V ocabulaire Proches et différentes, les ethnies E thnie, mot aujourd’hui indispensable, est la francisation tardive, à la fin du XIXe siècle, du grec ethnos. Ce dernier était vivant en français, depuis le Moyen Âge, sous la forme de l’adjectif alors écrit etnique, dont le sens est pour nous inattendu. Au XIIIe siècle, comme en latin chrétien, les “ethniques”, ce sont les païens, c’est-à-dire les peuples, les groupes distincts des Hébreux. Cet usage n’est pas si différent de celui du mot anglais ethnic. Ethnos, c’est la “nation”, le groupe humain qui descend et “naît” d’une origine commune, le groupe humain doté d’une existence autonome. Tel est le sens de la racine indo-européenne qui a fourni, outre le grec ethnos, le mot êthos, “la manière d’être, le caractère individuel ou collectif”, ce qui conduit à l’éthique, dont l’équivalent latin est la morale. mot ethnologie est signalé en Suisse en 1787, ethnographie suit d’assez près et, au XXe siècle, on ne compte plus les noms de disciplines qui se réfèrent aux ensembles humains considérés comme homogènes et à leurs cultures. Ethnie lui-même apparaît dans l’étude des langues et des civilisations. Sa valeur moderne se construit par contraste avec les données biologiques de l’anthropologie physique, qui sont considérées, au XIXe siècle et au début du XXe siècle, comme des repères servant à définir cette entité génétique en partie fictive, par détournement de sens d’un vocable ancien qui signifiait tout autre chose, la race. Discrédité par des emplois idéologiques qui ont abouti à une monstruosité, le racisme, le mot race ainsi interprété devait être éliminé et remplacé. Ethnie, soutenu par l’existence d’une science respectable, l’ethnologie, fait l’affaire, encore qu’il donne une réalité un peu trop substantielle à ce qu’on appelle mieux le “groupe ethnique”. En dehors de l’anthropologie culturelle, de la linguistique ou de la sociologie, le concept d’”ethnie” s’impose pour la description des variétés de l’espèce humaine, pour l’analyse des différences, qu’elles soient culturelles ou physiologiques et fonctionnelles, et pour la pratique des interactions, quelles qu’elles soient. Ce mot nous suggère que l’autonomie, la spécificité qu’il signale sont faites pour être transcendées. C’est même le début de tout humanisme. Le mot grec – et le vocable français ethnique – ont fait des petits lorsqu’on s’est intéressé de près aux sociétés humaines : le Alain Rey, directeur de rédaction du Robert, Paris 212 Le Courrier de la Transplantation - Volume V - n o 4 - oct.-nov.-déc. 2005