H Y P E R T E N S I O N Les bithérapies antihypertensives fixes en première intention ● S. Laurent* D eux bithérapies fixes ont obtenu en France une AMM pour le traitement de première intention de l’HTA. Cela représente une évolution conceptuelle certaine, aussi bien en thérapeutique de l’HTA qu’en pharmacologie clinique, et un progrès réel par rapport aux nombreuses associations fixes ayant obtenu ces dernières années une indication de deuxième intention, c’est-à-dire en cas d’inefficacité ou de réponse insuffisante à l’un ou l’autre monocomposant administré isolément. CAHIER DES CHARGES Les récentes “recommandations” (guidelines) européennes ont bien défini le cahier des charges du développement de ces bithérapies fixes destinées à une indication de première intention. Il s’agit essentiellement de démontrer soit un niveau d’inefficacité similaire à celui obtenu par chaque monocomposant utilisé seul à de plus fortes doses qu’en combinaison, avec une meilleure tolérance, soit un niveau d’efficacité supérieur à celui obtenu par un seul monocomposant, avec une tolérance similaire. En raison d’une synergie additive des effets de chaque monocomposant sur l’efficacité et/ou la tolérance, le rapport bénéfice/risque est amélioré par rapport à celui obtenu avec chaque monocomposant utilisé seul à de plus fortes doses qu’en combinaison. Si le “bénéfice” est actuellement analysé essentiellement en termes de baisse tensionnelle, il faut aussi envisager une analyse de la régression de l’atteinte des organes cibles, qui pourrait s’avérer plus prédictive du gain de morbidité-mortalité que la seule baisse tensionnelle. Des essais cliniques devraient donc être conduits dans ce sens. * Service de pharmacologie, Hôpital Broussais, 75674 Paris Cedex 14. 8 Si l’avantage principal des combinaisons fixes est, en première intention, une amélioration du rapport bénéfice/risque, et, en deuxième intention, une simplification du traitement de l’HTA qui en améliore l’observance, il ne faut pas en méconnaître les désavantages potentiels : – une combinaison fixe adaptée à un ensemble de patients sur des critères de bénéfice/risque “moyen” peut ne pas être adaptée aux besoins d’un patient en particulier ; – les probabilités de survenue d’effets indésirables de chaque monocomposant, comme les réactions anaphylactiques, peuvent s’additionner, et il est alors plus difficile d’en identifier la substance responsable ; – les risques liés à une mauvaise utilisation du médicament sont augmentés car de nombreuses formes commerciales, combinant plusieurs dosages de chacun des deux monocomposants, seront mises à disposition. UNE TROISIÈME PHASE D’ÉVOLUTION Les bithérapies fixes de première intention pourraient bien représenter la troisième phase de l’évolution des médicaments dans l’HTA. Les premières associations fixes développées dans les années 60 et prescrites en première intention ont le plus souvent cessé d’être commercialisées. Leur ont succédé, dans les années 70 et 80, les monothérapies de première intention, appartenant à de nouvelles classes pharmacologiques et thérapeutiques. Par la suite, l’évolution des connaissances pharmacodynamiques, du concept de médicament “hybride”, capable d’agir à plusieurs niveaux des mécanismes neuro-humoraux pour bloquer les contrerégulations mises en jeu par les médicaments hypersélectifs, et les développements méthodologiques en pharmacologie clinique ont amené naturellement à envisager un traitement de première intention dans l’HTA avec une bithérapie fixe, soigneusement sélectionnée grâce à des essais thérapeutiques rigoureusement menés. ■ La Lettre du Cardiologue - n° 304 - décembre 1998