3/71. THEMATIQUE D 26/08/02 O S 14:43 S Page 74 I E R T H É M A T I Q U E Classification pratique des lymphomes primitifs du tube digestif ● A. Lavergne-Slove*, N. Brousse** P O I N T S F O R T S P O I N T S F O R T S ■ Diagnostic d’un lymphome digestif ➝ Biopsies suffisamment nombreuses ; ➝ Fixation des biopsies dans un milieu permettant l’immunohistochimie et la biologie moléculaire (congélation ou formol) ; ➝ Plus grande fréquence des lymphomes de phénotype B ➝ Lymphome B de l’estomac de type MALT, souvent associé à Helicobacter pylori ; ➝ Lymphome B à grandes cellules : le différencier du carcinome ; ➝ Lymphome T digestif : peut révéler une maladie cœliaque. es lymphomes digestifs comportent deux types de lymphomes : les lymphomes primitifs du tube digestif (LPTD) révélés par une symptomatologie digestive, sans localisation ganglionnaire superficielle antérieurement connue, localisés au tube digestif ou aux ganglions mésentériques, et les localisations digestives secondaires des lymphomes d’autres localisations, plus rares et de même forme histologique que la localisation primitive ; ils ne seront pas abordés ici. Les LPTD sont les plus fréquents des lymphomes extra-ganglionnaires. Les localisations préférentielles sont l’estomac (50 %), l’intestin grêle (30 %), le rectum et le côlon (20 %), et enfin l’œsophage. Les localisations multiples sont évaluées entre 10 et 20 % (1). Comme pour les lymphomes ganglionnaires, la classification repose sur la distinction entre lymphome B (LB) et lymphome T (LT), et entre lymphome de faible degré de malignité ou de grande malignité. Tous les types de lymphomes ganglionnaires ou presque peuvent être observés, mais certains sont plus fréquents et regroupés dans une classification pratique où rentrent en ligne de compte des entités anatomo-cliniques. Ils sont le plus souvent de phénotype B (95 % des cas). Une particularité de la classification des LPTD est de préciser s’il s’agit d’un LB de type“occi- L Services d’anatomie et de cytologie pathologiques. * Hôpital Lariboisière, Paris. ** Hôpital Necker-Enfants malades, Paris. 74 dental”, c’est-à-dire focal ou pluri-focal, ou, plus rarement sous nos climats, d’un lymphome dit “méditerranéen” ou IPSID “Immunoproliferative Small Intestinal Disease”, c’est-à-dire d’une atteinte diffuse d’un segment digestif, en règle de l’intestin grêle (2). La classification que nous expliciterons est celle d’Isaacson de 1999 (3), établie dès 1984, et depuis régulièrement réactualisée. Elle est fondée sur le concept de l’existence d’un tissu lymphoïde spécifiquement associé aux muqueuses : MALT (Mucosa Associated Lymphoid Tissue), à l’origine des LPTD (se reporter à l’article de P.G. Isaacson). En théorie “tout” LPTD provient du MALT. En pratique, on utilise le terme de lymphome “de type MALT” pour certains lymphomes B localisés, surtout celui de l’estomac. La classification du lymphome digestif se fait habituellement sur des biopsies réalisées au cours d’une exploration endoscopique. Avant d’étudier les différentes entités de la classification d’Isaacson, nous préciserons quelques détails pratiques concernant les biopsies. LES BIOPSIES Pour pouvoir classer un lymphome du tube digestif, le clinicien et le pathologiste doivent se soumettre à quelques règles précises. En effet, il est à l’heure actuelle indispensable de disposer de biopsies suffisamment nombreuses, prélevées et conservées ou fixées dans des conditions appropriées à l’application des techniques d’immunohistochimie (IHC), de biologie moléculaire, voire de cytogénétique. Des prélèvements fixés dans le formol à 10 % permettant éventuellement des études de biologie moléculaire, en particulier les techniques d’amplification (le liquide de Bouin meilleure qualité de la morphologie), ainsi que des prélèvements congelés dans l’azote liquide, à sec pour la biologie moléculaire ou dans du “Tissue Tek”, sorte de colle de préservation (pour IHC), doivent ainsi être réalisés. Abréviations • HFL : hyperplasie lymphoïde folliculaire • IHC : immunohistochimie • LLE : lésions lymphoépithéliales • MALT : mucosa associated lymphoid tissue • MCa : maladie des chaînes alpha La Lettre de l’Hépato-Gastroentérologue - no 2 - vol. III - avril 2000 3/71. THEMATIQUE 26/08/02 14:43 Page 75 Les prélèvements doivent être nombreux et concerner la tumeur, mais aussi la muqueuse digestive “normale” à distance. Une exploration endoscopique complète du tube digestif doit être réalisée systématiquement avec biopsies étagées, même en zone endoscopiquement normale. Il est, par exemple, indispensable, en cas de lymphome digestif T, d’étudier le duodénum par des biopsies systématiques, afin de rechercher une éventuelle maladie cœliaque patente ou latente. Des localisations multiples étagées dans le tube digestif peuvent être observées dans les lymphomes de type MALT et, a fortiori, font partie du diagnostic de polypose lymphomateuse. LYMPHOMES B Les lymphomes B sont les plus fréquents des lymphomes digestifs. Ils sont constitués d’une prolifération de petites ou de grandes cellules. Les problèmes diagnostiques sont alors différents : les proliférations à petites cellules posent plus souvent un problème de classification, voire de confirmation de malignité ; celles à grandes cellules peuvent poser le problème du diagnostic différentiel entre lymphome et carcinome. 1a Figure 1. Lymphome B de l’estomac de type MALT, à petites cellules. a. Aspect au faible grossissement : présence d’une hyperplasie lymphoïde folliculaire et d’un infiltrat dense de la muqueuse. b. Aspect au fort grossissement : présence de lésions lymphoépithéliales, infiltration de l’épithélium glandulaire par des cellules lymphoïdes de petite taille. 1b La Lettre de l’Hépato-Gastroentérologue - no 2 - vol. III - avril 2000 Lymphomes B à petites cellules Les lymphomes B à petites cellules doivent être distingués des hyperplasies lymphoïdes folliculaires (HFL) localisées. Dans l’estomac, l’HFL est associée à d’autres lésions, ulcère gastrique, gastrite chronique à Helicobacter pylori (H. pylori) ou réalise une gastrite folliculaire (4, 5). Dans l’intestin grêle, l’HFL localisée est rare ; et sur prélèvement biopsique, il convient de la différencier des plaques de Peyer. Dans le rectum, une HFL localisée s’observe chez l’enfant – où elle réalise un aspect de polype lymphoïde constitué de follicules lymphoïdes avec centres germinatifs – et chez l’adulte, dans les rectites ulcéreuses, les rectites lymphoïdes folliculaires et les rectums “exclus”. Dans toutes ces lésions lymphoïdes hyperplasiques, les follicules lymphoïdes ont un centre germinatif polytypique n’exprimant pas bcl-2. • Lymphome gastrique de type MALT, de faible malignité (figures 1a et b) : Ce sont les plus fréquents des lymphomes digestifs. Ce sont eux que l’on désigne couramment par “lymphome du MALT”. Ils sont presque toujours associés à une infection par H. pylori, et c’est l’efficacité du traitement par éradication du germe dans plus de 50 % des cas qui a récemment relancé tout l’intérêt de leur étude (6). Leurs caractères histologiques sont stéréotypés, associant une infiltration du chorion par des cellules lymphoïdes de petite taille, des lésions lympho-épithéliales constantes et une hyperplasie lymphoïde folliculaire : la muqueuse contient une population cellulaire dense faite d’éléments lymphoïdes de petite ou moyenne taille, les plus caractéristiques étant dits “centrocyte-like” ; elle est parfois monocytoïde ou d’aspect lymphocytaire. Les plasmocytes, souvent présents dans la zone superficielle du chorion, sont réactionnels, polytypiques dans deux tiers des cas. Dans le dernier tiers, ces plasmocytes sont monotypiques, exprimant la même chaîne légère d’immunoglobulines que la prolifération lymphoïde à petites cellules, traduisant dans ce cas une différenciation plasmocytaire de la prolifération cellulaire. La caractéristique de ce lymphome est la présence constante de lésions lympho-épithéliales (LLE). Elles sont définies par une infiltration et une destruction de l’épithélium des glandes et/ou des cryptes par les cellules centrocyte-like associées à des anomalies épithéliales, avec un épithélium dégénératif, éosinophile, en partie détruit. Elles reproduisent l’interaction existant entre le lymphocyte B et l’épithélium en regard des plaques de Peyer, à l’état normal. L’hyperplasie folliculaire lymphoïde (HFL), sous la prolifération lymphoïde centrocyte-like, est constante ; les follicules lymphoïdes peuvent être faciles à reconnaître, avec de volumineux centres germinatifs ; dans d’autres cas, progressivement infiltrés, colonisés et détruits par les cellules lymphoïdes tumorales, ils sont plus difficiles à individualiser, et un reste de centre germinatif ne signifie pas nécessairement un contingent lymphomateux de grandes cellules. Les études immunohistochimiques montrent le phénotype B (20+, CD79a+) de la population tumorale, permettent de préciser la nature tumorale (monotypique, Kappa ou Lambda) ou réactionnelle de la population plasmocytaire, de montrer l’absence 75 3/71. THEMATIQUE D 26/08/02 O S 14:43 S Page 76 I E R T d’expression de certains anticorps utiles au diagnostic différentiel avec d’autres lymphomes B à petites cellules (IgD, CD5, CD10, CD23), et surtout de mieux mettre en évidence les lésions lympho-épithéliales par l’étude des marqueurs épithéliaux, (anticorps anticytokératine). L’immunohistochimie est rarement nécessaire dans les cas typiques ; elle est utile pour mettre en évidence les lésions lympho-épithéliales. La recherche d’une monotypie est également utile dans les cas à différenciation plasmocytaire. Les techniques de biologie moléculaire avec amplification génique (PCR) peuvent permettre la mise en évidence rapide d’un réarrangement clonal des gènes des immunoglobulines, ce qui peut être un élément décisif du diagnostic sur des biopsies. Les anomalies cytogénétiques les plus fréquemment retrouvées dans les lymphomes de type MALT sont la trisomie 3 (50 à 60 %) et une translocation t (11, 18). Les lymphomes de faible malignité de type MALT évoluent lentement et restent longtemps confinés à la localisation initiale. Il n’y a pas d’urgence à traiter ce lymphome de façon agressive et, en cas de doute diagnostique sur une biopsie, il faut prendre le temps de réaliser d’autres biopsies, de compléter l’étude histologique par la recherche d’une population lymphoïde montrant un même réarrangement clonal de la chaîne lourde des Ig. L’éradication de H. pylori doit être la première étape thérapeutique, même si son efficacité est parfois longue à apparaître (plusieurs mois) et nécessite une surveillance endoscopique et biopsique prolongée. Si ce traitement s’avère insuffisant, il est alors nécessaire de proposer une chimiothérapie ou une gastrectomie totale, car les lésions sont habituellement multicentriques. L’évolution enfin peut aboutir au développement d’un lymphome B à grandes cellules, de haute malignité. • Lymphome de type MALT de faible malignité : autres localisations : elles peuvent survenir dans n’importe quel segment digestif mais sont plus fréquentes dans l’intestin grêle que dans le côlon ou le rectum, où elles sont exceptionnelles. Leur aspect est identique à celui des localisations gastriques, mais les lésions lympho-épithéliales, quoique présentes, apparaissent plus rares. Leur transformation en lymphome de grande malignité est plus fréquente que dans l’estomac, et leur pronostic moins bon, avec un taux de survie à 5 ans inférieur à 50 %. • Lymphome de type MALT de faible malignité : IPSID : les IPSID, exceptionnellement rencontrés sous nos climats, sont représentés essentiellement par la maladie des chaînes lourdes alpha (MCa), qui constitue un lymphome diffus de type MALT se développant habituellement dans l’intestin grêle. Ils représentent le premier exemple de l’efficacité d’un traitement antibiotique dans la rémission d’un lymphome, bien avant que le succès de l’éradication de H. pylori ait été reconnu dans les lymphomes localisés de l’estomac. La MCa, décrite en 1968, est une infiltration lymphoïde maligne de l’intestin grêle, diffuse, sans intervalle de muqueuse saine, caractérisée par la sécrétion d’une chaîne lourde alpha anormale, 76 H É M A T I Q U E dépourvue de chaîne légère. L’IPSID sera ultérieurement défini par l’OMS (1976) comme une infiltration lymphoïde diffuse de l’intestin grêle d’aspect similaire à celui observé dans la maladie des chaînes alpha, mais sans préjuger de la nature de l’immunoglobuline sécrétée ni du caractère bénin ou malin de la prolifération. Un des caractères histopathologiques essentiel de la MCa est l’atteinte de toute la longueur de l’intestin grêle, sans laisser d’intervalle de muqueuse saine. On décrit trois stades, de malignité croissante. Au stade A, l’infiltrat cellulaire est limité à la muqueuse et constitué de plasmocytes “matures”, plus rarement de lymphocytes. Dans la moitié des cas environ, des lésions similaires à celles décrites dans les formes localisées de lymphome de type MALT sont associées : foyers de prolifération de petites cellules centrocyte-like avec LLE et follicules lymphoïdes hyperplasiques. Le stade C est un lymphome de grande malignité, immunoblastique avec différenciation plasmocytaire, responsable de tumeur(s) ulcérée(s). Le stade B est intermédiaire : l’infiltrat atteint au moins la sous-muqueuse, les cellules plasmocytaires présentent d’importantes anomalies cytonucléaires et des immunoblastes peuvent être présents (7). Les lésions peuvent progresser ; les trois stades peuvent se succéder dans le temps et/ou s’observer simultanément dans le même segment digestif ou dans différents segments. Les ganglions mésentériques sont habituellement (mais pas toujours au stade A) atteints par la prolifération lymphoïde. L’IHC permet d’évoquer le diagnostic de MCa sur la présence dans les plasmocytes d’une chaîne lourde alpha, sans chaîne légère associée. Elles sont particulièrement intéressantes en cas de forme non sécrétante ou pour le suivi lorsque la chaîne lourde alpha n’est plus détectée dans le sang ou le liquide duodénal, alors que des cellules malignes résiduelles peuvent être retrouvées sur les prélèvements biopsiques (8). Lymphomes B à grandes cellules On distingue un peu artificiellement des lymphomes de haut grade de type MALT et “les autres”. On peut dire d’un lymphome de grande malignité qu’il possède les caractéristiques d’un lymphome de type MALT lorsqu’il existe un contingent lymphomateux de faible degré de malignité de type MALT, avec des LLE caractéristiques, ou bien un tropisme particulier des éléments tumoraux de grande taille pour les structures épithéliales, mimant des LLE à grandes cellules. Quoi qu’il en soit, la distinction entre ces deux formes ne semble présenter aucun intérêt pour le patient, et il est possible que certains lymphomes à grandes cellules soient simplement liés à la disparition du contingent de faible grade. Les lymphomes B à grandes cellules (centroblastiques et immunoblastiques) sont les plus fréquents des lymphomes primitifs digestifs. Leur diagnostic est le plus souvent facile, même sur prélèvements biopsiques : il s’agit d’une prolifération tumorale maligne détruisant la muqueuse, souvent largement ulcérée et constituée par un infiltrat lymphoïde dense, diffus, fait de cellules de grande taille, de type centroblastique ou immunoblastique avec de nombreuses mitoses (figures 2a et b). La Lettre de l’Hépato-Gastroentérologue - no 2 - vol. III - avril 2000 3/71. THEMATIQUE 26/08/02 14:43 Page 77 cellules activées dispersées ou formant des agrégats de moins de 5 cellules (9). 2a 2b Figure 2. Lymphome B de l’estomac à grandes cellules. a. aspect au faible grossissement : infiltration tumorale détruisant en partie la muqueuse. b. aspect au fort grossissement : l’infiltration tumorale est faite de cellules lymphoïdes de grande taille. Lorsque le diagnostic posé est celui d’une tumeur maligne indifférenciée, l’immunohistochimie le confirme facilement grâce à l’utilisation de l’anticorps dirigé contre l’antigène commun leucocytaire (CD45 RA), exprimé à la surface des cellules lymphoïdes, alors que les anticorps anticytokératine (KL1) marquent les cellules épithéliales tumorales des carcinomes. Les lymphomes de haut grade ont par ailleurs les mêmes caractères IHC que ceux de bas grade ; on y met plus souvent en évidence des immunoglobulines cytoplasmiques. Il arrive fréquemment que des grandes cellules soient observées au sein d’une prolifération B à petites cellules, et la frontière entre lymphome de faible degré de malignité et de haut grade de malignité est quelquefois difficile à établir. Il n’y a pas à l’heure actuelle de véritable consensus sur le nombre et la répartition des grandes cellules. De Jong et coll. proposent un grading des lymphomes gastriques du MALT en fonction du nombre et de l’agencement des grandes cellules lymphoïdes activées. Ils montrent que les lymphomes de bas grade contenant 1 à 10 % de cellules activées, souvent agencées en amas n’excédant pas 20 cellules, sont significativement de plus mauvais pronostic que les lymphomes contenant moins de 1 % de La Lettre de l’Hépato-Gastroentérologue - no 2 - vol. III - avril 2000 Lymphomes à cellules du manteau, polypose lymphomateuse Les lymphomes à cellules du manteau de localisation digestive réalisent l’aspect caractéristique d’une polypose lymphomateuse. Ils représentent moins de 10 % des LPTD. Deux entités peuvent être distinguées, la polypose lymphomateuse primitive vraie et la localisation digestive d’un lymphome du manteau ganglionnaire. L’aspect endoscopique est celui d’une polypose digestive, avec polypes multiples, disséminés dans un ou, typiquement, plusieurs segments du tube digestif. L’atteinte de l’intestin grêle et des ganglions mésentériques est quasi constante. La maladie est souvent découverte au stade IV, avec une atteinte médullaire dans les deux tiers des cas environ. L’aspect histologique est stéréotypé : les cellules tumorales sont de petite taille, avec un noyau clivé, un cytoplasme peu abondant ; elles sont parfois groupées en nodules, classiquement sans lésion lympho-épithéliale. L’IHC montre un phénotype caractéristique: les cellules lymphomateuses expriment les marqueurs des cellules B (CD20), une immunoglobuline de surface de type IgM, et IgD, l’antigène CD5 (marqueur habituel des cellules T), et la cycline D1. Elles n’expriment ni CD10 (CALLA) ni CD23. L’antigène CD5 peut être mis en évidence sur un prélèvement fixé et inclus en paraffine (2). Les études de biologie moléculaire ont montré les mêmes anomalies que celles observées dans les lymphomes du manteau, c’est-à-dire une translocation 11;14 (JH/bcl-1), soulignant le lien biologique entre polypose lymphomateuse et lymphome du manteau et un réarrangement fréquent du gène Bcl-1. L’évolution habituelle se fait vers la dissémination du lymphome à petites cellules, et exceptionnellement vers la survenue d’une prolifération à grandes cellules. Un aspect endoscopique de polypose lymphomateuse ne correspond pas toujours à un lymphome du manteau, et ce diagnostic ne peut être retenu qu’après l’étude histologique et immunohistochimique. Il peut en effet correspondre à une hyperplasie lymphoïde folliculaire, à la localisation d’une leucémie lymphoïde chronique, exceptionnellement à un lymphome de type MALT ; et, récemment, ont été décrites des observations de lymphome folliculaire à petites cellules, avec une atteinte multiple alors exclusive de l’intestin grêle. Lymphomes de Burkitt et de type Burkitt Les lymphomes de Burkitt, endémiques ou sporadiques, peuvent être observés. Ils surviennent typiquement dans la région iléocæcale, chez l’enfant ou l’adulte jeune. Leurs caractères histologiques et immunohistochimiques sont identiques à ceux des lymphomes de même type de localisation ganglionnaire. Autres lymphomes : les autres types de lymphomes ganglionnaires peuvent être observés dans le tube digestif, à titre tout à fait exceptionnel, et posent d’autant plus la question du diagnostic différentiel avec la localisation secondaire d’un lymphome ganglionnaire. Nous citerons pour exemple les lymphomes folliculaires. 77 3/71. THEMATIQUE D 26/08/02 O S 14:43 S Page 78 I E R T LYMPHOMES DIGESTIFS T Ils sont très rares et représentent moins de 5 % des LPTD. Ils siègent presque tous au niveau de l’intestin grêle, mais des localisations gastriques et plus rarement coliques ont été décrites (10, 11). Lymphome T associé à une maladie cœliaque Ce sont les plus fréquents des lymphomes T digestifs ; ils se développent dans l’intestin grêle où ils sont associés à une maladie cœliaque. Ils sont dénommés communément EATCL (enteropathy associated T-cell lymphoma). Leur particularité est d’infiltrer l’épithélium des villosités et des glandes intestinales et d’avoir un phénotype particulier, ce qui a suggéré une origine possible des cellules tumorales à partir de la population des lymphocytes intestinaux intra-épithéliaux CD7+, CD3+, CD5–, CD4–, CD8–, TiA1+ (granules cytotoxiques) et surtout HML1+ (CD103, anticorps reconnaissant les différentes souspopulations des lymphocytes intra-épithéliaux intestinaux). Ils seraient développés à partir de cellules T activées cytotoxiques, cellules qui ont été décrites dans l’épithélium des patients atteints de maladie cœliaque. Il s’agit d’un lymphome de haut degré de malignité, le plus souvent pléomorphe à grandes cellules, parfois à cellules moyennes ou immunoblastiques. De rares cas pourraient correspondre à un lymphome de faible degré histologique de malignité, leur seule lésion correspondant à une lymphocytose intra-épithéliale majeure, de phénotype anormal et présentant un réarrangement clonal T, ainsi que des anomalies cytogénétiques. Certains de ces cas correspondent à une entité décrite récemment, la sprue réfractaire. La signification de l’atrophie villositaire est imprécise. Si la maladie cœliaque est souvent associée à ce type de lymphome, elle précède rarement le lymphome : dans la plupart des cas décrits, le lymphome révèle la maladie intestinale. “Secondaire”, elle pourrait être liée à l’action des cellules T malignes. De rares cas de lymphomes T intestinaux sont révélés par un tableau de jéjunite ulcéreuse. La présence de l’EBV a été démontrée, dans une seule étude, dans 13 % de lymphomes T gastro-intestinaux (même pourcentage que celui observé dans les lymphomes T ganglionnaires et pulmonaires). Autres types de lymphomes T sans maladie cœliaque Un deuxième type de lymphome T intestinal, plus rare encore, comporte une association à une réaction éosinophilique importante. Les tumeurs prédominent également au niveau de l’intestin grêle, peuvent être multiples, parfois ulcérées, nécrosées, voire se révéler par une perforation. Les cellules tumorales sont souvent rares et le diagnostic peut être difficile. La cytologie est polymorphe avec des cellules de grande taille, parfois multinucléées. D’autres types plus rares de lymphomes T intestinaux, sous forme de cas isolés, ont été également décrits : lymphome intestinal immunoblastique T CD8 avec grains azurophiles intra-cytoplasmiques, lymphome T intestinal à petites cellules de phénotype CD4+, CD103–, sans maladie cœliaque associée et avec une atteinte diffuse essentiellement intra-muqueuse de l’intestin grêle. ■ 78 H É M A T I Q U E Tableau. Classification des lymphomes primitifs du tube digestif. LYMPHOMES B ➪ De type MALT Localisés • Faible degré de malignité • Grande malignité, avec ou sans contingent de faible malignité IPSID • Faible degré de malignité • Grande malignité, avec ou sans contingent de faible malignité ➪ À cellules du manteau (polypose lymphomateuse) ➪ De Burkitt et de type Burkitt ➪ Autres, équivalents des lymphomes ganglionnaires • Lymphome folliculaire • Lymphome lymphocytique • Lymphome B à grandes cellules ➪ Lymphomes associés à un déficit immunitaire • Post-transplantation • Acquis • Congénital LYMPHOMES T • Lymphome T associé à une entéropathie (EATCL) • Autres types, sans entéropathie Types rares (incluant les lésions pouvant simuler un lymphome) Mots clés. Lymphome du MALT - IPSID - Lymphome T. R É F É R E N C E S B I B L I O G R A P H I Q U E S 1. Isaacson P.G., Wright D.H. Extranodal malignant lymphoma arising from mucosa associated lymphoid tissue. Cancer 1984 ; 53 : 2515-24. 2. Solal Céligny P., Brousse N., Fermé C. et coll. Les lymphomes. 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