V I E P R O F E S S I O N N E L L E Ouverture d’un SOS AIT à Bichat ● Entretien avec le Pr P. Amarenco* La Lettre du Neurologue (LN) : Professeur Amarenco, quel est l’enjeu du dépistage de l’AIT ? Pr P. Amarenco (PA) : La détection de l’accident ischémique cérébral transitoire (AIT) et de la cécité monoculaire transitoire (CMT) doit devenir une priorité de santé publique et de pratique clinique, car ils précèdent 15 à 30 % des infarctus cérébraux et réalisent ainsi la meilleure opportunité de prévention. Le dépistage de l’AIT et les mesures de prévention, appliqués en toute urgence, permettent d’éviter la catastrophe hémiplégique en identifiant une cause curable, comme une sténose carotide serrée ou une cardiopathie emboligène, par exemple. LN : Et lorsqu’on ne peut pas éliminer la cause ou lorsqu’on ne la trouve pas ? PA : L’objectif de la prévention est de diminuer un niveau de risque. Quelle que soit la cause de l’AIT, ces patients sont à très haut risque vasculaire (entre 10 et 20 % à 3 mois !) ; le dépistage de l’AIT et son diagnostic permettent ainsi de rechercher et de prendre en charge les facteurs de risque vasculaire. Une démarche active et agressive vis-à-vis des facteurs de risque permet le calcul du risque cardiovasculaire global et d’estimer le risque vasculaire à 10 ans. Elle permet au patient d’entrer dans un programme de prise en charge des facteurs de risque vasculaire pour diminuer son risque cérébral, cardiaque, rénal, oculaire et aorto-artéritique. LN : Pourquoi un numéro vert, pourquoi SOS AIT ? PA : Qui n’a pas cherché, en fin de journée, à faire prendre en charge un patient suspect d’AIT et s’est finalement résolu soit à le renvoyer chez lui en programmant des examens complémentaires qui prendront des jours (et donc forcément trop tardifs), soit à l’adresser aux urgences d’un hôpital où le patient attendra des heures pour s’entendre dire qu’on ne peut pas l’hospitaliser car “il va très bien” et que de toute façon “on ne peut pas lui faire d’examen complémentaire immédiatement” (l’écho-Doppler par exemple) ? Cela se termine le plus souvent par un renvoi à la maison avec consigne de voir en ville un cardiologue ou son médecin généraliste. Ainsi le patient, déjà difficile à convaincre qu’il court un risque cérébral après des symptômes qui n’ont duré le plus souvent que quelques secondes, a perdu son temps, ses symptômes n’ont pas été pris en compte, et rien d’utile n’a été fait pour lui éviter la catastrophe hémiplégique qui l’attend. SOS AIT, c’est tout simplement l’accès au soin immédiat du patient, qui trouve là des médecins et un personnel soignant pour résoudre tout de suite son problème, qui l’écoutent et prennent en compte ses symptômes et surtout lui donnent l’impression qu’il est pris en charge dans un service adapté à son cas. * Service de neurologie et centre d’accueil et de traitement de l’attaque cérébrale (centre d’ATAC), hôpital Bichat, Paris. © La Lettre du Neurologue - Vol. VII - n° 2 - février 2003. La Lettre du Cardiologue - n° 363 - mars 2003 LN : Où est situé SOS AIT ? PA : SOS AIT est basé dans le centre de diagnostic et de prévention de notre service à Bichat, qui se trouve en hôpital de jour. Il réalise une unité de temps et une unité de lieu où l’on peut en 3 à 4 heures faire tous les examens nécessaires au bilan de l’AIT. C’est un service qui est mis à la disposition des neurologues, médecins généralistes, cardiologues, ophtalmologistes et angiologues pour que, 24 heures sur 24, le dépistage, le diagnostic et le traitement de l’AIT soient possibles. LN : Comment cela fonctionne-t-il en pratique ? PA : En pratique, l’accès est très facile car nous avons mis en place un numéro vert d’appel gratuit 0 800 888 248 (248 correspond aux touches AIT sur le cadran du téléphone). Aux heures ouvrables, une infirmière recrutée pour la circonstance, spécialisée dans la prévention, répond au téléphone. Son rôle est d’accepter tous les patients. Elle s’assure simplement auprès du médecin qui appelle que les symptômes du patient ont totalement disparu, définissant pour nous l’AIT (en effet, si des symptômes persistent, il faut considérer que c’est un accident ischémique cérébral en évolution ou constitué, et ce patient doit alors entrer dans le cadre de la prise en charge classique des urgences neurovasculaires). Lorsque le patient est accepté, il est reçu soit à Bichat en hôpital de jour, soit par l’un de nos partenaires exerçant en libéral ou dans une structure publique avec qui nous avons des accords de collaboration et qui assure la même prestation. L’infirmière de SOS AIT accompagne le patient dans son parcours hospitalier et s’assure que tous les examens sont faits. Il est examiné par le neurologue vasculaire en hôpital de jour. Au terme du bilan, on a défini une orientation diagnostique et thérapeutique, le neurologue appelle le médecin qui a adressé le patient pour discuter avec lui de cette stratégie et définir quels sont les correspondants (chirurgien vasculaire, cardiologue, par exemple) à qui adresser le patient. On a fait le point sur les facteurs de risque vasculaire et estimé le risque cardiovasculaire absolu à 10 ans et le patient peut entrer dans un programme de prise en charge de ces facteurs de risque. Le compte rendu est édité, et l’infirmière peut alors clore le dossier. LN : Voilà pour la journée, mais en dehors des heures ouvrables et la nuit ? PA : Le numéro vert bascule alors automatiquement sur le neurologue vasculaire de garde 24 heures sur 24 dans notre service. Sa mission est de s’occuper des urgences neurovasculaires (dont la thrombolyse) arrivant dans l’unité de soins intensifs neurovasculaires de notre service, et aussi de prendre en charge les patients dans le cadre de SOS AIT. Il est équipé d’un échographe et d’un 41 V I E P R O F E S S I O N N E L L E Doppler transcrânien, a accès à l’imagerie cérébrale en urgence, et même à une échocardiographie transœsophagienne en urgence, si besoin grâce à l’astreinte d’écho organisée sur Bichat. Dès lors, soit le patient a une cause à son AIT qu’il faut prendre en charge immédiatement, et il est alors hospitalisé, soit il n’y a pas de cause urgente à traiter et le patient revient le lendemain en hôpital de jour pour compléter son bilan diagnostique et initier la prise en charge thérapeutique. LN : Vous nous avez parlé d’un programme de prise en charge des facteurs de risque, qu’en est-il ? PA : L’un des enjeux majeurs de la prévention est la prise en compte du risque cardiovasculaire absolu, ou global (RCVA) ; ce calcul du RCVA permet d’estimer le risque à 10 ans grâce à l’équation de Framingham, et ainsi de fixer au patient des objectifs (objectifs tensionnels, de niveau de cholestérol, de poids, de régime, etc.). Nous avons beaucoup de retard en France dans cette démarche. Par exemple, en Hollande, tous les médecins généralistes ont désormais sur leurs ordinateurs le petit utilitaire qui leur permet de calculer le risque de Framingham (ou de PROCAM, une autre équation disponible) pour améliorer la prise en charge des facteurs de risque en collant aux recommandations. Au terme de son hospitalisation de jour, le patient qui vient dans le cadre de SOS AIT, comme les autres patients du service, se verra proposer d’entrer dans le cadre d’un programme d’éducation et de prise en charge de ses facteurs de risque. En pratique, c’est notre infimière de prévention, qui s’occupe aussi de SOS AIT, qui animera des groupes de patients trois fois par semaine, où elle apportera une information sur les facteurs de risque neurovasculaire et la manière de les prendre en charge. Les groupes seront autour de trois grands thèmes : (1) l’hypertension, (2) le cholestérol, (3) le tabac, le régime alimentaire et le surpoids. LN : Quelles sont la structure juridique de SOS AIT et ses relations avec l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris et ses sources de financement ? PA : SOS AIT est un service mis en place par l’association SOS ATTAQUE CÉRÉBRALE, association loi 1901 récemment lancée qui s’est donné pour mission de promouvoir l’enseignement, l’information, la recherche, l’amélioration des soins dans le SOS AIT 0 800 888 248 Centre d’accueil et de traitement de l’attaque cérébrale du groupe hospitalier Bichat-Claude-Bernard • Validation du diagnostic par téléphone (l’infirmière qui répond au numéro vert s’assure simplement que les symptômes du patient ont disparu totalement). • Prise en charge immédiate du patient (en hôpital de jour dans la journée, par le neurologue vasculaire de garde aux heures non ouvrables). • Présence de 6 neurologues vasculaires. • Vous êtes informé par téléphone du résultat des examens. • Vous êtes associé à la décision thérapeutique. • Vous êtes consulté sur le type de prise en charge ultérieure : – une éventuelle chirurgie et par qui, en cas de sténose carotide à opérer ; – une éventuelle consultation de cardiologie et par qui, en cas de cardiopathie emboligène ; – une éventuelle consultation de neurologie et par qui ; – une éventuelle hospitalisation de plus de 24 heures en cas de besoin. • Vous pouvez en parler directement avec votre patient par téléphone. 42 domaine de l’attaque cérébrale. Elle cherche à obtenir l’adhésion et l’implication de nombreux patients. Ainsi, l’une des premières actions significatives de SOS ATTAQUE CÉRÉBRALE est de mettre à disposition ce service numéro vert SOS AIT. Elle le fait contractuellement avec l’hôpital Bichat, au sein du service de neurologie et centre d’accueil et de traitement de l’attaque cérébrale, qui, pour ce qui concerne la partie neurovasculaire de son activité de neurologie, a trois pôles principaux : l’unité d’urgence neurovasculaire, qui reçoit en urgence les patients avec pour objectif d’appliquer tous les traitements d’urgence disponibles (dont la thrombolyse qui connaît une croissance exponentielle ces derniers mois à Bichat), le centre de diagnostic et de prévention en hôpital de jour (où nous avons basé SOS AIT), et l’unité de retour au domicile (qui comprend la filière d’aval de soins de suite et de rééducation, l’unité mobile de retour au domicile et l’hôpital de jour de rééducation). SOS AIT est donc un service institutionnel et, dans son fonctionnement, indépendant. Il fonctionne toutefois avec des crédits privés qui nous ont permis de recruter l’infirmière qui répond au numéro vert, s’occupe des patients et anime le programme de prise en charge des facteurs de risque. Pour ce lancement, nous avons été généreusement soutenus par un don des laboratoires Boehringer-Ingelheim, que je tiens encore une fois à remercier. Le laboratoire nous aide aussi dans la diffusion de la plaquette SOS AIT que nous avons réalisée. Il n’y a aucune contrepartie à ce don. Notre objectif est d’avoir dans l’avenir un multipartenariat privé et public pour faire vivre ce numéro vert. ■ “Docteur, l’autre jour la télécommande que je tenais dans ma main est tombée et, pendant quelques secondes, je n’ai pas pu la ramasser car ma main et mes doigts ne fonctionnaient plus, puis tout est redevenu normal et depuis ça va. C’est un peu de fatigue, Docteur ?” “Hier, au volant de ma voiture, la moitié de la vue de mon œil gauche s’est brusquement obscurcie en quelques secondes. C’était comme un rideau qui se serait progressivement baissé jusqu’à la moitié de mon champ de vision. Cela n’a duré que 5 secondes peut-être. Vous pensez que je dois changer de lunettes ?” “En parlant au téléphone avec ma fille, dimanche dernier, d’un coup je n’arrivais pas à trouver mes mots ou je disais un mot pour un autre. Ma fille ne comprenait pas ce que je disais. Je ne sais pas combien de temps cela a duré, mais en tout cas, une demi-heure plus tard je parlais normalement, et depuis ça va. Ma fille m’a dit qu’il valait mieux vous le signaler. Moi, Docteur, je mets cela sur le compte du gros choc de la mort de mon mari.” • Ce symptôme décrit par mon patient est un AIT. C’est une urgence absolue et prioritaire ! • Les examens que je dois faire ne peuvent pas attendre quelques heures, le lendemain ou la semaine suivante. • Où faire les examens en une demi-journée en toute urgence ? • Quelle décision thérapeutique pour mon patient ? ➔ pour répondre à ces questions, appelez le numéro vert 24 h/24, on vous répond immédiatement. ➔ vous n’avez pas le temps de faire ou de programmer tous ces examens, vous souhaitez que votre patient les ait tous en même temps, immédiatement : APPELEZ SOS AIT – Appel gratuit – La Lettre du Cardiologue - n° 363 - mars 2003