Bio-indication: de l’écologie des communautés aux indicateurs standardisés Une prise en compte progressive de la vie aquatique Nicolas ROSET, ONEMA-RA Responsable de l’Unité Connaissance et Information sur l’Eau Eurre (26) – 12 avril 2013 De la qualité de l’eau à la qualité des écosystèmes « Qualité » : une notion relative à des usages (eau potable, industrie, bétail, loisirs…) et à des spécialités (chimiste, biologiste, pêcheur…) Rapidement des besoins de seuils, normes… …et donc d’ indicateurs Historiquement : des critères exclusivement physico-chimiques Bio-indicateurs – Pourquoi ? La pollution n’est pas la seule source de dégradation des milieux o altération hydromorphologique => « habitat » des organismes vivants o rupture de la continuité => reproduction, recolonisation Besoin d’aller au-delà du constat d’altération => évaluer les incidences sur les organismes vivants « Rivière dégradée » Peuplement « simplifié » Bio-indicateurs – Pourquoi ? Diversité des sources de dégradation des cours d’eau o physiques : barrages, endiguement, chenalisation, rectification… o chimiques : pollutions organiques, toxiques, nutriments, MES…. Combinaisons multiples des types d’altération o combinaisons chimiques de polluants o effets cumulés • des polluants (organique+toxique…) • des modifications physiques (rectification+recalibrage, enrochement...) • des dégradations physiques et chimiques Difficulté d’identification des sources de pollution / dégradation => rechercher plutôt leurs effets à travers des paramètres intégrateurs Photos G. Carrel Cemagref – Figure C. Henry Univ. Lyon1– Dessin Bio-indicateurs – Fondements !" #$!"" "# % & ' Équilibre dynamique entre les espèces et leur milieu de vie Bio-indicateurs – Fondements En l’absence de dégradation : les espèces (ou groupes d’espèces) sont adaptées à certaines caractéristiques de l’environnement (T°, O2, vitesse…), en lien avec leurs caractéristiques « biologiques » propres (respiration, mode de reproduction, régime alimentaire, stratégies de survie, de colonisation…) => notion de preferendum Les espèces ou groupes d’espèces peuvent tolérer plus ou moins de variations autour de ces préférences => notion de tolérance / plasticité les espèces « spécialisées » (spectre écologique étroit) sont donc indicatrices de certaines conditions; des variations des conditions environnementales vont entrainer une modification des peuplements (généralement dans le sens d’une régression des espèces les plus spécialisées au profit d’espèces plus ubiquistes ou tolérantes Bio-indicateurs – Comment ? On utilise les modifications des communautés aquatiques en lien avec les activités humaines comme « thermomètre » de la qualité du milieu DEUX PRINCIPAUX MODÈLES ( ) + * * , Cf. Les différents indices « historiques » Cf. Indice Poisson IBGN et nouveaux indices DCE IPS/IBD IBMR … - échelle de sensibilité / tolérance RÉFÉRENCE - différents systèmes de pondération (diversité, abondance..) - calcul d’un indice et seuils OBSERVÉ définissant des classes Bio-indicateurs – Comment ? ) Connaissances approfondies des exigences écologiques des espèces vis-à-vis des conditions de leur milieu (T°, O2, …) o Niveau de détermination (taxonomique) à définir (=compromis) o Sélection possible des taxons les plus pertinents (EPT,…) Connaissances approfondies sur le mode d’organisation naturelle des communautés en lien avec les exigences des différentes espèces o Besoin de différencier la variabilité naturelle / influences anthropiques o Intérêt de distinguer les réactions des organismes vivants en fonction du type d’altération (pollutions, modifications physiques…) Bio-indicateurs – lesquels? Bref aperçu historique 1971 : apparition « timide » du premier indice biotique basé sur les macroinvertébrés benthiques (Ib puis IQBG, puis IBG…) 1992 : essor des indicateurs biologiques : le SEQ-Bio => intégration progressive des diatomés, puis des poissons et des macrophytes, en plus de l’IBGN, indicateur historique (+ oligochètes…) à partir de 2000 (DCE) : la biologie et le fonctionnement de l’écosystème dans son ensemble comme élément central de l’évaluation , - , Les macro-invertébrés : bio-indicateur « pionnier » Principe : repose sur deux caractéristiques fondamentales de la communautés d’invertébrés : polluo-sensibilité de certains taxons / richesse taxonomique / niveaux d’abondance Sélection de taxons indicateurs et mise au point d’une échelle de sensibilité (1-9) Chironomidae Asellidae Achètes Oligochètes 1 Baetidae Elmidae Caenidae Gammaridae Mollusques 2 Capniidae Brachycentridae Odontoceridae Philopotamidae 8 Chloroperlidae Perlidae Perlodidae Taeniopterygidae 9 Les macro-invertébrés : bio-indicateur « pionnier » IBGN 17 : très bonne qualité 17 > IBGN 13 : bonne qualité 13 > IBGN 9 : qualité moyenne 9 > IBGN 5 : qualité médiocre IBGN < 5 : mauvaise qualité (152 taxons) D’après J Prygiel – Agence de l’eau Artois Picardie Les diatomés : des principes similaires Principe : combine les anciens modèles des saprobies et l’évaluation trophique : polluo-sensibilité de certains taxons / abondance Classement de taxons indicateurs en fonction de leur probabilité de présence selon la qualité de l’eau (14 paramètres) Prob. 1 Occ. Cocconeis pediculus CPED Nitzschia capitellata NCPL Diatoma hiemale DHME 0 1 2 3 4 5 Classes de qualité d’eau 6 7 Les diatomés : des principes similaires !" #$ 0 - 20 IBD 17 : très bonne qualité 17 > IBD 13 : bonne qualité 13 > IBD 9 : qualité moyenne 9 > IBD 5 : qualité médiocre IBD < 5 : mauvaise qualité IBD (Indice Biologique Diatomées) Norme NF T 90-354 – 2007 # " ! "" $ D’après J Prygiel – Agence de l’eau Artois Picardie D’autres bio-indicateurs… Indice Biologique Macrophyte en Rivières IBMR (Afnor, T 90-395 - 2003) % & ' $( ! IBMR > 14 : très faible trophie 14 IBMR > 12 : faible trophie 12 IBMR > 10 : trophie moyenne 10 IBMR > 8 : trophie forte IBMR ≤ 8 : trophie très élevé % ( ( ) % & "' "* ( + D’après J Prygiel – Agence de l’eau Artois Picardie Brigitte Genin – DREAL Franche-Comté – 2010 D’autres indicateurs… Indice Oligochètes de Bio-indication des Sédiments fins IOBS (Afnor, T 90-390 - 2002) ) $ D’après J Prygiel – Agence de l’eau Artois Picardie Comment construit-on un bio-indicateur ? Zoom sur l’indice poisson rivière IPR Pourquoi utiliser les poissons ? Large répartition • Présence dans la plupart des cours d’eau Bonne connaissance scientifique • Biologie et écologie connues pour la plupart des sp. • « Facilité » de capture et d’identification • Sensibilité à différentes sources de dégradation : eau : température, pH, oxygène,... Réponse aux pressions anthropiques habitat : substrat (ponte), hydro-morphologie (survie, croissance, reproduction) continuité : migration pour reproduction / refuge (crue) • Caractère intégrateur sommet chaîne trophique (ex. bio-accumulation de polluants) longue vie (conditions écologiques à + long terme) Valeur patrimoniale et socio-économique • Impact sur le grand public (pêcheurs…) • Espèces emblématiques du point de vue conservation Pré-requis 1 : mode et facteurs d’organisation spatiale naturelle des peuplements • même conditions environnementales -> peuplements similaires • dans un type de cours d’eau donné, des groupes d’espèces ont des mêmes exigences écologiques Truit e Érosion Omb re Barb e au Transfert Brèm e Dépôt Pré-requis 2 : réponse des peuplements aux dégradations • Activités humaines -> modifications qualitatives et quantitatives du peuplement • Même cause (=même altération) -> même effet (modifications similaires du peuplement) • Sensibilité / tolérance contrastées des différentes espèces (type/intensité) à la qualité de l’eau Verneaux 1981 Truite Vairon Ombre Apron Hotu Chevaine Vandoise Barbeau Perche Gardon Gremille Sandre Tanche Rotengle B-Bass à l’habitat Grandmottet 1983 Chabot Saumon de fontaine Barbeau Chabot Brochet Loche Blageon Toxostome Goujon Truite Saumon de fontaine B-Bass Hotu Lote Spirlin Bouvière Tanche Brochet Vairon Carpe Ablette Perche-soleil Ombre Spirlin Goujon Perche-soleil Brèmes Gremille Poisson-chat Gardon Poisson-chat Rotengle Loche Bouvière Carpe Toxostome Lote Blageon Perche Brèmes Sandre Vandoise Ablette Chevaine Pré-requis 2 : réponse des peuplements aux dégradations • Activités humaines -> modifications qualitatives et quantitatives du peuplement • Mêmes causes (=mêmes altérations) -> mêmes effets (modifications similaires du peuplement) • Sensibilité contrastée des différentes espèces (type/intensité) « Rivière pseudo-naturelle » Peuplement diversifié Espèces spécialisées & sensibles « Rivière dégradée » Peuplement Simplifié Espèces tolérantes & opportunistes Pré-requis 3 : des données standardisées sur tout le territoire Les Indices Poissons : PHVXUHQWOಬ«FDUWHQWUHSHXSOHPHQWREVHUY« HWSHXSOHPHQWWK«RULTXHVHUYDQWGH U«I«UHQFHFRQGLWLRQVm SVHXGRQDWXUHOOHVರ PEUPLEMENT DE RÉFÉRENCE =fonction des conditions naturelles plus l’écart est important ; plus le cours d’eau est dégradé PEUPLEMENT OBSERVÉ Processus de mise au point de l’IPR : en résumé BV, dist, pent, alt, larg, prof, T°jan, T°juil, bassin Hydro Des espèces aux guildes ou « métriques » Qu’est-ce qu’une métrique ? • Descripteur synthétique du peuplement regroupant plusieurs espèces qui partagent des exigences / sensibilités particulières vis à vis de certaines caractéristiques du milieu Sp. TSensibles 5-7 mg/l SAT OBR CHA LPP Sp. Sensibles 2-3 mg/l TRF HOT BAF SPI VAN CHE VAI BOU LOT LOR Sp. Tol. 1.5- mg/l Sp. T Tol. 2 mg/l BRO PER GRE GOU GAR ROT ABL BRB BRE « Oxyphilie » croissante EPI EPT CCO TAN LOE ANG CAS-CAG-CAA Echelle d’exigence vis-à-vis de l’O2 Des espèces aux guildes ou « métriques » Qu’est-ce qu’une métrique ? • Descripteur synthétique du peuplement regroupant plusieurs espèces qui partagent des exigences / sensibilités particulières vis à vis de certaines caractéristiques du milieu 1-Stenoth. Froide SAT OBR 2-Sténoth. Fraiche HOT BAF SPI CHA TRF LOT VAI CHE VAN LOR 3-Euryth. SAN PER GRE BRO GAR EPI ABL LOF GOU BOU 1 : Létal >28°; Opt=7-17°; Repro<10° 2, 3 : Létal >28-34°; Opt=14-23°; Repro<7-15° 4 : Létal >34°; Opt=20-28°; Repro>15° 4-Eury2 Thermophiles Echelle d’exigence vis-à-vis de la T° ROT BRE CCO TAN BRB LOE CAS-CAG-CAA ANG RQ Lien avec O2 ; seuils plus sévères pour juvéniles Des espèces aux guildes ou « métriques » Pourquoi des métriques ? • Donner plus de sens écologique / fonctionnel à une observation • Donner de la robustesse, du poids à une observation ex. : régression simultanée de plusieurs espèces lithophiles ↔ colmatage ex. : augmentation simultanée de plusieurs espèces opportunistes (Omnivores) -> simplification de l’édifice trophique, altération de certains compartiments Invertébrés ? ↔ pollution (toxique?) Descripteurs du peuplement = les métriques de l’IPR Sélection des descripteurs du peuplement les plus pertinents =décrivant aux mieux les impacts des activités humaines (34 espèce considérées) 7 métriques retenues parmi les 14 métriques candidates (sensibilité / redondance) Catégorie Guilde « Habitat » Guilde « Sensibilité » Guilde « Trophique » Richesse Tot. Abondance Tot. Métriques 1. Nb. d’sp Rhéophiles 2. Nb. d’sp Lithophiles Réponse Type d’altération décrit Destruction d’habitats lotiques et modification des substrats (ponte) 3. Densité d’individus tolérants Dégradation globale de la qualité de l’eau et de l’habitat 4. Densité d’individus invertivores Modification des équilibres trophiques : perturbation de la production Iaire, IIaire 5. Densité d’individus omnivores Modification des équilibres trophiques : apports organique, enrichissement N, P… 6. Nombre total d’espèces Réduction de la diversité des habitatsPollution 7. Densité totale Modification de la productivité Occurrence Abondance Indice final et classes de qualité IPR = somme des scores (proba. des écarts standardisés) des 7 métriques : IPR = Score M1 + Score M2 + … + Score M7 • Plus la somme des écarts (scores des métrique) est grande, plus le score final de l’indice est élevé, plus l’impact sur la faune piscicole est important • En pratique, la note de l’IPR varie de 0 (TB état) à 100 et plus (Très Mauvais) de la note de l’indice aux classes de qualité 7 Détermination des seuils de qualité piscicole par confrontation des stations de référence et de stations perturbées indépendantes ] 7-16 ] ] 16-25 ] ] 25-36 ] >36 Application : carte nationale de qualité piscicole Application de ces méthodes : combinaison des indices (DCE) Evolutions des nouveaux indices comparaison à une situation de référence indices multimétriques => combinaison de descripteurs prenant en compte différentes exigences des organismes /conditions environnementales des indices « intercalibrés » au niveau européen des modèles statistiques plus performants et de nombreuses métriques testées / meilleure évaluation des pressions (hydromorpho) une évaluation des incertitudes du classement Lien avec la conservation? les indices ne répondent pas à tout… lien sans doute insuffisant avec la conservation possibilité de mieux prendre en compte certaines espèces ou groupes d’espèces dans les indices respectifs (lien TBE?) Merci pour votre attention !