OBJECTIFS D’ENSEIGNEMENT PROFESSIONNEL CONTINU Épidémiologie - Coordonnateur : J.F. Morère Évolution épidémiologique récente des cancers en France J.F. Morère État des lieux L’incidence du cancer en France est mesurée grâce aux registres des départements du cancer, qui colligent les nouveaux cas diagnostiqués dans le département (dans le respect du secret professionnel). Il n’existe pas, en France, de registre national, mais on dispose d’une dizaine de registres du cancer couvrant environ 15 % du territoire, à partir desquels sont déterminés des chiffres nationaux ; les données de mortalité proviennent des certificats de décès. En 2005, on a compté 278 000 nouveaux cas et 150 000 décès. Ces chiffres sont très nettement supérieurs à ceux observés en 1968. Mais cette augmentation est avant tout le reflet du vieillissement de la population, l’âge étant le principal facteur de risque du cancer. Les taux standardisés sont des outils qui permettent de s’affranchir des effets liés aux facteurs démographiques (accroissement et vieillissement de la population). Cancer du sein En France, il représente 36,7 % de l’ensemble des nouveaux cas de cancer chez la femme. On estime que, en 2005, 49 814 nouveaux cas ont été diagnostiqués et 11 637 décès ont été liés à ce cancer. Le taux d’incidence standardisé est de 88,9. Entre 1980 et 2000, le nombre de nouveaux cas a presque doublé ; dans le même temps, la mortalité n’a que très peu augmenté, grâce à l’amélioration des traitements. Plus de 50 % des cancers sont observés après 65 ans, près de 10 % avant 35 ans. Aujourd’hui, le taux global de survie relative à 5 ans après le diagnostic est de 85 %. Il faut noter que le cancer du sein peut survenir aussi chez l’homme, mais il est rare et environ 200 fois moins fréquent que chez la femme. Le taux de mortalité standardisé est de 19,7. Cancer de la prostate Avec 62 245 nouveaux cas en 2005, le cancer de la prostate est le cancer le plus fréquent en France. Son taux d’incidence standardisé est de 75,3. Le principal facteur de risque est l’âge. En 2000, l’âge moyen au moment du diagnostic était de 74 ans. Les autres facteurs de risque sont : les antécédents de cancer de la prostate avant 55 ans chez deux parents proches (frère, père, 236 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XX - n° 4 - avril 2011 oncle, grand-père) et l’origine africaine ou antillaise. Ce cancer est le quatrième en termes de mortalité, avec 9 202 décès estimés. C’est le cancer dont l’incidence a le plus augmenté ces 25 dernières années. Le taux de mortalité standardisé est de 15,9. Cancer colorectal Le cancer colorectal est le troisième cancer le plus fréquent, après le cancer de la prostate et le cancer du sein (troisième cancer chez l’homme et deuxième chez la femme). En France, on estimait en 2005 à 37 413 le nombre de nouveaux cas et à 16 865 le nombre de décès. L’incidence de ce cancer tend à se stabiliser tandis que la mortalité décroît, chez l’homme comme chez la femme. Le taux de mortalité standardisé est de 15,9 chez l’homme et de 8,9 chez la femme. Le cancer colorectal reste le deuxième cancer en termes de mortalité, derrière le cancer du poumon. Il devance le cancer du sein et le cancer de la prostate. Par ailleurs, la survie relative à 5 ans de ce cancer est de 56 % (tous stades confondus). Ce taux se situe au-dessus de la moyenne européenne. La survie dépend étroitement du stade de la maladie au moment du diagnostic. Une étude a ainsi montré que la survie relative à 5 ans pour une personne diagnostiquée au stade I, c’est-à-dire le stade le plus précoce, est de 94 %, d’où l’intérêt de dépister pour pouvoir, si une anomalie est détectée, la prendre en charge le plus tôt possible. Environ 40 % des cancers touchent le rectum et 60 % le côlon, où la localisation principale est le sigmoïde. La majorité des cancers coliques touchent donc la dernière partie du côlon. Plus de 940 000 nouveaux cas de cancers colorectaux surviennent chaque année dans le monde. La France métropolitaine se situe parmi les régions à risque élevé, tout comme les autres pays d’Europe de l’Ouest, les États-Unis, l’Australie et, plus récemment, le Japon. Ce cancer est beaucoup plus rare en Amérique du Sud, en Asie et surtout en Afrique. Cancer du poumon En 2005, on estime que 30 651 nouveaux cas de cancers du poumon ont été diagnostiqués en France (dont 78 % chez l’homme). Cette même année, on estime que ce cancer a été à l’origine de 26 624 décès. Il représente la première cause de mortalité par cancer. La fréquence de ce cancer augmente chez les femmes : elle a été multipliée par 4 en 10 ans chez les femmes de 35 à 45 ans. Le taux de mortalité standardisé est de 48,9 pour l’homme et de 7,9 pour la femme. Les taux d’incidence standardisés sont de 52,2 chez l’homme et de 8,6 chez la femme : le sex-ratio est de 6,1. Le tabac représente le principal facteur de risque. La durée pendant laquelle on fume semble plus importante que la quantité de OBJECTIFS D’ENSEIGNEMENT PROFESSIONNEL CONTINU cigarettes fumées. Les jeunes fumant de plus en plus tôt, l’âge de survenue de la maladie s’abaisse et celle-ci se manifeste dès 40 ans. Les études ont également montré que le tabagisme passif majorait le risque de cancer du poumon de 30 %. Contrairement à ce qu’on peut entendre, arrêter de fumer diminue mais ne supprime pas le risque de développer un cancer du poumon : la maladie peut apparaître 25 à 30 ans après le sevrage. L’arrêt du tabac demeure toutefois très bénéfique, notamment sur le plan cardio-vasculaire. Il est également vraisemblable que l’usage régulier du cannabis constitue un facteur de risque, pour plusieurs raisons. La fumée de cannabis contient 4 fois plus de goudrons que celle du tabac (environ 50 mg de goudrons pour un joint contre 12 mg dans une cigarette), et renferme davantage de cancérigènes. Enfin, le principe actif du cannabis, le THC, dilate les bronches, ce qui facilite la pénétration de la fumée et de ses toxiques. Certains cancers du poumon sont liés à l’exposition professionnelle à des cancérigènes : amiante, goudrons, arsenic, etc. Fumer augmente le risque. Le facteur génétique joue aussi un rôle, ce qui expliquerait que des fumeurs ne soient jamais atteints ou que des non-fumeurs le soient. Les spécialistes constatent d’ailleurs un nombre croissant de cancers du poumon chez des personnes – essentiellement des femmes – qui n’ont jamais fumé et ne côtoient pas de fumeurs. On en ignore encore les causes. Cancer du col de l’utérus Le cancer du col de l’utérus est le dixième cancer chez la femme par sa fréquence, avec 3 068 cas estimés pour l’année 2005, et le neuvième lorsque l’on considère le taux d’incidence standardisé (monde), qui est, pour l’année 2005, estimé à 7,1 pour 100 000 femmes. À titre de comparaison, les estimations pour l’année 2000 selon la même méthodologie sont de 3 295 cas pour un taux d’incidence. Le taux d’incidence du cancer du col de l’utérus n’a cessé de diminuer entre 1980 et 2005, avec un taux annuel moyen de décroissance de 2,9 %. Le taux d’incidence standardisé est de 8,0. Dans le même temps, le taux de mortalité a diminué en moyenne de 4,0 % par an. Toutefois, cette décroissance a tendance à se ralentir depuis 2000. Entre 2000 et 2005, la décroissance moyenne annuelle du taux d’incidence était de 1,8 % et celle du taux de mortalité de 3,2 %. Le cancer du col de l’utérus est le quinzième cancer de la femme pour la mortalité, avec 1 070 décès. Le taux de mortalité standardisé est de 2,4. Le papillomavirus est un facteur de risque ; nous en parlerons plus loin. Cancer du pancréas On estime qu’en 2005, en France, 7 218 nouveaux cas de cancer du pancréas ont été diagnostiqués, dont 53,8 % chez l’homme. Cette même année, on estime qu’il a été responsable de 7 787 décès, dont 51,4 % chez l’homme. Ce cancer est rare avant 50 ans : l’âge moyen au moment du diagnostic est de 69 ans pour les hommes, 74 pour les femmes. Dans le monde, on diagnostique plus de 216 000 nouveaux cas chaque année. Le tabac est un facteur de risque reconnu : le cancer du pancréas est 2 à 3 fois plus fréquent chez les fumeurs. Les taux d’incidence standardisés sont de 5,8 chez l’homme et de 3,2 chez la femme : le sex-ratio est de 1,8. Près d’un tiers de ces cancers serait directement imputable au tabagisme, et l’âge de survenue serait plus précoce (d’environ 10 ans) chez les fumeurs. Une pancréatite chronique augmente le risque d’apparition de ce cancer. Un régime alimentaire riche en viande et en graisses et pauvre en fibres pourrait jouer un rôle favorisant. Environ 10 % des cancers du pancréas ont une composante héréditaire. Le taux de mortalité standardisé est de 7,6 chez l’homme et 4,4 chez la femme. Faits nouveaux À côté des facteurs de risque classiques de cancer, comme le tabac, principale cause de cancer (29 000 décès, soit 33,5 % chez l’homme et 10 % chez la femme), et l’alcool (9 % des décès chez l’homme et 3 % chez la femme), les études épidémiologiques actuelles mettent l’accent sur d’autres facteurs. Chez les femmes, les traitements hormonaux de la ménopause sont à l’origine d’environ 2 % des cancers mortels (essentiellement des cancers du sein et de l’ovaire) ; la limitation actuelle de leur prescription pourrait donc participer à la baisse de l’incidence, notamment pour le cancer du sein. Les femmes utilisatrices de traitements hormonaux substitutifs (THS) ont un risque de cancer du sein plus élevé. Ce surrisque est d’autant plus grand que l’utilisation de THS est longue ; il est plus important pour les combinaisons estroprogestatives que pour les traitements à base d’estrogènes seuls. Il disparaît dans les 5 ans après l’arrêt des traitements. On considère généralement que l’alimentation a une influence majeure sur le risque de cancer, mais les dernières enquêtes épidémiologiques ne sont pas parvenues à mettre en évidence ce rôle. Insistons sur le fait que ces enquêtes ont été réalisées chez des adultes, alors qu’il est plausible que le rôle majeur de l’alimentation survienne dans l’enfance et l’adolescence. La proportion des cancers dus à la pollution de l’air et de l’eau est faible, de l’ordre de 0,5 %. Les facteurs suivants, dans l’état actuel de nos connaissances, ne peuvent pas non plus être considérés comme cancérogènes avérés : habitat proche de sources de pollution, dioxines, rayonnements non ionisants autres que les ultraviolets, téléphones portables, antennes de téléphonie mobile. Mais la recherche actuelle ne peut que souligner ses propres lacunes en constatant qu’aucun facteur de risque lié à l’environnement ou au mode de vie n’a encore été scientifiquement établi pour 85 % des cancers. Les recherches actuelles s’orientent vers des facteurs possiblement sous-évalués, comme les infections et la nutrition, mal évalués, dus au fait que ceux-ci n’ont un rôle notable qu’à certains moments de la vie, ou vers des facteurs héréditaires autres que ceux qui affectent la réparation de l’ADN, comme le polymorphisme génétique. La Lettre du Cancérologue • Vol. XX - n° 4 - avril 2011 | 237 Épidémiologie Ondes des portables et vaccin contre le papillomavirus En l’état actuel des connaissances, la communauté scientifique n’a pas établi de lien entre l’utilisation de téléphones portables et un risque accru de cancer. De nombreuses études ont été publiées, mais leurs résultats sont pour l’instant débattus et contradictoires. Cette situation est inhérente au sujet : la faiblesse de l’effet potentiel, la difficulté de caractériser le lien entre l’exposition et la longue durée de développement d’un éventuel cancer rendent les études épidémiologiques particulièrement difficiles à mener. Le Centre international de recherche sur le cancer, dépendant de l’Organisation mondiale de la santé, a lancé en 1999 une vaste étude de ce type dans 13 pays. Connue sous le nom d’INTERPHONE, elle devrait voir ses résultats globaux publiés au cours de l’année 2009. Plusieurs résultats partiels ont été publiés en France, en Scandinavie, en Allemagne et en Israël : ils identifient soit un risque faible, soit l’absence de risque. En attendant, le doute prévaut et les autorités sanitaires recommandent la prudence. Deux vaccins prophylactiques recombinants dirigés contre certains papillomavirus humains (human papillomavirus [HPV]) ont obtenu une autorisation de mise sur le marché en France : un vaccin recombinant quadrivalent dirigé contre les HPV de génotypes 6, 11, 16 et 18 (Gardasil®, développé par le laboratoire Merck et commercialisé et distribué en Europe par le laboratoire Sanofi Pasteur MSD), et un vaccin recombinant bivalent dirigé contre les HPV de génotypes 16 et 18 (Cervarix®, développé par le laboratoire GlaxoSmithKline). Administrés à une population de jeunes filles n’ayant jamais eu d’infection à HPV et avec une couverture vaccinale de 100 %, ils pourraient théoriquement prévenir un peu plus de 70 % (voire 80 % si les résultats de l’étude EDITH se confirment dans d’autres études) des cancers du col utérin qui ne sont actuellement pas évités par le dépistage par frottis cervico-utérin (FCU) [et plus de 90 % des condylomes pour le Gardasil®]. En revanche, dans la population générale, qui inclut des sujets qui peuvent être déjà infectés par les génotypes contenus dans le vaccin lors de la première injection vaccinale, l’efficacité vaccinale est nettement moindre. À ce jour, la tolérance locale et générale de ces vaccins a été jugée satisfaisante. La vaccination contre les infections à HPV est recommandée à toutes les jeunes filles âgées de 14 ans, afin de les protéger avant qu’elles ne soient exposées au risque d’infection à HPV. Le schéma vaccinal comprend, pour le vaccin quadrivalent, 3 injections administrées à 0, 2 et 6 mois (respectant un intervalle de 2 mois entre la première et la deuxième injection, et un intervalle de 4 mois entre la deuxième et la troisième injection). Le Comité technique des vaccinations du Haut Conseil de la santé publique, dans son avis du 14 décembre 2007, recommande, dans l’état actuel des connaissances, le vaccin quadrivalent (6, 11, 16, 18) plutôt que le vaccin bivalent (16, 18). Une mesure de rattrapage est prévue, et le vaccin est également proposé aux jeunes filles et jeunes femmes de 15 à 23 ans qui n’auraient pas eu de rapports sexuels ou, au plus tard, dans l’année suivant le début de leur vie sexuelle. Cette mesure de rattrapage pourrait être proposée à l’occasion d’une primo-prescription de contraception, d’un recours à une pilule du lendemain ou lors d’une consultation pour tout autre motif. A Pour en savoir plus • www.invs.sante.fr/surveillance/cancers/surveillance_cancers.htm • Hill C, Doyon F. La fréquence des cancers en France en 2005 : évolution de la mortalité depuis 1950 et résumé du rapport sur les causes de cancer. Bull Cancer 2008;95(1):5-10. Abonnez-vous en ligne ! www.edimark.fr Bulletin d’abonnement disponible page 307 C FRALM 00105 - Septembre 2010 - ©Lilly - Tous droits de reproductions réservés OBJECTIFS D’ENSEIGNEMENT PROFESSIONNEL CONTINU FOR pour ou 5 reco pleu résé est in dès traite chim prog Phar petit POS antic de 1 débu antiposo le 1e une (350 cont IM d vitam • Hy avec Les p leur ≥ 10 non pem réac aupa ciclo vacc ET A Rare Evén LILL 238 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XX - n° 4 - avril 2011 13, Soci RCS