Les orthèses de la main rhumatoïde (en dehors de la chirurgie) M

MISE AU POINT
La Lettre du Rhumatologue - n° 281 - avril 2002
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a polyarthrite rhumatoïde (PR) est une maladie systé-
mique évolutive à prédominance articulaire dont la prise
en charge impose une stratégie thérapeutique multidis-
ciplinaire. Parmi les articulations les plus touchées, le poignet
et la main présentent des déformations particulièrement fré-
quentes et invalidantes du fait de leurs conséquences fonc-
tionnelles. Les orthèses sont des appareillages orthopédiques
destinés à immobiliser, soutenir ou protéger les parties aux-
quelles ils sont directement fixés. Elles font partie de l’arse-
nal thérapeutique mis à disposition du rhumatologue dans la
polyarthrite rhumatoïde.
En fonction des indications, des orthèses de différents types
sont utilisées selon des règles de prescription précises. Leur
réalisation doit être rigoureuse, de même que leur observance
et leur surveillance.
ACTIONS MÉCANIQUES ET OBJECTIFS THÉ-
RAPEUTIQUES
(1)
Les mécanismes d’action des orthèses prescrites dans la PR
dépendent de l’objectif fixé par le médecin. Les orthèses peu-
vent, selon leurs caractéristiques techniques et la qualité de
leur réalisation :
!Assurer un rôle de stabilisation, c’est-à-dire fixer une arti-
culation dans une position donnée. Les objectifs sont alors la
prévention des déformations articulaires, l’assistance de fonc-
tions déficientes, la lutte contre la douleur ou la régression
d’une inflammation.
!Assurer un rôle de posture,en maintenant, voire en contrai-
gnant une articulation dans une position déterminée. Les objec-
tifs recherchés sont alors la prévention de l’aggravation ou la
correction d’une déformation, ou encore la récupération d’un
déficit d’amplitude articulaire.
!Assurer une limitation d’amplitude en fixant une angula-
tion d’amplitude articulaire déterminée. Moins employées en
rhumatologie, elles sont essentiellement indiquées en période
postopératoire.
TYPES D’ORTHÈSES ET INDICATIONS
Il existe plusieurs types d’orthèses dans la main rhumatoïde
selon le but recherché, l’importance et le siège des déforma-
tions. Ces orthèses de main sont utilisées dans un but préven-
tif, curatif (si les déformations sont réductibles) ou palliatif.
On retrouve : les orthèses de repos, les orthèses correctrices
et de fonction.
Orthèses de repos
Il s’agit d’orthèses statiques non déformables qui stabilisent
les articulations, et évitent ainsi l’enraidissement en mauvaise
position. Elles ont en outre un effet antalgique.
Les orthèses de la main rhumatoïde
(en dehors de la chirurgie)
"M. Baba Aissa, A. Mardini, F. Lambert*
*Centre de rééducation J.-Ficheux, 02410 Saint-Gobain.
#Les orthèses de la main font partie des
moyens thérapeutiques dans la polyarthrite
rhumatoïde, en contraignant ou en fixant les
articulations dans un but antalgique ou pour
prévenir ou corriger des déformations.
#Plusieurs types d’orthèses peuvent être pres-
crits selon les indications posées : orthèses de
repos ou orthèses correctrices ou de fonction.
#Leur confection doit respecter la prescription
médicale en s’adaptant à la morphologie de
chaque patient.
#Leur efficacité dépend de l’observance du
patient, pour lequel une information et une
éducation sont indispensables.
Mots-clés : Orthèses - Polyarthrite rhumatoïde -
Main rhumatoïde.
Points f orts
L
Orthèse préventive globale (2, 3, 1, 4) (photos 1 et 2)
C’est l’orthèse de base de la main rhumatoïde. Il s’agit d’une
orthèse anti-brachio-digitale palmaire qui s’étend de la moi-
tié inférieure de l’avant-bras jusqu’à l’extrémité distale des
doigts, le poignet en extension (20° environ), les métacarpo-
phalangiennes (MCP) en légère flexion, les interphalangiennes
proximales (IPP) en flexion de 40° environ. Le pouce est main-
tenu en opposition et abduction, la première MCP fléchie à
20° afin d’éviter la rétraction de la première commissure. Un
rebord latéral, sur lequel s’appuie la face interne du cinquième
doigt, prévient le coup de vent cubital.
Des ajustements sont nécessaires en fonction des lésions obser-
vées (5, 3) :
!Un début de déformation en coup de vent cubital nécessite
un positionnement le plus axé possible du poignet et des doigts.
Ces derniers sont placés en extension maximale afin de dimi-
nuer les conséquences des rétractions musculaires.
!En présence d’une ténosynovite des fléchisseurs au poignet
ou à la main, il est nécessaire de fléchir le poignet de quelques
degrés et de positionner les doigts en extension afin d’éviter
toute rétraction tendineuse.
!Un début de déformation en col de cygne impose la mise
en extension des MCP, de façon à limiter la subluxation pal-
maire de la base de la première phalange.
!Un début de déformation en boutonnière nécessite la flexion
à 90° des MCP, afin de faciliter la réductibilité passive de la
lésion en évitant la mise en tension des tendons fléchisseurs.
L’orthèse préventive globale est indiquée en cas de poussée
inflammatoire et douloureuse, en cas de déformations à leur
stade de début, quand elles sont encore réductibles, afin de
prévenir leur aggravation.
Orthèses partielles (3)
Elles sont plus rarement utilisées pour la main rhumatoïde,
souvent siège d’une atteinte polyarticulaire.
!L’orthèse de la première colonne digitale maintient le pouce
en position de fonction (MCP en abduction et légère flexion,
IP en extension). Elle est indiquée dans l’atteinte élective du
pouce quand apparaît une déformation en adduction ou en Z
évolutive et douloureuse (photo 3).
!Le collier métacarpien immobilise les MCP en légère
flexion en laissant le poignet libre. Cette orthèse est indiquée
dans la prévention du coup de vent cubital des doigts.
!Les orthèses digitales mono-articulaires :
"Les orthèses immobilisant les IPP (par exemple l’orthèse sta-
tique de Boyes) risquent d’induire une hyperextension des
MCP. Elles sont indiquées principalement, et avec prudence,
dans la déformation en boutonnière.
"Les orthèses immobilisant les IPD sont utilisées dans la
déformation en maillet. Deux orthèses sont facilement réali-
sables : l’orthèse statique thermoplastique de Stack (photo 4),
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Photos 1 et 2. Orthèse préventive globale.
Photo 3. Orthèse de la première colonne digitale.
Photo 4. Orthèse statique thermoplastique de Stack.
1
2
conçue comme un manchon immobilisant l’IPD, et l’attelle
d’Elliot (photo 5), appliquée à leur face dorsale de P2 à P3,
qui exerce la même fonction.
Orthèses correctrices et de fonction
L’évolution de la PR conduit souvent à une aggravation des
déformations articulaires de la main et du poignet et impose la
réalisation d’orthèses correctrices. Elles ont pour objectifs la
prévention et la correction d’une déformation articulaire. Ces
orthèses peuvent également avoir un rôle de protection au cours
des activités de la vie quotidienne, qui soumettent les articu-
lations fragilisées à des contraintes multiples et répétées.
On distingue les orthèses monoarticulaires, qui assurent la cor-
rection d’une articulation, des orthèses polyarticulaires, qui
assurent la correction de plusieurs articulations différentes.
Orthèses monoarticulaires
Pour le poignet (3, 1, 6) la prescription de différents types
d’orthèses fonctionnelles est possible.
L’utilisation d’une orthèse souple, constituée d’un manchon
en néoprène englobant la partie distale de l’avant-bras, le
poignet et l’ensemble des métacarpiens (en laissant libres les
MCP), apporte un bon confort au patient au détriment de
l’action correctrice.
Plus efficace pour la correction des déformations, l’orthèse
rigide (photo 6) est proche anatomiquement de l’orthèse
souple. Constituée en matériau rigide, elle enveloppe la par-
tie distale de l’avant-bras, le poignet et l’ensemble des méta-
carpiens, laissant libre les MCP. La correction à apporter lors
du moulage doit être précise ; il est souvent nécessaire de réa-
liser le moulage en traction axiale. La pose et la dépose sont
possibles grâce à une découpe le long du bord cubital de l’or-
thèse. Idéalement, l’articulation trapézo-métacarpienne est
laissée libre afin que la main reste le plus fonctionnelle pos-
sible, mais selon la clinique, il est parfois nécessaire de la blo-
quer par l’orthèse.
Prescrite dans le respect de ses indications, l’orthèse articulée
offre un bon compromis entre correction et fonctionnalité. Elle
est constituée de trois parties : la pièce proximale en matériau
rigide qui entoure la partie distale de l’avant-bras, la pièce dis-
tale circulaire autour des métacarpiens et la pièce intermé-
diaire métallique articulée reliant les deux précédentes. Grâce
à son axe, les mouvements de flexion-extension du poignet
sont possibles, majorant les possibilités fonctionnelles de la
main. Les déformations sont corrigées au cours de la fabri-
cation de l’orthèse, mais des modifications ultérieures sont
possibles par torsion des barres métalliques constituant la pièce
intermédiaire.
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Photos 5 et 5 bis. Attelle d’Elliot (face et profil).
Photos 6 et 6 bis. Orthèse rigide (profil et 3/4).
5
5bis
6
6bis
Les orthèses du poignet sont indiquées en cas de désaxation
du carpe (déviation radiale ou cubitale, subluxation antérieure)
à un stade débutant pour l’orthèse souple, qui dispose d’une
efficacité antalgique et de stabilisation, mais qui n’assure qu’un
faible rôle de réaxation, à un stade plus avancé pour les orthèses
rigides ou articulées. Bien sûr, en cas de déformations articu-
laires associées, des orthèses polyarticulaires seront préfé-
rables.
Pour les interphalangiennes proximales (IPP), les défor-
mations les plus fréquentes sont le col-de-cygne et la bouton-
nière ; réductibles à un stade initial, elles ont tendance à se
fixer au cours de l’évolution de la maladie et à être mal tolé-
rées par le patient.
!Les orthèses anti-col-de-cygne ont pour objectif d’éviter
l’hyperextension des IPP lors de l’ouverture des doigts sans
gêner la fermeture de la main.
"L’orthèse statique en 8 maintient l’IPP en légère flexion
(environ 20°), grâce à deux anneaux qui appliquent respecti-
vement un appui dorsal sur P1 et P2, et qui se réunissent à la
face palmaire de P1 afin de libérer l’IPP. Cette orthèse est réa-
lisée en matériau thermoformable ou en métal, et peut alors
être portée comme un bijou (7, 5, 3) (photo 7).
"Le doigtier anti-col-de-cygne en thermoplastique est consti-
tué d’un manchon entourant P2 qui se prolonge d’une expan-
sion dorsale moulée sur l’IPP (à 20° de flexion) et sur P1
(6, 4).
Ces deux orthèses permettent la flexion mais bloquent l’ex-
tension complète de l’IPP.
!Les orthèses anti-boutonnière sont parfois prescrites. Leur
objectif consiste à prévenir la fixation de la flexion de l’IPP.
Citons le manchon thermoformable, qui est moulé de P1 à P2,
bloquant l’IPP en extension ou les orthèses en 8 inversé, qui
empêchent la flexion de l’IPP.
Pour les interphalangiennes distales (IPD), les déformations
peuvent être associées à des déformations de l’IPP dans le cas
d’un col-de-cygne ou d’une boutonnière ; un prolongement de
l’orthèse de l’IPP prévient alors respectivement l’hyperflexion
ou l’hyperextension de l’IPD.
Le pouce adductus peut être pris en charge par une orthèse
en thermoplastique d’ouverture de la première commissure.
Moulée sur la colonne du pouce, elle laisse libre l’interpha-
langienne et s’étend sur le deuxième métacarpien en veillant
à laisser libre la MCP de l’index (4).
Orthèses polyarticulaires
Dans le cas de déformations touchant le carpe et les MCP,
l’orthèse couplée poignet-MCP (photo 8) est capable d’assu-
rer une correction optimale. Elle est constituée de trois par-
ties : une pièce proximale et une pièce intermédiaire du même
type que celle de l’orthèse articulée monoarticulaire du poi-
gnet. Seule la pièce distale est modifiée, en lui apportant un
prolongement interdigital, fixé au bracelet métacarpien, pre-
nant appui sur les faces latérales des premières phalanges des
quatre derniers doigts.
La pièce intermédiaire de l’orthèse fonctionnelle articulée per-
met, là aussi, les mouvements de flexion et d’extension du poi-
gnet. À l’origine, cet axe articulé n’était pas présent et les pos-
sibilités fonctionnelles de la main étaient moindres.
Outre les déviations axiales du carpe, elle permet une correc-
tion des déviations digitales grâce à l’action imposée par les
cloisons interdigitales sur les faces latérales des premières pha-
langes. Sa meilleure indication est donc l’existence conjointe
de déviations du carpe et des doigts (même si ces dernières
vont en sens contraire) (4).
Dans le cas de déformations touchant les MCP, les orthèses
sont le plus souvent basées sur le principe qui consiste à exer-
cer un appui sur les faces latérales de P1 des quatre derniers
doigts (faces internes en cas de déviation cubitale et faces
externes en cas de déviation radiale).
!Il existe plusieurs orthèses, dont l’orthèse souple de stabi-
lisation métacarpophalangienne. Cette dernière est constituée
d’une partie entourant les quatre derniers métacarpes et de
quatre sangles (une pour chaque doigt) qui viennent s’y atta-
cher. Pour la mise en place, le patient ramène une à une les
sangles de façon à ce que chacune d’elles exerce une pression
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Photo 7. Orthèse statique en 8.
Photo 8. Orthèse couplée poignet-MCP.
sur la face interne (en cas de déviation cubitale) de P1 de
chaque doigt. Cette orthèse, dont la mise en place est facile,
apporte un certain confort au patient, mais son rôle préventif
reste discutable (3).
!L’orthèse statique de stabilisation des MCP est faite d’une
pièce ; elle entoure les quatre derniers métacarpes et présente
à sa face dorsale ou palmaire des prolongements qui forment
des cloisons interdigitales en appui sur le bord latéral de P1
des quatre derniers doigts (photo 9). Sa conception dépend
de l’importance de la déviation. L’orthèse dorsale est utilisée
en cas de déviation mineure ; on recourt à l’orthèse palmaire,
qui limite davantage les mouvements de flexion des MCP, en
cas de déviation importante (3, 4).
!L’orthèse articulée anti-déviation des MCP est constituée
de deux parties. Une pièce proximale métacarpienne dorsale
s’étend du poignet (une sangle qui fait le tour du poignet assure
la fixation de cette pièce sans en gêner les mouvements) aux
faces latérales des MCP des deuxième et cinquième doigts. Elle
s’articule à ce niveau grâce à deux axes qui permettent la flexion
et l’extension des MCP avec la pièce distale. Cette dernière est
constituée de logettes moulées autour des quatre dernières pha-
langes (4)
(photo 10).
Cette orthèse est particulièrement effi-
cace et fonctionnelle, mais sa réalisation est difficile (8, 4).
!Le bandeau anti-déviation cubitale est réalisé en matériau
thermoformable. Il est circulaire, moulé autour des métacarpes
des quatre derniers doigts avec un appui débordant sur la pre-
mière phalange du V. Le moulage se fait avec une flexion des
MCP de 40 à 60° ; la partie palmaire est réduite ou tubulée
dans le pli palmaire pour ne pas être gênante. Ce bandeau est
indiqué dans les déviations cubitales débutantes et réductibles
(1) (photo 11).
Le pouce en Z associe une flexion de la MCP et une hyper-
extension de l’IP. L’orthèse thermoplastique est moulée sur la
face dorsale du premier métacarpien et de P1 du pouce, en
veillant à maintenir la MCP en légère flexion ; une extension
palmaire immobilise l’IP grâce à l’ajout d’un Velcro. L’attelle
qui laisse libre la trapézo-métacarpienne est maintenue fixée
par un autre Velcro autour du poignet (photo 12).
RÉALISATION
(5, 9, 10, 11, 4)
Matériau
Le matériau le plus employé est un plastique thermoformable
à basse température (70°), souvent perforé, afin de limiter la
sudation et la macération. Il possède la propriété physique de
se ramollir quand il est chauffé et de durcir en conservant la
forme imposée en refroidissant. Il est parfaitement rigide à
température ambiante. Une doublure de mousse, appliquée en
fin de réalisation, est un élément de confort supplémentaire.
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Photo 9. Orthèse statique de stabilisation des MCP.
Photo 11. Bandeau anti-déviation cubitale.
Photo 12. Le pouce en Z.
Photo 10. Orthèse articulée anti-déviation des MCP.
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