Réunion R éunion Actualités des infections fongiques invasives : compte-rendu du “FOFI”* L e 17e Focus on Fungal Infections (FOFI) a fait le point sur l’avancée des connaissances épidémiologiques, diagnostiques et thérapeutiques dans le domaine des infections fongiques invasives. épidémiologie Infection fongique invasive et transplantation : analyse de 228 cas D. Neofytos et al. (Philadelphie, États-Unis, abstract 64) ont analysé les données d’une étude prospective dite de “registre”, réalisée entre juillet 2004 et octobre 2006. Pendant cette période, 228 cas d’infections fongiques invasives survenues au cours de transplantations d’organes solides ont été collectés. Cette étude représente, à notre connaissance, la plus vaste étude épidémiologique réalisée sur ce sujet. La majorité des cas concernait des patients transplantés hépatiques, pulmonaires et rénaux. Dans 95,2 % des cas, les malades étaient sous traitement immunosuppresseur (corticothérapie 88,6 %). Les principaux champignons retrouvés, par fréquence d’isolement, étaient Candida spp (54,0 %), Aspergillus spp (28,3 %) et Cryptococcus spp (8,1 %) ; les zygomycoses représentaient 2,2 % du total. Les principaux sites d’isolement étaient le sang (42,1 %), le poumon (39,9 %) et le péritoine (19,7 %). Concernant le traitement, une association d’antifongiques avait été utilisée dans plus de 25 % des cas. La mortalité, évaluée 12 semaines après le diagnostic d’infection fongique invasive, apparaissait en cas de candidémie (29,3 %) proche de celle observée en cas d’aspergillose (25,0 %). Pour conclure, les auteurs soulignent l’existence de spécificités particulières (répartition des agents fongiques, pronostic) des infections fongiques en fonction du type de transplantation et insistent sur la nécessité de telles études pour mieux connaître l’incidence, les facteurs de risque, la réponse aux traitements des infections fongiques survenant lors des transplantations, données indispensables pour définir leur prise en charge optimale. Infections fongiques invasives et greffe de moelle : prédominance des infections aspergillaires Par une étude rétrospective menée entre juillet 2001 et juillet 2007, M. Wong et al. (Boston, États-Unis, abstract 57) ont étudié l’épidémiologie de 23 infections fongiques invasives prouvées ou probables survenues au cours de l’hospitalisation de 309 greffés de moelle (autogreffés 55 %, allogreffés 45 %). Sur cette période, * San Diego, États-Unis, 7-9 mars 2007. 152 la totalité des cas étudiés correspondait à une incidence de 7,4 %. Les infections fongiques les plus fréquemment observées étaient dues à Aspergillus spp (62,5 %) et, dans une moindre mesure, à Candida spp (25 %). Les infections à champignons filamenteux survenaient tardivement après la greffe par rapport aux infections à levures (moyennes de 270 jours versus 6 jours). La survie à 60 jours était de 83 % en cas d’infections candidosiques, versus 47 % en cas d’infections aspergillaires. Il est à noter qu’en cas d’infections aspergillaires, le traitement des 7 premiers jours avait été pour tous les malades de l’amphotéricine B liposomale, relayée par de la caspofungine ou du voriconazole. Enfin, une association d’antifongiques avait été administrée dans 30 % des cas. Candidoses invasives : répartition différente des espèces en fonction de l’âge G. Lyon et al. (Atlanta, États-Unis, abstract 12) ont analysé les caractéristiques de 3 503 Candida responsables de candidoses invasives recueillies dans différents centres hospitalo-universitaires entre 2004 et 2006. La répartition en fonction des espèces était la suivante : C. albicans (45,1 %), C. glabrata (24,1 %), C. parapsilosis (18,1 %), C. tropicalis (9 %), C. krusei (1,6 %) et autres espèces de Candida (2,1 %). Alors que la répartition restait similaire pour les patients dont l’âge était supérieur ou égal à 18 ans (n = 3 067), pour les patients dont l’âge était inférieur à 18 ans (n = 436), la répartition était nettement différente : C. albicans (51,4 %), C. glabrata (8,0 %), C. parapsilosis (25,9 %), C. tropicalis (7,6 %), C. krusei (2,3 %) et autres espèces (4,8 %). Le fait que, selon l’âge, c’est C. glabrata ou C. parapsilosis qui ait été isolé en deuxième position après C. albicans est une donnée importante à connaître compte tenu de la différence de sensibilité aux azolés de ces deux espèces (sensibilité diminuée voire résistance de C. glabrata), et cela d’autant plus que l’on envisage un traitement empirique ou une prophylaxie. Alimentation parentérale et chirurgie digestive sont fortement associées au risque de fongémie T. Fekete et al. (Philadelphie, États-Unis, abstract 15) ont analysé, par une étude cas-témoins, les raisons justifiant la prescription d’hémocultures fongiques chez 100 malades hospitalisés en 2005, chaque malade étant associé à un témoin (n = 100). Les facteurs de risque identifiés ont été la présence d’un cathéter central, une alimentation parentérale et une colonisation fongique documentée (p ≤ 0,01). En comparant la population présentant une fongémie (n = 10) à un groupe témoin sans fongémie (n = 90), les auteurs ont pu démontrer que l’alimentation parentérale et la chirurgie digestive étaient les facteurs de risque les plus fortement associés à la survenue d’une fongémie (p ≤ 0,01). La Lettre de l’Infectiologue - Tome XXII - n° 4 - juillet-août 2007 Candidémies en réanimation : mortalité élevée mais absence d’émergence des espèces non albicans Les soins intensifs sont souvent associés à la détection de candidémies, aussi J. Garbino et al. (Genève, Suisse, abstract 18) ont-ils étudié, de janvier 1989 à décembre 2006 (18 ans), la mortalité et la répartition des espèces de Candida à l’origine des candidémies diagnostiquées en réanimation médicale et chirurgicale. Pour les 157 malades analysés, la mortalité dans les 30 jours était de 56 %. En ce qui concerne la nature des différentes espèces identifiées, il n’a pas été observé de modification de répartition des espèces tout au long de la période concernée. C. albicans constituait 72 % de l’ensemble des isolats et, parmi les 28 % d’espèces non albicans, C. glabrata prédominait (36 %), suivi de C. parapsilosis (18 %) et de C. tropicalis (14 %). Il est à noter que 94 % des souches de C. albicans étaient sensibles au fluconazole. Traitement d’une candidémie : la mortalité due à C. glabrata est supérieure à celle observée pour C. albicans M. Klevay et al. (Iowa, États-Unis, abstract 30) ont comparé, par une étude rétrospective, les candidémies dues à C. albicans (n = 55) et C. glabrata (n = 55) survenues sur une période de 8 ans (1997-2004), leur objectif étant de comparer la mortalité due aux espèces C. albicans et C. glabrata. La mortalité globale, calculée à J30 après la détection de la candidémie, était de 29 % pour C. albicans et de 40 % pour C. glabrata. La raison de cette différence n’est pas en rapport avec une inadaptation du traitement antifongique puisque les traitements prescrits pour C. albicans et C. glabrata étaient adaptés (posologie, durée d’administration) à J7 respectivement pour 71 % et 73 % des cas et à J14 pour 53 % et 51 % des cas (pas de différence statistique). Émergence des candidémies à C. parapsilosis : un lien avec l’utilisation des nouveaux antifongiques ? La caspofungine et le voriconazole, de plus en plus employés pour traiter les candidémies, pourraient modifier la répartition des espèces de Candida à l’origine des candidémies. C’est pour tester cette hypothèse que G. Forrest et al. (Baltimore, États-Unis, abstract 62) ont analysé sur une période de 5 ans (2002 à 2006) la répartition des espèces identifiées à partir de 440 candidémies. En 2006, sur les 121 candidémies analysées, la répartition entre les principales espèces identifiées était la suivante : C albicans (50,4 %), C. glabrata (23,1 %), C. parapsilosis (19,8 %), C. tropicalis (4,1 %) et C. krusei (2,6 %). Sur la période considérée, il n’a pas été constaté de différence de répartition pour C. albicans, mais une diminution nette de C. tropicalis (moins 98 %) et une augmentation de C. parapsilosis (plus 67 %). L’augmentation de C. parapsilosis apparaît significativement liée à l’utilisation de la caspofungine et du voriconazole (R = 0,9 ; p < 0,05), mais ce lien statistique devra être confirmé par d’autres études et des hypothèses de causalité formulées. La Lettre de l’Infectiologue - Tome XXII - n° 4 - juillet-août 2007 C. parapsilosis est plus souvent à l’origine de candidémies ayant pour point de départ le cathéter central que les autres espèces de Candida L’intérêt de l’ablation du cathéter en cas de candidémie reste débattu en raison de résultats contradictoires observés sur la survie des patients. M. Abidi et al. (New York, États-Unis, abstract 2) ont étudié 50 candidémies survenues entre 1998 et 2006 et comparé la différence du délai de détection des candidémies issues d’hémocultures prélevées sur sang périphérique par rapport à celles prélevées simultanément sur cathéter. Par cette analyse, ils ont pu démontrer que, pour 24 candidémies, la source était le cathéter et, en analysant les espèces concernées, ils ont constaté que l’espèce C. parapsilosis était nettement plus souvent identifiée (7/9) que les autres espèces (4/15 ; p < 0,05). En cas de candidémie, l’isolement de l’espèce C. parapsilosis devrait donc inciter à une ablation du cathéter. Réunion R éunion DIAGNOSTIC Nouvelle cible génomique pour la détection de Candida spp En cas de candidose disséminée, la sensibilité diagnostique des hémocultures, positives seulement dans 40 à 60 % des cas, reste insuffisante. La mise au point de techniques de détection du génome de Candida par PCR est donc en plein essor. S. Arancia et al. (Rome, Italie, abstract 4) ont ainsi évalué la valeur de la détection, par PCR en temps réel, d’un gène de Candida albicans codant pour une mannoprotéine de 65 kDA. Cette cible permet d’amplifier le génome des principales espèces de Candida (C. albicans, C. parapsilosis, C. tropicalis, C. glabrata, C. krusei) à la fois dans le sang, le sérum et les urines avec une sensibilité variant d’une cellule (urine) à 10 cellules/ml (sang). Pour juger des performances de cette nouvelle technique diagnostique, fort prometteuse, il reste encore à les comparer celles des techniques diagnostiques conventionnelles. TRAITEMENT Prophylaxie de l’aspergillose pulmonaire par aérosol d’amphotéricine B liposomale : données pharmacologiques B. Capitano et al. (Pittsburgh, États-Unis, abstract 8), constatant que l’aspergillose pulmonaire atteint plus de 17 % des transplantés pulmonaires avec une mortalité de plus de 80 %, ont voulu analyser les données pharmacocinétiques de la nébulisation d’un aérosol d’amphotéricine B liposomale chez des patients transplantés pulmonaires (n = 18). Après inhalation de l’aérosol à la posologie de 1 mg/ kg/j pendant 4 jours, il n’a été noté aucun signe d’intolérance. De plus, les concentrations d’amphotéricine B mesurées dans le LBA jusqu’à 7 jours après administration étaient supérieures aux CMI définies pour inhiber 90 % des Aspergillus spp. Les résultats de cette étude permettent donc d’envisager ce type de prophylaxie chez les patients à risque d’aspergillose pulmonaire. 153 Réunion R éunion Mucormycose digestive : efficacité de l’association amphotéricine B liposomale + posaconazole Les mucormycoses sont particulièrement difficiles à traiter et le traitement antifongique est souvent associé à un geste chirurgical. Les seuls antifongiques potentiellement efficaces sont l’amphotéricine B et le posaconazole. Habituellement l’amphotéricine B est utilisée en première intention et le posaconazole en cas d’échec. Une observation rapportée par K. Mullane et al. (Chicaco, ÉtatsUnis, abstract 37) souligne l’intérêt de l’association des deux antifongiques pour traiter une mucormycose digestive. Il s’agissait d’un malade de 50 ans, toxicomane, atteint d’hépatite C, hospitalisé pour une péritonite due à une perforation du sigmoïde. Après traitement chirurgical, le patient présenta un choc septique avec hémorragie digestive ayant nécessité 15 unités de globules rouges et une embolisation artérielle. La fibroscopie œsogastroduodénale mettait en évidence de multiples lésions de mucormycoses qui ont été confirmées par l’histologie et la culture. Le traitement initial avait consisté en l’administration i.v. d’amphotéricine B liposomale (5 mg/kg) et de suspension d’amphotéricine B per os (50 mg/j). Après 2 semaines de traitement, le posaconazole fut ajouté (200 mg/6 h) à visée compassionnelle pendant 2 semaines. Compte tenu de l’évolution favorable, le posaconazole fut poursuivi seul (400 mg/12 heures) jusqu’à la guérison clinique et mycologique. Celle-ci fut obtenue après un mois de traitement. Les données de cette observation incitent donc à prescrire précocement l’association amphotéricine B liposomale et posaconazole pour traiter plus efficacement les mucormycoses. Efficacité de l’amphotéricine B associée à un chélateur du fer dans un modèle de mucormycose murine Par leur étude, A. Ibrahim et al. (Los Angeles, États-Unis, abstract 24) ont pu mettre en évidence une action synergique entre le deferasirox (Def ), un nouveau chélateur du fer administrable per os, et l’amphotéricine B liposomale (AmBl). Pour 50 E J O U R N É E DE L’HÔPITAL ce faire, ils ont utilisé un modèle de souris immunodéprimées infectées par Rhizopus oryzae. Le Def, l’AmBl ou un placebo étaient administrés 24 heures après infection intraveineuse de spores dans des groupes de 16 animaux. Non seulement l’association AmBl et Def améliore de façon spectaculaire la survie des animaux : 70 % versus 25 % et 28 % respectivement pour les monothérapies par Def et d’AmBl (0 % de survie dans le groupe placebo), mais en outre, comparativement aux deux monothérapies, l’association est la seule thérapeutique capable de diminuer la charge fongique cérébrale et rénale par rapport au placebo. Les chélateurs du fer apparaissent donc comme une nouvelle arme thérapeutique à associer aux traitements antifongiques conventionnels. Mise au point d’une nouvelle forme d’amphotéricine B : administrable per os et capable de diffusion systémique Les phospholipides comme les phosphatidylsérines, associés au calcium, peuvent constituer des particules stables dites cochléaires en raison de leur forme et de leur structure multilamellaire. S. Kalbag et al. (BioDelivery Sciences International, Newark, États-Unis, abstract 26) ont utilisé ces structures cochléaires pour mettre au point une nouvelle forme galénique d’amphotéricine B dite cochléaire (AmBc) administrable per os. Les données pharmacologiques animales (rats et chiens) montrent que cette nouvelle formulation est bien tolérée, non toxique, et qu’elle est essentiellement excrétée dans les fèces (60 à 90 %). Aux posologies testées, les concentrations plasmatiques ainsi que les concentrations tissulaires rénale, hépatique, pulmonaire et splénique sont supérieures aux CMI observées pour les Candida spp. Ces résultats expérimentaux ayant démontré l’efficacité potentielle et la bonne tolérance de l’AmBc, celle-ci a été approuvée par la FDA pour une étude clinique de phase I chez l’homme. A. Paugam, Paris C L A U D E -B E R N A R D , 23 NOVEMBRE Des microbes et des hommes : de la transmission à la prévention 2007 Faculté de médecine Denis-Diderot Université Paris-VII, site Xavier-Bichat - 16, rue Henri-Huchard - 75018 Paris Comité d’organisation : A. Andremont, E. Bouvet, F. Brun-Vezinet, C. Leport, J.C. Lucet, S. Matheron, B. Regnier, M. Wolff, P. Yeni Sous l’égide des services des maladies infectieuses et tropicales, réanimation médicale et infectieuse, bactériologie-virologie, parasitologie et hygiène hospitalière. Groupe hospitalier Bichat-Claude Bernard Moyens d’accès : En voiture : boulevards périphériques ou extérieurs, Porte de Saint-Ouen. Parking : 5, rue L. Pasteur Vallery-Radot. En métro : ligne 13, station Porte de Saint-Ouen ; ligne 4, station Porte de Clignancourt. En autobus : PC3, 81, 60, 95 et 137. Renseignements : 01 43 37 68 00 ou [email protected] 154 La Lettre de l’Infectiologue - Tome XXII - n° 4 - juillet-août 2007