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Classification pratique des lymphomes primitifs
du tube digestif
● A. Lavergne-Slove*, N. Brousse**
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■ Diagnostic d’un lymphome digestif
➝ Biopsies suffisamment nombreuses ;
➝ Fixation des biopsies dans un milieu permettant l’immunohistochimie et la biologie moléculaire (congélation ou
formol) ;
➝ Plus grande fréquence des lymphomes de phénotype B
➝ Lymphome B de l’estomac de type MALT, souvent associé à Helicobacter pylori ;
➝ Lymphome B à grandes cellules : le différencier du
carcinome ;
➝ Lymphome T digestif : peut révéler une maladie cœliaque.
es lymphomes digestifs comportent deux types de lymphomes : les lymphomes primitifs du tube digestif
(LPTD) révélés par une symptomatologie digestive,
sans localisation ganglionnaire superficielle antérieurement
connue, localisés au tube digestif ou aux ganglions mésentériques,
et les localisations digestives secondaires des lymphomes d’autres
localisations, plus rares et de même forme histologique que la
localisation primitive ; ils ne seront pas abordés ici.
Les LPTD sont les plus fréquents des lymphomes extra-ganglionnaires. Les localisations préférentielles sont l’estomac
(50 %), l’intestin grêle (30 %), le rectum et le côlon (20 %), et
enfin l’œsophage. Les localisations multiples sont évaluées entre
10 et 20 % (1).
Comme pour les lymphomes ganglionnaires, la classification
repose sur la distinction entre lymphome B (LB) et lymphome T
(LT), et entre lymphome de faible degré de malignité ou de grande
malignité. Tous les types de lymphomes ganglionnaires ou
presque peuvent être observés, mais certains sont plus fréquents
et regroupés dans une classification pratique où rentrent en ligne
de compte des entités anatomo-cliniques. Ils sont le plus souvent
de phénotype B (95 % des cas). Une particularité de la classification des LPTD est de préciser s’il s’agit d’un LB de type“occi-
L
Services d’anatomie et de cytologie pathologiques.
* Hôpital Lariboisière, Paris.
** Hôpital Necker-Enfants malades, Paris.
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dental”, c’est-à-dire focal ou pluri-focal, ou, plus rarement sous
nos climats, d’un lymphome dit “méditerranéen” ou IPSID
“Immunoproliferative Small Intestinal Disease”, c’est-à-dire
d’une atteinte diffuse d’un segment digestif, en règle de l’intestin grêle (2).
La classification que nous expliciterons est celle d’Isaacson de 1999
(3), établie dès 1984, et depuis régulièrement réactualisée. Elle est
fondée sur le concept de l’existence d’un tissu lymphoïde spécifiquement associé aux muqueuses : MALT (Mucosa Associated Lymphoid Tissue), à l’origine des LPTD (se reporter à l’article de P.G.
Isaacson). En théorie “tout” LPTD provient du MALT. En pratique,
on utilise le terme de lymphome “de type MALT” pour certains
lymphomes B localisés, surtout celui de l’estomac.
La classification du lymphome digestif se fait habituellement sur
des biopsies réalisées au cours d’une exploration endoscopique.
Avant d’étudier les différentes entités de la classification d’Isaacson, nous préciserons quelques détails pratiques concernant les
biopsies.
LES BIOPSIES
Pour pouvoir classer un lymphome du tube digestif, le clinicien
et le pathologiste doivent se soumettre à quelques règles précises.
En effet, il est à l’heure actuelle indispensable de disposer de
biopsies suffisamment nombreuses, prélevées et conservées ou
fixées dans des conditions appropriées à l’application des techniques d’immunohistochimie (IHC), de biologie moléculaire,
voire de cytogénétique. Des prélèvements fixés dans le formol à
10 % permettant éventuellement des études de biologie moléculaire, en particulier les techniques d’amplification (le liquide de
Bouin meilleure qualité de la morphologie), ainsi que des prélèvements congelés dans l’azote liquide, à sec pour la biologie
moléculaire ou dans du “Tissue Tek”, sorte de colle de préservation (pour IHC), doivent ainsi être réalisés.
Abréviations
• HFL : hyperplasie lymphoïde folliculaire
• IHC : immunohistochimie
• LLE : lésions lymphoépithéliales
• MALT : mucosa associated lymphoid tissue
• MCa : maladie des chaînes alpha
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Les prélèvements doivent être nombreux et concerner la tumeur,
mais aussi la muqueuse digestive “normale” à distance. Une
exploration endoscopique complète du tube digestif doit être réalisée systématiquement avec biopsies étagées, même en zone
endoscopiquement normale.
Il est, par exemple, indispensable, en cas de lymphome digestif T, d’étudier le duodénum par des biopsies systématiques,
afin de rechercher une éventuelle maladie cœliaque patente
ou latente. Des localisations multiples étagées dans le tube
digestif peuvent être observées dans les lymphomes de type
MALT et, a fortiori, font partie du diagnostic de polypose
lymphomateuse.
LYMPHOMES B
Les lymphomes B sont les plus fréquents des lymphomes digestifs. Ils sont constitués d’une prolifération de petites ou de grandes
cellules. Les problèmes diagnostiques sont alors différents : les
proliférations à petites cellules posent plus souvent un problème
de classification, voire de confirmation de malignité ; celles à
grandes cellules peuvent poser le problème du diagnostic différentiel entre lymphome et carcinome.
1a
Figure 1.
Lymphome B
de l’estomac de type
MALT, à petites
cellules.
a. Aspect au faible
grossissement :
présence
d’une hyperplasie
lymphoïde folliculaire
et d’un infiltrat dense
de la muqueuse.
b. Aspect au fort
grossissement :
présence de lésions
lymphoépithéliales,
infiltration
de l’épithélium
glandulaire
par des cellules
lymphoïdes
de petite taille.
1b
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Lymphomes B à petites cellules
Les lymphomes B à petites cellules doivent être distingués des
hyperplasies lymphoïdes folliculaires (HFL) localisées. Dans
l’estomac, l’HFL est associée à d’autres lésions, ulcère gastrique, gastrite chronique à Helicobacter pylori (H. pylori) ou
réalise une gastrite folliculaire (4, 5). Dans l’intestin grêle,
l’HFL localisée est rare ; et sur prélèvement biopsique, il
convient de la différencier des plaques de Peyer. Dans le rectum, une HFL localisée s’observe chez l’enfant – où elle réalise un aspect de polype lymphoïde constitué de follicules lymphoïdes avec centres germinatifs – et chez l’adulte, dans les
rectites ulcéreuses, les rectites lymphoïdes folliculaires et les
rectums “exclus”. Dans toutes ces lésions lymphoïdes hyperplasiques, les follicules lymphoïdes ont un centre germinatif
polytypique n’exprimant pas bcl-2.
• Lymphome gastrique de type MALT, de faible malignité
(figures 1a et b) : Ce sont les plus fréquents des lymphomes
digestifs. Ce sont eux que l’on désigne couramment par
“lymphome du MALT”. Ils sont presque toujours associés à
une infection par H. pylori, et c’est l’efficacité du traitement
par éradication du germe dans plus de 50 % des cas qui a
récemment relancé tout l’intérêt de leur étude (6).
Leurs caractères histologiques sont stéréotypés, associant une
infiltration du chorion par des cellules lymphoïdes de petite taille,
des lésions lympho-épithéliales constantes et une hyperplasie
lymphoïde folliculaire : la muqueuse contient une population cellulaire dense faite d’éléments lymphoïdes de petite ou moyenne
taille, les plus caractéristiques étant dits “centrocyte-like” ; elle
est parfois monocytoïde ou d’aspect lymphocytaire. Les plasmocytes, souvent présents dans la zone superficielle du chorion,
sont réactionnels, polytypiques dans deux tiers des cas. Dans le
dernier tiers, ces plasmocytes sont monotypiques, exprimant la
même chaîne légère d’immunoglobulines que la prolifération
lymphoïde à petites cellules, traduisant dans ce cas une différenciation plasmocytaire de la prolifération cellulaire.
La caractéristique de ce lymphome est la présence constante de
lésions lympho-épithéliales (LLE). Elles sont définies par une
infiltration et une destruction de l’épithélium des glandes et/ou
des cryptes par les cellules centrocyte-like associées à des anomalies épithéliales, avec un épithélium dégénératif, éosinophile,
en partie détruit. Elles reproduisent l’interaction existant entre le
lymphocyte B et l’épithélium en regard des plaques de Peyer, à
l’état normal.
L’hyperplasie folliculaire lymphoïde (HFL), sous la prolifération
lymphoïde centrocyte-like, est constante ; les follicules lymphoïdes peuvent être faciles à reconnaître, avec de volumineux
centres germinatifs ; dans d’autres cas, progressivement infiltrés,
colonisés et détruits par les cellules lymphoïdes tumorales, ils
sont plus difficiles à individualiser, et un reste de centre germinatif ne signifie pas nécessairement un contingent lymphomateux de grandes cellules.
Les études immunohistochimiques montrent le phénotype B (20+,
CD79a+) de la population tumorale, permettent de préciser la
nature tumorale (monotypique, Kappa ou Lambda) ou réactionnelle de la population plasmocytaire, de montrer l’absence
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d’expression de certains anticorps utiles au diagnostic différentiel avec d’autres lymphomes B à petites cellules (IgD, CD5,
CD10, CD23), et surtout de mieux mettre en évidence les lésions
lympho-épithéliales par l’étude des marqueurs épithéliaux, (anticorps anticytokératine).
L’immunohistochimie est rarement nécessaire dans les cas
typiques ; elle est utile pour mettre en évidence les lésions lympho-épithéliales. La recherche d’une monotypie est également
utile dans les cas à différenciation plasmocytaire.
Les techniques de biologie moléculaire avec amplification
génique (PCR) peuvent permettre la mise en évidence rapide d’un
réarrangement clonal des gènes des immunoglobulines, ce qui
peut être un élément décisif du diagnostic sur des biopsies. Les
anomalies cytogénétiques les plus fréquemment retrouvées dans
les lymphomes de type MALT sont la trisomie 3 (50 à 60 %) et
une translocation t (11, 18).
Les lymphomes de faible malignité de type MALT évoluent
lentement et restent longtemps confinés à la localisation initiale. Il n’y a pas d’urgence à traiter ce lymphome de façon
agressive et, en cas de doute diagnostique sur une biopsie, il
faut prendre le temps de réaliser d’autres biopsies, de compléter l’étude histologique par la recherche d’une population lymphoïde montrant un même réarrangement clonal de la chaîne
lourde des Ig. L’éradication de H. pylori doit être la première
étape thérapeutique, même si son efficacité est parfois longue
à apparaître (plusieurs mois) et nécessite une surveillance endoscopique et biopsique prolongée. Si ce traitement s’avère insuffisant, il est alors nécessaire de proposer une chimiothérapie
ou une gastrectomie totale, car les lésions sont habituellement
multicentriques.
L’évolution enfin peut aboutir au développement d’un lymphome B à grandes cellules, de haute malignité.
• Lymphome de type MALT de faible malignité : autres
localisations : elles peuvent survenir dans n’importe quel
segment digestif mais sont plus fréquentes dans l’intestin grêle
que dans le côlon ou le rectum, où elles sont exceptionnelles.
Leur aspect est identique à celui des localisations gastriques,
mais les lésions lympho-épithéliales, quoique présentes,
apparaissent plus rares. Leur transformation en lymphome de
grande malignité est plus fréquente que dans l’estomac, et leur
pronostic moins bon, avec un taux de survie à 5 ans inférieur
à 50 %.
• Lymphome de type MALT de faible malignité : IPSID :
les IPSID, exceptionnellement rencontrés sous nos climats,
sont représentés essentiellement par la maladie des chaînes
lourdes alpha (MCa), qui constitue un lymphome diffus de
type MALT se développant habituellement dans l’intestin
grêle. Ils représentent le premier exemple de l’efficacité d’un
traitement antibiotique dans la rémission d’un lymphome, bien
avant que le succès de l’éradication de H. pylori ait été reconnu
dans les lymphomes localisés de l’estomac.
La MCa, décrite en 1968, est une infiltration lymphoïde maligne
de l’intestin grêle, diffuse, sans intervalle de muqueuse saine,
caractérisée par la sécrétion d’une chaîne lourde alpha anormale,
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dépourvue de chaîne légère. L’IPSID sera ultérieurement défini
par l’OMS (1976) comme une infiltration lymphoïde diffuse
de l’intestin grêle d’aspect similaire à celui observé dans la
maladie des chaînes alpha, mais sans préjuger de la nature de
l’immunoglobuline sécrétée ni du caractère bénin ou malin de
la prolifération.
Un des caractères histopathologiques essentiel de la MCa
est l’atteinte de toute la longueur de l’intestin grêle, sans laisser
d’intervalle de muqueuse saine. On décrit trois stades, de malignité croissante. Au stade A, l’infiltrat cellulaire est limité à la
muqueuse et constitué de plasmocytes “matures”, plus rarement
de lymphocytes. Dans la moitié des cas environ, des lésions similaires à celles décrites dans les formes localisées de lymphome
de type MALT sont associées : foyers de prolifération de petites
cellules centrocyte-like avec LLE et follicules lymphoïdes hyperplasiques. Le stade C est un lymphome de grande malignité,
immunoblastique avec différenciation plasmocytaire, responsable
de tumeur(s) ulcérée(s). Le stade B est intermédiaire : l’infiltrat
atteint au moins la sous-muqueuse, les cellules plasmocytaires
présentent d’importantes anomalies cytonucléaires et des immunoblastes peuvent être présents (7).
Les lésions peuvent progresser ; les trois stades peuvent se succéder dans le temps et/ou s’observer simultanément dans le même
segment digestif ou dans différents segments.
Les ganglions mésentériques sont habituellement (mais pas toujours au stade A) atteints par la prolifération lymphoïde. L’IHC
permet d’évoquer le diagnostic de MCa sur la présence dans les
plasmocytes d’une chaîne lourde alpha, sans chaîne légère associée. Elles sont particulièrement intéressantes en cas de forme
non sécrétante ou pour le suivi lorsque la chaîne lourde alpha
n’est plus détectée dans le sang ou le liquide duodénal, alors que
des cellules malignes résiduelles peuvent être retrouvées sur les
prélèvements biopsiques (8).
Lymphomes B à grandes cellules
On distingue un peu artificiellement des lymphomes de haut grade
de type MALT et “les autres”. On peut dire d’un lymphome de
grande malignité qu’il possède les caractéristiques d’un lymphome de type MALT lorsqu’il existe un contingent lymphomateux de faible degré de malignité de type MALT, avec des
LLE caractéristiques, ou bien un tropisme particulier des éléments tumoraux de grande taille pour les structures épithéliales,
mimant des LLE à grandes cellules. Quoi qu’il en soit, la distinction entre ces deux formes ne semble présenter aucun intérêt
pour le patient, et il est possible que certains lymphomes à grandes
cellules soient simplement liés à la disparition du contingent de
faible grade.
Les lymphomes B à grandes cellules (centroblastiques et immunoblastiques) sont les plus fréquents des lymphomes primitifs
digestifs.
Leur diagnostic est le plus souvent facile, même sur prélèvements
biopsiques : il s’agit d’une prolifération tumorale maligne détruisant la muqueuse, souvent largement ulcérée et constituée par un
infiltrat lymphoïde dense, diffus, fait de cellules de grande taille,
de type centroblastique ou immunoblastique avec de nombreuses
mitoses (figures 2a et b).
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cellules activées dispersées ou formant des agrégats de moins
de 5 cellules (9).
2a
2b
Figure 2. Lymphome B de l’estomac à grandes cellules.
a. aspect au faible grossissement : infiltration tumorale détruisant en
partie la muqueuse.
b. aspect au fort grossissement : l’infiltration tumorale est faite de
cellules lymphoïdes de grande taille.
Lorsque le diagnostic posé est celui d’une tumeur maligne indifférenciée, l’immunohistochimie le confirme facilement grâce à
l’utilisation de l’anticorps dirigé contre l’antigène commun leucocytaire (CD45 RA), exprimé à la surface des cellules lymphoïdes, alors que les anticorps anticytokératine (KL1) marquent
les cellules épithéliales tumorales des carcinomes. Les lymphomes de haut grade ont par ailleurs les mêmes caractères IHC
que ceux de bas grade ; on y met plus souvent en évidence des
immunoglobulines cytoplasmiques.
Il arrive fréquemment que des grandes cellules soient observées au sein d’une prolifération B à petites cellules, et la frontière entre lymphome de faible degré de malignité et de haut
grade de malignité est quelquefois difficile à établir. Il n’y a pas
à l’heure actuelle de véritable consensus sur le nombre et la
répartition des grandes cellules. De Jong et coll. proposent un
grading des lymphomes gastriques du MALT en fonction du
nombre et de l’agencement des grandes cellules lymphoïdes
activées. Ils montrent que les lymphomes de bas grade contenant 1 à 10 % de cellules activées, souvent agencées en amas
n’excédant pas 20 cellules, sont significativement de plus mauvais pronostic que les lymphomes contenant moins de 1 % de
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Lymphomes à cellules du manteau,
polypose lymphomateuse
Les lymphomes à cellules du manteau de localisation digestive
réalisent l’aspect caractéristique d’une polypose lymphomateuse.
Ils représentent moins de 10 % des LPTD. Deux entités peuvent
être distinguées, la polypose lymphomateuse primitive vraie et
la localisation digestive d’un lymphome du manteau ganglionnaire. L’aspect endoscopique est celui d’une polypose digestive,
avec polypes multiples, disséminés dans un ou, typiquement, plusieurs segments du tube digestif. L’atteinte de l’intestin grêle et
des ganglions mésentériques est quasi constante. La maladie est
souvent découverte au stade IV, avec une atteinte médullaire dans
les deux tiers des cas environ.
L’aspect histologique est stéréotypé : les cellules tumorales sont
de petite taille, avec un noyau clivé, un cytoplasme peu abondant ; elles sont parfois groupées en nodules, classiquement sans
lésion lympho-épithéliale. L’IHC montre un phénotype caractéristique: les cellules lymphomateuses expriment les marqueurs
des cellules B (CD20), une immunoglobuline de surface de type
IgM, et IgD, l’antigène CD5 (marqueur habituel des cellules T),
et la cycline D1. Elles n’expriment ni CD10 (CALLA) ni CD23.
L’antigène CD5 peut être mis en évidence sur un prélèvement
fixé et inclus en paraffine (2).
Les études de biologie moléculaire ont montré les mêmes anomalies que celles observées dans les lymphomes du manteau,
c’est-à-dire une translocation 11;14 (JH/bcl-1), soulignant le lien
biologique entre polypose lymphomateuse et lymphome du manteau et un réarrangement fréquent du gène Bcl-1.
L’évolution habituelle se fait vers la dissémination du lymphome
à petites cellules, et exceptionnellement vers la survenue d’une
prolifération à grandes cellules.
Un aspect endoscopique de polypose lymphomateuse ne correspond pas toujours à un lymphome du manteau, et ce diagnostic
ne peut être retenu qu’après l’étude histologique et immunohistochimique. Il peut en effet correspondre à une hyperplasie lymphoïde folliculaire, à la localisation d’une leucémie lymphoïde
chronique, exceptionnellement à un lymphome de type MALT ;
et, récemment, ont été décrites des observations de lymphome
folliculaire à petites cellules, avec une atteinte multiple alors
exclusive de l’intestin grêle.
Lymphomes de Burkitt et de type Burkitt
Les lymphomes de Burkitt, endémiques ou sporadiques, peuvent
être observés. Ils surviennent typiquement dans la région iléocæcale, chez l’enfant ou l’adulte jeune. Leurs caractères histologiques et immunohistochimiques sont identiques à ceux des lymphomes de même type de localisation ganglionnaire.
Autres lymphomes : les autres types de lymphomes ganglionnaires peuvent être observés dans le tube digestif, à titre tout à
fait exceptionnel, et posent d’autant plus la question du diagnostic différentiel avec la localisation secondaire d’un lymphome ganglionnaire. Nous citerons pour exemple les lymphomes folliculaires.
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LYMPHOMES DIGESTIFS T
Ils sont très rares et représentent moins de 5 % des LPTD. Ils siègent presque tous au niveau de l’intestin grêle, mais des localisations gastriques et plus rarement coliques ont été décrites (10, 11).
Lymphome T associé à une maladie cœliaque
Ce sont les plus fréquents des lymphomes T digestifs ; ils se développent dans l’intestin grêle où ils sont associés à une maladie
cœliaque. Ils sont dénommés communément EATCL (enteropathy associated T-cell lymphoma).
Leur particularité est d’infiltrer l’épithélium des villosités et des
glandes intestinales et d’avoir un phénotype particulier, ce qui a
suggéré une origine possible des cellules tumorales à partir de la
population des lymphocytes intestinaux intra-épithéliaux CD7+,
CD3+, CD5–, CD4–, CD8–, TiA1+ (granules cytotoxiques) et surtout HML1+ (CD103, anticorps reconnaissant les différentes souspopulations des lymphocytes intra-épithéliaux intestinaux). Ils
seraient développés à partir de cellules T activées cytotoxiques,
cellules qui ont été décrites dans l’épithélium des patients atteints
de maladie cœliaque.
Il s’agit d’un lymphome de haut degré de malignité, le plus souvent pléomorphe à grandes cellules, parfois à cellules moyennes
ou immunoblastiques.
De rares cas pourraient correspondre à un lymphome de faible
degré histologique de malignité, leur seule lésion correspondant
à une lymphocytose intra-épithéliale majeure, de phénotype anormal et présentant un réarrangement clonal T, ainsi que des anomalies cytogénétiques. Certains de ces cas correspondent à une
entité décrite récemment, la sprue réfractaire.
La signification de l’atrophie villositaire est imprécise. Si la maladie cœliaque est souvent associée à ce type de lymphome, elle
précède rarement le lymphome : dans la plupart des cas décrits,
le lymphome révèle la maladie intestinale. “Secondaire”, elle
pourrait être liée à l’action des cellules T malignes. De rares cas
de lymphomes T intestinaux sont révélés par un tableau de jéjunite ulcéreuse.
La présence de l’EBV a été démontrée, dans une seule étude,
dans 13 % de lymphomes T gastro-intestinaux (même pourcentage que celui observé dans les lymphomes T ganglionnaires et
pulmonaires).
Autres types de lymphomes T sans maladie cœliaque
Un deuxième type de lymphome T intestinal, plus rare encore,
comporte une association à une réaction éosinophilique importante.
Les tumeurs prédominent également au niveau de l’intestin grêle,
peuvent être multiples, parfois ulcérées, nécrosées, voire se révéler par une perforation. Les cellules tumorales sont souvent rares
et le diagnostic peut être difficile. La cytologie est polymorphe
avec des cellules de grande taille, parfois multinucléées.
D’autres types plus rares de lymphomes T intestinaux, sous forme
de cas isolés, ont été également décrits : lymphome intestinal immunoblastique T CD8 avec grains azurophiles intra-cytoplasmiques,
lymphome T intestinal à petites cellules de phénotype CD4+,
CD103–, sans maladie cœliaque associée et avec une atteinte diffuse essentiellement intra-muqueuse de l’intestin grêle.
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Tableau. Classification des lymphomes primitifs du tube digestif.
LYMPHOMES B
➪ De type MALT
Localisés
• Faible degré de malignité
• Grande malignité, avec ou sans contingent de faible
malignité
IPSID
• Faible degré de malignité
• Grande malignité, avec ou sans contingent de faible
malignité
➪ À cellules du manteau (polypose lymphomateuse)
➪ De Burkitt et de type Burkitt
➪ Autres, équivalents des lymphomes ganglionnaires
• Lymphome folliculaire
• Lymphome lymphocytique
• Lymphome B à grandes cellules
➪ Lymphomes associés à un déficit immunitaire
• Post-transplantation
• Acquis
• Congénital
LYMPHOMES T
• Lymphome T associé à une entéropathie (EATCL)
• Autres types, sans entéropathie
Types rares
(incluant les lésions pouvant simuler un lymphome)
Mots clés. Lymphome du MALT - IPSID - Lymphome T.
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