ARTICLE ORIGINAL Identification des types de parvovirus canin circulant en France ° J.-P. GANIERE, ° N. RUVOEN, °° S. GUEGUEN, °° T. HEGE, °° M. CHAZEL et °° A. AUBERT ° Unité de Pathologie Infectieuse, École Nationale Vétérinaire de Nantes, Atlanpole, La Chantrerie, B.P. 40706, F-44307 Nantes cedex 3 °° Unité de Biologie, Laboratoire Virbac, B.P. 27, F-06511 Carros Cedex RÉSUMÉ SUMMARY Le parvovirus canin (CPV), identifié dès 1978 comme un nouvel agent pathogène du chien, circule de façon endémique dans la population canine de tous les pays du monde. La souche CPV initiale a été remplacée entre 1979 et 1985 par deux variants antigéniques, les types CPV-2a et CPV-2b. Cette brève communication rapporte la proportion des deux types de parvovirus circulant en France. 150 échantillons fécaux provenant de chiens atteints de parvovirose furent collectés en France entre 1986 et 1997. La présence du CPV fut confirmée par la recherche de l’activité hémagglutinante vis-à-vis d’hématies de porc et le typage antigénique fut réalisé par inhibition de l’hémagglutination avec les anticorps monoclonaux A4B3, B4A2, C1D1 et B4E1. 117 échantillons (78 %) furent typés comme CPV-2a, 32 (21,3 %) comme CPV-2b et un seul (collecté en 1989) comme CPV-2. Les types CPV-2a et 2b furent trouvés en proportion équivalente seulement en 1993. Depuis 1994, le type CPV-2a, présent dans plus de 80 % des échantillons, apparaît le plus commun. Identification of types of canine parvovirus circulating in France. By J.P. GANIÈRE, N. RUVOEN, S. GUEGUEN, T. HEGE, M. CHAZEL and A. AUBERT. MOTS-CLÉS : parvovirus canin - prévalence - IHA - typeantigénique - chien. Introduction Nouvelle maladie émergente en 1978, la parvovirose canine a rapidement diffusé dans toutes les régions du monde, où elle se maintient à l’état enzootique [12]. La maladie fut d’abord causée par des souches désignées CPV-2 (canine parvovirus de type 2) pour les distinguer d’un parvovirus canin isolé en 1970 [2] dans les selles de chiens en bonne santé, et dénommé MVC (minute virus of canine) ou CPV-1. Le MVC peut être associé à des avortements et des troubles de la fertilité, mais ne provoque pas de gastro-entérite [14]. Le CPV-2 a été remplacé à travers le monde entre 1979 et 1985 par deux variants différents, mais antigéniquement Revue Méd. Vét., 2000, 151, 1, 43-46 Canine parvovirus (CPV), which emerged in 1978 as a new pathogen of dogs, is actually endemic in the dog population of all countries in the world. The original CPV strain (CPV-2) had been replaced between 1979 and 1985 by two antigenic variants, the CPV-2a and CPV-2b subtypes. This short communication reports the proportion of both types circulating in France. 150 fecal samples from dogs with clinical disease were collected in France between 1986 and 1997. The presence of CPV was confirmed in samples by hemagglutination activity using swine red blood cells and antigenic subtypes were identified in a standard haemagglutination assay using four CPV mAbs, namely mAbs A4B3, B4A2, C1D1 and B4E1. 117 samples (78 %) were typed as CPV-2a, 32 (21.3 %) as CPV-2b and one (collected in 1989) as CPV-2. CPV-2a and CPV-2b were equally common only in 1983. Since 1984, CPV-2a, present in more than 80 % of samples, appears the most prevalent in France. KEY-WORDS : canine parvovirus - prevalence - antigenic type - IHA - dog. proches, désignés CPV-2a et CPV-2b [11, 13]. Ces deux types sont présents dans la population canine avec des proportions variables d’un pays à l’autre. Après la vague épizootique qui a suivi l’apparition de la parvovirose en France en 1979, de nombreux chiens adultes sont devenus résistants à la suite de leur infection naturelle ou de leur vaccination. La maladie sévit depuis à l’état enzootique [9]. L’objet de la présente étude est d’évaluer la proportion respective des différents types de CPV circulant en France. Le typage antigénique est réalisé par inhibition de l’hémagglutination (IHA) avec des anticorps monoclonaux. 44 GANIÈRE (J.P.) ET COLLABORATEURS Matériels et méthodes Le typage antigénique est réalisé par IHA [10] avec des anticorps monoclonaux (surnageants de cultures d’hybridomes fournis par le docteur C.R. PARRISH). Quatre anticorps sont utilisés : A4B3 (réagissant avec tous les CPV), B4A2 (réagissant avec le CPV-2 et CPV-2a, mais faiblement avec le CPV-2b), C1D1 (réagissant avec le CPV-2a et CPV2b, mais non avec le CPV-2) et B4E1 (réagissant fortement avec le CPV-2 mais faiblement avec le CPV-2a et CPV-2b). ECHANTILLONS VIRAUX L’étude porte sur des prélévements de fèces ou de contenu intestinal prélevés de 1986 à 1997 par divers vétérinaires praticiens répartis sur le territoire français, et ceci sur des chiots malades ou morts suspects de parvovirose. Ces prélévements ont été collectés par l’intermédiaire des Ecoles Vétérinaires d’Alfort et de Nantes, du Laboratoire Vétérinaire Départemental des Alpes Maritimes et de Virbac Bio-Assistance. Des dilutions en série (de raison 2) de 25 µl de chaque monoclonal en solution tamponnée albuminée sont préparées et incubées avec 25 µl d’antigène pendant 1 heure à température du laboratoire. Après adjonction dans chaque cupule de 50 µl de suspension d’hématies à 1 %, les microplaques sont incubées pendant 1 heure à 4°C. Le titre IHA est donné pour chaque monoclonal par la plus forte dilution inhibant l’hémagglutination à 50 %. La comparaison des titres IHA obtenus avec chaque échantillon permet d’en déterminer le type antigénique. Le diagnostic de parvovirose a été confirmé pour chaque prélèvement en recherchant le virus par hémagglutination (HA) (voir plus loin) ou en utilisant un test Elisa commercial (CITE-PARVO N.D., IDEXX). Cent cinquante échantillons positifs, conservés par congélation à -20°C, ont pu être utilisés pour le typage antigénique du virus. Trois souches virales témoins ont été aussi utilisées : la souche CPV115 pour le type CPV-2, la souche CPV-2aVirbac 87 isolée en France en 1987 pour CPV-2a et la souche CPV39 (fournie par le docteur C.R. PARRISH de l’université de Cornell aux USA) pour CPV-2b. Résultats Les résultats sont présentés dans le tableau I. Sur 150 isolats collectés de 1986 à 1997, 78 % correspondent au type antigénique CPV-2a, 21,3 % au type CPV-2b et 0,7 % au type initial CPV-2. TITRAGE ET TYPAGE DU VIRUS Le seul isolat identifié comme CPV-2 correspond à un échantillon collecté en 1989. Le typage du virus est réalisé directement sur les échantillons de selles reconnus positifs, sans isolement préalable en culture de cellules. Une aliquote de chaque selle est diluée au dixième en PBS (phosphate-buffered saline; pH 7 ± 0,2) et clarifiée par centrifugation (1200 g pendant 14 minutes à 4°C). Le type CPV-2a a été régulièrement identifié tout au long de la période d’étude. Sa proportion est supérieure à 80 %, à l’exception de l’année 1993 où il a représenté seulement 42 % des isolats. Seuls deux isolats du type CPV-2b ont été identifiés pendant la période 1986-92 (ils correspondent à des échantillons collectés l’un en 1986 et l’autre en 1990). L’année 1993 correspond à la prévalence maximale d’isolement de ce type (15 isolats CPV-2b sur un total de 26). Depuis cette période, la prévalence du CPV-2b se maintient en dessous de 20 %. Le titre viral hémagglutinant est d’abord déterminé en utilisant des hématies fraîches de porc. La réaction d’hémagglutination est réalisée en microplaques à cupules en V. Les échantillons y sont dilués (dilutions de raison 2) dans une solution tamponnée (tampon phosphate 0,015 M ; pH 7 ± 0,2) albuminée (albumine bovine à 0,1 %) sous un volume de 25 µl et mélangés à 25 µl d’hématies à 1 %. La lecture est faite après 1 heure d’incubation à 4°C. Une unité hémagglutinante correspond à la plus forte dilution permettant d’obtenir 50 % d’agglutination. Chaque échantillon est ajusté afin d’obtenir 8 unités HA par 25 µl . Année(s) de collecte des échantillons 1986 à 1992 1993 1994 1995 1996 à 1997 Total Nombre total d’échantillons 29 26 41 23 31 150 Discussion Le type initial du Parvovirus canin (CPV-2) s’était répandu en quelques mois en 1978 dans la plupart des régions du monde, la rapidité de sa diffusion s’expliquant par sa resis- CPV-2 1 0 0 0 0 1 CPV-2a 26 11 33 20 27 117 CPV-2b 2 15 8 3 4 32 TABLEAU I. — Distribution des types antigéniques de parvovirus chez le chien en France de 1986 à 1997. Revue Méd. Vét., 2000, 151, 1, 43-46 IDENTIFICATION DES TYPES DE PARVOVIRUS CANIN CIRCULANT EN FRANCE tance élevée, la facilité de sa transmission féco-orale, et surtout l’absence d’immunité acquise dans les populations canines. Le CPV-2 a été remplacé en moins de 2 ans à la suite de l’émergence, en 1979, du variant CPV-2a, puis celle après 1983 du CPV-2b. Le CPV-2 s’est maintenu dans quelques foyers isolés résiduels [6, 17], expliquant la mise en évidence de quelques isolats correspondant à ce type jusque dans les années 90. Il peut être actuellement considéré comme disparu [14], ayant représenté en quelque sorte un stade évolutif intermédiaire entre un parvovirus antérieur non identifié et les variants CPV2-a et CPV-2b mieux adaptés à l’espèce canine. Le remplacement du CPV-2 par le CPV-2a, puis par le CPV-2b, avait été initialement attribué à leur sélection, consécutive à un glissement antigénique, par échappement à l’immunité acquise par les populations canines [13]. En fait, les modifications caractérisant les trois types concernent un nombre restreint d’acides aminés. Les différences entre CPV2a et CPV-2 portent sur 6 AA des protéines de capside virale VP1-VP2, et celles entre CPV-2b et CPV-2a portent seulement sur 2 AA [13]. Ces modifications sont en particulier localisées sur deux déterminants neutralisants majeurs (A et B) identifiés sur la protéine VP2 (le site A pour les différences entre CPV-2 et -2a, le site B pour celles entre CPV-2a et -2b) [15]. En outre les essais de neutralisation avec des anticorps monoclonaux montrent une bonne conservation des épitopes neutralisants [4] et les épreuves virulentes comme les observations réalisées sur le terrain montrent que les animaux vaccinés avec une souche CPV-2 sont correctement protégés vis-à-vis des types CPV-2a et -2b [1, 3, 4, 5, 8,17]. Il est donc probable que les modifications de la surface virale aient représenté une adaptation du CPV permettant une meilleure réplication dans les cellules hôtes [5, 13], leur conférant ainsi un avantage sélectif. Expérimentalement, on a d’ailleurs constaté une période d’incubation plus courte après infection par CPV-2a ou -2b (4 à 5 jours au lieu de 5 à 8 jours avec le CPV-2), une excrétion virale plus importante dans les selles, et une réponse sérologique marquée par un titre en anticorps neutralisants ou inhibant l’hémagglutination 2 à 4 fois plus élevé [3]. Notons en outre que les types CPV-2a et CPV-2b ont acquis la propriété de se répliquer chez le chat [8, 16, 17], confirmant que la nature des résidus (acides aminés) de surface des protéines de capside virale VP1-VP2 joue un rôle important dans l’aptitude du virus à infecter un hôte donné [12, 13]. Des essais d’infection mixte (CPV-2a et -2b) de chiens montrent que le type CPV-2b est réisolé de façon prédominante, suggérant qu’il se multiplie mieux dans l’intestin [5]. Ces données contrastent avec les observations de terrain montrant une circulation simultanée des deux types. Après son apparition, le type CPV-2b s’est d’ailleurs répandu moins rapidement que le CPV-2a et ne l’a pas remplacé. En 1991, 70 à 80 % des isolats aux Etats Unis et au Canada correspondaient au type CPV-2b , contre 20 à 30 % pour le CPV-2a [14]. La progression du CPV-2b fut plus lente en Europe, la proportion des deux sous-types étant, à la même période, en Grande Bretagne et en Allemagne, équivalente Revue Méd. Vét., 2000, 151, 1, 43-46 [5]. Sa progression en France semble avoir été encore plus lente puisque seuls 2 isolats sur 19 correspondant dans notre étude à la période 86-92 appartenaient à ce nouveau type. La prévalence maximale d’isolement du type CPV-2b n’est atteinte qu’au cours de l’année 1993 (15 CPV-2b sur un total de 26 isolats). Depuis, la proportion des isolats correspondant au CPV-2b se maintient en dessous du seuil de 20 %. Des observations analogues sont d’ailleurs faites dans d’autres pays : ainsi par exemple, sur 169 isolats collectés en Allemagne de 1993 à 1995, 44 seulement (26 %) furent identifiés comme des CPV-2b [17]. Le regroupement des échantillons collectés pour notre étude durant la même période (90 échantillons) donne des résultats similaires avec seulement 26 cas (19 %) correspondant au CPV-2b. La parvovirose canine est donc caractérisée en France par la circulation concomitante de souches virales appartenant aux deux types CPV-2a et CPV-2b, le type CPV-2a étant cependant majoritairement incriminé. En terme de prophylaxie, les vaccins commercialisés pour lutter contre la parvovirose canine sont quasi-exclusivement des vaccins à virus vivant homologue modifié préparés avec des souches de CPV-2. Comme nous l’avons précédemment souligné, ces vaccins protégent efficacement les chiens d’une infection par les sous-types CPV-2a et 2b. Certains vaccins contiennent une souche CPV-2a. Cependant, la meilleure adaptation du sous-type CPV-2b aux cellules canines et par là même sa plus forte immunogénicité peuvent constituer une alternative intéressante. Remerciements Les auteurs adressent leurs remerciements au Docteur Anne MORAILLON de l’Ecole Nationale Vétérinaire d’Alfort et à Madame OZON du laboratoire Vétérinaire Départemental des Alpes-Maritimes pour avoir fourni une partie des prélévements de cette étude, ainsi qu’à Agnès ALBERT, de l’Unité de Pathologie infectieuse de l’ENVN, pour les typages qu’elle a réalisés. 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