Soigner et témoigner

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Soigner et témoigner
Un entretien avec Jean-Pierre Daulouède*
Propos recueillis par Didier Touzeau et Patricia de Postis
Il est grand, très grand, au point qu’il a bien du mal à caser ses
deux mètres ou presque dans les avions bondés. Ce n’est pas
pour autant que vous avez l’impression qu’il vous mange la piperade sur la tête avec la condescendance que l’on prête souvent,
abusivement, aux grands. Jean-Pierre, sexagénaire, "basque
bondissant"1 certes, mais aussi pondéré, pacifique, est du genre
modeste, voire parfois emprunté aux entournures. Attention,
pas dans les grandes mêlées, celles qui font rouler les colosses
du rugby dans la gadoue. Encore moins dans celles qui "tsunamisent" régulièrement le monde parfois cruel de la clinique, avec
ses polémiques qui flirtent avec l’anathème, ses rejets et passions
épuisants. Jean-Pierre Daulouède, figure pionnière de l’addictologie, en particulier de l’électrothérapie, des traitements de
substitution aux opiacés et de la réduction des risques, n’est pas
de ceux qui restent "aux arrières" lorsqu’il faut taper du poing
sur la table ! Il ne côtoie pas Benoît Poelvoorde et Isabelle Carré
chez "Les émotifs anonymes", inhibés sans voix et sans gestes.
Il mouille sa chemise dès qu’il le faut et ne mégote pas plus sa
peine sur les rings des débats politiques et de santé publique de
l’heure, que sur la scène grande ouverte sur le monde de la solidarité ou, plus intime, de l’amitié. Humaniste et humanitaire (il
a été militant de Médecins sans Frontières, il l’est aujourd’hui de
Médecins du Monde), fidèle à ses idéaux chèrement défendus et
aux hommes et femmes dont il a partagé un bout de chemin, mili-
tant internationaliste et universaliste, mais aussi notable bien arrimé à ses terres biarrote et bayonnaise, Jean-Pierre Daulouède
est tout cela à la fois. Illustrations, parmi d’autres : il a reçu le
prix du "Citoyen européen" décerné par le Parlement européen
en mai 2009 pour ses actions de coopération transfrontalière
avec le Pays basque espagnol ; il a pris la direction des rencontres
européennes et internationales THS-10, secondé efficacement
par Arkaitz Aguerretxe-Colina2 qu’il a étroitement associé à la
responsabilité et à la direction de l’organisation. Par fidélité à la
mémoire de Jean-Marie Guffens qui a fondé THS à Saint-Tropez
en 1993 et l’a porté pendant plusieurs années jusqu’à son décès
en 2006. Par conviction, pour poursuivre la défense de l’accès
aux soins des usagers de drogues et la promotion de l’addictologie, dans le cadre d’échanges internationaux. Il a également été
conseiller municipal pendant 12 ans et a assuré ensuite pendant
7 ans la présidence du musée de la Mer de Biarritz et la promotion
de son superbe aquarium. Impliqué dans la vie de nombreuses associations, sociétés et réseaux professionnels de prise en charge
de malades, il a également beaucoup donné dans les recherches
cliniques et scientifiques, avec et au sein de l’équipe universitaire
de Bordeaux dirigée par Jean Tignol et Marc Auriacombe (Denis
Grabot, Cécile Laffitte, Pascale Franques, Mélina Fatséas, Estelle
Lavie, Cécile Denis…). Et c’est pas fini. Bien sûr, ce n’est plus le
début, mais la lutte pour lui continue. Toujours.
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qu’il avait fondé en 1971, il avait
développé une méthode de prise
en charge des jeunes toxicomanes
par l’écoute et l’aide à devenir
adulte, expérience qu’il avait décrite dans son livre, que j’ai beaucoup apprécié à l’époque, "Il n’y a
pas de drogués heureux". Personnage charismatique, quelque peu
provocateur s’il en fut – vous le
savez, – il s’était fait le garant d’une
éthique de soin qui refuse l’enfermement, dans le respect du choix
des patients, avec l’affirmation
qu’il fallait toujours revendiquer le
devoir de révolte contre "la haine,
le mépris, les certitudes, l’ordre", au
nom des valeurs de l’humanisme.
Je me suis reconnu dans ce "manifeste" vivant d’une conscience
contestataire, beaucoup moins par
la suite – c’est peu de le dire ! –,
dans son rejet des traitements de
substitution, et de la nécessité de
l’approche réduction des risques,
pour infléchir le cours de l’épidémie de sida et d’hépatites…
Le Courrier des addictions : Qu’est-ce qui vous a motivé à
vous spécialiser dans la prise en
charge des toxicomanes ?
Jean-Pierre Daulouède : Le choc
que j’ai ressenti lorsqu’un copain
de lycée, alors en khâgne, très
brillant, voire surdoué, mais pataud, très mal dans ses baskets, est
mort d’une overdose suite à l’une
de ses virées à Amsterdam. Le ressort de ma motivation est bien la
vocation de soigner – n’ayons pas
peur des mots ! – et la rencontre
au cours de mon cursus médical,
dans les années soixante-dix, à
Bordeaux avec des figures marquantes, décisives même, de la
psychiatrie, de la neurobiologie, et
de la société "civile" : des policiers
progressistes, Jacques Ellul, un
pasteur sociologue qui avait monté une équipe de rue pour aller
au-devant de toxicos, entre autres,
Maurice Serise, professeur de
médecine préventive puis de santé
publique, président fondateur de la
"Free-clinic" de Bordeaux, l’équipe
fondatrice du neurocentre Magendie (Jean-Didier Vincent, puis
Michel Le Moal, Louis Stinus,
Robert Jaffard, Hervé Simon…),
et bien sûr Olievenstein, à
l’époque notre grand maître à tous
– je tiens à le rappeler !– Alors médecin chef à l’hôpital Marmottan
* Psychiatre libéral à Bayonne, directeur médical du Centre médico-psycho-pédagogique
des pupilles de l’enseignement public de Bayonne, directeur du Centre de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie Bizia (Médecins du Monde, programme
méthadone à Bayonne), directeur des Rencontres de Biarritz : colloque européen et
international Toxicomanies hépatites sida (THS).
1. Nom d’une entreprise basque de transports par cars bien connue.
2. Neuropsychologue-addictologue, DESS neuropsychopharmacologie et addictologie,
intervenant soins, prévention et formations en addictologie Bizia et Médecins du Monde.
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Et puis, je suis parti faire mon
stage interné à l’hôpital psychiatrique de Colson à la Martinique
où j’ai pu travailler avec un jeune
chef de service que j’ai beaucoup
aimé, Didier Trystram, et, bien
sûr, avec Jean Tignol, navalais
à l’époque, chef de clinique en
neurologie à Bordeaux qui était
venu faire un remplacement à
Colson. Il a été pour moi comme
une boussole dans ma carrière,
comme dans ma vie. Il m’a toujours aidé très efficacement et
fidèlement de ses conseils, avec
bienveillance, parfois même beaucoup d’humour. Un exemple : alors
que j’étais interne en psychiatrie,
je n’arrivais pas à "suivre" un psychiatre très anti-psychiatrie, proLaing et Cooper, non directiviste,
qui signait toujours : "Le médecin
dit chef". Je m’en suis ouvert à Jean
qui m’a simplement conseillé de lui
demander… si à la fin du mois, il
recevait "un bulletin dit de salaire".
Ça m’a décomplexé !
Le Courrier des addictions (13) – n ° 1 – Janvier-février-mars 2011
Et puis, dans toute la partie humanitaire de ma carrière, des hommes
comme Pierre Pradier et Bernard
Kouchner ont beaucoup compté.
Le Courrier des addictions : Votre première aventure clinique
a été l’anesthélec. En quoi consistait cette expérience clinique ?
J.P. D. : Au CHU de Bordeaux,
où j’assurais aussi des consultations de psychologie médicale
et de sexologie dans le service
d’urologie du Pr Le Guillou, j’ai
rencontré, dans les années quatrevingt, Charlie Bourdallé-Badie,
un anesthésiste qui travaillait sur
"l’anesthélec" avec l’épouse du Pr
Le Guillou, anesthésiste elle aussi.
Cet appareil, grand comme une
boîte à chaussures, relié à des électrodes, permettait d’anesthésier
sans opiacés par d’imperceptibles
courants de hautes fréquences. À
cette époque, on parlait aussi beaucoup des récepteurs opiacés et des
endorphines. Nous avons donc eu
l’idée de faire "de la neurobio’ de
bistro" à notre façon en stimulant
avec nos courants de Limoge (du
nom de l’inventeur, Aimé Limoge)
la production d’endorphines… Et
nous nous sommes dit que nous
pouvions tenter "le coup" pour atténuer, voire supprimer les états de
manque. Je ne doutais de rien !
Dans le service du Pr Marc Blanc,
psychiatre et philosophe – mon
maître en psychiatrie pendant de
longues années –, sous la direction
de son agrégé, le Pr Marc Bourgeois (1, 2), en collaboration avec
le Dr Jean Francois Daubech
– devenu depuis lors psychanalyste –, nous avons commencé
cette expérimentation avec l’anesthélec. J’ai tout d’abord testé ces
courants avec 3 patients au cours
de séances qui duraient 2 heures.
Déception… Quoique 2 d’entre
eux, particulièrement "lourds" et
polymédicamentés, ont vu leur
manque un peu allégé. Fallait-il
rester sur cet échec ? Je suis un
obstiné, pour ne pas dire un têtu.
J’ai donc contacté le Pr Aimé Limoge, l’inventeur de l’anesthélec.
Je lui ai demandé si je pouvais utiliser son appareil pendant 24 heures
sans risque pour les patients. Avec
Charlie Bourdallé-Badie, nous
avons contacté deux chercheurs
du CNRS, William et Fern Ellison, et nous avons monté en-
semble une étude randomisée, en
double aveugle sur une petite cohorte de 9 patients. Et là, mi-racle ! ça marchait ! Nous en avons
fait une publication princeps dans
Les Annales Médico-Psychologiques en 1980 (3).
Avec Lionel Benichou, patron de
la clinique de Préville à Orthez,
pilier du service de neurologie au
centre hospitalier d’Orthez, administrateur-fondateur du centre
d’intervention en alcoologie et
toxicomanie de Pau et responsable
de l’Association de prévention de
l’alcoolisme et des conduites addictives à Bayonne, nous en avons
exposé les résultats au Congrès de
psychiatrie et neurologie de langue française de Colmar. À partir
de là, tous les grands média ont
défilé, en particulier Marie-Ange
d’Adler du Matin mais aussi Serge
Raffy de Libération, Sud-Ouest…
D’autant plus que le Pr André Limoge m’avait demandé de présenter aussi ma cohorte lors d’un petit
congrès d’odontologie médicale à
Paris, relayé par des dépêches de
l’AFP, dont l’une à l’accroche fracassante : "L’électricité au secours des
drogués !" Vous imaginez : tout le
monde nous est tombé sur le paletot… J’étais terrorisé par les média !
Puis, en 1982, j’en ai fait le thème
de mon mémoire pour le CES de
psychiatrie de l’université de Bordeaux-2, sous le titre "L’électrothérapie transcutanée (courant de
Limoge) dans le sevrage des toxicomanes aux opiacés".
de gueule. Ce n’était pas mon caractère, mais je l’ai fait ! À la même
période, nous développions beaucoup de choses à Bordeaux et nous
avancions (comme assistant du
Pr Blanc, je m’occupais de plusieurs
unités de psychiatrie générale et
gérais 4 sevrages nouveaux par semaine !), c’est cela qui comptait.
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Le Courrier des addictions : Entre les courants basse fréquence de Limoge et les traitements de substitution aux
opiacés, que s’est-il passé sur le
terrain de la clinique des toxicomanes ?
J.P. D. : Beaucoup de rencontres
décisives pour moi au niveau international qui m’ont permis de
comprendre les traitements de
substitution aux opiacés. Ainsi, je
suis allé, avec mes amis Ellison, à
un congrès de la "Bioelectric Magnetic Society" à Boston (en 1982,
je crois), consacré à l’utilisation des
aimants pour accélérer la cicatrisation des fractures osseuses. À cette
occasion, des amis d’amis nous
ont fait rencontrer Jack Mendelsohn à l’hôpital Mac Lean,
un "pape" de la toxicomanie et de
l’alcoologie américaines. Le choc !
Son bureau était grand comme un
stade et nos pieds s’enfonçaient
dans une moquette d’une profondeur incroyable. Lui-même avait
une très belle tête d’empereur
romain, revisitée executive man.
Il lança, sans préliminaires : "Vos
sevrages : combien de résultats positifs ?". Nous étions contents : "À
1 an, seulement 90 % de rechutes".
Lui ne l’entendait pas de la même
oreille : "On-ly 9 and 0 per cent !".
Il n’en revenait pas d’un aussi
piètre bilan ! "Vous connaissez la
buprénorphine ?" J’étais dans mes
petits souliers ! Et de me confier sa
dernière publication sur la buprénorphine dans le sevrage des héroïnomanes, publiée dans Science,
cosignée par Nancy Mello, qu’il
m’a même dédicacée ! Avant mon
séjour au États-Unis à la fin du
mois d’octobre 1982, j’avais ouvert
un cabinet libéral à Bayonne, où
j’ai commencé à suivre 4 patients,
sous Laudanum® de Sydenham,
codéinés ou buprénorphine (du
Le Courrier des addictions : Comment avez-vous été reçu
par la communauté médicale ?
J.P. D. : Pas très bien ! Le journal
médical Tonus a repris le sujet, a
interviewé aussi Francis Curtet
qui a commenté notre travail en
nous traitant de "criminels", ou
peu s’en fallait, au motif… que
nous rendions ainsi le sevrage indolore ! Puis, en 1982 toujours,
nous avons organisé autour du
travail et de l’équipe du Pr Serise
un grand congrès à Bordeaux, où
s’exprimaient aussi J. Charles-Nicolas, toi Didier… et Francis ! Là,
pataquès, celui-ci parle de "malentendu", j’en parle à Jean Tignol…
qui me conseille d’être plus sûr de
moi et de réagir "en joueur de rugby", et non en tournant autour du
pot. J’ai donc poussé un vrai coup
Le Courrier des addictions (13) – n ° 1 – Janvier-février-mars 2011
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Buprex® acheté en Espagne). De
retour à Bordeaux, toujours en
1982, nous avons pu déposer avec
Jean Tignol et soutenu par le Pr
Deniker, un projet de centre méthadone. J’habitais alors à Bordeaux où je travaillais à temps
partiel à l’hôpital (du mercredi au
vendredi) et je démarrais le cabinet
à Bayonne. De 1982 à 1987, nous
avons pris en charge des patients
par des traitements de substitution, le Pr Tignol à l’hôpital et moi
en cabinet (du samedi au mardi).
Ce n’est qu’au bout de 5 ou 6 ans,
dans les années quatre-vingt-dix,
que, dans le cadre de mon activité
libérale à Bayonne, j’ai pu m’associer avec deux autres confrères.
À partir de là, Denis Grabot (4),
psycho-sociologue et psychologue clinicien de Bordeaux, nous a
formés à l’Addiction Severity Index
et s’est chargé d’évaluer ainsi régulièrement, tous les 3 à 6 mois, nos
patients de Bayonne mis sous traitements de substitution.
Le Courrier des addictions : D’où vient cette collaboration
de longue date avec Chuck
O’Brien de Philadelphie ?
J.P. D. : J’avais déjà eu l’occasion
de le rencontrer à Bordeaux en
1987, alors qu’il était reçu pour y
faire une conférence sur la cocaïne
à l’unité de neurobiologie de l’Inserm de Le Moal. Et c’est à cette
occasion qu’à la demande de Jean
Tignol qui devait s’absenter, je me
suis "occupé" de lui pendant tout le
week-end ! À partir de ce moment
là, il a beaucoup apprécié le Pays
basque, fait du sport avec nous (du
tennis), a assisté à une corrida en
Espagne, vu nos patients, appris
le français… Et m’a fortement incité à publier. "Pour te protéger",
disait-il. "Si tu as des ennuis avec
la justice, je viendrais témoigner
pour toi, parce que c’est bien ce
que tu fais !". Recevoir un pareil
soutien de cet acteur majeur de
l’utilisation de la buprénorphine
et de la méthadone en substitution
de renommée mondiale (je n’ai
découvert son importance dans
la communauté scientifique qu’en
"cours de route" !), quel cadeau !
Bien sûr Chuck est devenu un ami.
Par ailleurs, il a reçu Marc Auriacombe (5) à Philadelphie qui a pu
faire dans son laboratoire sa thèse
en post-doc sur l’utilisation des
courants électriques de haute fréquence. Et à Bordeaux, L. Stinus a
repris les expérimentations sur ces
courants de haute fréquence de Limoge sur des rats et obtenu, en association avec des opiacés et avec
des temps d’exposition suffisants,
des résultats très intéressants
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Le Courrier des addictions : On peut dire aussi que vous êtes
un notable, plutôt de gauche ?
J.P. D. : Mon étiquette est radical-socialiste et je me reconnais
surtout et avant tout "sous" celle
d’humaniste. J’ai été conseiller
municipal de 1988 à 1994 à Anglet, élu sur une liste d’union de la
gauche. Puis, je suis parti à Biarritz
où j’ai été élu au conseil municipal
avec Didier Borotra, dans une majorité issue d’une liste d’union qui
allait des socialistes aux UDF, en
passant par les abertzales basques
et je dois à la vérité de dire que j’y
ai été très heureux. J’en ai donc
encore "pris" pour 6 ans, jusqu’en
2000. À ce moment-là, D. Borotra
m’a proposé le poste de président
de la société d’économie mixte du
musée de la Mer. J’ai participé à la
mise en route des travaux d’extension de ce musée, en collaboration
avec la directrice Françoise Pautrizel, belle-fille de mon très cher
maître et ami, le regretté Pr Raymond Pautrizel. C’est d’ailleurs
avec lui que, dès 1975, je m’étais
engagé en "écologie" dans le cadre
de la Société d’étude de protection
et d’aménagement de la nature
dans les régions intertropicales
(SEPANRIT) dont il était le cofondateur avec le recteur Renaud
Paulian et le géographe tropicaliste Guy Lasserre.
Le Courrier des addictions : Vous avez tenu à encadrer la tribune des rencontres Toxicomanies, hépatites, sida (THS) des
photos en grand format de Pierre
Pradier à gauche et de Jean-Marie Guffens à droite. C’est important pour vous et THS ?
J.P. D. : Essentiel, par fidélité à
mes idéaux humanitaires et humanistes, et surtout par fidélité
à mes amis. Très vite après que
Bernard Kouchner ait fondé Médecins sans frontières (MSF), il a
été rejoint par Pierre Pradier qui
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Le programme, les informations. Pour souffler sa dixième bougie, THS 10 s’est d’ores et déjà assuré d’une participation internationale importante, avec la présence, entre autres, de Mary Jeanne
Kreek (New York), Herbert Kleber (New York), Charles O’Brien
(Philadelphie), Nora Volkow (Bethesda), John Strang (Londres), Julio Montaner (Vancouver), Thomas Kosten (Hous- ton), Tom Kerr
(Vancouver), Sandra Comer (New York), Miguel Casas (Barcelone),
Gabriele Fischer (Vienne).
THS 10 se décomposera en 6 demi-journées, avec des plénières, des
ateliers, des débats de société et des sessions posters.
N’hésitez pas à consulter régulièrement le site Internet dédié à
THS 10, www.ths-biarritz.com, afin de vous tenir informé de l’évolution du programme. Et, sur le site, à vous abonner, gratuitement, à
sa Newsletter.
L’appel à communications. Vos propositions d’abstract devront
parvenir avant le 15 mai 2011 à cette adresse : abstracts.thsbiarritz@
gmail.com (règles de soumission). Le comité d’organisation se chargera d’étudier toutes vos propositions et les décisions seront rendues
le 30 juin 2011.
Inscriptions. Vous pouvez vous inscrire dès aujourd’hui au
colloque THS 10, au tarif préférentiel de 500 € pour la totalité du
congrès (inclus les 3 déjeuners et le dîner du colloque du 13 octobre
2011, sous réserve de s’y être inscrit préalablement) et de 300€ pour
une seule journée. Pour procéder à l’inscription, 3 options vous sont
proposées : en ligne, sur papier, sur attestation de financement par
votre organisme de formation continue.
A. Aguerretxe-Colina et J.P. Daulouède.
était le jeune chef du service de
réanimation de Bayonne, fondateur du second Samu de France. Et
comme beaucoup de membres du
corps médical et paramédical de la
côte basque, c’est dans le sillage de
Pierre Pradier que j’ai rejoint MSF
puis Médecins du Monde (MDM).
MDM a joué un rôle très important également en France pour
débloquer la politique de prise
en charge des toxicomanes, car il
pouvait créer des centres, des lieux
d’accueil sur ses fonds propres. Et
piloter des actions de réduction
des risques comme celles de Mission Rave ou Bus méthadone et
des programmes d’échanges de
seringues. Lors du colloque Trivilles (Londres, New York, Paris)
de 1993 organisé par B. Kouchner,
nous avons parlé de l’ouverture
d’un centre méthadone à Bayonne,
pour lequel j’avais accepté d’être le
conseiller scientifique. Il ouvrira
3 ans plus tard, après bien des vicissitudes, oppositions farouches
des psychiatres de la ville, allerretour avec Biarritz… Last but nos
least, il a été porté sur les fonts
baptismaux lors du congrès de
la Mutualité de Bayonne (15-17
septembre 1994) et s’est finalement installé dans les locaux de
l’hôpital de Bayonne, dont MDM
était locataire.
Autre terrain à gagner : celui de la
prise en charge des épidémies de
sida et d’hépatites chez les usagers
de drogues, dont peu de monde
se préoccupait dans la communauté médicale avant qu’un gastroentérologue de Saint-Tropez, JeanMarie Guffens, ne se lance dans
l’arène. Il a créé les rencontres
THS, sous couvert de la société savante SETHS, en ouvrant grande
la focale sur la société civile, artistique, culturelle et sur les expériences cliniques et sociales menées au niveau international. Nous
l’avons suivi tout de suite, aussi un
peu à la demande du ministère de
B. Kouchner. Puis, lorsqu’il a ren-
Comité scientifique et coordination internationale : Jean-Jacques Deglon, Jean-Pierre Daulouède
Arkaitz Aguerretxe Colina, Cecilia Maître, Marc Auriacombe. THS 10 : Les Rencontres de Biarritz.
Association Bizia-MdM : CHCB, BP08, 64109 Bayonne Cedex. Pour tous renseignements, merci de
contacter : Cécilia Maître ou Arkaitz Aguerretxe Colina. Tél. : +33 (0)5 59 44 31 00. Fax : +33 (0)5 59
52 08 16. Mobile : +33 (0)6 33 56 22 97.
contré quelques difficultés, nous
avons repris avec lui l’organisation
de cette grande rencontre à Biarritz. Nous en sommes à la dixième
édition (voir encadré).
Le Courrier des addictions : Pourquoi et comment "Bizia" ?
J.P. D. : Bizia est l’association
fondée et soutenue par MDM,
héritière du centre méthadone
ouvert dans le cadre de l’hôpital
de Bayonne, dans les anciens locaux de l’école des infirmiers, dont
nous venons de parler. En basque,
"Bizia" signifie "La vie". Depuis
2000, Bizia gère donc à Bayonne
un Centre de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie (CSAPA), avec un programme méthadone, un Centre
d’accueil, d’accompagnement et de
réduction des risques (CAARUD)
et un service de prévention des
conduites addictives et à risques
à destination de la jeunesse. Bizia
compte 23 personnes et j’en suis le
directeur médical et administratif.
7
Le Courrier des addictions : Pensez-vous qu’il faille développer l’expérimentation des Salles
de consommation à moindre
risque (SCMR) ?
J.P. D. : Absolument, c’est un nouveau chantier qu’il ne faut surtout
pas abandonner tout en restant
attentifs à en évaluer régulièrement
l’intérêt et les défauts. En ce qui
me concerne, je n’adhère jamais à
un projet par idéologie, parce que
c’est "tendance", mais parce qu’il
existe des preuves que ce projet est
fondé… C’est la même chose en clinique, adossée à l’"Evidence based
medicine".
J’ai eu l’occasion de visiter hors de
nos frontières, en Espagne, plus
particulièrement à Bilbao, des espaces ainsi appelés qui existent
depuis de nombreuses années (la
première SCMR a été ouverte à
Berne en Suisse en 1986, à Francfort et à Amsterdam en 1994, à Madrid en 2000, à Sydney en Australie
en 2001, à Vancouver au Canada
et à Bilbao en 2003…). Elles sont
nées pour répondre à la diffusion
Le Courrier des addictions (13) – n ° 1 – Janvier-février-mars 2011
du sida dans les années 1980 mais,
alors que l’Italie, la France et l’Espagne étaient les plus touchées par
cette épidémie parmi les usagers
de drogues (UD), ce sont les pays
du nord qui ont montré la voie.
Vous en connaissez les principes : il
s’agit de permettre aux UD d’injecter leurs produits dans de bonnes
conditions d’hygiène et de sécurité, pour éviter la transmission
des maladies infectieuses, limiter
les risques d’abcès et d’overdoses,
grâce à la présence des professionnels du milieu sanitaire et social. À
Bilbao, la SCMR, tenue par 8 professionnels (infirmiers, psychiatre,
travailleurs sociaux, éducateurs
formés en addiction et aux soins de
premiers secours) et des bénévoles
a été ouverte par MDM en 2003.
Elle est ouverte 7 jours sur 7, de 10
h à 20 h et reçoit une moyenne de
80 consommations par jour. Aucun
décès par overdose n’a été enregistré depuis sa création, contre 41
l’année précédente, et le nombre
des consommations dans la rue et
d’actes de délinquance liés à la drogue a baissé. De plus, l’accès des UD
aux soins et aux structures sociales
s’est largement amélioré. L’Observatoire européen des drogues et des
toxicomanies en a dressé un bilan
globalement très positif, bien que
l’évaluation de leurs conséquences
sur la propagation du VHC soit en
cours. Ce sont ces faits qui comptent et non les peurs et idées reçues
qui courent sur leur compte.
Le Courrier des addictions : Vous avez également une expérience importante de réseau de
coordination des soins sur la région aquitaine : quelle est-elle ?
J.P. D. : Ce sont en fait les pharmaciens qui sont à l’origine de la création, en 1996, du Réseau sud-aquitain des professionnels de soins en
addictologie (RESAPSAD). C’est
par lui qu’ils se sont mutuellement
formés, dès 1994-1996, à la délivrance des traitements de maintien
de l’abstinence aux opiacés. Partenaires exemplaires, souvent à l’origine des sollicitations du réseau lors
des difficultés de prise en charge, ils
restent toujours très investis dans
la prise en charge des patients. J’en
suis actuellement le secrétaire général, Arkaitz Aguerretxe-Colina
en est le secrétaire général adjoint.
Le RESAPSAD regroupe les pro-
fessionnels impliqués du centre
hospitalier de Bayonne, de deux
CSAPA (Addiction Côte Basque,
Bizia-MDM) et leurs CAARUD résidentiels Suerte, des appartements
à coordination thérapeutique de
l’Association réinsertion sociale
en Aquitaine (ARSA) dont je suis
le président du conseil d’administration, et plus de 149 adhérents
libéraux (médecins généralistes,
psychiatres, hépatologues, neurologues, gynécologues, pharmaciens,
psychologues, psychomotriciens...).
Depuis sa création, le RESAPSAD
réalise régulièrement une enquête
quasi exhaustive sur la délivrance
des traitements par buprénorphine et méthadone auprès des
pharmacies du Pays basque et du
sud des Landes (1996, 1998, 1999,
2002, 2006). Elle permet d’obtenir des données épidémiologiques locales sur la dépendance
aux opiacés, de les comparer aux
données nationales, de décrire
les pratiques professionnelles et
d’évaluer l’impact du réseau sur
celles-ci. Le Courrier des Addictions vient d’en publier les derniers résultats. En bref : il s’agit
d’une enquête quasi exhaustive
avec un "bras" pharmaciens et un
"bras" patients à laquelle 91 % des
pharmaciens ont participé ; 64 %
prenaient en charge au moins 1
patient en traitement de maintien
de l’abstinence aux opiacés en octobre 2008, pourcentage stable,
même en légère augmentation, en
comparaison des précédentes enquêtes (56 % en 1996, 59 % en 1999,
61 % en 2002 et 62 % en 2006). Entre
autres résultats, cette enquête a
montré que les relations entre pharmaciens et patients étaient devenues
plus sereines et cela dans un climat
de confiance mutuelle. Il faut dire
que dans "notre territoire", la mise à
disposition des traitements de substitution et de matériel de réduction
des risques (Stéribox®), largement
distribué par les pharmacies, est
très satisfaisante (d’où le faible taux
relevé de mésusage des traitements).
Par ailleurs, justement parce que le
réseau existe, les contacts entre médecins prescripteurs et pharmaciens
sont fréquents et témoignent d’un
partenariat actif. Enfin, ce travail
d’évaluation, dont les résultats sont
partagés avec les différents acteurs
locaux, fait l’objet de publications ou
d’élaboration de recommandations
Le Courrier des addictions (13) – n ° 1 – Janvier-février-mars 2011
de bonnes pratiques adaptées à la
situation locale (plaquette, lettres du
réseau, soirées thématiques…).
Parmi les autres travaux d’études
menés par le réseau : l’expérience
bayonnaise conduite en janvier
2006 de l’utilisation du Fibroscan, une méthode par élastométrie impulsionnelle, qui permet
une mesure de la fibrose du foie,
simple, reproductible, indolore,
sans préparation, et qui donne un
résultat immédiat. Le but en était
aussi de lever chez les patients la
prévention contre la biopsie hépatique par la mise à disposition
des services d’hépatologie et des
structures d’addictologie locales
de cet appareil mobile et de permettre l’accès aux soins des pa-
tients les plus précaires au sein
même du centre d’addictologie,
futur CSAPA.
Durant 5 jours, la société Échosens
a mis à disposition du CSST Bizia
(sous ma responsabilité) et durant
3 jours dans le service d’hépatologie (Dr B. Oui), un Fibroscan.
Nous en avons présenté les résultats, très positifs, le 15 mars 2006
au cours d’une soirée de formation
thématique du réseau en présence
du Pr V. de Ledinghen, chef de
service d’hépatologie du CHU de
Bordeaux, puis sous la forme d’un
poster présenté à Montréal lors du
67e College on Problems of Drug
Dependence (CPDD) de 2007. v
P.d.P.
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Et en plus...
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