis par le projet d’établissement”. ● La refonte du Code de déontologie médi- cale par un décret du 6 septembre 1995 (décret n° 95-100). ● La nomination d’un chargé de mission sur la douleur auprès du secrétaire d’État à la Santé (1996). .../... 42 La Lettre du Rhumatologue - n° 241 - avril 1998 Carrefour de la douleur - A.S. D O U 28/04/04 L 14:43 Page 45 E U R .../... Plusieurs mesures ont été prises, ou vont être proposées, qui devraient modifier la prise en charge de la douleur. 1 L’identification ou labellisation des structures de prise en charge de la douleur chronique L’identification, ou la labellisation, de ces structures est nécessaire, tant pour les patients que pour les médecins. Elle définit trois niveaux de prise en charge selon la complexité du service rendu, allant de la consultation spécialisée pluridisciplinaire au centre anti-douleur disposant d’un plateau technique complet : – La consultation, où est adressé par son médecin de ville le malade souffrant de douleurs chroniques, doit disposer des compétences de trois médecins, dont un neurologue, un psychiatre et un médecin somaticien de discipline différente. – L’unité dispose, outre les compétences médicales précédentes, d’un plateau technique adapté et de la possibilité d’hospitaliser des patients, dans des lits soit mis à disposition, soit appartenant en propre à la structure. – Le centre de prise en charge de la douleur dispose des moyens de l’unité et doit assurer l’enseignement et la recherche. Cette procédure vise à reconnaître l’existence de structures disposant de tout l’éventail des techniques et des compétences indispensables à une bonne prise en charge de la douleur. Elle consacre la mission d’un établissement et d’une équipe de référence vis-à-vis des professionnels et de l’ensemble de la population de sa zone d’attraction, car les structures reconnues doivent être de véritables animateurs d’un réseau constitué avec les autres équipes de la région. Les agences régionales de l’hospitalisation procéderont à cette identification avant la fin du premier semestre 1998. Principes de l’identification Cette reconnaissance de l’activité médicale des équipes, travaillant parfois depuis de nombreuses années dans des conditions difficiles pour prendre en charge la douleur chronique, est nécessaire pour permettre aux médecins et aux malades de situer les structures de qualité. ❏ Elle doit reconnaître le service rendu par les équipes existantes. ❏ Elle doit s’accompagner d’une mise en place ou d’un renforcement de leur individualité afin de recentrer l’activité des praticiens, d’éviter leur départ ou leur récupération par les services d’origine, de structurer les moyens en person- nel et en matériel, d’individualiser et d’améliorer le recueil d’activité, d’individualiser les dépenses et recettes. Cela peut être envisagé par la mise en place d’une organisation transversale structurée visant à regrouper toutes les compétences et les savoir-faire, quel que soit l’établissement de santé (CHU, CRLCC, CH, établissements privés), telle une fédération par exemple. ❏ Elle doit s’assurer de la pérennité des structures de prise en charge de la douleur par une prise en compte de l’activité au sein du PMSI, par une intégration des codes diagnostiquesactes en rapport avec la prise en charge de la douleur chronique, et par une adaptation des points ISA pour les consultations pluridisciplinaires et les premières consultations. ❏ Elle concerne les seules structures ouvertes sur l’extérieur et prenant en charge la totalité des pathologies douloureuses chroniques rebelles (céphalées d’allure migraineuse, algoneurodystrophies, cancers, lombalgies chroniques, sida...). ❏ Elle doit tendre à l’amélioration de la prise en charge globale de la douleur par une diffusion de la “culture douleur” dans l’établissement de santé et le développement de programmes d’assurance-qualité. 2 Le schéma régional d’organisation des soins Ces démarches doivent être complétées par l’élaboration d’un volet spécifique du schéma régional d’organisation sanitaire consacré à la lutte contre la douleur chronique rebelle structurée en réseau, et aux dispositifs mis en place dans chaque établissement conformément à la loi. Naturellement, l’offre en direction des enfants et des personnes âgées qui expriment le plus difficilement leur besoin fera l’objet d’une attention particulière. Ce schéma régional permettra de prendre acte de l’existant, d’évaluer pour chaque région les moyens consacrés à cette activité et de les renforcer lorsque cela sera nécessaire. Ces moyens, notamment en personnel, constitueront une base incompressible qui sera renforcée en 1998 dans le cadre des priorités de la politique hospitalière. 3 Les contrats d’objectifs et de moyens De même, la lutte contre la douleur doit trouver sa place dans les clauses relatives à la qualité et à la sécurité des soins des contrats d’objectifs et de moyens qui seront passés entre les établissements et les agences régionales de La Lettre du Rhumatologue - n° 241 - avril 1998 l’hospitalisation. Cette directive a été donnée à ces agences. En parallèle à ces mesures, plusieurs initiatives se sont concrétisées : La capacité d’évaluation et de traitement de la douleur. Quatorze universités ont été habilitées à délivrer la capacité. Cette capacité vient en remplacement du DIU ; à la différence d’un diplôme d’université, elle est reconnue par l’Ordre des médecins comme une compétence. La nomenclature. La liste des libellés des actes diagnostiques et thérapeutiques est actuellement en cours d’élaboration. Un chapitre “douleur” y sera individualisé ; plusieurs dizaines de libellés qui n’existaient pas auparavant ont été rajoutés. Cette liste se substituera à terme à celle du Catalogue Des Actes Médicaux (CDAM), utilisé dans le cadre du Programme de Médicalisation des Systèmes d’Information (PMSI), et à celle de la Nomenclature Générale des Actes Professionnels (NGAP), utilisée, schématiquement, pour la définition des honoraires des praticiens du secteur privé. Il n’y aura plus ainsi qu’une seule liste d’actes, commune à tous les secteurs d’activité, qui servira de support à un codage unique et qui permettra la définition : – d’une part, des indices de coût relatif (ICR) et des groupes homogènes de malades (GHM) pour le PMSI, – d’autre part, des cotations pour les honoraires du secteur privé. Cette Nomenclature Commune des Actes Médicaux (NCAM) a donc un double objectif : la description de l’activité médicale et sa valorisation. Le Collège des médecins de la douleur a été créé en 1997. Il a pour but l’organisation de la prise en charge de la douleur dans tous ses aspects, en concertation avec tous les interlocuteurs et les organismes concernés, privés et publics, la contribution au développement des grands axes de recherche en matière de douleur, la définition, l’actualisation, la validation et l’accréditation des formations universitaires, des formations continues postuniversitaires, des formations des praticiens en exercice et l’harmonisation des formations avec les différents pays européens. Cet ensemble de mesures devrait être de nature à améliorer significativement la prise en charge de la douleur et la réponse aux attentes légitimes des patients et de leur famille. Conclusion Les structures de traitement de la douleur chronique se multiplient de façon spontanée depuis quelques années, et correspondent à un besoin 45 Carrefour de la douleur - A.S. D O 28/04/04 U L indiscutable. Elles répondent à une demande pressante à la fois des patients et des praticiens. Leur existence ne vient pas multiplier les consultations spécialisées ni les actes médicaux. Ces centres ou consultations s’inscrivent dans une meilleure connaissance des douleurs rebelles et traduisent un changement de mentalité, ouvrant la voie à une véritable “culture anti-douleur”. La création de ces structures répond à plusieurs objectifs : 1. Assurer une approche pluridisciplinaire pour appréhender les diverses composantes du syndrome douloureux chronique et proposer une combinaison des techniques pharmacologiques, physiques, psychologiques et chirurgicales. 2. Décider d’une thérapie adaptée après bilan complet et comprenant la réévaluation du dia- 14:43 Page 46 E U R gnostic initial, cela en collaboration étroite avec le médecin traitant. 3. Obtenir du malade sa confiance, sa coopération avec l’équipe soignante, son adhésion au traitement et, en cas d’insuccès partiel ou total, lui apprendre à vivre avec sa douleur. 4. Prendre en compte l’environnement familial, culturel et social du patient. 5. Pratiquer régulièrement une évaluation rétrospective du travail accompli par l’équipe. La prise en charge de la douleur chronique peut reprendre à son compte les règles des drames classiques : “unité de lieu, unité de temps, unité d’action”. Le changement d’attitude face à la douleur est en train de se produire ; la douleur n’est plus une fatalité, comme en témoignent les équipes des structures de prise en charge de la douleur : elle doit être combattue. Cependant, il est clair que toutes les douleurs ne peuvent être soulagées, et, comme dans toutes les disciplines médicales, les échecs sont une condition nécessaire du progrès. Les contraintes financières, l’augmentation de la durée de vie moyenne rendant statistiquement plus fréquente la survenue d’algies chroniques, les impératifs socio-professionnels (données épidémiologiques, reclassement professionnel, absentéisme) sont autant d’arguments qui rendent impérative une évaluation de la charge sociale que représentent de telles structures dans notre système de santé. Dr Alain Serre Vice-Président du Collège national des médecines de la Douleur P.H. Centre de la Douleur, Hôpital Lariboisière, 2, rue Ambroise-Paré, 75010 Paris NOTRE SÉLECTION D’ARTICLES (avril B I O I B L flash Arthrose Pain and disability in patients with osteoarthritis of hip and knee : the relationship with articular, kinesiological and psychological characteristics. Van Baar M.E., Dekker J., Lemmens A.M., Oostendorp R.A.B., Bijlsma J.W.J. J Rheumatol 1998 ; 25 , 1 :125-33. Une étude précise qui analyse les différentes corrélations entre les paramètres physiques et psychiques de la douleur et du handicap observés dans la gonarthrose et la coxarthrose. Os et phosphocalcique C haque mois de nouveaux articles “à ne pas manquer”, sélectionnés par un comité d’experts : B. Combe, Ph. Goupille, B. Mazières, Ph. Orcel, S. Perrot. Prevention of bone loss with alendronate in postmenopausal women under 60 years of age. Hosking D., Chilvers C.E.D., Christiansen C., Ravn P., Wasnich R., Ross P., McClung M., Balske A.,Thompson D., Daley M., Yates A.J. N Engl J Med 1998 ; 338, 8 : 485-92. Risedronate increases bone mass in an early postmenopausal population : two years of treatment plus one year of follow-up. Mortensen L., Charles P., Bekker P.J., Digennaro J., Johnston C.C.Jr. J Clin Endocrinol Metab 1998 ; 83 , 2 : 396-402. Alendronate contre risédronate dans la prévention de la perte osseuse post-ménopausique, le combat des bisphosphonates continue... Nous informons nos lecteurs que le service fax est interrompu. 46 La Lettre du Rhumatologue - n° 238 - février 1998