Maq HGE1 vol II D 21/08/03 O S 16:16 S Page 8 I E R T H É M A T I Q U E Avant-propos ● L. Choné* A vec une incidence mondiale annuelle estimée entre 250 000 et 1 000 000 de cas, le carcinome hépatocellulaire (CHC) est l’un des cancers les plus fréquents au monde et représente à ce titre un problème majeur de santé publique. Alors que, depuis de nombreuses années, la prévalence du CHC était soumise à de très fortes variations géographiques similaires à celles enregistrées pour l’infection par le virus de l’hépatite B (VHB), les années 1990 ont vu apparaître des modifications sensibles de l’épidémiologie de ce cancer. En effet, l’amélioration des conditions d’hygiène ainsi qu’une moindre exposition à l’aflatoxine ont pu entraîner une diminution de l’incidence du CHC dans les zones de forte prévalence. En outre, les campagnes de vaccination contribuent à limiter l’infection par le VHB et auront pour probable conséquence une réduction du CHC lié à ce virus. L’ensemble de ces facteurs est à l’origine d’une diminution sensible de la prévalence du CHC dans les zones géographiques jusque-là les plus concernées, comme l’Afrique subsaharienne et le Sud-Est asiatique où, avec 20 à 150 cas diagnostiqués par an pour 100 000 habitants, le CHC arrive en tête des causes de mort par cancer. Dans le même temps, on assiste à une augmentation de l’incidence globale de ce cancer dans les zones classiquement de moyenne (Japon) et de faible prévalences (Europe de l’Ouest, Amérique du Nord). Cette tendance est sans doute secondaire au nombre croissant d’infections dues au virus de l’hépatite C d’une part, et à l’augmentation de la survie des patients atteints de cirrhose d’autre part. En effet, la diminution de la mortalité par hémorragie digestive ou infection, en raison de la préven- * Service d’hépato-gastroentérologie, CHU Brabois, Vandœuvre-lès-Nancy. 8 tion et du traitement désormais plus efficaces de ces complications, a permis, tout en augmentant nettement la survie de ces patients, de voir se développer un nombre croissant de complications plus tardives dans l’histoire de la maladie, tel le CHC. Parallèlement à ces modifications de l’épidémiologie du CHC, les techniques d’imagerie connaissent un nouvel essor : l’échographie enrichie du mode doppler-couleur, le scanner hélicoïdal qui rend possible l’étude du rehaussement vasculaire de la tumeur à sa phase artérielle et l’IRM avec ses nouvelles séquences rapides permettent, en détectant des tumeurs de plus en plus petites, un diagnostic de plus en plus précoce. C’est pourquoi, dans les zones jusque-là les moins concernées par ce cancer, l’augmentation de l’incidence et le développement de méthodes de diagnostic plus efficaces soulèvent la question de l’intérêt d’un dépistage ciblé dans les populations à fort risque de CHC, comme les cirrhotiques. Cependant, il n’y a pas encore aujourd’hui de consensus en la matière puisque ni les moyens ayant le meilleur ratio coût/efficacité ni la fréquence de ce dépistage n’ont été clairement définis. D’autre part, il n’est pas démontré de façon formelle que le dépistage permettrait d’obtenir une diminution de la mortalité liée au CHC. Gageons, cependant, que les avancées actuelles dans la connaissance de la carcinogenèse hépatique et les traitements tant médicaux que chirurgicaux permettront prochainement d’améliorer le pronostic encore trop sombre de ces malades dont la survie ne dépasse pas six mois dans la plupart des cas ! Ainsi, à l’aube de ce nouveau millénaire, le CHC apparaît comme un cancer en pleine mutation et nous remercions vivement les experts qui vont en développer les principaux aspects dans ce dossier. ■ La Lettre de l’Hépato-Gastroentérologue - n° 1 - vol. II - février 1999